Google
This is a digital copy of a book thaï was prcscrvod for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project
to make the world's bocks discoverablc online.
It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject
to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books
are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that's often difficult to discover.
Marks, notations and other maiginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book's long journcy from the
publisher to a library and finally to you.
Usage guidelines
Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to
prcvcnt abuse by commercial parties, including placing lechnical restrictions on automated querying.
We also ask that you:
+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for
Personal, non-commercial purposes.
+ Refrain fivm automated querying Do nol send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine
translation, optical character récognition or other areas where access to a laige amount of text is helpful, please contact us. We encourage the
use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help.
+ Maintain attributionTht GoogX'S "watermark" you see on each file is essential for informingpcoplcabout this project and helping them find
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it.
+ Keep it légal Whatever your use, remember that you are lesponsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other
countiies. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can'l offer guidance on whether any spécifie use of
any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner
anywhere in the world. Copyright infringement liabili^ can be quite severe.
About Google Book Search
Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps rcaders
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full icxi of ihis book on the web
at|http: //books. google .com/l
Google
A propos de ce livre
Ceci est une copie numérique d'un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d'une bibliothèque avant d'être numérisé avec
précaution par Google dans le cadre d'un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l'ensemble du patrimoine littéraire mondial en
ligne.
Ce livre étant relativement ancien, il n'est plus protégé par la loi sur les droits d'auteur et appartient à présent au domaine public. L'expression
"appartenir au domaine public" signifie que le livre en question n'a jamais été soumis aux droits d'auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à
expiration. Les conditions requises pour qu'un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d'un pays à l'autre. Les livres libres de droit sont
autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont
trop souvent difficilement accessibles au public.
Les notes de bas de page et autres annotations en maige du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir
du long chemin parcouru par l'ouvrage depuis la maison d'édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains.
Consignes d'utilisation
Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages apparienani au domaine public et de les rendre
ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine.
Il s'agit toutefois d'un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les
dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des
contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées.
Nous vous demandons également de:
+ Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l'usage des particuliers.
Nous vous demandons donc d'utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un
quelconque but commercial.
+ Ne pas procéder à des requêtes automatisées N'envoyez aucune requête automatisée quelle qu'elle soit au système Google. Si vous effectuez
des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer
d'importantes quantités de texte, n'hésitez pas à nous contacter Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l'utilisation des
ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile.
+ Ne pas supprimer l'attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet
et leur permettre d'accéder à davantage de documents par l'intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en
aucun cas.
+ Rester dans la légalité Quelle que soit l'utilisation que vous comptez faire des fichiers, n'oubliez pas qu'il est de votre responsabilité de
veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n'en déduisez pas pour autant qu'il en va de même dans
les autres pays. La durée légale des droits d'auteur d'un livre varie d'un pays à l'autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier
les ouvrages dont l'utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l'est pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afficher un livre sur Google
Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous
vous exposeriez en cas de violation des droits d'auteur peut être sévère.
A propos du service Google Recherche de Livres
En favorisant la recherche et l'accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le français, Google souhaite
contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet
aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer
des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adressefhttp: //book s .google . coïrïl
i
h.
i
# ' » • \
REVUE
DES
DEUX MONDES
QUATRIEME SÉRIE
IMPRIMERIE DE H. FOURNIBR ET C"*,
KVB DE SBIHB, il BU.
REVUE
DES
DEUX MONDES
TOME VINGT-TROISIÈME
QUATRIÈME SÉRIE
PARIS
AU BUREAU DE LA REVUE DES DEUX MONDES
BUE DBS BEAUX-ABTS, 10
18(^0
J'\ *' 1
< (
V ,
' 1-' ,
i l
' J
-- l .' '
COLOMBA
»o«
Povera , orfana , zitella ,
Senza engin! carnali ! -•
Ma per far la to findetta*
Sla siguru , Tasta anche ella.
(CompWfile ftm^ftfv dM Niolo.)
Dans les premiers jours du mois d'octobre 181., le colonel sir
Thomas Nevil, Irlandais, officier distingué de Tarmée anglaise, des-
cendit avec sa fille à Thôtel Beanveau, à Marseille, de retour d'un
voyage en Italie. L'admiration continue des voyageurs enthou-
siastes a produit une réaction, et, pour se singulariser, beaucoup de
tourMes aujourd'hui prennent pour devise le nil admirari d'Horace.
C'est à cette classe de voyageurs mécontens qu'appartenait miss
Lydia, fille unique du colonel. La Transfiguration lui avait paru mé-
diocre , le Vésuve en éruption à peine supérieur aux cheminées des
usines de Birmingham. En somme, sa grande objection contre l'Italie
étittt que ce pays numquait de couleur locale, de caractère. Explique
qui pourra le sens de ces mots que je comprenais fort bien il y a
«pielques années, et que je n'entends plus aujourd'hui. D'abord miss
Lydia s'était fiattée de trouver Ki-4dà des Alpes des choses que per-
flomie n'aurait vue» avant elle, et dont elle pourrait parler «c avec ki
honnêtes gens^ » comme dît M. Jourdain. Mais bientôt, partoat d^
▼ancée par ses compatriotes , et désespérant de rencontrer rien d'in*
connu, elle se jeta dans le parti de l'opposition. Il est bien désagréa-
ble, en efTet, de ne pouvoir parler des merveilles de THalie sans que
quelqu'un ne vous dise : « Vous connaissez sans doute ce Raphaël du
palais ***, à *•*? C'est ce qu'il y a de plus beau en ItaKe. n Et c'est
justement ce qu'ojfî a léfpig^d^ vçifr. Cornue il «ttr^p long de tout
voir, le plus s^||^ c'fs^ de Iwt c^n^ayii^r 4^ feijsXi 4)ris.
A l'hôtel Beauveau, miss Lydia eut un amer désappointement. Elle
rapportait un joli croquis de la porte pélasgique ou cyclopéenne de
Segni , qu'elle croyait oubliée par les dessinateurs. Or, lady Frances
Fenwick , la rencontrant à Marseille, lui montra son album , où , entre
un sonnet et une fleur desséchée, ftguratt la porte en question , enlu-
minée à grand renfort de terre de Sienne. Miss Lydia donna la porte
de Segni à sa femme de chambre, et perdit toute estime pour les
constructions pélasgiques.
Ces tristes dispo^Uons étajeojt pj9^tagées par le colonel Nevil, qui,
depuis la mort (la^ feiXMI^,. «/& \&fa\i les choses que par les yeux de
miss Lydia. Pom \m^ l'Italie avait le tort immense d'avoir ennuyé sa
fille, et par conséquent c'^it te plus ennuyeux pays du monde. Il
n'avait rie» àdire^ ttest vrai, contre les tableaux et les statues; mais
ce qu'il pouvait assurer, c'est que la chasse était misérable dans ce
pays-là , et qu'il fallait faire dix lieues au grand soleil dans la cam-
pagne de Rome pour tuer quelques méchantes perdrix rouges.
Le lendemain de son arrivée à Marseille, il invita à dîner le capî*
ttMi^fiW^^ sM) loeien «^ndanl, qui venait de pasaeif sis sfwaines
4ip^Coss&> i^ecaîNÉabie racoqjba finit Mme miss hyâià une Matoite de
i^ftil4ita 9H atvait le mérite de œ nasflendiiftn nuHemnnfe ans biitoipta
4i^i(0)9«r&dmjb 00 l'a^^t siaoïwflnt nntialnwy sur h Boule de Itowa
èi NpfKlea. Au éMWvt, Isa deux hpmœei., nealés seuls aneo dfts. be»«
tmltm.4& vin. d» Bordeaux , paièinanl chasatv olj letolonel apprit qu'i
a'y a pa&dapviTs oà éÊ^smh phis beli|e>q«b'en (Doim, plus, vari^, |rius
al|onitaa(te% -m On y ^aift fi^^Eoe^sangiierfr, disait lecapÛaiBe BUis^ q^'i
iNit appmad^ à dîalisgaef > dsa o«clionsi ^MuealîqMft, qui: teiar 9M^
aOiAlMl d-un» «mière étouaat^iy «ar, en. tuaat u^ cochon^ Ko»»
ivfk Ufm wmmmtt afirire «vec leui& gaodien^ Hs aoiitent d'u» tailia
qHrih iHMOniMd mégoUi, aon^ JMpqafaw éonte^ se ibaÉ f»fm*le$Êm
Mtes et se roaqueot ^ ¥ou^ Ymis. ave» enqofe le rnouAM, finit
i(iapfa»ankmi:<pi)'oB.^^Uowapaa8iUiMii», fiNMVi^gihifiB, meé&cyifl-
Icile. Gerfs^ daims, fimins^ penfeieau^, ja«Miî&o»st pewnifc
patron , se chargeait de le loger dans un coin où Ton ne s'aperce-
vrait pas de sa présence.
Le «colonel et miss Nevil trouvèrent singulier qu'il 7 eût eh Corse
des famillÉs où Von fût ainsi taporal de père en fils; mais comme ib
pensaient pieusement qu^l s'agissait d'un caporal d'infanterie, ils
eonduiient que cTéttaiit quelque pauvre diable que le patron voulait
emmener {iav charité. S'il se fût agi d'un officier, on eût été obligé
de lui parler, As vivre avec lui; mais, avec un caporal, il n'y a pas à
se gènçr, et^^êst un être sans conséquence lorsque son escouade n'est
pas là, Miomictte au bout du fusil , pour vous mener où vous n'avez
pas enviied'iJiUer.
— Yoirei patent a^-U le mal de mer? deiMrida misis 'Nevil d'un
tenseci
— Jamais, mademoiselle. Le cœur ferme comme un ro6,' sur mer
comme sur terre.
— Eh bien ! vous pouvez l'emmener, dit-elle.
— Vous pouvez l'emmener, répéta le colonel , et ils continuèrent
leur promenade.
Vere cinq heures du soir, le capitaine Matei vint les chercher pour
monter à bord de la goélette. Sur le port, près de la yole du capi-
taiiie« ils trouvèrent un grand jeune homme vêtu d'une redingote
bleue boutonnée jusqu'au menton , le teint basané , les yeux noirs,
vife,.lâeaiendus, l'air franc et spirituel. A la manière dont il effaçait
les^épaides, à sa petite moustache frisée, on reconnaissait facilement
utt milUaire; car à cette époque les moustaches ne couraient pas les
nies, et la garde nationale n'avait pas encore introduit dans toutes
les fanriDes la tenue avec les habitudes de corps-de-garde.
Le jeune homme ôta sa casquette en voyant le colonel, et le
remercia sans embarras et en bons termes du service qu'il Im' rendait.
— Charmé de vous être utile , mon garçon , dit le colonel en lui
faisant un signe de tête amical ; et il entra dans la yole.
— Il est sans gène, votre Anglais, dit tout bas en italien le jeune
homme au patron.
Celui-ci plaça son index sous son œil gauche et abaissa les deux
coins de sa bouche; Pour qui coiâprend* te tangage déâ signes, cela
voulait diœ 4|ue f Ariglais «ntèndait rttalieti ^et que c'était un homme
bizarre. Le jepne homme sd&ril tégèremenit, toucha son firent en
répmse au sîgie deMhteivmmme'poâ^ lui dire que tous les Anglais
avaient iqueHpie'tihoarf dV^ tnmrs? daÉS la tète, ptiis U s*assit auprès
>
8 RBVUB DBS DEUX MONDES.
pandit corse qui nous a servi de goMev — Gomment! tous avez été
en Corse?—
Les bateaux à vapeur n'existant point encore entre la Franee et 1»
Corse^ on s'enquit d'un navire en partanee pour l'Ue quemifis Lylia
se prpposait de découvrir. Dès le jour mteie, le oolaneè écrivit à
Paris pour déconunander l'apputemeet qui devait le -teccf^oir^' et fit
marché avec le patron d'une goëlette corse qui allait Suie voile pour
Âjaccio. Il y avait deux chambres telles quelles* On emfaaiqoa des-
provisions; le patron jura qu'un vieux sien matelot étiit mû cqjsinief
estimable et n'avait pas son pareil pour la bouflletakaissô; il promit
que mademoiselle serait convenablement, qu'^elle munà koà ventât
belle mer. En outre, d'après les volontés de sa fille, le. o61oDel stipula
q;i|eJecaBitawe,n(^,pf)9Ôdrait aucun passager, et qu'il sfamngerait
pour raser les côtes de l'île de façon qu'on pût jouir de la vue^lea
monti^gçeai,,, , j. .,..i-,. . . •
rUh i<' M
IL
Au jour fixé pour le jd^pfirt, tout était embaHé, etthérqué- dès 4e
matin : la goëlette devait partir avec la brise du soir. En attetidant^'le'
colonel se promenait avec sa fille dans la Canebière, lorsque IcpatM» ^
l'aborda pour lui demander la permission de prendre i soa boM^uai''
de ses parens» c'est-à-dire le petit cousin du parrain de^son fiis aîné-,' ^
lequel retournant en Corse, son pays natal, pour aCGnres presuntes, •
ne pouvait trouver de navire pour le passer. — C'est un efaarmaiit gar-
çon, ajouta le capitaine Matei, militaire, officier aux chasseurs à fueA
de la garde, et qui serait déjà colonel si l'autre était encore empereiir«
— Puisque c'est un militaire, dit le colonel... il allait ajouter : Je
consens volontiers à ce qu'il vienne avec nous. Hais miss LytKa
s'écria en anglais :
— Un officier d^iufapt^ie I (9on père ayant servi dans la cavalerie^
elle avait du mépris pp«r . toi|tei autre arme,) un homme sans éduca-
tion peut-être, qui aura le mal de mer, et qui nous gâtera to«C le
plaisir de la traversée 1. . . •, i
Le patron n'eotendiûll'pasiiiot m^A d'<a6|^^ mais ilçàrst èom^'
prendre ce quoi^wt jppvisf Ly4Î94 la.pBt«tf;DiQttô4e^sa )0|ieJ>du(diëi
et il commei^ça U9 élQge w.liQi^.pQJi4a4e soitfMiént^iqufil
en as9un^tqu^ o'é^.wlioiiuw^ti^jeomQleJililart
de 0apof:a^ff9 et qu!U ne.gi^iianÂttenimiDMl leoUonol^arikiJt
patron , se chargeait de le loger dans un coin où Ton tte s'aperce-
nait pas de sa présence.
Le H^ohmel et miss Nevil trouvèrent singulier qu'il y eût en Corse
des famillÉs oi l'on fût ainsi taporal de père en fils; mais comme ili^
pensaient pieusement quti s'agbsait d'un caporal d'infonterie, ils
eoncluilent que cfétUt quelque pauvre diable que le patron voulait
emmener pat cbarité. S'il se tdt agi d'un officier, on eût été obligé
de Ittipcffler, As vivueavec lui; mais, avec un caporal, il n'y a pas à
se gènçr, etiv'est unétre sans conséquence lorsque son escouade n'est
pas là, iMMbmictte au bout du fusil , pour vous mener où vous n'avez
ptts envife d'iUlen
-*- Yotre parent a^-U le mal de mer? demàrida miss Nevil d'un
toBseCi- : - ■ - ..t .M .'.. ^, . -.
— Jamais, mademoiselle. Le cœur ferme comme un ro6V sur mer
comme sur terre.
— Eh bien I vous pouvez l'emmener, dit-elle.
— Vous pouvez l'emmener, répéta le colonel , et ils continuèrent
leur promenade.
V^s cinq heures du soir, le capitaine Màtei vint les chercher pour
monter à bord de la goélette. Sur le port, près dé la yole du capi-
tajne; ils trouvèrent un grand jeune homme vêtu d'une redingote
bkue boutonnée jusqu'au menton, le teint basané, les yeux noirs,
vil^biea fendus; l'air franc et spirituel. A la manière dont il effaçait
les^épaules, à sa petite moustache frisée, on reconnaissait facilement
un miMatre; car à cette époque les moustaches ne couraient pas les
rue», et la garde nationale n'avait pas encore introduit dans toutes
les famiHes la tenue avec les habitudes de corps-de-garde.
I^ jeune homme ôta sa casquette en voyant le colonel, et le
remercia sans embarras et en bons termes du service qu'il lui rendait.
— Charmé de vous être utile , mon garçon , dit le colonel en lui
faisant un signe de tète amical ; et il entra dans la yole.
— il est sans gène, votre Anglais, dit tout bas eA italien le jeune
horome au patron.
Celui-ci plaça son index sous son œil gauche et abaissa les deux
coins de sa bouche^ Pour qui comprend' le^ tangage dès signes, cela
voubitdiDe 4|ue fAnglateMlèndaitlItalieti^et que c'était un homme
bizarre. Le jefine. homme s<Airft légèrement, toucha son firent en
répmie au.fligÀe teMàtelvcumiue 'pM^ lui dire que tous les Anglais
avai^t tfuel^&tihoafl dtf tnmrs' dans ia tête, puis U s*assit auprès
8 RBVUB DBS DEUX MONDES.
iMuidit corse qui nous a servi de •goMe^ — Gomment! tous avez été
en Corse?.*. .
Les bateaux à vapeur n'existant point encore entre la Fniner etl»
Gorse^ on s'enquit d'un navire en partance pour TUe que mifis Lylia
se prpposait de découvrir. Dès le jour mteie, le oolaneè écrivit à
Paris pour décommander l'appartement qui devait le-fecevoir^ >etflt
marché avec le patron d'une goélette corse qui allait like voile pour
Âjaccio. Il y avait deux chambres telles quelles^ On emfaaiqoa des
provisions; le patron jura qu'un vieux sien matelot état mû cqjsinief
estimable et n'avait pas son pareil pour la bouflletakaissô; il'promlt'
que mademoiselle serait convenablement, qu'-elie Mmit hoà vent^i
belle mer. En outre, d'après les volontés de sa fille, le. ctiloiiel stipula
que lecapitsiine.nçt.pi^drait aucun passager, et qu'il sfamngerait
pour raser les côtes de l'Ile de façon qu'on pût jouir de la vue ^tea
mo^tag^eal•,, , , „,,,.. i «
r»Mt le il
IL
Au jour fixé pour, le id^purt, tout était embaHé, eadriorqué' dès 4e
matin : la goélette devait partir avec la brise du soir* En attendant ^ le *
colonel se promenait avec sa fille dans la Canebiàre, lorsque IcpatM»' •
l'abtorda pour lui demander la permission de prendre è'Soa botd>iiiilt'
de ses parens, c'est-à-dire le petit cousin du parrain de ^son fits^alné- ' ^
lequel retournant en Corse, son pays natal, pour aCGrirespreÉbantes; •
ne pouvait trouver de navire pour le passer. — C'est un diarmai* gap-
çon, ajouta le capitaine Matei, militaire, officier aux chasseurs à pied
de la garde, et qui serait déjà colonel si l'autre était encore empereiln
— Puisque c'est un militaire, dit le colonel... il allait ajontier : Je
consens volontiers à ce qu'H vienne avec nous. Hais miss Lydie
s'écria en anglais :
— Un officier d'infapt^ I (9on père ayant servi dans la cavalerie^
elle avait du mépris pp«r.toi|te autre arme,) un homme sans éduca-
tion peut-être, qui aura le mal de mer, et qui nous gâtera to«C le
plaisvde latray^rséel. . . • • .) - - ■
Le patron n'eotefMtmfcrpasiimi mfitd'Aftf^v mais-iLçàrst èom^
prendre ce quoi^wt j^isf Ly4Wii la:pBt«tfiDiotiô Je^sa joilpeJxtuMiëi
et il commei^ça m élQge W«tooi^>pQJi4a<ie'Soaf)«iént^ q^^^^
en assurant qu^ o'é^.un Jionvm/trèftieoiwieiiiiliMl, îhmûifiméÊia
de caporaMff, et qu^'il ne.gftRanÂttenifkiD Ml leoèlonoli «êr^krit
e-
A- l
patron, se chargeait de le loger dans un coin où Fon ne 's'aperc
vtait pas de sa présence. '
Leîcobnel et miss Nevil trouvèrent singulier qu'il y eût en Corse
des femillÉs où Ton fût ainsi icaporal de père en fils; mais comme iîi^
pensaient pieusemlent qu'il s'agissait d'un caporal d'infanterie, ils
eoncluiient que «féttaiit quelque pauvre diable que le patron voulait
emmener par cbarité. S'il se tdt agi d'un officier, on eût été obUgé
de lui parler, ^ vivi^ avec lui; mais, avec un caporal, il n'y a pas à
se gën^r^ eto'éstunétre sans conséquence lorsque son escouade n'est
pas là, iMiiolmette au bout du fusil , pour vous mener où vous n'avez
pas envik d'âUerj
-- Yotre parent a^-il le mal de mer? demarida miss 'Névil d'un
tonseci : ■; . ' ■''''' " "'" ' ' "■
— Jamais, mademoiselle. Le cœur ferme comme un ro6V sur mer
comme sur terre.
— Eh bien 1 vous pouvez l'emmener, dit-elle.
— Vous pouvez l'emmener, répéta le colonel, et ils continuèrent
leur promenade.
Vers cinq heures du soir, le capitaine Màtei vint les chercher pour
monter à bord de la goélette. Sur le port, près de la yole du capi-
teine; Hs trouvèrent un grand jeune homme vêtu d'une redingote
bleue boutonnée jusqu'au menton, le teint basané, les yeux noirs,
viffibient fendus; l'air franc et spirituel. A la manière dont il effaçait
les^épaules, à sa petite moustache frisée, on reconnaissait facilement
UR miKtaire; car à cette époque les moustaches ne couraient pas les
riies^ et la garde nationale n'avait pas encore introduit dans toutes
les familles la tenue avec les habitudes de corp»-de^-garde.
Le jeune homme ôta sa casquette en voyant le colonel, et le
remercia sans embarras et en bons termes du service qu'il lui rendait.
— Charmé de vous être utile , mon garçon , dit le colonel en lui
faisant un signe de tête amical ; et il entra dans la yole.
— U est sans gêne, votre Anglais, dit tout bas en italien le jeune
homme au patron.
Celui-ci plaça son index sous son œil gauche et abaissa les deux
coins de sa bouche* Pour qui coiâprend' lé^ langage deâ signes, cela
vouMtdine ipie l'Anglais étendait lltalieti *et que c'était un homme
bizarre. Le jefine- homme sciurft légèrement, toucha soh front en
repose au fligie deMhteivcomme'pM^ lui dire ^e tous les Anglais
avaient iquel^^ofaoaÉ dtf Uwrers: dons la tête, ptiis U s*assit auprès
10 REVUE DSP^ WW^ MONDES.
tinence, sa jolie eompagne de voyage.
-^ 11^ qi4 bopn^ touriMare, oes^seU^ti QBMfaîa, dk 1^ oaldiei à sa
fUft «ta ai^Mp ; afts^ m ^tr-op> Ausiteioeaft des officiera.
&fÎ8^ s;(l4f«ss«iit ea ftwcaisr a« jeune bovme :
-r^ Dite^^oi., qapfi bime, daasquel régimeatave^vous^sem?
Celtt^i donoa m tégier coup de coude au père du filleul de son
potit cou«|ift, et, compriniaBtuD sourire irooiqiie, répondit qu'il avait
élé dans tes qbasseurs à pied de la garde, et que présentenent il
spirtait du 7"''' lég^*
— Est-ce que vous avez été à Waterloo? Vous étea biea jeune*
-r- KaaNioa, mon coMel ; c'est ma seule campagne.
— Elle compte double, dit le colonel.
L^ jewe GQcse se mordit les lèvres.
— Papa, dit miss Lydia en anglais, demandez-lui donc si les Corses
aiment beaucoup lemr Bonaparte.
Autant qii^ le eolwel eût traduit la question en français , le jeune
homme répondit en assez bon anglais, quoique avec ua accent pro-
pane:
— Vo^asavez^ mademoiselle, que nul n'est prophète en son pays.
Noo^ autres compatriotes de Napoléon, nous l'ain^ons peut-être
^loins.qpie Ifs Français.. Quaat à moi, bien que ma bmille ait été
autrefq^ r^unemie de la sienne, je l'aime et l'admire.
-T-VouspadezanglaisI s'écria le colonel,
-^ Eort v^r comme vous pouvez vous en apençevoir.
Biep qu'un peu choquée de son ton dégagé, miss Lydia ne put
s'empêcher de rire en pensant à. une inimitié personnelle entre un
caporal et un empereur. Ce lui fut comme un avantr-goAt des singu-
larités 4ef la Corse, et eUe se promit de noter le trait sur son journal.
— Fei4*^e ayez-vous été prisonnier en Angleterre? demanda le
colonel.
— Nw, m^n colonel. J'aî appris l'anglais en France, tout jeune,
d'un prisonnier de votre nation.
Fqî^» s'adr^ssant, à miss Nevil :
— Matei m'a dit que vous reveniez d'Italie. You^ parlez sans doute
le ppv toscau, ipad^en^iseUe-,. vous serez m» peu «mharrassée, je le
crains pour compsendre notre patois.
— Ma fiUe enteiad tau3 les patois italiens* répondit le. culoo^; efle
a,lçi dcp^ det I|»|i9Ai?s- ^ ^'^^ P^ comme mci.
de nos chansons corses? C'est un berger (|iit dit à utté tefgèt-é :
S'entraflsi *n<)ru Paradisti, santu^ santu,
Ë ntUn tnivassi à tla, mt n^esdria (1).
Afi» LydW comprit, et tmnvant la dtàUéci aiidAdi^ttfte, et ^
encore le fiâgard qui Vat^isompàgnail^ mé tèf^Att tn Hû0mSM :
GêpitvBi
^^ Et vous retôuriieK dffiis votre pajrB eu seUiestHg? demau^ te
colonel.
^ Non^ moD colotieli lis m'ont mfé en detnlniold^^ prol>àblénient
parce que j'ai été à Waterloo et que je suii compatriote de Napoléon ;
Je retourne chez moi, léger d'espoir, léger d'argent, comtiie dit ta
chanson.
Et il soupita eii regardant le cieL
Le colonel mit la nAsdn à sa poche , et retottrnant entre ses dnigts
une pièce d'or^ il obeirhait une phrase pour la gUsfter poliment i^n%
la main de ton ennemi malheu^eut*
-^ Et moi aussi , dit-il d'un ton de bonne humeur, on ih'a tùià en
deDû-«oide; mais... Arec votre deUii-solde, vous n'aVeÉ pàë dé quoi
vous anheler du tabac. TeneE^ caporal.
Et il essaya de faire entrer la pièce d'or dahs Itt main fehuée quë
le jeune homme appuyait sur le bord de la yole»
Le jeune Coi^se rougit, se redressa ^ se mordit lés lèvres, et parais-
sait disposé à répondre avec emportement « quand tout à (idup, chan-
geant d'expression , il éclata de rii^. Le eoldnd , lA pièce à la mdin ,
demeurait tottt ébahia
-^ Colosel f dit te jettfie hdmme reprenant son sérieux , pettnetté^-
moi de vous dbnnet* deux avis. Le pr^fnier, c'est de ne jamais oîMt
de l'argent à un Gèfse, car il y a de mes compatriotes assel impolis
pour vous le jete^ à la tète; le second ^ c'est de né pas donner aux
gens des titres qu'ils ne réclament point; Vous m'appeleÉ caporal , et
je suis lieutenant Sans doute , la différence n'est pas bien grande ,
mais
^ Ueutenaét! s'éorla »r Thomas 4 lieutenant I mais le patron m'a
dit que vous étiez capotai , ahisi que votre père et tnus les hommes
de votre famille.
A ces mots le jeune homme, se laissant aller à la renverse, se mit
(1) « Si j'entrais dans le paradis ^int, saint, et si je ne't*y trouvais pas, j*en
sortirais. » ( Serenata di Zicavo, )
11 REVUB DES tfÊtfX MONDES.
à lire de p\m befie, et de si boniie graee que le patroa et ses deux
matelots éolaiêrent en chœur.
—* Pardon, colonel, dit enfin le jeune homme; mais le quiprotpio
est admirsA>le, je ne Fai compris qu'à l'instant. En effet, tua famille
se glorifie de compter des caporaux parmi ses ancêtres ; mais nos
caporaux corses n'ont jamais eu de galons sur leurs habits. Vers l'an
de grâce 1100, quelques communes, s'étant rétoMées cotHre la tyran-
nie des seigneurs montagnards, se choisirent ties chefs qu^eDes nom-
mèrent caporaux. Dans notre lie, nous tenons à hotfneur de des-
cendre de ces espèces de tribuns.
— Pardon, monsieur, s'écria le colonel, mille fois pardon. Puisque
vous comprenez la cause de ma méprise, j'espère que vous vonétez
bien l'excuser.
Et il M tendit la main.
*-* C'est la juste punition de mon petit orgueil, colonel, M le jeune
homme riant toujoucs et serrant cordialement la main de l'Anglais ;
je ne vous en veux pas le moins du monde. Puisque mon ami Matei
m'a si mal présenté, permettez-moi de me présenter moi-même ; je
m'appelle Orso délia Rebbia, lieutenant en demi-solde, et ri, comme
je le présume en voyant ces deux beaux chiens, vous venez en Corse
pour chasser, je serai très flatté de vous faire les honneurs de nos
m&quis et de nos montagnes... si toutefois je ne les al pas oubfiés,
ajouta-t-il en soupirant.
En ce moment la yole touchait la goëlette. Le lieutentmt offrit la
main à miss Lydia, puis aida le colonel à se guinder sur le pont. Là ,
sir Thomas, toujours fort penaud de sa méprise, et ne sachant com-
ment faire oublier son impertinence à un homme qui datait de l'an
1100, sans attendre l'assentiment de sa fille , le pria à souper en lui
renouvelant ses excuses et ses poignées de main. Miss Lydia fronçait
bien un peu le sourcil , mais , après tout , elle n'était pas fàdiée de
savoir ce que c'était qu'un caporal ; son hôte ne lui avait pas déplu ,
elle commençait même à lui trouver un certain je ne sais quoi aristo-
cratique; seulement il avait l'air trop franc et trop gai pour un héros
de roman.
— Lieutenant délia Rebbia, dit le colonel en le saluant à la ma-
nière anglaise, un verre de vin de Madère à la main, j'ai vu en Es-
pagne beaucoup de vos compatriotes : c'était de la fomeose infan-
terie en tirailleurs.
— Oui, beaucoup sont restés en Espagne, dit le jeune lieutenant
d'un air sérieux.
-r*r Je «'oublierai jamais la conduite d'un bataiHon corse à la ba^
taille, de Yitoria, poursuivit le colonel. Il doit m'en souvenir, ajoutar*»
t41 en.se frottant la poitrine. Toute la journée ils avaient été enitirail*
leurs dan^ ksjardins, derrière les haies, et nous avaient tué je ne
sais cûiBbiea d'hommes et de chevaux.*La retraite décidée, ib se rai*
lièrent et se mirent à filer grand train. En plaine, nous espérions
prendre notre revMche^ mais mes drôles — excusez, Ueutenant, — ces
braves gens s'étaient formés en carré, et il n'y avait pas moyen de les
rompis. Am milieu du carré, je crois le voir encore, il y avait un officier
monté sur un petit cheval nofa*; il se tenait à cAté ^ l'aigle, fumant
soa. cigare eomme s'il eût été au café. Parfois, comme pour nous
braver^ leurm^$ique nous jouait des fanCsffes... Je iance sur eux mes
deux premiers escadrons... Bah! au lieu de mordre sur le front du
carré, voilà mes dragons qui passent à c6té, puis font demi-tour^ et
reviennent fort en désordre et plus d'un cheval< sans maître... et tou-
jours la diable de musique ! Quand la fumée qui enveloppait le ba-
taillon se dissipa, je revis l'officier à cAté de l'aigle , fumant encore
son cigare. Enragé , je me mis moi^néme à la tête d'une dernière
charge. Leurs fusils, crasses à force de tirer, ne partaient plus, mais
les soldats étaient formés sur six rangs, la baïonnette au nez des che-
vaux; on eût dit un mur. Je criais, j'exhortais mes dragons, je serrais
la botte pour faire avancer mon cheval , quand l'officier dont je vous
parlais, ôtant enfin son cigare, me montra de la main à un de ses
hommes. J'entendis quelque chose comme : Al capello bianco! J'avais
ui pLumet blanc Je n'en entendis pas davantage, car une balle me
traversa la poitrine. — C'était un beau bataillon , monsieur délia
Rebbia, le premier du 18* léger, tous Corses, à ce qu'on me dit depuis.
— Oui, dit Orso dont les yeux brillaient pendant ce récit, ils sou-
tinrent la retraite et rapportèrent leur aigle; mais les deux tiers de
ces braves gens dorment aujourd'hui dans la plaine de Yitoria.
— Et par hasard I sauriez-vous le nom de l'ofBcier qui les com-
mandait?
— C'était mon père. Il était alors major au 18% et fut fait colonel
pour sa conduite dans cette triste journée.
— Votre père ! Par ma foi , c'était un brave I J'aurais du plaisir à le
revoir, et je le reconnaîtrais j'en suis sûr. Vit-il encore?
— Non colonel, dit le jeune homme pâlissant légèrement.
— Était-il à Waterioo?
— Oui, colonel, mais il n'a pas eu le bonheur de tomber sur un
champ de bataille... Il est mort en Corse... il y a deux ans... Mon
14 REVUE D^9 Wmm MONDES.
Bien! qse cette oi^r^ beifoi U y « dix aM^pe }t «M v« t^MMi-
teiranée. -^ Na troaf6c-<?4m pM U MMtanmétr plw keMè.itM
rOcéao, nadeiMifleUe?
~ Je la trouve trop bleue.*, el lea vigintsiaMliiMtée gmMlMr.
— Yoi» ainiu h liowté swvsge, m»4fU9omSkt1 A ce cM^rte je
crois que la Conse veui phôra.
— Ma fille, dit le ootoael, aime Co«t ce qv est eitinimliBfciie;
c'e^ poorqooi TUalie ae lai a guèra plu.
— Je neoonoais de rualîe, dît Otfsa« qae Piae, oùf lipesaér^fMkpie
temps au coUége; Baais je ne puis p^ser aam ■iniiiilie» mt CMMpo^
Santo, au DAme, i la Tour peuchée, asCampo^Sanlo Mrtoul. Vom rom
rappelez la Mort d'Orf agua.. . Je crois que je pourrais ta desBJDer, tant
elle est restée gravée dans ma mémoire.
Miss Lydia craignit q^e If* le lîeuteuaul ne s'engageât daus «ne
tirade d'eutbousiasme.
-^G*eat trèsjoU^ dit-eUeen bâiUanI;. Pardoa, mm père, j*ai nm
peu mal à la tèle, je vais descendre dans ma chambre.
sue baisa aen pèie sur le fipout^ fit un signe de lèée majeatoeiix à
Orso et disparut. Les deux hommes causèrent alors cbasn et guerre.
Ils a[^rirent qu'à Waterloo Us étaient en fiMe l'un de Taufav, et
qu'ils avaient dû échanger bien des balles. Leur boMie inteHigenceen
redoubla. Tour à tour ik a-itiqudrent Napoléott , Wellington et BU^
cher, puis ils chassèrent ensemble le daim, le sanglier et le mouflon.
Enfin la nuit étant déjà très avancée, et la dernière bouteille de bor-
deaux finie, le colonel serra de nouveau la maîB du lieutenant et lui
souhaita le bonsoir, en eiprimant l'espoir de cultiver une conoaissaBoe
commencée d'une bçon si ridicule* Us se sé|)anèrent , et chacun Ait se
coucher.
m.
La nuit était belle, la lune se jouait sur les flots, le navire voguait
doucement au gré d'une brise légère. Miss Lydia n'avait point envie
de dormir, et ce n'était que la présence d'un profane qui Favait em-
pêchée de goûter ces émotions qu'en mer , et par un clair de lune,
tout être humain éprouve quand il a deux grains de poésie dans le
cœur. Lorsqu'elle jugea que le jeune lieutenant dornuit sur les deux
oreilles, comme un être prosaïque qu'il était, elle se leva, prit une
pelisse, éveilla sa femme de chambre et monta sur le pont. Il n'y avait
personne qu'un matelot au gpuvernaili lequel chantait une espèce de
fSUKSOtKBmé
MMpMftil^diM» le AfiMle oMlM, Mt ur air MMge «( iÉoftÊbtme.
WM9^Wi»IBÊàerâ&1k mit, ooHte miisiipié éttuogr avait sm cftarmer.
Malheureusement miss Lydia ne comprém^]^ euHèffWBfbttf ee qtt
daiitaiif KMttatdbt itai nrifferr de^ HiattMrap' 4r 1^^ un
yftf9 ântt^cpicr'^tcMUt' viVeiueiiC suf ciiridiBilé ; mrii^'HoifMt, w pAis
beau moment, arrftnibtrtl qml^tie» mots' de patois donit lë sisni M
êdlflppaitl me (mniirtt pourtanf qu'R était qfuestloii êfmt méuitre.
Bés" hnpréeaCfef»' «entre les asswsim, feymgnaees de vengeanee, Vë*-
Ibge'dii meit, fMteeta éMt emibAdu^pèfe^nétè; Hfe'iBUnt qoeb^
vers que je vais e»arycrde ttrarfcÉre.
furm^ehaaip debaUHIfr-— comme im^eïà*éiak — H éttiit le fauoaikaiiiide
Faigla, — miel des sabWe pwiv ses amis, •— poux ses ennemis la mer en coun-
toux. — Plus haut que le soleil , — plus doux que la hine. — Lui que les
ennemis de la France — n'attendirent jamais, — des assassins de son pays
— Tout firappé^ par derrière, — comme Vîtlolo tua Saropiero Corso (1). —
Jamais ils n'eussent osé le regarder en face. — ... Pf aeéz sur la nnirailTe devant
monrllt', — ma croix'tf'honneur bfen gagnée*. — Kouge ett est le ruban. —
Ptas-it)ug»ma ettemise-. — A nven fils, mon fihrett^loniteîB' pays, — garMk
ma oroix et ma chemise sanglante. — Il y verra detti troum — Peur chaque
iMHi,.utf ttBUidami>UMfa«tre cheaaise. — Maïs la: iranguMnitra^raM^^eUfr faite
alors?— Il me faut bnaainrqiéa tké, — Fedt qwaiifié'r-^le oorarcpri a
pensé... »
Le matelot s'arrêta tout à coup. — ^Pourqpoi ne continuez-vous pas,
mon ami? demanda miss NeviL
Le matelot , d*un mouvement de tète,, lui montra une figure qui
sortait du grand panneau de la goëlette. C'était Orso qui venait jouir
do dÉâr de lune.
— Achevez donc votre complainte, dîl miss CytBa: Elle më faisait
grand plaisir.
Lft matelot se pencha vers elle et dit fort bas : Je ne donne le^t»»*
éM^ffu^àjMrsiHioe».
-»*' €0*11016111? te ....î
Le matelot; sans répondire, se mita sfflfer.
— Xe vous prendis à admirer notre Më£terranée , miss Nevil , dit
Ofs^i s'a(f»Dça»tau|irè8 d'ielle. Convenez qia'oa ne. voit pointailleva
(f)T; FHI^^fMi, IHiKT A^temm As Vlliole eit eisert e» exéenUon parmi
les Corses. C*est aujourd^hni un synonyme de traître.
Hfi BBVUB DJUJIBIDD MONDES.
—Je ne la regudvs pjM. J- étais tooteiOfcapée à étudier (^ orne.
4]ie.niiitel9t:« qui chaotait uiie complunte/des'^ustnigkiMi^-s^est
'«q^^au plus Jbeau moment. .... i . .Mi..;,'.i^^
Lo .matelot se baissa comme pour nueiix Ike a«r la.lm]flspfev ctltai
rudement la pelisse de miss Nevil. Il était évident que sa.iiom{Ualnte
ne pouvait pas être chantée devant le lieutenant Orso. .il. '
— Que chantais-tu là, Paolo France, dit Oibo; e8t^»<9ne doOMa?
un vocero (1)? Mademoiselle te comprend et voudrait entende la fin.
— Je l'ai oubliée, Ors* Anton', dit le matelot. Ettsnr^èHobanlp il se
mit à entonner à tue-téte un cantique a la Vierge^- ; ..<'.• !
Miss Lydia écouta le cantique avec distraedos; et^në'j^rëisa pas
davantage le chanteur, se promettant bien toutefois de savok plus
tard le mot de l'énigme. Mais sa femme de chambre, qni,^tantdeFlo-
rencOt ne.conprenait pas mieux que sa maîtresse le dfidecle> corse,
était aussi curieuse de s'instruire, et s'adressant à Orso avatit que
ceUe^i.pûti l'AViertir.^ariHn coup de coude : Monsieur le capitaine,
dit-elle, que veut dire donner le rimbecco?
— Le rimlMiCCo ! dît «Orso, mois c'est faire la pbu mcNrtelle injure à
on Corse : c'est. lui; Jteprocher de ne pas s'être vengé. Qui vous a
parlé de rimbecco (3) ? . . • •'
— C'est hier, à Marseille, répondit miss Lydia avec empuessoKhérit,
que le patron de la goélette s'est servi de ce mot. < ' *
— Et de qui parlait-il? demanda Orso avec vivacité. > -*
— Oh 1 il nous contait une vieille histoire... du temps de... m^, je
crois que c'était à propos de Vannina d'Omano. •'< ^
«— La mort de Yannina, je le suppose, mademoiselle, né vobB (^pas
fiiit beaucoup aimer notre héros, le brave Sampiero?
(1) Lorsque on homme est mort, parliculièrement lorsquMl a été assassiné, oa
place son corps sur one uble, et les femmes de sa famille, à lear défaut, des amies
ou même des femmes étrangères connues par leur talent poétique, improvisent
devint un luiittdini nombreux des complaintes en vers dans le dialecte du pays.
Oa nomme ces femmes voçttrairiei, ou , suivant U prononciation corse, Imetratriei,
et la complainte s*appaUe voe$fii, hueêtru, kuetraiu, sur la côte orientale, baikUa
sur la oAté opposée. Le mot voeero, ainsi que ses dérivés vocirar, voeeratrie9t
vient du latin voeifiràre. Quelquefois plusieurs femmes improvisent tour k tour, et
Mquemment la femmédu la fllltf du moH diaaie eUennéme la complainte ftmè^re.
(S) JUMMfortet italie»- rfgaîfie rewr^ytr, riposter, t^eler* Dans kfilldeetfe
corse, cela veut dire; a|lres|ifin «n lepr^çbct o(fensa^( al pifbUq. '-f Op,flqpfi0.1f
rimbeeeu au liU d*un bomoie assassiné <sn lui disant que son pè|«^*e8^ p^ VQq|é.
Le rimbeeeu est une espèce de mise en demeure pour Thommequl n^a pas encore
lavé une f^iore dans kratng. L^'loî génoise ponisteft trét^éVérèMbl'HaiitdurilHw
\Uf/ -iHit
.fT
^tliiDftitoOMM^ip'Vie'éa §Dit Mett - '^ —
' ^fr,Sf^iCniKAi|ip«ckietBal98i]iiœ«»9mTag60d«^
Sampiero faisait une gaerre à mort au Génois; <pielle tonfintAte
«■raieBCpBiafDb è» lui sea oMipatriotes, s'il n'avait pas pool <^Ue
qui. d^endiait à ifùiter avec 6énes ?
— Vannina, dit le naitelot, était partie sans la permission 4e son
iBift T SmnpiftTiT II Mftn fuit de lui tordre le cou.
^^ Maia« dît mis» JLydia, c'était pour sauver son mari « par amour
pour.hiivqujoUe 'allait demander sa grâce aux Génois.
— Demander sa grâce, c'était l'avilir, s'écria Orso.
— '£t.|a taer^UiHiièniel poursuivit miss NeviL Quel monstre ce
dmail^I ' -
-^ y OQSraaiv^z. qu'eue lui demanda comme une taveur de périr de
ja raain..oaieUo, mademoiselle, le regardet-vous -aMst comme on
flKMntoe? • ' .-'■''.< 1-.
*-** Quelle diflérencel il était jaloux; Sampietti n^éiatt que 4e la
Tanité. * .î :■ / ■"■
— Et la jaloaste, n'est*«e pas aussldela'VaÉité? C'est la vanité de
ramour, et voua l'excusez peot^tre en ftrvem dui molif ?
Miss Lydia lui jeta un regard plein de dignité, et s'adressant au
HMkM lui demanda quand la goëlette arrivenit au port.
— Après-demaio, dit-U, si le vent continue.
— Je voudrais déjà voir Ajaccio, car ce navire m'excède.
. Vk 3e iev*» prit le bras de sa fenome de chambre, et fit quelques
pas sur le tillac; Orso demeura immobile auprès du gouvernail, ne
^kanta^il {devait se promener avec elle ou bien cesser une conver-
sation qui paraissait l'importuner.
-^ Belle fille, par le sang 4e la madone 1 dit le matelot; si toutes
les puces de mon lit lui ressemblaient, je ne me plaindrais pas d'en
être mordul
Miss Lydia entendit peutrètre cet éloge nmï de sa beauté et s'en
efEutMicha^ car elle descendit presque aussitôt dans sa chambre.
Bientôt après, Orso se retira de son côté. Dès qu'il eut quitté le tillac,
la fenmie de chambre renaontaft et après iiyQir, fait .sqbi^ m interne
gatoir* apipatelpti iiapporta les.imseigpeq9ms suivanaMamaltresse :
La ballÉta intemompiie par lapiésence é'Qno avait été composée à
Tocca^oé^de la mort'du colonel deBa ReBMa, t)ère du susdit, assas-
siné il ^ avait dêtii ans. Le matelot ne doutait pas qu'Orso ne revint
^.^^^f9Wi/^^fi>h vmifiV^%^ ç'étjât son e^ression, et affirmait
qu*avant peu on verrait de la viande fraîche dans le village de Pietsa»
Toila XXIII. 2
iS RBYCB MÊÊÊ WmW MONDBS.
nera. Tradoctioii liM db^ «ethMe* ivéMhmA', fl rèsnIlltSt qne le âd-
ffÊÊênp OlM'M pHifUMif* iluMiUini€»^d^wc M iMip pemmie»' soup-
çiHMM§fe»(ytt¥<!#>a*wdiin< mtf'fSte; lesqmSIm, A^itrvéritt; avaient été
iwlkdfisiiéfli^eR>j«attoê*iK>arc«»ftili mm^^éMeM tnmée% Mmgébb
comme neige, attendu qu'elles avaient^ dan» learnuinebe juge», ato^
eÉl9| p*éfelt0l;9MdlirttMi-^lFa'f a^ni^e jiMHraen ajoutait le
matelot, et je fais plaa^deea8»d^HD bwrfosif qne^d^ltr oMaefller è Ik
eoiir royale. Q«iand^n«a ud'emieaii; it'ftmtelioMrentreies ttois S (1).
Ces renseignemena itrtéKeaaaÉS- di»ii|'iU'ent d'une fliçon notaUe lea
manières et le» dhpMMM» de* miss- Lydi»^ k TéganV étt Heatenant
déOa'lleMntf. ftis ce* mement il étett d^renn ntr personnage em yeux
de la romanesque Anglaise. Maintenant, cet air dlnsouciancv, ce ton
de limKld89«t de 6mhv0 tameiiF qnf #abord raveièRt prérenue défa^
viaratlaHieitl^, devenaiaatiiMr aller un^ mérite de ph», carc^étaith
profonde dissimulation d*une ame énergique qui ne laisse percer è
VesÉâriHur momi^dia-seDttmeD^qii'eile' renferme. Orso hri parut une
espèce de Fiesque, cachant de vastes desseins sous une apparence âe
légèreté; et queiqu^il-aoitr maina^beatt de tuer quelqne» coquins que
de délivrer su patrie; oepencftnl'HM Mfe vengeance est belle; et
d'ailleur» tes* femmes» ament aBsaz qu'un héros ne soft pas homme
politique. Alevs-aealemeiitniisa'Ilevfl'reffiarqQa que le jeune Ileute^
nant avait de fort grands* ywQx, des^denta Manches , mie taHIe élé-
gante, derédneaUoHr et'quelqueinage'db monde. Ble'ltxi parta sou-
veart dans- la^ j^yumée suhnnie, et sv eemversation fhttéressa. Ilfut
longoemenC' questionné sur- soir pays; et H en parlait bien. La* Corse*,
qu'il* avait quMée fert jeune, d*aëonP pour alfer an collège, pui^à
rÉcole militaire, était restée dans son esprit parée de couleurs poé^
tiques. Il s^Mimatt^en parhnt'de se» monfsagnes, de ses (brèts, des
coatunes origiMdtes de ses baMlM«: Comme on peut te penser, le
mot de vengeance se présenta plus d'une fois dans ses récits, car il
est impoosiMe dé^ parier As< Cèrses sans attaquer' ou saa» justifier
leur passion pfu*fert^laie. OrsatMrprif am peu mns Nevil encondam^^
nmtd^uM'maflièfre générale Hf» IMitiea ifUerminaèles de ses compa»-
triote». Gbe« lèa^pitysaM DèiHtftfa, il^Hereftait à le» excuser, e^dbait
(pie la vendette eal' le duel' di^ pauvre». Geià est si- vrai , dSsait-if ;
qu^on* ne s'aabasame qu'apiéir miF'dSfi'eir règle* (cGarde^or, je me
garde, #• teHès* soni laS' pareleS' aacmmentcHte» qu^hangent deux
(f) Btpi^aslmi natHmtte, c'âst^ènlM ÉMApem, stûeîtà, stnOà, hisfl, stylet»
Ail».
1»
eMdBMs^avant éa s6 tefi4f»de»«iib«M»4M Vim à r«iifee. 11 y a plu»
d*a86asflîMtfr«has ooHBt ivoutaHMI» 4m pactoiit «iUtws; mm îmùm
vowoe tnw^arfi une obum igmbte è ceftCMMs* Now «van», ilast
Lonqu'il proiMNifaii le»^ moto de veogeance 9t de meurtre, «isi
Lydia le regtrdait attootfi^mefti^ miia saas découvrir ëur se» traite ta
moiiidre tiaoe d'émolioii. Gomme elle avait décidé iiu'U avait ta force
d'ame néeeesaire pour se rendre mpénétraUe à tout les yeui, les
stans exoeptéi, Ue» eetendu, elle continua de croive fermement que
les mânes du colonel delta Kebbia n'attendraient paa long-temps ta
satisfactîoB qa'elleftféetaïaaienl.
Déjà ta goëleUe était en vue de la Corse* Le patioa nonamait les
points prmoipaia do ta côte, et^ bien «pi'itaâment tons partaitaoMnt
inconnus à mis» Lydie, elle trouvait quekHie plaisir à savoir leur»
nomSi Rien de plus ennuyeux qu'un paysage anoiiyme« Parfois le
télescope du colonel faisait apercevoir quelque inaulairey vêtu de drap
brun, armé d*un long fusil, monté sur un petit cbevaK et galopant
sur des pentes rapides. Miss Lydia , dans chacun , croyait voir un
bandit, ou bien un fils allant venger la mort de son père; mais Orso
assurait*^ que c'était quelque paisible habitant du bourg voisin voya-
geant pour ses aftaires; qu'il portait on fusil moins par nécessité que
par fuianietrie » par mode , de même qu'im dendy ne sort qu'avec
une oanne élégmte. Bien qu'un Aisil soU une arme moins noble et
moins poétique qu'un stylet^ miss Lydta trouvait que, pour un homnae,
ceta était plus galant qu'une canne^ et eUe se rappetait que tous les
héros de lonl Byron meurent d'une balle et non d'un ctassiqne poi-
gnarda
Aprèa trois jours de navigation, on se trouva devant ieaSanguinaifes,
et le magnifique panorama du golfe d'Ajocdo se développa %ux yeux
de nos voyageurs* C'est avec raison qu'on le compare à h vue lie la
baie de Naples ; et au moment oA ta goëleite entrait dane le port , un
roèquis en feu, couvrant de fumée ta punta dî Girato, mppelait te
Yé^ive, et ajoutait è ta Fessembtance» Pour qu'elta fftt oomplète, il
faudrait qu'une aimée d'Attita vint s'abattfe anr In» environe de Na^
pies; car tout est mort et désert atttour-d'Ajaocio. Au lieudeces élé-
gantes fabrique» qu'on décmivre de toua oMéa. depuis *Casteltaffiiare
jusqu'au cep Miaèn^, on ne vwt, autour du golfe d'Ajaocio, que de
sombres m&quis et derrière des montagnes pelées. Pas une villa , pas
une habitation. Seulement, çà et 14f sur les bautmvs autour de la
viUe t quelques confirtruotions Uancbes se détachent isolées sur un
910 REVUE dis: MR^t 1I0NDB8.
fond de verdure; oe sont des cbapeHes fanéraimvdes dombeaintide
famille. Tout, dans ce paysage, est d'me beauté grave et triste.
L'aspect de la ville, surtout à celte époque, augmentait encore llro-
pression causée par la solitude de ses alentours. Nul nMmvemfent dans
les rues , où Ton ne rencontre qu'un petit nombre de figures oisives
et toujours les mêmes. Point de femmes, sinon quelques paysatmes
qui viennent vendre leurs denrées. On n'entend point parier haut,
rire, chanter, comme dans les villes italiennes. Quelquefois, àTooibre
d'un arbre de la promenade, une douzaine de paysaw annés jouent
aux cartes ou regardent jouer. Ils ne crient pas , ne se disputent
jamais; si le jeu s'anime, on entend alors des coups de pistolet, qui
toujours précèdent la menace. Le Corse est natupèlleoient grave et
silencieux. Le soir, quelques figures paraissent pour jouir de la frat-
dheur , mais les promeneurs du cours sont presque tous des étrangers.
Les insulaires restent devant leurs portes; chacun semble aux aguets
comme un faucon sur son nid.
IV.
Après avoir visité la maison où Napoléon est né, après s'être pro*-
curé par des moyens plus ou moins catholiques un peu du papier de
la tenture, miss Lydia, le second jour de son arrivée en Corse, se
sentit saisir d'une tristesse profonde , conune il doit arriver à tout
étranger qui se trouve dans un pays dont les habitudes insociables
semblent le condamner à un isolement complet. Kle regretta son
coup de tête; mais partir sur-le-champ , c'eût été compromettre sa ré-
putation de voyageuse intrépide; miss Lydia se résigna donc à prendre
patience et à tuer le temps de son mieux. Dans cette généreuse ré-
solution, elle prépara crayons et couleurs, esquissa des vues du
golfe, et fit le portrait d'un paysan basané, qui vendait des melons
comme un maraîcher du continent, mais qui avait une barbe blanche
et l'air du plus féroce coquin qui se pût voir. Tout cela ne suffisant
point à l'amuser, elle résolut de faire tourner la tête au descendant
des caporaux, et la chose n'était pas diffidle, car, loin de se presser
pour revoir son village, Orso semblait se plaire fort à Ajaccio , bien
qu'il n'y vtt personne. D'aiHeurs miss Lydte s'était proposé une noble
tâche, celle de civiliser cet ours des montagnes et de le faire renoncer
aux sinistres desseins qui le ramenaient dans son tie. Depuis qu'elle
avait pris la peine de l'étudier, elle s'était dit qu'il serait dommage de
laifleree'j6DBft!lioiiimecoiirir à «a perte, et que pear.elie il serait
glorieui4e coDirertir un Corae;
LesijoiiméeSt pour no» Toyageors^ se passaient comne il siiiti: le
matin, ieoelonel et Ono allaient à la chasse; miss Lydia dessinait on
écmaiti aesaitiies, afin de pouvoir dater ses lettres d'Ajaccio. Vers
sis benre», les hooinies revenaient, chargés de gibier; on dinait, miss
Lydia chantait , le colonel s'endormait, et les jeunes gens demeu-
nânt fort tard à causer.
Je ne saisqoeUe CtH-malité de passeport avait obligé le colonel Nevil
à faire une^itite au préfet; celui-ci, qui s'ennuyait fort ainsi que la
plupart de ses eoUègues, avait été ravi d'apprendre l'arrivée d'un
Anglais, riche, homme du monde et père d'une jolie fille. Aussi, il
l'avait parihiteraent reçu, et accablé d'offres de servides; de plus,
fort peu de Jours après, il fut lui rendre sa visite. Le colonel, qui
venait de sortir de table, était confortablement étende suf un sofa,
tout près de s'endormir; sa fille chantait devant un piano délabré ,
Orso tournait les feuillets de son cahier de musique, et regardait
les épaules et les cheveux blonds de la virtuose. On annonça M. le
préfet; le piano se tut, le colonel se leva, se frotta les yeux, et pré-
senta le préfet à sa fille : — Je ne vous présente pas H. délia Rebbia,
dit«41, car vous le connaissez sans doute?
-*^ MoDSieor est le fils du colonel délia Rebbia? demanda le préfet
d'un w légèrement embarrassé.
-^ Oui r monsieur, répondit Orso .
-^ J'ai eu l'honneur de connaître monsieur votre père.
Les lieux communs de conversation s'épuisèrent bientôt. Malgré
lui, le colonel bâillait assez fréquemment; en sa qualité de libéral,
Orso ne voulait point parler à un satellite du pouvoir; miss Lydia sou-
tenait seule la conversation. De son cAté, le préfet ne la laissait pas
languir, et il était évident qu'il avait un vif plîdsir à parler de Paris et
du monde à une femme qui connaissait toutes les notabilités de la
société européenne. De temps en temps, et tout en pariant, il obser-
vait Orso avec une curiosité singulière.
— C'est sur le contfaient que vous avez connu M. délia Rebbia?
demanda-tHl à misa Lydia.
Miss Lydia répondit avec quelque embarras, qu'elle avait fait sa
connaissance sur le navire qui les avait amenés en Corse.
— C'est un jeune homme très comme il faut, dit le préfet à demi-
voix. El vous a-t-il dit, oonthiua->t^il encore plus bas, dans quelle
intention il retient en Corse?
M REVUB Hatk MMk MONDES.
Mwi.'L^fJk'frit «m air im>wtwMU:-^fe w- te Irt êipiÊûkif^
mandé , dit-elle , vous pouvez rinterrogeiv.
LepiéflBt gwîfo le «itenoe^^ mirift, M moniBfll iiprtÊ^ «iitenéÉbt
Ocso «dPMer m oolonel iio^qoe» mott m niglais:-«»*ydÉ8 «tei
beaucoup voyafé^ nioiisieiur, dil»-il,èeeqtt11finilt VM»iteYM«tolr
oublié fei GMBi.. el tes totttnnés.
— Il est yniy j'élus bien jettne qiimd je r«i ^uittéd^
— Vous appartenez toujours a rarméc?
— Je sHîi «o dmi' goWe» mmsievr.
-*- Vous avez été tr^ lon^^eolps dfens raituée firan^se, po«r ne
f9ê devenir lout^fiMt Fmi^^ , je ii*eÉ daute pas^ menmiir^
U pronoms cea derniera hmIs avec une empham niarqiiée.
Ce n*«at pas flatter procUgiéliseblMt Ida Cereea, que ée iaur rap»^
paier qik'àt appartiMBieRt à ta gnioâé tiatioB. Hs vailent étl<e tm
peuple à partv et oetle préleHilÎ9&, Us la jusiiidnt «saea bien pwdr
qu'on la leur aecorde. OrsO, un peii piqtlé , répUq«a c «^ Pefeiset^votlB,
tnottsiettr la préfet, ^o'un Gorae^ povr être boimne d'honneur, ait
besoin de servir dans Tannée fiïinçaiae?
-^ Non i certes, ditle préfet^ ce n'eM nullement ma pensée; je parle
seulem^t de eértaineS 09fÊtume9 de ee payaci , ck>ftt queiqtte»*^
unes ne sont pas telles qu'un «dmkrialrateitr vendrait les vniti ^^ Il
appuya sur ce met de ot^iÊilêméif ^ et prit l'eipression la {dus pave qne
sa figure comportait. Bientôt après, il se leva et sortit, emportant la
promesse que miss Lydia irait voir sa fettmie à la préfecture i
Quand il kà partf t -^ B firitait, dit miss Lydia, que j'riMse en
Corse I potDr apilrèndre ce i{ne c'^tl qu'un pi^feti Celiéici me partit
ass^ aifnfidilèi
^ Pour moi ^ dit Orao, je d'en samini dire autant, et je le trouve
bien singulier avec son air eiUfitiatique et mystérieux.
Le colonel était plus qu'assoupi ; miss LyiHa jeta un coup d'oeil
de son côté, et, baiésani la voiss -*^£t noi , je trouve^ di^Oe^ qu'il
n'est pas si mystériett qne vous le préleadeE, car je crois l'Avoir
compris.
~ Vous ôtes, assurément, Mes perspicace^ miBSl^tovit'; et. Si vous
voyez quelque esprit dans ce qu'il vient de dire , û fMt atfsitfément
que vous l'y ayetf mis.
— C'est une pbr»e de marqoia de Mascorilie^ monsimr ddtat
Rebbia, je crois; mais... « voulez-vous qne je vous donne une prettve de
ma pénétration? Je suis uapeu aoreiàre, et je sais ce que pensent
les gens que j'ai vus deux fois*
je ne sais si je devrais en être content ou aCBiglK^^
— Monsieur délia Rebbia, continua miss Lydia en rougissant,
nous ne nous connaissons que depuis quelques jours ; mais en mer,
et dans les pays barbares, — vous m'excuserez, je Tespère. . . — dans les
imy» harbarasy obv devient ami pta^it^fcque éiiiSfle OHMie.** Ainai^ ne
iMMi» étowes pa», si je vaus parie ea awe, 4» élmm^^wm peu hipn
ÎBtàittesv et doiàt peulrétva w étnanger ne d^vnil pas*» nMev.
— Oh<! ne dîtes^pas ee meMài, mîas Dteitit; KaiÉKive piaiaail: bien
mieux-
— BhbienI monsieur, jedoîa ¥Oiip dlmvfaii«, mw^iméb ^àÊnbbÀ
savoir vos ««rets, je me: trouve leMWiiv appitoea ptrtfe, el il y oi.a
qni m^atligenA. Je sais, monsieur, te maHnnr <pî ». fmppè^ volve
famille; oe m'a beaucoup pailéMiu oaiMtèsa iMîcttlifidfr vioa^eompa*-
trietea et de leur manière de ae veafir..* H^estHrcapaa ècaia qwle
préfet faisait allqsion ?
-^Mâsflriydâa peutrêlte peiserlt.** Et' Omirifeviiife ptle omm» la
morfc.
-1- Non , monsieur deHa Itehfeia, ditreDee» Piallmdmpmt-,, je sais
qae vous Ctes un gentleman pb»b 4*homieur« Youan'aireB dit hmc-
nnfiine ipi'il n'y avai^plus daiisi votre paiys qner les gam du peuple q«i
ewoussenfe la umietie...^ cpi'il vous platt éSappeter. usa fiatme dki
duel...
— Me eieifiesE-vous done capable dt devewr jamai» \m aasasam?
-^ Puisque je vous parle de eelai, momrieon Ova», vau» deivex bien
voir 4|ie je ne dwte pai^de vous, eC sijer vou»iH^ptrlér powsuivi^eBe
eu baissant lesvy<rax , c'est que j'ai cowpris^pie^ de rela«r danavotte
pays> entouré peut^ire de préjugés batbareft, vans seriez bien aise
de savoir qja'U y a quekgi'un q^ vo«a esttBwpour votre courage>à
leur résister^ — Allons, dit-eHe en se M^smk^ ne parkmeptaa de oes
vilaines ehosesJà; elles me font mal à la tète^ et d'ailleurs il est bien
tard. Vous ne m'en vontoipasi? Benaeirv àl'anfWie.Bt elle lui tendit
ta main.
Orto la {fmssa d^uBiair pave et pénétrée.
— MadeîpoiseUe, dit-iii. seyearveu^qu'aîy a denmanwns oè Pins-
tinet du pafys.se réveille en mo^ Quelquefoiâv loasqpiejerson^a à mon
pauvre pêne... alors* cFaSËreuses idéea m'obsèdent fifuee à vous, j'en
suis à janviis délivré. Merci ^ merci^
Il aUeit poursuivre; «pie miss Lydîa.Mf tpaAtr. nner «niHerèllié,
et le bruit révmlla le colonel.
tt BEVUE M6"i(Êt^ MOHDBS.
Vw4>BèlWael)btt, détmln à dnij hètiires JEÎncha'ssel Soyez exact., ,.
— Oui, mon colonel.
.' ■ ' ..1 ' ' ' • '
M}\ ' ." ■ V.
Le lendemain, un peu avant le retour des chasseurs^ miss^evil,
<|ai arait été se promener au bord de la mer avec sa femn^e de cham-
bre, regagnait l'auberge, lorsqu'elle remarqua une jeune femme
vêtue de noir, montée sur un cheval de petite taille, mais vigoureux,
qui entrait dans la ville, suivie d'une espèce de paysan à cheval anssi ,
en veste de drap brun trouée aux coudes, une gourde en bandou-
lière, un pistolet pendant à la ceinture; à la main, un fusil, dont la
ciosse reposait dans une poche de cuir attachée à Farçon de la selle;
bref, en costume^Miptet de brigand de mélodrame ou de bourgeois
corse en voyagt: iîa bealutè remarquable de la femme attira d'abord
l'attention <îéibilss'Ne\41. Elle paraissait avoir une vingtaine d'années.
EHe était #nQide, Mttichè', les yeux bleu foncé, la bouche rose, les
dents comme de l'émail. Dans son expression on lisait à hi fois l'or-
gueil; l'inquiétade et 4a tristesse. Sur la tète, elle portait ce voile de
soie noire nommé meÉzarOy que les Génois ont introduit en Corse,
et qui sied si bien aux femn^es. De longues nattes de cheveux châ-
tains lui formaient conune un turban autour de la tète. Son costume
était propre, mais de la plus grande simplicité.
Miss Nevil eut tout le temps de la considérer, car ta dame au mez- '
jBoro s'était arrêtée dans la rue à questionner quelqu'un avec beau-
coup d'intérêt, comme il semblait à l'expression de ses yeux; puis,
sur la léponse qui lui fut faite, elle donna un coup de houssine à sa
monture, et, prenant le grand trot, ne s'arrêta qu'à la porte de
l'hôtel où logeaient sir Thomas Nevil et Orso. Là , après avoir échangé
quelques mots avec l'hête, la Jeune femme sauta lestement à bas de
son cheval, et s'assit sur un banc de pierre à côté de la porte d'entrée,
tandis que son écuyer conduisait les chevaux à l'écurie. Miss Lydia
passa avec son costume parisien devant Fétrangère sans qu'elle levAt
les yeux. Un quart d'heure après, ouvrant sa fenêtre, elle vit encore
la dame au «eaam a^se A h même place et dans la même attitude.
Bientôt piutirent lecolbner et Oso, revenant de la chasse. Alors
l'hôte dit quelques mots à )à dèfùôiéelle en deuil , et lui désigna du
doigt le jeune deUa Hëbbiti. Celle-ci rougit, se leva avec vivacité, fit
quelques pas en avant, puis s'arrêta immobile et comme interdite.
Orso était tout près d'elle, la considérant avec curiosité.
_,,, , „C(JMBHM. «
— Vous Atet^dit-«Upd'ane voix émue, QnoAntonio.dclkRcIMa?
Moi , je sois Colomba. ~
— d^mbal s'écria Ono.
Et la prenant dans ses bras, il l'eaibrassa tendremeot, ce qui
étonna on peo le colonel et sa fille, car, en Angleterre, on ne s'em-
soUveono'
el:
nne li ^le '
1 Neril.— '
le cdbselv
bwatmrfa, '■
«Ib de s»i
a, et tons '
e, qui ser- -
d>bia, prJH -.
ne dit pas
oe pov la
itrètre elle se tronvait en présence d'étraH-
indant dans ses manières il n'y avait rien
!i elle, l'étrangeté sauvait la gaucherie, ^le '
même, et comme il n'y avait pasdechuibro <
ne le colond et sa suite avaient envaU,
lescendance on la curioaitô jusqu'à offrir à '
ire dresser çn lit dans sa propre ctaandire.
ines mots de renerciencnt et s-'enpressa
imbre de miss Nevil po«r Ja^ i sa toilette
le rend Q^c^swimiip'Voiafle'àchenl par .
m, elle B'arp$|^ dejVWt-les<fBBilft^ colonel
t de déposer d^iff^Ha. coi* :-^ Las beltet
|iV0U6,BM».ftiè«îv,,^. -
ijs f^Dgl^ Wicdonel.iUi iMt anasi bons
9|- REVUE DflS «HK ilONDES.
biable.
— U y en a certainement un, dans ce»4Nblilu<fEdti|faÉliÉiift4
dJrili ftebUm «MoÉi le «ihÉHL il s'a >Éeil «r^ èitfi. Jfa|jMÉllÉii
<|Hfltok«evoai|^4e AéBI^ 4nÉoi»»pièiiè»1
. Aussitdt s'établit on combat de générosité , Ans l«fMl ^thraiiilt
Ymamfk laiptMteMlMBOlion^rie sa soeor, «nmr ^il HêH Intte ^
s'/âkiitpeioiMDir èAtapiiMita*4ev«fe cotfKtthie f^oi india tmR^dlMi
coap sur smi wisage 4oiit i tl^nœ ^ «érâm. «^ 4lKMiB«fc^ «mm
cher, disaftteiaeloaiEiL^MdaehiHKt'-^-'Eii hiwi)! mwiBmêmOe iwtfre
sttMBT oh(MiimqwnrivMB.»-4Mflnl)ane «e te ft pasfiire deaxioit, «Be
piit te«9fn6<flaié «es AiiîiB,<tnus4;'éMtiMi«|[eelleol; Jlattan de ^m
caUiw .'•«^'âduHci , âi^lle, doit (bien (p(ffk» la iu^.
Son frère s'embaamaahit dodsian'reBsaroieaietifi, lorequeie dtaer
ftÊfuHtrià piwfiliiwarée tirer dMlwe. Mi9sl.7dia Ife^ éfaarmée^
YoirtfHiaCalMBlHU'qAi ttvait»fiBiiti|tttkpe «ésistanc^e ponrseviettn à
tAKiet^pitt-'amilf^éÉléap&YviiiB l«iardtae«0BJbère^ finiait^ett
bonne catholique le signe de la ooix avant de manger : «^ ftoa^ m
m^t, voià<qiB«irtfn«Mitf; €t eite se frooit de fam ptas d'ode
obsemaAion'ialétoesftiite wâr^^e {eone iq^fféaenlBBt riesiiéitteaiÉan
.de4aCkiitNi«#o«râhrso,41 éWt^évidfcmmeiitufei peUflarià'SM aise, pKt
la^araiMte.aBQis 4oiiÉeiQii^ sa aiMMr iie^dlt ou «eftt ipieH|iie ohose^
seittt^Bap flfHi ^iUqg^ MatoCatotifta r6èarrwaitfiana«cei8e, <étiéflait
t«tts ûèè iMWwimfis^air eeui-de 9ùu feèm. (^tapiefbii «tte le mm»
déeaitfcemefit lk^aetiAe<étraage eilprossion de ttridtease^ «él alen, «
lei ifeuKd^lDvse renoeBtmeutdeB ifeas^ M élaft le pmurier à éâteciw
ner^^eH^e^gaMsi, <oMune fl'H efttvmitti se 9el»tram « «m ipe^&an^cpii
sa J9t»w4ui edaessait «lettlaleiiMiii (Bt ^qu'i 1 «oempiMâit 4rap Uim. 4}ii
ploWt fran(^icia^te iceleMl^^ifHniiaitiMt iital«n>iMiBni Cotônte
enleikdattle éingait et {irattdDÇBit oème ^asiei ttiefi le ipee ée tt<MJS
q«''eUe'étrit1ar(iée^'éiDhaiiga'tfree ees béta.
Aplés le diMc, 4e «olenél, *9b avait imnarq^ l'espèce de 'oatt"»*
traatil^ <qiii drégMÉt «elM ie Mre ^ keœw^^deaaBdavreesafeBii^
diise ordinaire à Orso s'il ne désirait point caus^ eeid ffwt M^ "CkH-
l(mbài ^ettraritdflDS^egaa^deiiiiisMMgfecsaftBe dan la ^àcevmsinè.
UatoOno le^iftta de le reertrcier «t de dife 4fii% anraest biehte
temps de eauser à Pietrtfaeiai C'tééaît le nott fc viHage m fl devait
faiae -^a iséaidOMe.
Le colonel prit donc sa place accoutumée sur le soGbl, eA<itiiBs MeM^
f
iMie iMler la bete CokffilM^ liriftOiia de hii K^
d«mk «Mittàl» iNTori. ftm «hM«t I» elMiiÉ de ITMfar m se fttw?e
mieux ces sublimes tercets, qui expriment si bien le danger de Mteè
deux un liwe d'amour. A mesure qu'il lisait, Colomba se rapprochait
de la table, relevait la tftte qu'elle avait tenue baissée; ses pruoeUes
Platées briltateul d'un feu extraordinaire; eHe rougissait et pâlissait
tour à tour, elle s'agitait convulsivement sur sa chaise. Admirable
Oi^aMsitiaii itatleane qui, pour cempmidre ta peésie, n'a pas be-
soin qului pédant kii en démontre les beautés.
Quand la lecture fUt terminée : — Que cela est beau! s'écria^t-elle.
Qui a fait cela, mou frère?
(^*so fsA un peu décpiicerté, et miss iydia t^^pooitit e& soinNwJt
qfi» c'^aituià poète fiiQieB,tMi loprt depw pMwws pèoles^
-f^lete farailirel^Ilantev dk Omt> qtnid mu» WMMàW^^
^ManOÎM^iliffrerib aatbeaml fépéWtikyioi^
iHi qwhe teieets qa'eHe «vait lelems, d^aboad à fofat baïae, pwa,
t*aabiuai^, eHe les dédana teirt hewl avee-plaa i^MipressîM que-soa
#b« B^ avait mis à les lire.
Miss Lydia très étonnée : -^ Vous paraissez ahner beaucoup ta
paésie, dit«lle. Que je vous envie le bonheur que vous auiez à lire le
BafltaoeiBme Ba4i>rre aowreau!
^— y^nrn vafet, mias Nevil, disait Orse^ que) pravoh^oat tes vers
te Bante^ pour émouvoir ainsi une petite sauvagesse f|uf nesaîttfiie
saviiBaBrv . • sans , |e laie «rompe. #e me rappeNe que t^oioiima est cm
aMer. Teial «RlMit, eHe s^eseriBMtt à Mve des vers, et mon pèfe
m'écrivait qu'elle était la plus grande voceratrite de FMraaeraet de
Aax Haaes àla ronde.
CofcMaba |gta a» coup dfflBH sappWaat àsoa hè»e. Hks Ifefft atat
«i patlerdes improvisatriees ewses et aM»rail d'envie d^e» entendre
une. Aussi elle s'empressa de prier Colomba de M (temieruit échan^
tilDaéasaataleat.OP8o§'iBlevpoêaalars, (iEMit cofUrarié de s'iMre si
Mtoraffiii les diDpaflUioag peéli>|qcade sa segar. It eut beau )arer
(|»itoa a\itiit plus plid qu'une MMa mm, pfalastor ^"«oaaler
éM.fmaoMci apirès ceux d» Daala, e'Mail tsaM^ soopays, H ne M
fi;Mtor4acapriiedeasiaBl!lei4l, el seidlaèttgè, àhiin, iedlte
Ïm mm : M him\ iMptovis^ qu^qua sliase, nais que cela sait
««art.
90 BETTE DBS'linQrjllOllDES.
ttlMtld léiti^de la taMe, pute les^fafttréê'àA ptotond, iMftiV 'm^'
tant la main sur ses yeux, comme ces oiseaux qniiMitQMiMnlJcIt
^voient 1 n'être point tus quand ib ne'TMeiil 'poinl ehr-itibds^
cbaiita, ou plutôt déclama, d'une voix nud asBdréCi htaeienilaqH^oii
Ta lire : . , -
LA JEUPŒ FILLE ET LA PALOMBE. ...
« Dans la vallée bien loin derrière les montagnes,— le AQ^il ^!^ i;^ntia'ttiie
heure tons les jours. -* Il y a dans la vallée une maison sc^n;— eirberbey
croît sur le seuil. — Portes, fenêtres sont toujours fermées, rr PmHq famé^, ne
s'échappe du toît. — Mais à midi , lorsque vient le soleil , — une fenêtre s'ouvre
alors — et Forpheline s'assied , filant à son rouet. — Elle file et chante en tra-
vaillant — un chant de tristesse. — Mais nul autre chant ne répond au sien.
— XJti jour^,' ùà 'jouir ^dé 'printemps, — une palombe se posa sut tin arbre
voisin, -- et entendit lèT (^àiit^de la jeune fiUe. — Jeune fille, dit-^te, tu ne
pleures pas séÀlel'^^HÉ'criielépei^er m'a ravi ma compagne. — Palombe,
montre-moi Fépervier ravisseur; — fûlril aussi haut que les nuages, *- Je
l'aurai bieotdt abattu es «rare. ^-~< Maïs moi, pauvre fille, qui mexendra mon
frère, -— mon frère maintenant en lointain pays? — Jeune fille, dis-moi '>eÀ
est ton frère — et mes ailes me porteront près de lui. » .,/ ^ ,i
— Voilà une palombe bien élevée, s'écria Qrso eo ^mbrasw^sa
sœur avec une émotion qui contrastait avec le ton.de pf^iWBtmâ
ipt'il afléctait. ... : , xn. i<, >
-*- Votre chanson est charmante, dit miss Lj[dia, je veui;>ipie.iKiUft
me l'écriviez dans mon album. Je la traduhrai en anglais el je Iftfmî
naettre ea musique. . .' .^^
Le brave colonel , qui n'avait pas compris un mot , joignit ses eamr
pUmens à ceux de sa fille. Puis il ajouta : — Cette paiaDd>e dent
vous parlez, mademptoelte, c'est cet oiseau que nous avons mangé
aujourd'hui «à. la crapaudioe? .
Miss Nevil apporta son album et ne fut pas peu surprise de voir
l'improvisatrice écrire sa chanson en ménageant le papiet d'une
façon singulière. Au lieu d'être m vedette, les vers se suivaient sur
la même ligne, tant que la largeur de la feuille le permettait, en
sorte qu'ils ne oonvenaioit |[^Iiisà|a définition oonnuedea oomporifions
poétiques : De petites. ligdes,- ^'Inégale tongueur^ avee unei HMÉgè
de chaque côté, i» Il y avait Imb enccwe^pieliueaiObaervâtiMis à fioiiiti
sur rortbogDapbe un peu itapriciisuaa deMi^tiCfUen^ ^qui v^photchw^
ri ir.
foift,i!fi^Mirire.(in{tt|IK«¥il% tanto qae la vanité fmtâmtlié dfOi«>
bt ; /'.iir>
II
L'beoFe'de dormir éèaait arriTée» les deux jeunes filles se retinèt eut)
dans : leur.. clMmbre. IA4 tandis que miss Lydia détachait colliei^>
boucles , bracelets , elle observa sa compagne qui retirait de sa roba
quelque chose de long comme un buse, mais de forme bien diffé-
rente pourtant Colomba mit cela avec soin et presque furtivement
sous son mezzaro déposé sur une table; puis elle s'agenouilla et fit
dévotement sa prière. Deux minutes après elle était dans son lit. Très
cnrieuse'de Ma naturel et lente comme une Anglaise à se déshabiller,
miss LydSà s'approcha de la table, et feignant de chercher une épingle,
souleva le mezzaro et aperçut un stylet assez long, curieusement
monté en nacre et en argent; le travail en était remarquable et c'était
une arme ancienne et de grand prix pour un amat^ur^
— Est-ce l'usage ici , dit miss Nevil c;n SQ^rifint,, qi)ie le? dempi-
sdles portent ce petit instrument dans leur cm^t? .„.,;. . .
— n le faut bien, répondit ColoiQbaeiisoupjtant,.lly.a tant de
méchantes gens!
— Et aurie3&-vou8 vraiment le courage d'e»éoimer un coup comme
«la? '
Et miss Nevil , le stylet à la main , faisait le geste de frapper, comme
on frappe au théâtre, de haut en bas.
'-^'Oui ; si' cela était nécessaire, dit Colomba de sa voix douce et
miolGrie, pour me défendre ou défendre mes amis... Mais ce n*est pas
comme cela qu'il faut le tenir; vous pourriez vous blesser, si la per^
amme^evous voulez frapper se retirait. — Et se levant sur son
aéaiit : -*4-Tenez« c'est ainsi, en remontant le coup. Comme cela il
est mortel, dit-on. Heureux les gens qui n'ont pas besoin de telles
armesl
Elle $0iipira, abandonna sa tête sur Toreiller et ferma les yeux. On
n'aurait pu voir une tête plus belle, plus noble, plus virginale. Phi^
^^îas, pour sculpter sa Minerve, n'aurait pas désivé un autre modèle.
VI.
• i<
1'
. ■.!
• I > I
Cest.pourflaecanfonxierauinréccpt&dllMMevqiie je mesuis lancé
ôMMmàimmediatresjJémdQnïïatiqiM tonfadort^ et k| belle Colomba,
elle c<rfcMdl et 4» «filievî^aqisiraice moment pour instruire mon leo*
^^il ne .doit pas ignorer, s'il veut
90 REVUE BM mrr mondes.
f»énéfr«r diflmtita^ éms cette vérMl!|tte 'Mstoif». H ^Mit!4l|è '<|M le
colonel ddla liebbia , père dTh^, éMt mort «BMêrfné. Or, on n^eA
pas assasshié eo Corse, comme on fest en France, par le prenlier
échappé ^des galères, qui ive trouve pas 4e metHenr fiie>;en poÉr vons
voler votre argenterie: on est assassiné par ses enncwife? mais le
rootK'pottr lequel on a des ennemis, H est souvent fbrt «Kflcile de le
dite. Bien des (iimilles se haïssent par vieille iiabitigide, cA la traditiOB
de la eanse originelle de leur haine s'est perdue coniptètonent.
La fhmiHe à laquelle appartenait le colonel deMa Rebbia, haïssaift
plusieurs autres f^nflles, mais sînguHèrefnent ceAe é^ Bsrricinf;
quelques-4nis disaient qne, dans le xrt siècle , w> dettu Rebkia aratt
séduit une Barricini, et avait été poignardé ensuite par un parent de
la demoiselle outragée. A hi vérité, d'autres racontai^ent raflhjre dif-
féremment, prétendant que c'élatt une deHa Behbia qui avait été
séduite, et xm Barriehii poignardé. Tisnt il y a que, pour ne servir
d'une expression consacrée, il j avait du sang entre les denx n^alsons.
Toutefois, corttre Fnsage, ce meurtre n*en avait pas produit d*autres;
c'est que les délia Rebbia et les Barricini avaient été également per-
sécutés par le gouvernement génois, et les jeunes gens s'étant expa-
triés, les deux familles furent privées, pendant plusieurs génér»-
tiotts , de lenrs représentant énergi€[ues. A hi fin du siècle dernier, un
délia Rebbia , ol'ficier au service de ^Tapies , se trouvant dans nn tripot,
eut une cpiereHe avec des militaires , qui, entre autres Injures , rap-
pelèrent ebevrier corse; il mit fépée è la main, mais, seul contre
trois , il eut mot passe son temps , si un étranger, qui jouait UMis le
même lieu, ne se fût écrié: Je suis Corse aussi! et n'edt pris sa
défense. Cet étranger était un Barrickit , qui d^aiieurs ne connafsseit
pas son compatriote. Lorsqu'on s'eipliqua, de part et d^autre ce
furent de grandes politesses et des sermens d'amitié étemeHe, car,
SUF le couittnenc , les uorses se fient Riciicment; c est tout te contraire
dans leur tte. On le vit Men duns cette circonstance r delfea Rebbia et
.^VnviOMi 'Wyemf amis tstimes tant qo ns uemcurcrens en Hflne, mais,
de retour en Corse, ils ne se virent plusque rarement, bien que habitant
tous les deux le même village, et, quand ils moururent, on disait qu'il y
avait bien cinq ou six ans qu'ils ne s'étaient salués. Leurs fils vécurent
de même en étiquette, comme on dît dans l'Ile. L'un, Ghilfuccio,
le père d'Orsos M nrititsaire; Vfg^ti^, €iiud<ce Barricini, fM avocat.
Vewenus l'un ot fautre chef^ dteGmrilie, et séparés par leur proffes^
siOD, 11^ n'eurent presque aticune occasîon de se voir ou d^enten*e
parier Pun de l^Hitro^.
O^feotlmU, 4111 jom;, yoib 4ilP9, ftiuAte Jlpowt ta Wnrtit» «da^s «w
témoins, ^nii'jl^n'^ii était ,pt6.ftiiipmn«altaiiâu (yie Iç sénéical *** ^wih-
IÔgeaitu.ftaûUt. CeinatJM niiQMiyté'à ^Utfuccio à Viemei,le4iifldi
dtt à OB coflqjniMale qu'^mb mtaiir .m Corae il^oNHweiail 6ittdi«e
tten.fîohe^guivee fiu'jl tirait ptaiftjd^aK^^ sest^wsaejierdiies^^iie
de ^celles jqu'il ffigfmi. On «n'a jamais w «'il jnainoait 3>ar là .fue
r«voQtf iiahiawiit ses cUens^ 4m a'jl se •bovnait à fémettoe cette védié
twate, qu'une mawiiseaffaîœ rigipoite jilna & «n iioonne de loi
qa'aBe.bonne.t»nBae. Quoiqu'il «n.floît« l'avoaatitaRiaîniient^eonnniaN
sanoe'de i'^épigEamsie , etne rnuhUapas. En48i8ffldenundaîtà^fttae
QQaiDMi DiaiietdemcttmnHiBeiet waittmibev^
le4)éiiéc«l *** i6cnwit««Bipvéfet, iMiur M wemuMAder iwfwont^e Ja
fanuBie deGhilfiuiaia; le préfet s'^eBipseaaadf ae naQfMBer<attx«déaifa
d» général, «t .Baoridni ne ^uta fMaut (fii'^l «ne Mt 'Sa décoofaBW
asx intrignea de OhHfîiaoio. «▲ la okutede l'eiw|iai«iir, «t 1814». le
jBtttégé du ^ésal fiit 4énonaé comne lionmwtiate» 4ît wnaplao^
par Bancinî. ▲san'tour, «e damner £lt destitué tdana les ^centiou^
nais, après aette tenipète, ilnipriten yaudefonape jiBMaoiion 4ii
cadietfdelatiiaine et4e5ir6gjatreadej'étafe«¥îl. ^
Deceflionieiit , son éto9edeiniit|dfiSibc9lante4|ne jamais* JLe«cida-
mI délia Bebbia, ^mis ^en demMoMe, «et i^etiré é j^ietEanera*, eut à
seatenfa' centre lui inwignerra sfMiide de olnaRies «ans *cei^
valées ; tantôt il était acaîgné «n riép^ntion 'de danoMiges ounniis
paraontdieval dMls.ies^GléturesdeM. je maire; tanlét«ahur6i« wua
piéleuta de réparer le pavé de J'église^Aisaiteideferiime^aUebBiBte
qfBi.parlaitlesMimeMles dalla AebhiaHiet^w oott¥iiait4e tombeau d'4m
membre de cette famille. Si les ehèvres mangeaient les jeunes plants
dn ^selnayel , les ^epriétaisas de »ces mrimatix tmuweni; ^cutection
auprès du maire; suceeaaivement , J'épicier tcpii tenait le èuDoau^le
poste de JKetranena, et Je gaEde-ebaaipMre, "muu acddat mulîlé^
tws les deuft 4>li€ns des duUa ftebbia», faiaent ^asBteés vet remplacés
par des a-éatnres des Barricink
La femme du colonel mourut, exprimant le désir d'être enterrée m
milieu d'un petit bois ou eUe^aimait àse promener; aussitét le maire
dédam qu'elle serait .inhumée 4l«ns le cimetiéns de la commune^
attendu qaH n'ayaîft pas reçu^'auterisatiea fiour pacmettae pne^égml-
tpK isolée, JLe colanel funeus^ déotora qu'en .attendanit isette antoi^
saMon*» ja femme aemit antecrée lai Ueu qu'aile avait ^oisi , et il .y fit
creuser une fosse. Be soq ioélé, ternaire «n fit Iwe une dans lecin^
èi RBVOB DBS BE0X MONDES.
fîére, et manda la gendarmerie, afin , disait-il , que force restât â la loi.
I^jorn* de renterrement, les deux partis se trouvèrent en présence,
et rôn put craindre un moment qu'un combat ne s*engageAt pour la
possession des restes de M*"' délia Rebbia. Une quarantaine de paysans
bien armés , amenés par les parens de la défunte , obligèrent le curé,
en sortant de l'église, à prendre le chemin du bois; d'autre part, le
maire , ses deux fils , ses cliens et les gendarmes se présentèrent pour
faire opposition. Lorsqu'il parut et sohuna le convoi de rétrograder, il
fut accueilli par des buées et des menaces ; l'avantage du nombre
était pour ses adversaires , et ils semblaient déterminés. A sa vue ,
plusieurs fusils furent armés , on dit même qu'un berger le coucha en
joue , mais le colonel releva le fusil en disant : Que personne ne tire
sans ition ordre I Le maire a craignait les coups naturellement » comme
Panurge ; et , refusant la bataille , il se retira avec son escorte : alors
la procession funèbre se mit en marche , en ayant soin de prendre le
plus long, afin de passer devant la mairie. En défilant, un idiot, qui
s'était joint au cortège, s'avisa de crier vive l'empereur! Deux ou
trois voix lui répondirent , et les rebbianistes , s'animant de plus en
plus, proposèrent de tuer un bœuf du maire, qui, d'aventure, leur
barrait le chemin, fieureusement, le colonel empêcha cette violence.
On pense bien qu'un procès-verbal fut dressé , et que le maire fit
au préfet un rapport de son style le plus sublime , dans lequel il pei-
gnait les lois divines et humaines foulées aux pieds , — la majesté de
lui , maire, celle du curé , méconnues et insultées , — le colonel délia
Rebbia se mettant à la tête d'un complot buonapartiste pour changer
l'ordre de successibilité au trône , et exciter les citoyens à s'armer
les uns contre les autres, crimes prévus par les articles 86 et 91 du
code pénal.
L'exagération de cette plainte nuisit à son eflet. Le colonel écrivit
au préfet , au procureur du roi : un parent de sa femme était allié à
un des députés de l'Ile , un autre , cousin du président de la cour
royale. Grâce à ces protections, le complot s'évanouit. M"' délia Reb-
bia resta dans le bois , et l'idiot seul fut condamné à quinze jours de
prison.
L'avocat Barricini , mal satisfait du résultat de cette afTaire, tourna
ses batteries d'un autre côté. Il exhuma un vieux titre, d'après lequel
il entreprit de contester au colonel la propriété d'un certain cours
d'eau qui faisait tourner un moulin. Un procès s'engagisa qui dura
long-temps. Au bout d'une année, la cour allait rendre son arrêt, et
suivant toute apparence en faveur du colonel , lorsque Mi Barricini
du roi Dne lettre $igpée,par jua
> menaçait, lui maire, d'incendia
^(entions. On soit qu en Corse U
rchée, et que pour obliger leurs
dans les querelles particulières^
lorsqu'un nouvel incident vint
:inî écrivit au procureur du roi
tson écriture, et jeté des doutes-
r pour un homme qui trafiquait
faussaire, disait-il en terminant
3t. »
int écrit la lettre menaçante au
lient les Barricini , çt vice veriâ.
naces, et la Justice ne savait de-
uccio futBSsassipé.ypki l^s Tait^
Le 3 août 18..., le jour tombant
ain. à Pietranera entendit deux
comme il lui semblait, dans ua
environ cent cinquante pas de
iiussit6t elle vit un homme qui
- des vignes, et se dirigeait vers
itant et se retourna ; mais la dis-
istjnguer ses traits , et d'ailleurs-
^e qui lui cachait presque tout
i un camarade que le témoin ne
'deau, monta le sentier en cou-
rant, et trouva le colonel délia Rebbia baigné dans son sang , percé de-
deui coups de feu, mais respirant encore. Près de lui était son fusil
chargé et armé, comme s'il s'était mis en défense contre une per-
sonne qui l'attaquait en face au moment où une autre le frappait par
derrière. Il râlait et se débattait contre la mort, mais ne pouvait
prononcer une parole, ce que les médecins expliquèrent par la
averse le poumon. Le sang
e u|ie mousse rouge. En vain
isa quelques questions. Elle-
'. pouvait se faire comprendre,
la main à sa poche, elle s'em-
qu'elle lui présenta ouvert.
^ REVUE rais DEUX MONDES.
lié blëstô i^ lé crayoA du portefeuille et dierchà à écrire. Dé tsit,
te témoin le vit foi^mer avec peidé plusiéui^ cai^ctèresi mais àe sacluuiit
pas l&re, elle ne* put en compi^enlfré lé sens. Épuisé par cet effort, lé
colonel laissa Hé portefedHle dans la lilain de la femme Pietri , qu^il
^Ttsi avec force, en la l'egardant! d*un air singulier, éomme s'il vou-
lait lui dire, ce sont les paroles du témoin : < C'est important, c'^
lé nom de mon assas^n ! x>
La femme Pïétri montait au village lorsqu'elle rencontra Mf. lié
maire Bàrriëini avec sén fils Vincentello. Alors il était presque ndit.
Elle conta ce Qu'elle avait vu. Le maire prit le portefeuille, et coui^t
à la mairie ceindre son éch&rpe et appeler son secrétaire et Ih gen^
dhrinerie. Restée seule avec le jeune Yincenlello, Madeleine Pietri
ibî proposa d'aller porter secours au colonel dans le cas où il serait
encore viVant ; toàh VincenfeUo répondit que s'il approchait d'uik
homme qui avait été l'ennemi acharné de sa fomille, on ne manque^
i^i! pas de Taocuseï* dé l'avéir tué. Peu après le maire arriva, trouva
le coibnel moirt , fit enlever le cadavre, et dressa proéès-veri)al.
Maljgré son trouble, naturel dat^ éétté écca^on, M. KirriciM
S'éMt empressé de mettre séus les séellés le portefeuille du colonef,
et de faire toutes les recherches en son pouvoir; mais aucune n'amena
de découverte importante. Lorsque vint lé juge d*^structibn , 6A
éùvrtt le ^rtiéfeiUllé, et su)r ùné ]^ge souillée dé sang èh vit qûél^
q^es lettrés tracées ^r uhe main défeillante, bien Ifeibles pouiïànt.
H y avait écrit: A^sti...., et le juge ne douta pas (Jué lé eoloùél n'eût
voulu ifésigAér Ag^mî cémme sôh assassin. CepedduAt' Colbmba delUi
Kebbia , Aj^elëe par lé jugé , demanda à éxàmiber le portefeuille'.
Après l'avoir long-temps feuilleté, elle étendit là main vers le maire
et s'écria : Voilà l'assassin ! Alors , avec utte précision et une clarté
starprenaute dans le transport dé douleur otf die était plongée, elle
raicoiita que sén' péré ayant reçu peu dé jours auparavant une letti*é
de son fils, Favait brûlée, mais qu'avant de le faire,' il avait écrit ad
crayoft, smr soft portJéféuilte, l'adressé' d'Orso, qui venait dé changer
dé garnison. Or, cette adresse ne se trouvait lihis dahs lé portefeuille,
et Colomba éoncluait que le maire avait arraché le feuillet 6&' elle
étéit écrite, apû aurait été le même que céMi sui* lequel son ^èi'e avait
tracé lé lïom dé son mémtrier; et à ée nom le màîi^ , au dire dé
Cofomba, attrait substitué celui dTAgosfini. Le jUge vit éû effet qù'uA
feuillet manquait au cahier de i^apier sur leqtteï lé nom était écrit ;
mais bientôt ili^emarquà que des feuillets manquaieM également daûi
tes autres céhiers du mêmeportiefeuttlé, et des témoins diéciarèrent que
COLOMBA. 35
Je colonel avait Thabitude de décliirer ainsi des pages 4e son porte-
feuille lorsqu'il voulait allumer son cigare; rien de plus probable donc
qu'il eût brMé par mégarde l'adresse qu'il avait copiée. En outre, oa
constata que le maire, après avoir reçu le portefeuille de la femme
Ketri, n'aurait pu lire à cause de l'obscurité; il fut prouvé qu'il ue*
^'était pas arrêté un instant avant d'entrer à la mairie, que le briga-
dier de gendarmerie l'y avait accompagné, l'avait vu allumer une
lampe, mettre le portefeuille dans une enveloppa et la cacheter sous
aes yeux.
Lorsque le brigadier çut terminé sa dépositipn, Colomba, hors
d'elle-même, se jeta à ses genoux et le supplia, par tojA ce qu'il avait
de plus sacré, de déclarer s'il n'avait pas laissé le maire seul un instant.
JLe brigadier, après quelque hésitation, visiblement ému par l'exalta-
tion de la jeune Qlle, avoua qu'il avait été chercher dajns une pièci&
voisine une feuille de grand papier, mais qu'il n'était pas resté une
minute, et que le maire lui avait toujours parlé tancKs qu'il cherchait
à tâtons ce papier dans un tiroijr. Au reste, il attestait qu'à son retour
le portefeuille sanglant était à la même place sur la table où |e maire
l'avait jeté en entrant.
M. Barricini déposa avec le plus grand calme. Il excusait, disait-iU
l'emportement de M"'' délia Hebbia , et voulait bien condescendre à
se justifier. Il prouva qu'il était resté toute la soirée au village; que
aojD fils Yincentello était avec lui devant la mairie au moment du
.crime; enfin, que son fils Orlanduccjio, pris de la fièvre ce jour~ià
même, n'avait pas bougé de son lit. U produisit tous les fusils de sa
maison, dont aucun n'avait fait feu récemiment. Il cyouta qu'à l'égard
du portefeuille il en avait tout de suite compris l'importance; qu'il
l'avait mis sous le scellé et l'avajjt déposé entre les nuiins de son ad-
joint, prévoyant qu'en raison de son inimitié avec le colonel il pour-
rait être soupçonné. ï;nfin il rappela qu'Agostini avait menacé de
jport celui qui avait écrit ^ne lettre en son nom , et insinua que ce
^ûsérable ayant probablement soupçonné le colonel, l'avait assassiné.
Dans les mœurs des bandits, une pareille vengeance pour un motif
analogue n'est pas sans exemple.
Cinq jours après la mort du colonel délia Rebbia , Agostini , sur-
pris par un détachement de voltigeurs, fut tué en se battant en déses-
péré. On trouva sur lui une lettre de Colomba qui l'adjurait de décla-
1er s'il ^att ou fuyi co,upable ^n meuitrç qu'on ^ui imputait. Le
Jb^it n'ayant point faH 4^ réponse, on en conclut assez générale-
mept qu'il n'Ay^t pas e? le cçurs^e ^ dire à une fille qu'il avait tué
3.
^36 REVUE DES DEUX MONDES.
ison père. Toutefois, les personnes qui prétendaient connaître bien le
caractère d*Agostini , disaient tout bas que , 8^9 «Ût tué fe colonel, il
yen serait vanté. Un autre bandit, connu sous le nom^ie Bran'dolâcdo,
remit à Colomba une déclaration dans laquelle il attestait $u^ rhofi"
neur l'innocence de son camarade; mais la seule preuve qu'il allé-
guait, c'était qu'Âgostini ne lui avait jamais dit qu'il soupçonnât le
-colonel.
Conclusion, les Barricini ne furent pas inquiétés; le juge construc-
tion combla le maire d'éloges, et celui-ci couronna sa belle conduite
'^ en se désistant de toutes ses prétentions sur le ruisseau pour lequel
il était en procès avec le colonel délia Rebbia.
Colomba improvisa , suivant l'usage du pays, une baihtia devant le
cadavre de son père , en présence de ses amis assemblés. Elle y
exbala toute sa haine contre les Barricini et les accusa formellement
de l'assassinat» les menaçant aussi de la vengeance de son frère.
C'était cette ballata^ devenue très populaire, que le matelot chantait
devant missLydia, En apprenant la mort de son père, Orso, alors
4ans le uord de la Fcance^ demanda un congé, mais ne put l'obtenir.
D'abord, sur une. lettre de sa sœur, il avait cru les Barricini cou-
pables, mais bientôt il reçut copie de toutes les pièces de l'instruc-
tion, et une lettre particulière du juge lui donna à peu près la con-
viction que le bandit Agostini était le seul coupable. Une fois tous les
trois mois Colomba lui écrivait pour lui répéter ses soupçons qu^etie
appelait des preuves. Malgré lui, ces accusations faisaient bouillonner
son sang corse, et parfois il n'était pas éloigné de partager les préjugés
de sa sœur. Cependant, toutes les fois qu'il lui écrivait, il lui répétait
que ses allégations n'avaient aucun fondement solide et ue méritaient
nulle créance. Il lui défendait même , mais toujours en vain, de lui en
parler davantage. Deux années se passèrent de la sorte, au bout des-
quelles il fut mis en demi-solde, et alors il pensa à revoir son pays,
uon point pour se venger sur des gens qu'il croyait innocens, mais
j)our marier sa sœur et vendre ses petites propriétés, si elles avaient
assez de valeur pour lui permettre de vivre sur le continent.
VIL
r É
Soit que l'arrivée de sa sœur eût rappelé à Orso avec plus de force
le souvenir du toit paternel, soit qu'il souffrit un peu devant ses amis
«civilisés du costume et des manières ^auv&e^ deGolomba, il annonça
. COLOMBA* anr
dès rto lendemaiBf le projet de quitter A jaccio et de retourner à Pietnn
ners. Maitf oèpendant fl fit promettre au colonel de venir prendre
un gtte dans^n tmnible manoir, lorsqu'il se rendrait à Bastia, et en
revanche il s'engagea à lui faire tirer daims , faisans , sangliers et le
reste*
La veille de son départ, au lieu d'aller à la chasse, Orso proposa
une promenade au bord du golfe. Donnant le bras à miss Lydia , il
pouvait causer en toute liberté , car Colomba était restée à la ville
pour bire ses emplettes , et le colonel les quittait à chaque instant
pour tirer des goélands et des fous , à la grande surprise des pas-
sans qui ne comprenaient pas qu'on perdit sa poudre pour un pa«
reil gibier.
Ils suivaient le chemin qui mène à la chapelle des Grecs, d'où l'on
« la plus beUe vue de la baie; mais ils n'y faisaient aucune attention.
—Miss Lydia... dit Orso après un silence assez long pour être de-
venu embarrassant; franchement, que pensez-^ous de ma sœur?
— Elle me platt beaucoup, répondit miss Nevil. Plus que vous,
ajouta-t-elle en souriant , car elle est vraiment Corse, et vous êtes un
aauvage trop civilisé.
— Trop civilisé I... Eh bîenl malgré moi, je me sens redevenir
aaavage depuis que j'ai mis le pied dans cette Ne. Mille affreuses peu-
jées m'agitent, me tourmentent... et j'avais besoin de causer un peu
«vee vous avant de m'enfoncer dans mon désert.
"<» Il fSaat avoir du courage , monsieur ; voyez la résignation de
Totie sœur, elle vous donne l'eiemple.
— Ahi détrompez-vous. Ne croyez pas à sa résignation. Elle ne
m'a pas dit un seul mot encore, mais dans chacun de ses regards j'ai
lu ce qu'elle attend de moi.
— Que veut-elle de vous enfin?
— Ohl rien... seulement que j'essaie si le fusil de monsieur votre
père est aussi bon pour l'homme que pour la perdrix !
«— > Quelle idée ! Et vous pouvez supposer cela I quand vous venez
d'avouer qu'elle ne vous avait encore rien dit. Mais c'est affreux de
votre part.
— S elle ne pensait pas à la vengeance, elle m'aurait tout d'abord
parié de notre père; elle n'en a rien fait. Elle aurait prononcé le nom
de eem; qu'elle regan!?... à tort, je le sais, comme ses meurtriers.
Eh bieiil non, pasun'Oot. C'est que, voyeaHfous, nous autres Corses,
non» aorniiet une raoè raiée« EHe comprend qu'elle ne me tient
pas complètement en sa puissance, et ne veut pas m'eflfrayer lor»-
9B REVUE DSi WfB% MONDES.
916 je pai9 m'éd^f^ encore. Une fops ipi'elle m'wra oonikut an
bord 4u piécipîce, fprsque la tète me tournera, elle me poossera étm
YMtm. — Alors Orso donna à mû» Nevil quelques détail sur la mort
de son père, et rappprta les principales preuves qyi se féwîiment
pour lui faire regarder Âgostini comme le meurtrier. «*- Rien, QJMtf*
t41, n'a pn convalacie Colpmba. fe l'ai vu par sa dernière kttre. Elle
a juré la mortdes Barriejni; et.«. miss Nevil, voyez <fueUe oonfiamoe
fiai jeu vous... peirinètre ne seraient-ils ptas de ce monde, si, par «0
de Cfss préJBgâ» qn^eicuse son i&ducatfon ^uvage, elle ne se peraïUK
dait qi^e rexécnUon de la ven^ance m'appa^rat en laa qualité de
chef de famille, et que mon honneur y est engagé.
— En vérité , monsieur délia Rebbia , dit miss Nevil , vaus calom-
niez Yotre siQsnr.
*^ N]on, vous l'avez dit vaasHnénie... ^e est Corse... eMe pense
ce qu'ils pensent tous... €avez-vous pourquoi j'étais si triste hier?
-^ Non, maïs depuis quelque temps vous êtes sujet à ces accès
d'humeur noire.... Vous étiez plus aimable aux premiers jours^ de
Botre connaissance.
— Hier, au contraire , j'étais plus gai , plus heureux cp'è l'anih-
iiaire. Je vojos avais vue si èonne, si indulgente pourmaaOBur {... Keus
revenions, le colonel ^ moi, en jbaleaii. SavjCi-votts ce q«e ne dit dp
des bateliers dans son infernal patois : ^ Vous avez tué hien du fihéaPt
Ors' Anton' mais vous trouverez Orlanduoeio Barrictni plus grand dna*
aeur que toiks. a
— Eh bien 1 quoi de si terrible dans oes parales? Ajrez-va«s donc
tant de préliantiosis à ^tre adroit diassenr?
— Ijtai^ vous ne vpyez pas que ce nusézable disait que je n'aura»
pas le courage de tuer Orlanduccio?
— Savez-vous, monsieur délia fUMk, que vous me faîtes pem*. II
fMffttt que l'air de votre tte ne donaie pas seulement la fièvre, nais
qu'il rend fou. Heureusement que nous attops hientôt la ipiitter.
— Pas avaaut 4'aMoir élié à Pietiviiera. Vous Tavez pronuf à ma
— Et si nous manquions à cette promesse, nous devrions sans
4oute nous attendis à ^^eMltte atroce Feogeance?
f— Yons rappek^^o^s œ que nous oontaît l'autre jour monaoïr
YOtre père de ^ces Indiens qiii menaoeot les gawv^rnaui^ 4e la Goaar
pa|^ de se lapss^ mottrir4e faim s'jh ne font droite leiars reçiètesf
-— C'estrÂ-diire que vpus vous kâsiieijez mourir de fioim? J'en donte.
Yions restiei^ up î(w aans ai^iiM^ GaiMèa yMS pn^
projet
— Vous éles cnielle dans vos railleries, miss Nevil; vous devriez
me ménager. Voyez ^ je sois seii^iéî. Je o^avais que vous pour m'em*
pécher de devenir fou, comme vous dites. Vous étiez mon ange gar*
-^MuiéeMnè, dM Mas Lydia d'tm ton éérfétix, Vous afrez pour
tMteifr «etCa^ raiÉbn si* facile à ébranter, votre homieuir dliomme tX
ée^BriMaàté, cf.... pMr^ufvit-ene ett se cKtom^naM poni^ coMllir xsM
fléor^ si cela pettt qiiek|Qe chose sur vous, le souvenir de vôtfe atkgè^
gardien.
•^ Ah! iilss Neffl, si jepoutais^ penser que vous prenes^ réiiUenienC
tfBkkfts^ kitérét....
— ÉeMièz, lÉonsfeur ëtfht KebMft , di( iniss Nef il ûtréeA'émué,
pni^qnie vôuis êtes wi enfant, je vous traiterai en enfirot. lorsque
yéCais^ petite fille, ma itaère me dohna un^ beau cèlfiér qtfe je désiniid
aMfenmenf; mais elle me dit : — Chaque foiii q^e tu mettras ce <^ol^
■èr, SDUvien^toi' que tu ne sais pas encore te flrançafe. -^ Le éollfféif
pMft à mes yeux an peu de ^n n^érité. Il était deVena pôtàr tùot
iamme iW remords ,• nkais je le portai et je sus le françuis . Voyez->
vous cette bague? C'est un scarabée égyptien trouvé , s'il vous^ plaît y
du» ittie pymmidë. Cette figure bizarre que vous prenez peiit-étre
po«r mie bouteille , ceb veut (fire la vie kwnnine. II' y a dans tabd
pays dfes gerts qui trouveraient riiiéroglyphe très bien approprié. Ce-'
hii-ci qui vient après, c'est un bouclier avec un bras tenant une'
Httioe. Celb veut dire combat ^ (lataiik. Doue la réunion dés déui ca-
Mstère» forme cetfe dévisé, que je trouve assez belle : La vie est uri
embat. Né votts aViSez pa^ dé crotte que je tradùiîs les bSérogiypherf
êôumnment; c'est mi savant eh us qui m'a expliqué ceu5^-là. Tenez,
je Tou^ dbnne mon sbarabée. Quand' vou^ aurez quelque mauvaise
pensée corse, regardez mon talisman et dites^vous qu'il (but soîtir
iÊkàiÊfjjM de la bataillé que nous livrent les mauvaises passions. —
HMft, eu vérité, je rié prêché pas mal'.
•^#© penserai à' vous, râlss NeVM, et je me dîM...%
— Dites-vous que vous avez une amie qui serait désolée.... èe...v
^Û9 savoir pendu. Cela ferait d'ailîeurs trop <te péiile à ibéssiéuiis^ les
étpotUtfr voë* ancêtres. -- A ces itofe elle qûitttf en riiint le ^ttxÉ
dr€KM>v et oMrakkl vei^ soh' ]bère : Fapà, d!t-^e, laissez là' ôés pau-
(f)'^^dèe de Ih^mâgé à'ià eifèilfé, c«titVC*dst im ibëu nanoiâi éa C6M.
M BEVUE DBS MBOX MOHDES.
fm mMOMy et fenez avec noos ùke êe la poMe^ te» la gfotte 4»
KipcriéoD.
VIII.
n y a toujours quelque chose de solennel dans im dé|>art, même
quand on se quitte pour peu de temps. Orso detait partir avec sa
sœur de très bon matin, et la veille au soir il avait pris congé de miss
Lydia, car il n'espérait pas qu'en sa faveur elle Ht eûLceçtion à se»
habitudes de paresse. Leurs adieux avaient été froids et graves. De-
puis leur conversation au bord de la mer, miss Lydia traignaît d'avoir
montré A Orso un intérêt peut-être trop vif, et Orso, de^son côté^
avait sur (e cœur ses railleries, et surtout son ton de légèreté. Un
moment U avait cru démêler <kns les manières de la jeune Anglaise
un sentiment d'afiiedion naissante; maintenant, déconcerté par ses
plffls<mteries^ il se disait qu'il n'était à ses yeux qu'une simple coih
naissance t qui hientM serait oubliée. Grande fut donc sa surprise,
lorsque le matin, assis à prendre du café avec le colonel, il vit enter
miss Lydia suivie de sa sœur. Elle s'était levée à cinq heures, et>
pour une Anglaise, pour miss Nevil surtout, l'effort était assez grand
pour qu'il en tirftt quelque vanité.
— Je suis désolé que vous vous soyez dérangée si matin, dit-Otso»
C'e^ ma sœur, sans doute, qui vous aura réveillée malgré mes m^
commandations , et vous devez bien nous maudire. Vous me soufaaftes
déjà pendu peut-être?
— Non, dit miss Lydia fort bas et en italien, évidemment pour
que son père ne l'entendit pas. Mais vous m'avez bowi^ hier peur
mes innocentes plaisanteries , et je ne voulais pas vous laisser em^
porter un souvenir mauvais de votre servante. Quelles terribles gens
vous êtes , vous autres Corses ! Adieu donc ; à bientôt , j'espère. — Et
elle lui tendit la main.
Orso ne trouva qu'un soupir pour réponse. Colomba s'approcha de
lui, le mena dans l'embrasure d'une fenêtre, et, en lui montrant
quelque chose qu'elle teoait sous son mezzaro^ lui parla un moment
à voix basse.
— Ha scBur, dit Orso^ à miss NevH, veut vous fonne un singuliflar
cadeau, mademoiseUe; mais^ nous autres Corses, nous n'avons pas
grand'chose à donner^, excepté notre affection... quelie temps nfeê-
fdce pas. Ma sœiff me dit q«e vous avez xc^dé . avec cioiositéice
g^let. ^'esEt une antiquité dans la &miUe.; ProbaUement il pendait
' ' 'COLOMBA. Ii)t
^ntofQÎft à la odnture d'un de ces caporaux à qui je dois rhonneUir
de votre coDuaissaoce. Colomba le croit si précieux, qu'elle m'a ée^
mandé ma permission pour vous le donner, et moi je ne sais trop si
je dois raccorder, car j'ai peur que vous ne vous moquiez de nous.
— Ce stylet est charmant, dit miss Lydia, mais c'est une arme de
lamille , et je ne puis l'accepter.
— Ce rfest pas le stylet de mon père , s'écria vivement Colomba.
Il a été donné à un des grands parens de ma mère par le roi Théo*
dore. Si mademoiselle l'accepte, elle nous fera bien plaisir.
— Voyez, miss Lydia, dit Orso, ne dédaignez pas le stylet d'un roi.
Pour un amateur, les reliques du roi Théodore sont infiniment plus
précieuses que celles du plus puissant monarque. La tentation était
forte « et miss Lydia' voyait déjà l'effet que produirait cette arme posée
sur une table en laque dans son appartement de SaintJamesVPlace.
Mais, difc-^Ue, en prenant le stylet avec l'hésitatioti de quelqu'un qitf
veut accepter, et adressant le plus aimable de ses soorires^àColomba :
— Chère mademoiselle Colomba.. , je ne puis... je n'oserais vous
laisser ainsi partir désarmée.
— Mon frère est avec moi , dit Colomba d'an tcm fier, et nous avons
le bon fusil <pie votre père nous a donné. *— Orso , vous l'avez chargé
à balle?
Miss Nevil garda le stylet, et Colomba, pour conjurer le danger
qitfon court à donner des armes coupantes ou perçantes à ses amis,
exigea im sou en paiement.
Il fallut partir enfin. Orso serra encore une fois la main de
miss MevU, Colomba l'embrassa, puis après vint offrir ses lèvres de
rose au colonel tout émerveillé de la politesse corse. De la fenêtre du
salon, miss Lydia vit le frère et la sœur monter à cheval. Les yeux
de Colomba brillaient d'une joie maligne qu'elle n'y avait point encore
remarquée. Cette grande et forte femme, fanatique de ses idées
d'honneur barbare, l'orgueil sur le front, les lèvres courbées par un
sourire sardonique , emmenant ce jeune homme armé comme pour
une expédition sinistre , lui rappela les craintes d'Orso , et elle crut
voir son mauvais génie l'entraînant à sa perte. Orso, déjà à cheval,
leva la tète et l'aperçut. Soit qu'il eût deviné sa pensée , soit pour lui
dire un dernier adieu , il prit l'anneau égypCieH qu'il avait suspendu
à un cordon , et le porta à ses lèvres. Miss Lydia quitta la fenêtre en
rougissant^ pms s'y remettant presque aussitôt, die vit les deux
Corses s'étoigner rapidCTient au galop de leurs petits poneys , se diri*
gewt vers tes- montagnes* Une demi-heure après, le colonel, m
MB REVUE UBSWECOt MONDES.
im^ecn 4e sa^hmette , tes lraanoiitia'loiigeMitlefoBd4lQ golfe, et âHe
xX qu'OPSo^oornait jËcéquosinient la tftie vers la vJHe. H •disparst enfin
t^ei;rièi:e Jes^aréeages f einiplaoés aujourd'lnipar une bt^ pépimève.
J|Hp^(L^a« en ae legardant dans ^ ^aœ , se trouva pèle.
^H3u^ .49it.pQnaer.de imoî ce jeune iiooMue? dit-elle, et moi , que
pensé-je de lui? et pourquoi y pensé-je?.. \k»e connaissanee de
v^)i]^ige?.. .iQuesutfrjetxetnie faîie en Corse?... Oh ! je ne l'aioiepeint.. .
]^, qoPvâ'tôUeiWQela eat jmposaiUe... St€oloniba... Moi laèeUe-
sœur d'upe voceratdce ! qui porte un grand stylet! Et elte s'aperçut
.4\1t'€^ jtena^ à la foaiii celui du xoi Théodore. £lle le jeta sur sa toi-
Jet<)e.—Cak)fnbaài/>ndre6, dansant à Almaok's !... Q^
4>ieu, à montrer... C'est qu'elle ferait fureur peut-être.... il m'aime,
j'ep f uip $i^... «C'est .on héros de roman dont j'ai interrompu >la ear-
^èfe AvenUireuse... Mais avait-il réellement envie de venger son père
À ^.coisïe?.... (7iélait quelque chose.entre un Conrad et un dandy
jj'eo;! iBtt loJt :iui pur dandy , et un dandy qui a un taîHeurcorae!...
jBlle.se jeta fitBT son4it et voulptdormH-, mais cela lui fut impossible,
et je n'entreprendrai pas de continuer son long monologue, dans
jaqpel iOUe^ .dit plus de cent fois que M. délia Rebbia n'avait été,
n!ét«tt et ne aevait jamais rien pour elle.
IX.
Cependant Orso cheminait avec sa sœur. Le mouvement rapide de
leurs chevaux les empêcha d'abord de se parler; mais lorsque les
montéestrop rudes les obligeaient d'aller au pas, ils échangeaient quel-
ques mots sur les amis qu'ils venaient de quitter. Colomba parlait avec
enthousiasme de*la beauté de miss Nevil, de ses blonds cheveux , de
ses gracieuses manières. Puis elle demandait si le colonel était aussi
fiche quHl le paraissait, si M"" Lydia était fille unique. Ce doit être
un bon parti, disait-elle. Son père a, comme il semble, beaucoup
d^amitié pour vous... ^ comme Orso ne répondait rien , elle conti-
nuait : Notre famiHe a été riche autrefois, elle est encore des plus
considérées de l'tle; ions ces signori (2] sont des bâtards. Il n'y a plus
(1) A cçtte épo^e, c^ donnait ce nom en Angleterre aux personnes gui 9e ùSr
saàeni remarquer par quelque chose d*extraordinaire.
{a) On Appelle âignori les descendans des seigneurs féodaux de la Cknrse. Entre
jes fiimUlûs des Mig^nori pi cdles des e^^poraii rivalité pour la noblesse .
de àoèfej^ que dans lès foniliès caporaleè, et rouâ sa?ez , Orso , que
YfSti descettfdez deâ premiers caporaux de Ttle. Vous save2 que tiotre
fiBSttffle est originaire d'au-delà des monts (1) , et ce sont les guerres
civiles qulndmt ont obligés à passer de ce c6té-cf . Si j'étais à votre place,
Orso, je nliésiterais pas, je demanderais miss Nevil à sou père...
( CMo levait les épaules. ) De sa dot, j'achèterais les bois de la Fat-
selfai et les vignes en bas de chet nous; je bâtirais une beRe maisoh en
pierres de taille , et j'élèverais d'un étage la vieille tour oâ Sambu-
cuccio a tué tant de Maures au temps du comté Henri le bel Mis--
sere (i).
— Gdomba, tu es une folle, répondait Orso eti galopant.
•^Vous êtes homme. Ors' Anton', et vous savez sans doute niieux
qtfofiè femme ce que vous avez à faire. Mais je voudrais bien savoir
ce que cet Anglais pourrait objecter contre notre alliance. Y a-t-il
des caporaux en Angleterre?..
Après une assez lobgue traite, devisant de la sorte, le frère et la
s<Èur arrivèrent h un petit village non loin de Bocognano, où ils s'ar-
râtèrent pour dîner et passer la nuit chez un ami de leur famille. Us
y furent reçus avec cette hospitalité corse qu'on ne peut apprécier
que lorsqu'on l'a connue. Le lendemain , leur hôte, qui avait été com-
père de M"^ della ftebbia, les accompagna jusqu'à une lieue de sa
demeure.
— Toyez-vous ces bois et ces maquis, dit-il à Orso au moment de
se séparer; un homme qtli aurait /ai^ un malheur y vivrait dix ans en
paix sans que gendarmes ou voltigeurs vinssent le chercher. Ces bois
touchent à la forêt de VIzzavona , et lorsqu'on a des amis à Bocognano
ou aux environs, on n'y manque de rien. Vous avez là un beau fusil ;
il doit porier loin. Sang de la Madone I quel calibre! On peut tuer
avec cela mieux que des sangliers.
Orso répondit troidement que son fusil était anglais , et portait le
plomb très loin. On s'embrassa, et chacun continua sa route.
Déjà nos voyageurs n'étaient plus qu'à une petite distance de
(i) G*esl-à-dire de la côte orientale. Cette expression très usitée, di là deimonii,
change de sens suivant la position de celui qui remploie. — La Corse est divisée du
nord au sud par une chaîne de montagnes.
(i) y. Filîppini, lib. II. — Le comte Arrigo hel Misten mourut vers Tan 1000;
ca 4it qu'à aa mort uae voix a^entendlt dans Tair, qui chantait ces paroles prophé-
tiques:
E morto il twUe Arrigo bel Missere^
E Cor4ica tara di mcde in peggio.
tA BEVUE DES DEUX MONDES.
Pietranera, lorsqu'à l'entrée d'une gorgé qu'il fallait traverser, ils
découTrirent sept à huit hommes aimés de fusils, les uns assis sur des
pierres, les autres couchés sur l'herbe, quelqûes-^nns debout et sem^
blant foire le guet Leurs chetaux paissaient à peu de distance. Co-*
lomba les examina un instant avec une lunette d'approche , qu'eDe
tira des grandes poches de cuir que tous les Corses portent en voyage.
— Ce sont nos gens, s'écria-t-elle d'un air joyeux. Pieruccio a bien
fait sa commission.
— Quelles gens? demanda Orso.
— Nos bergers, répondit-elle. Avant-hier soir, j'ai fait partir Pie-
ruccio , afin qu'il réunit ces braves gens pour vous accompagner à
votre maison. Il ne convient pas que vous entriez à Pietranera sans
escorte, et vous devez savoir d'ailleurs que les Barricini sont capables
de tout.
— Colomba , dit Orso d'un ton sévère, je t'avais priée bien des fois
de ne plus me parler des Barricini et de tes soupçons sans fondement.
Je ne me donnerai certainement pas le ridicule de rentrer chez moi
avec cette troupe de fainéans , et je suis très mécontent que tu les
aies rassemblés sans m'en prévenir.
— Mon frère, vous avez oublié votre pays. C'est à moi qu'il appar-
tient de vous garder lorsque votre imprudence vous expose. J'ai dâ
faire ce que j'ai fait.
En ce moment, tes bergers les ayant aperçus, coururent à leurs
chevaux et descendirent au galop à leur rencontre.
— Evviva Ors' Anton' I s'écria un vieillard robuste à barbe blanche,
couvert , malgré la chaleur, d'une «asaque à capuchon de drap corse,
plus épais que la toison de ses chèvres. C'est le vrai portrait de son
père; seulement plus grand et plus fort. Quel beau fusil! On en par-
lera de ce fusil. Ors' Anton'.
— Evviva Ors' Anton' ! répétèrent en chœur tous les bergers. Nous
savions bien qu'il reviendrait à la fin !
— Ah I Ors' Anton' , disait un grand gaillard au teint couleur de
brique, que votre père aurait de joie s'il était ici pour vous recevoir!
Le cher homme ! vous le verriez s'il avait voulu me crdre, s'il m'avait
laissé faire Taffaire de Giudice... Le brave homme I il ne m'a pas cru;
il sait bien maintenant que j'avais raison.
— Bon ! reprit le vieSlard , Giudice ne perdra rien pour attendre.
— Evviva Ors' Anton' ! Et une douzaine de coups de fusil accompa-
gnèrent cette acclamation.
Orso , de très mauvaise humeur au centre de ce groupe d'hommes
> I ' < t
COLOMBA,. 4^,
à cheval pau^laot tous qnsfpi^e et se pressant pour lui donner la main v
demeura quelque temps ^tos pouvoir se faire entendre. Enfin, ppe*-
nant Tair qu'il uvait en tèjte de son peloton lorsqu'il lui distribuait tes
réprimandes et les jours de salle de police :
— Mes ami9ydit>-il, je vous remercie de Taffection que vous me
montrez, de c^ que vous portiez à mon père; mais j'entends, je
veux que personne ne me donne des conseils. Je sais ce que j'ai à faire.
— Û a raison , il a raison ^ s'écrièrent les bergers. Vous savez bien
que vous pouvjçz compter sur nous.
— Oui, j'y compte; mais je n'ai besoin de personne maintenant, et
nul danger ne menace ma maison. Commencez par faire demi-tour,
et aUez-rVOusren à vos chèvres. Je sais le chemin de Pietranera , et
n'ai pas besoin de guides.
— N'ayez peur de rien , Ors' Anton', dit le vieillard; ils n'oseraient
se montrer aujourd'hui. La souris rentre en son trou lorsque Devient
le matou.
— Matou toi-même, vieille barbe blanche 1 dit Orso. Conunent
t'appelles-tu î
— £h quoi ! vous ne me connaissez pas. Ors' Anton', moi qui vous
ai porté en croupe si souvent sur mon mulet qui mord ? Vous ne con-*
naissez pas Polo Griffo? Brave homme, voyez-vous, qui est aux délia
Rebbia corps et ame. Dites un mot, et quand votre gros fusil par-
lera, ce vieux mousquet, vieux comme son maître, ne se taira pas.
Comptezry^ Ors' Anton'.
-T- Bien, bien ; mais, par tous les diables ! allez-vous-en et laissez^
nous continuer notre route.
Les bergers s'éloignèrent enfin , se dirigeant au grand trot vers le
village; mais de temps en temps ils s'arrêtaient sur tous les points
élevés de la route, comme pour examiner s'il n'y avait point quelque
embuscade cachée, et toiyours ils se tenaient assez rapprochés d'Orso
et de sa sœur pour être en mesure de leur porter secours au besoin.
Et le vieux Polo Griffo disait à ses compagnons : Je le comprends, je
le comprends. Il ne dit pas ce qu'il veut faire, mais il le fait. C'est le
vrai portrait de son père. Bien ! dis que tu n'en veux à personne I tu
as fait un vobu à sainte Nega (1). Bravo ! Moi je ne donnerais pas une
figue de la peau du maire. Avant un mois, on n'en pourra pas faire
une outre.
(1) Qem sa^te m ^ ^o«ve pa5.diii& le oUeodrier. Se vouer à sainte Nega, c'est
nier tout de parti pris.
i6 REVUE DES DECIt ilOIYDES.
Ainsi précédé par cette tronpe d*éclaireurs, le descendant des delW
Kebbia entra dans son village et gagna le vtenx mafnofr des capo^ùl
ses aïeux. Les rebbianîstes , long-(enips privés dé chef, s*étaièiït
portés en masse à sa rencontre, et les habitans du village qui obser-
vaient la neutralité, étaient tous sur fe ]j)as de leurs portes pour le voir
passer. Les barricinistes se tenaient daïis leurs maisons et regatdaient
par les fentes de leurs volets.
Le bourg de i^ietranera est très irrégulièrement bâti, comme tous
les villages de la Corse, car, pour voir une rue, il feut aller à tlargese,
bâti par M. de Itfarbœof. Les maisons, dispersées au hasard et sans le
moindre aKgnement, occupent le soùimet d'un petit plateau, ou
plutôt d'un palier de la montagne. Yerâ le milieu du bourg s'éléte un
grand chêne vert, et auprès on voit une auge en granit où un tuyau
en bois apporte Feau d'une source voisine. Ce monument d'utilité
publique fot construit h frais communs par les deHa Rebbia et le^
Barricini ; mais on se tromperait fort si Ton y cherchait un indice dèf
Fancienne concorde des deux familles. Au Contraire, c'est une œuvre
de leur jalousie. Autrefois, le colonel délia Rebbia, ayant envoyé
àù conseil municipal de sa commune une petite somme pour contri-
buer à rérecÙon d'une fontaine, l'avocat Barricini se hâta d'offrir un
don semblable, et c'est à ce combat de générosité que Pietranera doit
son eàu. Autour du chêne vert et de la fontaine, il y a un esp^èe vide
qu'on appelle la place, et où les oisifs se rassemblent le soir. Quel-
quefois on y joue aux cartes, et une fois l'an , dans le carnaval , on y
danse. Aux deux extrémités de la place s'élèvent des bfttimens phis
hauts que larges, construits en granit et en schiste. Ce sont les tourà
ennemies des detla Rebbia et des Barricini. Leur architecture est uni-
forme, leur hauteur est la même, et l'on voit que la rivalité des deuï
familles s'est toujours maintenue sans que la fortune décidât entre elles,
il est peut-être à propos d'expliquer ce qu'il faut entendre par ce
tnot de tour. C'est un bâtiment carré d'environ quarante pieds de
haut, qu'en un autre pays on nommerait tout bonnement un colom-
bier. La porte, étroite, s'ouvre à huit pieds du sol, et l'on y accède par
Un escalier fortraide. Au-dessus de la porte est une fenêtre avec une
espèce de balcon percé en dessous comtûe un mâchicoulis, qui permet
d'assommer sans risque un visiteur indiscret. Entre la fenêtre et la
porte , on voit deux écussons grossièrement sculptés. L'uti portait
autrefois la croix de Gênes; mais, tout martelé aujourd'hui, il n'est
plus intelligible que pour tes antiquaires. Sur l'autre écusson sont
sculptées les armoiries de la famille qui possède la tour. Ajoutez, pour
compléter la décoration , quelques traces de balles sur les écussons
et les chambranles de la fenêtre, et vous pouvez vous faire une idée
d'un manoir du moyen-ége en Corse. J'oubliais de dire que les bftti-
mens d'habitation touchent à la tour et souvent s'y rattachent par une
CQnununication intérieure.
Laitour et la maison d<es délia Rebbia occupent le côté nord de la
place de Pietmnera; la tour et la maison des fianidni , le côté sud.
De.la tour du nord jusqu'à la fontaine, c'est la promenade des délia
Bebbia, celle des fiarrioini est du cAté opposé. Depuis l'enterre-
ment de la femme du colonel, on n'avait jamais vu un membre de
l'une de ces deux /familles paraître sur un autre côté de Içt place que
celui qui lui était assigné par une.eq>èce de convention tacite. Pour
éviter un détour, Orso allait passer devant la maison du maire, lorsque
sa sœur J'avertit et l'engagea à prendre une ruelle qui les conduirait
à leur maison sans traverser la place.
-T- Pourquoi^ déranger? dtt Ocso; la place n'est-elle pas à tout le
monfie.? -^£t il poussa son chevpl.
— Brave cœur! dit tout bas Colomba... Mon père, tu seras vengé.
En arrivant sur la place, Colomba se plaça entre la maison des Bar-
fictni Qt son (fère, etttoujours elle eut. l'œil fixé sur les fenêtres de ses
ennemis. ÏBUe remarqua qu'elles étaient barricadées depuis peu , et
qu'on y. avait .pratiqué des arohere. On a{q)elle archere d'étroites ou-
i[ertttres en forme.de meuiMères, ménagées entre de grosses bûches
avec lesquelles, on boodie la partie iitférieure d'une fenêtre. Lors-
qa'on.crsiint quelque attaque, on se barricade de la sorte et l'on peut ,
à l'abri des bûehes, tirer à couvert sur>les assaiHans.
r— Les lâches I dit Colomba. Voyez, mon frère, déjà jls commun-
œqt à se garder. Ils se barricadent ! mais il foudra bien sortir un jour!
La présence d'Orso sur le c(Hé sud de la place produisit une grande
sensation à Pietonera, et fiit considérée comme une preuve d'au-
dace approchant de la témérité. Pour les neutres rassemblés le sok
autour du ebène vert, ce fpt le texte de commentaires sans fin. — ^11
est heureux, distit-on, que les fils Barricini ne soient pas encore
revenus, car .ils sont moins^nduraqs que l'avocat, et peut^tre n'eus-
SBDt-ils point Caisse passer leur ennemi sur leur tarain sans lui Caire
payertia ^bravade. — ^Souvenez-vous de ce que je vais vous dire, voisin ,
i^oijdB.un.vieillarfl qui était l'oiaele du ^bourg. J'ai observé la figure
dfivla Colombaaujoûrd'hui. Elle a quelque chose dans la tête. Je sens
de:la,poudre, en l'air. Avant peu, il y aura de la viande de boucherie
àibon marpbé itaosiPietranera.
W REVUE DES IMHJX VONDBS.
X.
Séparé fort jeune de son père, Orso n'avait guère eu le tenxfê de
Je connaître. Il avait quitté Pietranera à quinze ans pour étudier à
Pise, et de là était entré à l'École militaire» pendant que Gbilfuccio
promenait en Europe les aigles impériales. Sur le contineût, Orso
l'avait vu à de rares intervalles, et en 1815 seulement il s'était trouvé
dans le régiment que son père commandait. Mais le ooloneU inflexible
sur la discipline, boitait son fils conmie tous les autres jeunes lieute-
nans, c'est-Â-dire avec beaucoup de sévérité. Les souvenirs qu'Ono
en avait conservés étaientr de deux sortes. Il se le riqipelait i Pietra-
nera, lui coofiaiit son sabre, lui laissant dédiarger son fusil quand il
revenait de la chasse, ou le faisant asseoir pour la première fois, lui
bambin, à la table 4e fiimillia. Puis il se représentait le colonel délia
Rebbia l'envoyant ïï\x% arrêts pour qudque étourderie , et ne l'appe-
lant jamais que (^ lieutenant délia Rebbia. y> — Lieutenant deila Reb-
bia , vous n'êtes pas à votre place de bataille , trois jours d'arrêts. —
Vos tirailleurs sont à cinq mètres trop loin de la réserve , cinq jours
d'arrêts. — Vous êtes en bonnet de police à midi cinq minutes, huit
jours d'arrêts. Une seule fois, aux Quatre-Bras, il lui avait dit : Très
bien , Orso , mais de la prudence. Au reste , ces dentiers sduveirirs
n'étaient point ceux que lui rappelait Pietranera. La vue ées Ifeui:
familiers à son enfance, les meubles dont se servait sa m^, qu'il avait
tendrement aimée, excitaient en son ame une foule d'émotions douces
€t pénibles ; puis, l'avenir sombre qui se préparait pour lui , l'inquié-
tude vague que sa sœur lui inspirait, et par-dessus tout l'idée que
miss Nevil allait venir dans sa maison , qui lui paraissait aujourd'hui si
petite, si pauvre , si peu convenable pour une personne habituée au
luxe , le mépris qu'elle en concevrait peut-être , toutes ces pensées
formaient un diaos dans sa tête et lui iniq>iraient un profond décou-
ragement.
Il s'assit, pour souper^ dans un grand fauteuil de chêne noirci où
son père présidait les repa^ de femille, et sourit en voyant Colenba
hésiter à se mettre à UùAe avec lui. U lui sut bon gré d'ailleurs du
silence qu'elle observa ,pen4ant le soiq^er et de- la prompte retitite
qu'elle fit ensuite, car il se sentait encore trop éuu pour ré^^ter aux
attaques qu'elle lui préparait sans doute; niais Cotomba le ménageait
V et voulait lui laisser le temps de se reconnaître. La tête appuyée sur
COLOMBA. 49
sa main, il demeura long-temps immobile, repassant dans son esprit
les scènes des quinze derniers jours qu'il avait vécus. U voyait avec
effroi cette attente où chacun semblait être de sa conduite à Tégard
des Barricini. Déjà il s'apercevait que l'opinion de Pietranera com-
mençait à être ^ur hii celle du monde. Il devait se venger sous
peine; de passer pour un lâche. Mais sur qui se venger? Il ne pouvait
croire les Barricini coupables de meurtre. A la vérité ils étaient les
ennemis de sa fomille, mais il fallait les préjugés grossiers de ses
compatriotes pour leur attribuer un assassinat. Quelquefois il considé-
rait le talisman de miss Nevil , et en répétait tout bas la devise : « La
vie est un ccAnbat I » EnGn il se dit d'un ton ferme : ce J'en sortirai
vainqueur! » Sur cette bonne pensée, il se leva, et prenant la lampe,
il alkdt monter dans sa chambre , lorsqu'on frappa à la porte de la
maison. L'heure était indue pour recevoir une visite. Colomba parut
aussitôt, suivie de la femme qui les servait. — Ce n'est rien, dit-*
elle en courant à la porte. Cependant, avant d'ouvrir, elle demanda
qui firappait. — Une voix douce répondit : C'est moi. Aussitôt la barre
de bois placée en travers de la porte fut enlevée, et Colomba reparut
dans la salle à manger suivie d'une petite fille de dix ans à peu près,
pieds nus, en haillons, la tète couverte d'un mauvais mouchoir, de
dessous lecpiel s'échappaient de longues mèches de cheveux noirs
comme l'aile d'un corbeau. L'enfant était maigre, pâle, la peau brûlée
par k soleil; mais dans ses yeux brillait le feu de l'intelligence. En
vojfani Oreo , «lie s'iurèta timidement et lui fit une révérence à la
paysanae, puis elle parla bas à Colomba et lui mit entre les mains
un faisan noi^ellement tué.
-t^ Merci, Chili, dit Colomba. Remercie ton oncle. Il se porte bien?
*-*-Fort bien , mademoiselle, à vous servir. Je n'ai pu venir plus tôt
parce qu'il a bien tardé. Je suis restée trois heures dans le maquis à
l'attendre.
— Et tu n'as pas spupé?
— Dame I non , mademoiselle; je n'ai pas eu le temps.
— On va te donner à souper. Ton oncle a-t-il du pain encore?
-—Peu, mmlemoiselle; mais c'est de la poudre surtout qui lui
masquai Voilà les chfttaigttes venues, et maintenait il n'a plus besoin
que de poudre.
~le vais te douer ua pain pour lui, et dé la poudre. Dis-lui qu'il
la Di&iage^.ell&est obère«
^(kdoiBbav cMOtSo eH'fkMçais, à qui donc foîs-tu ainsi la charité?
^ REVUE DE^ JUSn^L RONDES.
— A fln ^viYre ,l>Apd|t /^ cp rvUlagç, x^pcuicU^ ,a>lûinba dfy^ (ft
^ên[ie,}angue|. Çette^p^tite ^t s^ i^ièce.
. — }l me ^mhlç Q,Uie tu^ourra^ mieiu placer tes dons. Pourquoi
e^yoye^ ,^ )^ ^udre à \Vi,{k coquin ,qui s'en servira pour conun^ttre
4e^ çr^WCis? S^s cette, déplqr^le. faiblesse que tout le monde p^mtt
avoir ici pour les.l)iipdi(;3 , il y a long^temps qu'ils aurs^ent disparu de
Ip, Corse.
— ,L^ {dus ^é(jiai]^ ^ notre pqrs r^e sont pas ceu^ qui sont à la
campagne(l).
<— Donne^rleur.du pain ai tn veux ; on n'ep doit refuser à personne,
mais je n'entends p^s qu'on leur fournisse des. munitions.
— Mon frèi^e, dit Colomba d'un ton grave, vous êtes le jnattreid,
et tout vous appartient dans cette maison ; mais, je vous en^préviens,
je donnerai mpn meziaro à cette petite fille pour qu'elle le .vende,
plyitôt que deref^ser de la poudre à un bandit. Lui refuser de la poudre!
mais autant vautle livrer auxgendarmes.Quelle protection a4«il contre
eux , sinon ses cartQ^cbc^?
La petite fille cependant déiv^rait avec.avidité un morceau <|e pain ,
et rendait at^n^v^fpent tour à tour Colomba et ^n frère, cherchant
à.comprendre.dapsileurs y«ux le sens de ce .qu'ils disaient.
— jËt qu'a4-il «fait Qpfin , ton bandit? Pour quel crime s'est-il jeté
dans le maquis?
— JBrandolaccio n'a (Point commis de crimes, s'écria Colomba. Il m
tué Giovan'»Opizzo, qpi avaitas^as^iné.sop père.pendant que lui ét^
àl'armée.
Orso détourna la tète, prit la lampe, et,^nsj^^pondre9 montadans
sa chambre. Alors Colomba donna pqudre et provj^ipns ^ l'enfont, et
la recQpduisitjusqu'àla.porte, ealui répétant: «.Surtout qve.tou onde
veille bien surQrso I d
XL
Or^O.fut longr4empsÀ s'endormÎTi et par conséquent s'éveilla fort
tard, du mpins pour up Corse. A peine Jevé, le premier objet qui
frappa ses yeux , ce fut la maison de ses ennemis et les arohere qu'ils
(1) Être (Ma eampagna, c*est-à-dire être bandit. Bandit n*est point ud terme
odieux, il se prend dans le sens del^^nni; c'esi,i'<^/w des ballades anglaises.
tOLÔMBA. 51
venillètii cTy établir. H desCetidit et demanda sa Sœur. — Elle est à k
ctrislrie qui fond des balles, Inl répondît la servante Saverîàf. Arnsî , il
ne pouvait Taire un pas sans être poursuivi par l'Image de la gùefre.
Il trouva Colorala assise sur tf n escabeau entourée de htllei non-
f èlletoent fondues, coupant les jets de plomb.
— Que diable fais-tu là? lui demanda son frère.
—Vous n'avieE point de balles ^our le fusil du colonel, répondit-
elle de sa voix douce, j'ai trouvé un moule de calibre, et tous aurei
aujourd'hui vingt*quatre cartouches, thtlti frète.
— Je fl'en al pas besoin , DIeù merci f
— Il ne faut pas être pris au dépourvu , Ors' Anton'. VôUs ttiet
dublié votre pays, et les gens qui vous entourent.
— JeFauraîs ouWîé que tu me le rappellerais bien vite. Dis-moi,
iTêst-ll pas arrivé Une grosse môHe, Il y a quelques jo^rst
— Chil, mon frère. Toulez-vods que Je la moritè dans votre èhambrô?
— Toi, la monter; mais tu n'aurais jamais la fotcè dé la èoulevei*..,
it'y à-t-n pas ici quelque homme pour le faire?
— Je ne sais pas si faible que vous le pensez , dW Cotombri en rès-
troûssaùt dès Manches, et découvrant un bras blanc et tond parfaite-
ment formé, mais qui annonçait une force peu cômmriUe. Allons,
âaveria, dit-elle k la servante, aide-mol. Déjà élite enlevait seule la
lourde malle, quand Orso s'empressaf de l'aider.
— n y à dans cette malle, ma chère Colomba, dlt^il, quelque chose
pour toi. Tu m'excuseras si je te fels de sî pauvres cadeaux, Hiafs Ta
bourse d'un lieutenant en demi-éolde n'est pas trop bien garnie.— En
parlant , il ouvrait la malle et en retirait quelques robes, On chfife et
d'autres objets à l'usage d'une j^he personne.
— Que de belles choses ! ^éèrîa Colomba. Jd vais bien vite (es éerrèr
de péùr qu'elles né se gâtent. Je le^ garderai poxst itm hoèe, ajd\itd-
t-elle avec un sourire triste, cafr maintenant Je suis en deuil. -* Et elle
baisa la main de son frère.
— n y a de Taffeétation , tta s(fiut, à garder le detril si loUg-temps.
— Jel'ai juré, dît Colomba d'uu ton fermé. Je rie quitterai le deuil...
et elle regardait phr là feuèlre la maison dés Baitidni.
-^ Qtie le jour où tu té marieras I (Ht Orsô chetichant à étfter là fiu
de la phrase.
•^ Je ne me marierai, dit Colomba, qu'à un homme qui aura fait
trois choses... Et elle contemplaitltoujours d'un air sinistre la maison
ennemie.^
— Jolie comme tu es|, Colôrobâjje m'étonne que tu ne^lsois paft
52 REVUE DES DEUX MONDES.
d^à mariée. Allons, tu me diras qui te frit la cpiir. D'ailleurs j'enten-
drai bien les sérénades. Il faut qu'elles soient belles pour plaire à une
grande voceratrice comme toi.
— Qui voudrait d'une pauvre orpheline?... Et puis l'homme qui
me fera quitter mes habits de deuil fera prendre le deuil aux femmes
de là-bas.
— Cela deviet de la folie, se dit Orso. Mais il ne répondit rien , pour
éviter toute discussion.
— Mon frère, dit Colomba d'un ton de câlinerie, j'ai aussi quelque
chose à vous offrir. Les habits que vous avez là sont trop beaux pour
ce pays-ci. Votre jolie redingote serait en pièces au bout de deux
jours, si vous la portiez dans le maquis. Il faut la garder pour quand
viendra miss Nevil. — Puis, ouvrant une armoire, elle en tira un cos-
tume complet de chasseur. — Je vous ai fait une veste en velours, et
voici un bonnet comme en portent nos élégans; je l'ai brodé pour
vous il y a bien long-temps. Voulez-vous essayer cela?
Et elle lui fiaisait endosser une large veste de velours vert ayant
dans le dos une énorme poche. Elle lui mettait sur la tète un bonnet
pointu de velours noir brodé en jais et en soie de la même couleur,
et terminé par une espèce de houppe.
— Voici la cartouchère (1) de notre père, dit-elle; son stylet est
dans la poche de votre veste. Je vais vous chercher le pistolet.
— J'ai l'air d'un vrai brigand de l'Ambigu-Comique, disait Orso en
se regardant dans un petit miroir que lui présentait Saveria.
— C'est que vous avez tout-à-fait bonne façon comme cela , Ors'
Anton', disait la vieille servante, et le plus beau pointu (2) de Boco-
gnano ou de Bastelica n'est pas plus brave !
Orso déjeuna dans son nouveau costume, et pendant le repas il dit
à sa sœur que sa malle contenait un certain nombre de livres; que
son intention était d'en faire venir de France et d'Italie, et de la faire
travailler beaucoup.— Car il est honteux, Colomba, ajouta-t-il, qu'une
grande fille comme toi ne sache pas encore des choses que, sur le con-
tinent, les enfans apprennent en sortant de nourrice.
— Vous avez raison, mon frère, disait Colomba; je sais bien ce qui
me manque, et je ne demande pas mieux que d'étudier, surtout si
vous voulez bien me donner des leçons.
Quelques jours se passèrent sans que Colomba prononçât le nom
(1) Carchera^ celnturejoù Ton met des cartouches. On y attache un pistolet à gauche.
(2) Pimuto. On appelle ainsi ceux qui portent encore le bonnet pointu, hour^»
pintvda.
des Barricini. :^lle ^t.tf)ujpar& aux petits soins pour ,son fr^ce et lui
pariait soayqnt de iniss Ne\il. Orso lui faisait lire des ouvrages Cran*
çais et italiens, et il était surpris tantôt de la justesse et du bon sens
de ses observations, tantôt de son ignorance profonde des choses les
plus vulgaires.
Un matin après déjeuner, Colomba sortit un instant, et au lieu de
revenir avec un livre et du papier, parut avec son mezzaro sur la tête.
Son air était plus sérieux encore que de coutume. — Mon frère, dit*
elle, je vous prierai de sortir avec moi.
— Où veux-tu que je t'accompagne ? dit Orso en lui of&ant son bras.
— Je n*ai pas besoin de votre bras, mon frère, mais prenez votre
fusil et votre botte à cartouches. Un homme ne doit jamais sortir
sans ses armes.
— A la bonne heure ! Il faut se conformer à la mode. Où allons*
nous?
Colomba, sans répondre, serra le mezzaro autour desa tète, appela
le chien de garde et sortit suivie de son frère. S'élcignant à grands
pas du village, elle prit un chemin creux qui serpentait dans le^
vignes, après avoir envoyé devant elle le chien è qui elle fit un signe
qu'il semblait bien connaître, car aussitôt il se mit à courir en zig
zag, passant dans les vignes, tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, tou-
jours à cinquante pas de sa maîtresse , et quelquefois s'arrètant au
milieu du chemin pour la regarder en remuant la queue. U paraissait
s'acquitter parfaitement de ses fonctions d'éclaireor.
— Si Muscheto aboie, dit Colomba, armez votre fusil, mon frère,
et tenez-vous immobile.
A un demi-mille du village* après bien des détours, Colomba s'ar*
rêta tout à coup dans un endroit où le chemin faisait un coude. Là
s'élevait une petite pyramide de branchages, les uns verts, les autres
desséchés, amoncelés à la hauteur de trois pieds environ. Su sommet,
on voyait percer l'extrémité d'une croix de bois peinte en noir. Dans
plusieurs cantons de la Corse, surtout dans les montagnes, un usage,
extrêmement ancien et qui se rattache peut-être à des superstitions
du paganisme, oblige les passans à jeter une pierre ou un rameau
d'arbre sur le lieu où un homme a péri de mort violente. Pendant de
longues années, aussi long-temps que le souvenir de sa fin tragique
demeure dans la mémoire des honmies, cette offrande singulière
s'accumule ainsi de jour en jour. On iaippeUe cela Yamas^ le mucchio
d'unteL
Colomba s'arrêta devant ce tas de feuillage , et arrachant une
hi REVUE JUBi ïfkût ÉOIVDES.
branché (Tarlkrasîef , réfjôtita * là pyfamHc. — Ofso , dit-elle, c'e^ lèl
qaé nôtre pért est mort. Prions poitf son Ahe, triott frère !—Ë( elle
se hdt & genodx. Orso Timita àttssitAt. En ce moAnent fa cloche éû
yfflagè tinta lentement, car mi homme était moH Sans fa miit. Orso
fondit en larmes.
Au bout de quelques minutes, Colomba se leta , rceff seè, mah la
figure anindée; elle fit du pouce, à la faâfte, le signe de croit fhmilier
àses conlïpatriotes et qui accompagne d'ordinaire feufs sermens sofett-
nels; puis, entraînant son frère, eRe reprit le cheitrin du tHIstge. Ib
rentrèrent en silence dans leur maison. Orso monta dahs sa chambre.
Un instant après Coloniba l'y suivit , portant une petite cassette qa'eXtd
posai sur la td)te. Elle Pouvrit , et eh tfat( une chemise couverte de
larges taches de sang. — Voici la chemise de votre père, Orso.— Et e!le
la Jeta sur ses genoux. — Voîd le plomb qui Ta frappé. —Et elle pofti
sur la chemise deux balles oxidées. — Orso, mon frère ! cria-t-elle en
se précipitant dans ses bras et Téifelgnant avec force; Orso ! tu le
vengeras ! — Elle Tembrassa avec une espèce de fureur, baisa les balles
et la chenilse, et ^rtit de (a chambre, laissant son frère conome
pétrifié sur sa chaise.
Orso restai quelque tetaps immobile , n'osant éloigner de lui ces
épouvantables reliques. Enfin, faisant un effort, il les remit dans la
ciissette, et courut à l'autre bout de la chambre se jeter sur son Ht,
la tète tournée vers la muraille, enfoncée dans l'oreiller, comme s'Q
eût voulu se dérobe^ à la vue d'un spectre. Les demfères paroles de
sa soeur retentissaient san^ cesse clans ses oreilles , et il lui semblait
entendre un oracle fatal, inévitable, qui lui demandait du sang et du
sang innocent. Je n'essaierai pas de rendre les sensations du malheu-
reux jeuriè homme, aussi conftises que celles qui bouleversent la tète
d'ùri fou. Long-temps il demeura dans la même position , sans oser
détournef la tête. Enfin , H ée leva, ferma la cassette et sortit préd-
pftslhiment de sa maison , courant la campagne et marchant devant tuf
sans savofa* où il allait.
t^èfu à peu le grand ah* le soulagea ; i\ devint phis Calme et examina
avec quelque sang-froid sa position et les moyeris d'en sortir, fl be
soupçonnait point les Barricini de meurtre, on le sait déjà, mais il les
accusait tfavon- supposé la lettté Ûk bandit Agostini ; et cette lettre, il
le croyait du moins, avàît causé la mort de son pèfé. Les poursuivre
connne faussaires, il sentait que cela était impossible. Parfois, si les
préjugés ou les instincts de son pays revenaient l'assaillir et lui mon-
traient une vengeance facile an détour d'un sentier, il les écaftoit avec
WIMÊML0 Se
hùoem, en pensante s^^oman^ i^xiffUfffii^ lM|x^<^(^ Carô,
qui restait de eorse dans son caractère justifiait ces reproches §t ^f
weoMi pluie pi^pimi^,. Hj^ fleul.eqK>ir lui matait dan» c^ ,c<»nbat entre
sa conscience et ses préjugé^, c'^tiyiit d'entav^iSOU» 1^ préte^t^ 9^^
ifmff^ m^G 4uereUeta«0c m des fils 4)^ J'Avooat M 4e ^ JbfKtiie.en
dael avec lui. Le tner d'une baUe ou d*vii covip d'épée copcil^t ^
idées corses et scis idéjes firanwii99&. JL'e]cpédktpt.açqcip^ ^t y^^ditant
j^s jiM^an^ d*fa^^cuiUo<i , ii se sentait 4é^ swlagé 4'Mn gi;and poids ,
lorsque d'autres pensées plus douces contribiiiàrent jencoi^ à, calmer
iw agitation XéJuîle. CÂcé^qn , 4ésey)âi:é 4^ jia niort 4e ,sa fiUe TuUia,
/smbiià0%4^yifiiuf w j^[)awant dao» son .espnt toutes jles belles ct^oses
gii'il {Kwurait dii^e à ce suj^et. £q discquiig^tfde la s^rte, V^. Sbo/^djsfi
iK>B3ola 4« h perte 4e son fila; Qrso ^se xafraichit le sang en pensant
gu'il pwocait faire à miss Nevil fx^ taUewi 4^ l'état de son ame*
taUeau (gûâ ne |)onrrait manquer d'inljéresser puissanunent cette belle
peiisonne.
JU ae E^^od^it du village, dwt il s'était fort éloigné san3 s'en
apercevoir, lorsqu'il ei;i^tendit ^ voix d'une petite fiUe qui chantait, se
.CKo^ltut-senle ^ans doute, 4^n» un sentier au bord dvi mftq\iis. C'était
.eet,air ieptet ujKWotone consacré aux lapentationjs funèbres, et jl'einr
fipnt.diairtait : « A mon fil§, mon fils, en lointain pa^ » — gardez ma
croix et ma chemise sanglai^e^... ^
^ Que chante»^ là, pet^t^? dit Orso d'un ton.de colère, po^w^sant
tout à coup.
— C'est vous. Ors' Anton', s'éGi^l!enfipwitAm pen efGçayée... C'j^t
we qj^iwaon de ^^ ColçKKibia...
— Je te défends 4e la chanter, dit Qrso d'pne voix teoible.
J^'^jjDifont, twrqwt la;tàlie è droite et à|;puohe, semblait, chercher de
g^ol cAtéeUe pouimit sesauyer, et sans doute elle se serait enfioie 4
elle n'eût été retenue par le soin de conserver un assez gros paqnet
qu'on voyait sv Vh^i^'i sea pieds.
Oqso eut hoi^de savicdence.
--Qpe poiltea^dà,, ma petHie? JkiiideiiMUida-tr*il le pins doucement
on'Aput.
£t conweXMina hésitait i v^[>ondre, 41 souleva le ;^nge qui enve-
loppait lepaquiGit, et vit qu'il contenait ,un pain et 4*autres provisions.
T- A 4VÛ portes^ ce pain , 19a migi^qnne? lui den^nda-tril.
— Vous le savez bien , monsieur, à mon oncle.
— Et ton oncle n'est-il pas bandit?
(fi RBYUB DBIE^ MUX MONDES.
*-*- Pour VOUS senrir» monsieur Ors' Anton', • .
*- Si les gendarmes te rencontmient , ils te demanderaient oà
tu vas....
•^Je leur dirais, répondit l'enfiBintsanshésiter, queje porte à manger
au:^ Lucquois qui coupent le maquis.
— Et si tu trouvais quelque chasseur afTamé qui voulût dîner à tes
dépens et te prendre tes provisions?...
"^ On n'oserait. Je dirais que c'est pour mon onde.
— En effet , il n'est point homme à se laisser prendre son dhier...»
Il t'aime bien , ton oncle?
— Oh I oui, Ors' Anton'. Depuis que mon papa est mort, il a soin
' de la famille, de ma mère, de moi et de ma petite sœur. Avant que
maman (ût malade, il la recommandait aux ridies ponr qu'on lui
donnAt de l'ouvrage. Le maire me donne une robe tous ks ans, et le
curé me montre le catéchisme et à lire depuis que mon oncte leur a
parlé. Mais c'est votre sœur surtout qui est bonne pow nous.
En ce moment un chien parut dans le sentier. La petite fille, por-
tant deux doigts à sa bouche, fit entendre un sifflement aigu; aussitôt
le chien vint à elle et la caressa, puis s'enfonça brusquement dans le
maquis. Bientôt deux hommes mal vêtus, mais bien armés, se levèrent
derrière une cépée, & quelques pas d'Orso. On eût dit qu'ils s'étaient
avancés en rampant comme des couleuvres au milieu du fourré <le
cistes et de myrtes qui couvrait le terrain.
— Oh! Ors' Anton'!... soyez le bienvenu, dit le plus ftgé de ces
deux honunes. Eh quoi ! vous ne me reconnaissez pas?
— Non , dit Orso le regardant fixement.
— - C'est drôle comme une barbe et un bonnet pointu vous changent
un homme! Allons, mon lieutenant, regardez bien. Vous avez donc
oublié les ancien^ de Waterloo ? Vous ne vous souvenez plus de Brando
Savelli , qui a déchké plus d'une cartouche à côté de vous dans ce
jour de malheur?
— Quoi 1 c'est toi? dit Orso. Et tu as déserté en 1816?
— Conune vous dites, mon lieutenant. Dune, le service ennuie, et
puis j'avais un compte à régler dans ce pays-ci. Ha ha 1 Chili , tu es
une brave fille. Sers-^ious vite, car nous avons fiûm. Vous n'avez pas
d'idée , mon lieutenant , comme on a d'appétit dans le maquis.
<}u'est-ce qui nous envoie eela^ M""* Colomba ou le maire?
— Non , mon onde , c'est ta meunière qui m'a dotmé cela pour
vous, et une couverture pour maman.
— Qu'est-ce qu'elle me veut?
A
>
— Elle dit que ses LucqocSs Qu'elle a pris pour défticber, lui dëman*
I dent maiflleiiâot 95 sovS' et les ehàtaignes à cause de la fièiire qiiiiest
dans le bas de Pietranera.
— Le& fiJnétns !Je veitai. — Sans fieiçon, mon lieatenant, Youlez^
TOUS partager notre dîner? Nous avons fait de plus roaurais repas
ensemble du temps de notre pauvre compatriote qu'on a réformé»
— Grand merci. — On m*a réformé aussi , moi.
— Oui, je l'ai entendu dire, mais vous n'en avei pas été bien ffichét
je gage. Histoire de régler votre compte à vous. — Allons , curé , dit
le bandit à son camarade, à table. Monsieur Orso, je vous présente
monsieur le onré, c'est4-dire je ne sais tarop s'il est curé, mais il en a
la seienœ.
^- Un pavTve étudiant en théologie, monsieur, dit le second bandit,
qu'on a empêché de suivre sa vocation. Qui sait? J'aurais pu être
pape, Brandolaccio.
—Quelle canse a donc privé l'église de vos Itm&ières? demanda
Orso.
— Un rien. Un compte à régler, comme dit mon ami Brandolaccio;
une sœur à moi qui avait foit des folies pend«st que je dévorms les
bouqims A f université de Pise. Il me lifillut retourner au pays pour
la marier; mais le futur, trop pressé, meurt de la fièvre trois jours
avant mon arrivée. Je m'adresse alors, comme vous eussiez fait à ma
ma place, au frère du défunt. On me dit qu'il était marié. Que faire?
-^ En effet, cela était embarrassant. Que fttes-vous?
— Ce sont de ces cas où il fautenvenirà la pierre à fusil (1).
— C'est-à-dire que...
'^ le lui mis une balle dans la tète, dit froidement le bandit.
Orso fit un mouvement d'horreur. Cependant la curiosité , et peut^
être ausn le dé^ de retarder le moment où il fandrait rentrer chez
lui le fit rester à sa place et continuer la conversation avec ces deux
hommes dont chacun avait au moins un assassinat sur ki conscience.
Pendant que son camarade parlait, Brandolaccio mettait devant
lai du pain et de fa viande; il se servit ensuite Im-mème, pnis il fit
la part de son chien qu'il présenta A Orso sein le nom de Brusco,
comme deué du merveilleui instinct de reconnaftre un voltigeur sous
(pelque dégmgeiaent que ce fût. Enitt; il codpa un morceau de pain
et une trandie^de Jambon crA qull donna è 8a< nièee.
^Ubelte'vie q«e cell^ de bandit I s'écria l'étudiant en théologie
(1) la icei^lto, eipresBion tiès usitée.
Se REYITE DBS MtX MONDES.
a^ès avoir ihangé (^elqvtes bbtieA^e^. YdWeh flMIèrétf pteUit^èH^iin
jbài', monsieur (Telia Kebl^itf, èC vAu^ Veifer MÉil^rir il* eit ê&ki êlf
ne connaître d'autre maître que son capriôe. lUsque-^là t& AbWdH
s'éUiK éx{)\rimé en itàlîeAv ff ^ufs«/^ éA fMn^is': La Corse n'est
^s An' pays bien amttsa^ po\ït un feun^è* homme; rtùSè pôiit rat
bandR, ^ti^He dïlRi'èni^! Les féMAVes' É(Mt Me§ de notts. fi9(fé^
TOUS me voyez, j'ai troH nUiltresses, dans Mië canCoHSdillifii^ens'. 3e
suis partout ehez raàlt. Ef iff eti a i!Me <fii9 est BafetAme d^ui^ geD-
AÉrme.
— Vous saveiî bierf dés Tangues , monsieur; dW Obo fvtù fott' grave.
—Si je parte flraitçafs, c'est qiie voyer-vous r « Itaximà âêbeHùnf
pueris reverenda. yt Nous entendons, Brandolaccio et moi, que* llF
petite tourAè bien' et miftrche droit.
-'-Quand' viend^oviC ses- quinze aAs, <fit Fotiefé dis €Mlha', je W
marierai bien. J'ai déjà un parti en vue.
^Cest toi q^ feras h demande? dit Ors6.
— Sans doute. Croyez-vous que si je dis à un richard du pays, fflbf
Srahdo SaveAi, je ter^î^ avec plaisir (fuie votre (Hi épousftt MicAeHna
Savent , croyéK-vMs ^*û se ferait tirer fes oreilles?
— Jte ne te lui COki^rerate pas , dit Yeititre bandK. Le èaitotoMe à
Itf main uM peu lourde , 3 «kit! se feire obétt*.
—S j^étafis vUk coquin , pAursMvft MaMklaTatcib-, une cattuille, utf
supposé , je n'aurais qfu'à' ouvrir ma ftesace , les pféces éè cent sotf
y pleuvraient.
— n y a donc AAis fa' besace, dit Orso, quekpie chose qui tes attire?
— Rien, mais si j'écrivais, comme il y en i^ qui Pont fait, àr un
riche : J*ai besoin de cent fVaihes, il se dépêcherait dfême tes envoyer.
Iriafs je suis vm homme d'honneur, mon* lieutenant.
— StfVez-vouiT, monsieuir déHl* Rebbiïi , M te banttt que soA callifr*
rade appelait le curé ; savez-vous (pcie d'ans ce pays à monirs sSVnplesv
if y a pourtant quelques misérables qui profitent de Pestime que nouij
lASp&rons au moyen de nos passeport (if moMrait soA fïisil ) , pour tirer
dbs lettres de change en* contrefeîsant notre écriture?
— Jie te sai^, dit Orso (TuA ton brusque; Alafe queltes tettres dé
Change?
—itya^ii mois, continua te baAdit, q^e je lAe promenait du cAtC
d'Orezza, quand vient à moi un manant (foi de Ibtn m'Ate son bonnet
At me dit : — Aht Aïonsieur te curé , — ils nfappellent toujours ahsi,
— excusez-moi; donnei-moidu temps; je n'ai pu trouver que 55 francs,
mais, vrai, c'est tout ce que j'ai pu amasser. Hoi, tout surpris : -^
CKl'69H:e À diie, anroiMlel Si fcwcs? lui di^je. — le vieau dire ^,
ff^ f^tpnod-iU niaif poor lOO qi^^ voo» m^ demandez, c'est impo^
sjyble. — Cp^pmeot, drôle I je te demande iOO francs? Je ne te connais
ft^— 41orsil me remejt uae lettre ou plutôt un chiffon tout sale par
lequel ù^ rûmtait à déposer IflO fraocs dans un lieu qu'op ioditmaji,
9Wil pepe d6 voif sa maison brûlée et ses vaches tuées par Gîocanto
Cwtiîqûui, c'est wifm wm- Et Toi^ avait ^ Tioftinie de contrefaire
na aîgtat«rel Ce qui me piqua le pluf , c'est que la lettre étaft écrite
en patois, ^eine de foutes d'orthographe; moi , faire des fautes d'ortho-
gnftè^fW^i f qui Avais tous les prix à l'univeir^té 1 Je conunence p^r
demar mon yilain ua souOIet qui le fajt tpnmer deuiL fois ;sur hû-
Apême,— Alil bume preiMis pour un voleur, c(>quin que ti^ es, hii diH^
et je loi donne un bon coup de pied où youfi savez. Un peu ^kwIm^ j^
W dis : QvanddQifr-tu porter cetargeot au lieu ^ésigpé?^ Aujpw-
d'hui même. — Bien I va le porter. —C'était au pied d'jop pin» et le Meu
jetait parfaitement indiqué. Il porte l'argent, l'enteiT^ /m pied de
J'artre et revient me trouver. Je m'étais embusqué aux environs. Je
demeurai là avec mon homme six mortelles heures. Monsieur jifi^
Kebbia, je serais resté trois jours s'il eAt (ails. Au bout de six heures,
penit mt Butiioçcio (i) , u« inâune usurier. Il se baisse pour prendre
Faifeat, jeists feu, et je l'avais si bieo ^nsté, que sa tète pprtaen
tw^nt wr lea éous qu'il déterrait. — Maintenant, drôiel dis-je an
pqfBan, n^ieads (on argent, et ne t'avise plus de soupçonner d'nipe
bassesse Giocanto Castriconi. — Le pauvre diable tout trembiaut
ramatta aesfi firaacs aaas prendre la peine de les essuya; il ii^dit
iwpd, je loi allonge un iM)n coup de pied d'adieu« et A court encore.
— Abl curé, dit Brandolaccio, je t'envie ce coup de fusil-jè. Tu a^
4à bien rire?
— J'avais #trBpé le B^sti^iocio è la tempe^ continua lejbao^it, et
leeia me rappela ces vers de Vjrgile:
Lîquefacto tempera plumbo
DMfidit, ae nmltâ ponreetam exieadit arenâ.
Liqwfacto? Croyez-vous, monsieur Orso, qu'une balle debloinb se
fonde parla rapidité de son trajet dans Fair? Vous qui avez étudié la
ballistique, yoijs.devriez bien me dire si c'est une erreur ou une vérité?
Orso aimait mieux discuter cette question de physique , que d'ar«-
ti) Les (iorset montagnards détf«ient le» hoMiam <le BasMa, qtiMIs ne regardent
yaaaanneMlaaixittpaMttu* JaflBtoJAsm4i9iDtJN#<iw, Mmtiacoip : oa
lait qne la l^namalson ea aceio ae prend quelquefois df^oa Vi" sens de w^ris.
ito REVUE BEâ DEUX MONDES.
gmnenter avec le licencié sur la moralité de son action. Brandolacdo,
^ne cette dissertation scientifique n^amusait guère, Vinterrompit
pour remarquer que le soleil allait se coucher: -^ Puisque vous
n'avez pas voulu dîner avec nous, Ors' Anton', lui dit-il, je vous
conseille de ne pas faire attendre plus long-temps M*^' ColomiNL Et
puis , il ne fait pas toujours bon à courir les chemins , quand le soleiT
est couché. Pourquoi donc sortez-vous sans fasil? Il y a de mauvaises
gens dans ces environs; prenez-y garde. Aujourd'hui, vous n'avez
rien à craindre; les Barricini amènent le préfet chez eux ; ils l'ont renr-
contré sur la route , et il s'arrête un jour à Pietranera , avant d'aller
poser àCorte une première pierre, conmie on dit..., une bêtise! il
couche ce soir chez les Barricini ; mais demain , ils seront libres. U y
a Vincentello qui est un mauvais garnement , et Orlanducdo qui ne
vaut guère mieux... Tâchez de les trouver séparés, aujourd'hui l'un,
demain l'autre; mais méfiez-vous, je ne vous dis que cela.
— Merci du conseil, dit Orso; mais nous n'avons rien à démêler
ensemble; jusqu'à ce qu*Us viennent me chercher, je n'ai rien à leur
dire.
Le bandit tira la langue de côté , et la fit claquer contre sa jooe
d'un air ironique , mais il ne répondit rien. Orso se levait pour partir:
— A propos, dit Brandolaccio, je ne vous ai pas remercié de votre
poudre; elle m'est venue bien à propos. Maintenant, rien ne mo
manque..., c^est-à-dire il me manque encore des souliers..., mais
je m'en ferai de la peau d'un mouflon , un de ces jours.
Orso glissa deux pièces de cinq francs dans la main du bandit.
— C'est Colomba qui t'envoyait la. poudre, voici pour tacheter des
souliers.
— Pas de bêtises ! mon lieutenant , s'écria Brandolaccio en lui
rendant les deux pièces. Est-ce que vous me prenez pour un men-
diant? J'accepte le pain et la poudre, mais je ne veux rien autre
chose.
— Entre vieux soldats , j'ai cru qu'on pouvait s'aider. Allons , adieu I
Mais, avant de partir, il avait mis l'argeùt dans la besace du bandit,
sans qu'il s'en fût aperçu.
— Adieu, Ors' Anton' I dit le théologien. Nous nous retrouverons
peut-être au maquis un de ces jours, et nous contiouerpns n^
études sur Virgile.
Orso avait quitté ses honnêtes compagnons depuis un qi]|art d'heure*
lorsqu'il entendit un homme qui couraitdc^rrîère lui de toutes ses
forces. C'était Brandolaccio :
ÇOLQMBA. êl
— C'est un peu fort! mon lieutenant, s'écria-t-il hors dlialeîBe;
un peu troi^ fort! voilà vos dix francs. De la part d'un autre ^ je ae
passerais pas l'espièglerie. Bien des choses de ma part à W^'' Colomba.
Tous m'avez tout essouflé I Bonsoir.
XII.
Orso trouva Colomba un peu alarmée de sa longue absence; mais^
en le Voyant, elle reprit cet air de sérénité triste qui était son expres-
sion habituelle. Pendant le repas du soir, ils ne parlèrent que de
choses indifférentes, et Orso, enhardi par l'air calme de sa sœur,
lui raconta sa rencontre avec les bandits, et hasarda même quelques
plaisanteries sur l'éducation morale, religieuse, que recevait la petite
Chilina par les soins de son oncle et de son honorable collègue, le
sieur Castriconi.
— Brandolaccio est un Iionnète homme, dit Colomba; mais, pour
Castriconi, j'ai entendu dire que c'était un homme sans principes.
— Je crois , dit Orso , qu'il vaut tout autant que Brandolaccio , et
Brandolaccio autant que lui. L'un et l'autre sont en guerre ouverte
avec la société. Un premier crime les entraine chaque jour à d'autres
crimes; et pourtant, ils ne sont peut-être pas aussi coupables que
Men des gens qui n'habitent pas le maquis.
' Un éclair de joie brilla sur le front de sa sœur.
— Oui , poursuivit Orso; ces misérables ont de l'honneur à leur ma-
nière. C'est un préjugé cruel et non une basse cupidité qui les a jetés
dans I9 vie quils mènent.
n y eut un moment de silence.
— Mon frère, dit Colomba en lui versant du café, vous savez peut-
être que Charles-Baptiste Pietri est mort la nuit passée? Oui, il est
mort de la fièvre des marais.
— Qui est ce Pietri?
— C'est un homme de ce bourg , mari de Madeleine , qui a reçu le
portefeuille de notre père mourant. Sa veuve est venue me prier de
paraître à sa veillée et d'y chanter quelque chose. Il convient que
TOUS veniez aussi. Ce sont nos voisins, et c^est une politesse qu'on ne
peut refuser dans un petit endroit comme le nôtre.
— Au diable ta veillée, Colomba! Je n'aime point à voir ma sœur
se dotmet ainsi en spectacle au public.
^^ Or96, répondit CoTomba , chacun honore ses morts à sa manière.
(^ ' REVUE p]^ PEUX MONDES.
|4 fuUlata ojQi^yjeiit de oos 9)ipttx, 4 <io^s devons la ^^defi^maLe
un usage antique. MadeJ/eioe Q*d p^B le don , et la vieille Fiordi$pii)Q,
qui est I9 i^eilleure vo/ceratrjce du pays , est ma^de. I) foi^t bi$q a)iç|i-
qu'un pour la ballata.
— Croîs-tu que Charles-Baptiste ne trouvera pas son chemin dans
l'autre monde, si Ton ne chante de mauvais vers sur sa bière? Va à
la veillée si tu veux, Colomba; j'irai avec toi, si tu crois que je le
doive, mais n'improvise pas; cela est inconvenant à ton âge, et je t'en
prÂe, pia sc^ur.
— |f ou frère, J'ai promis. C'est la coutume ici , vous le savez, et ie
FOUS le répète, il n'y a que moi pour improviser.
— Sotte coutume !
— Je soiaffre beaucoup de cbauter ainsi. Cela me rappeUe tous nos
flMilheurs. Demain, j'en serai malade; maïs il le faut. PermetLezr4e-
poi , moB frère. Souvenez-vous qu'à Ajaccio vous m'arez dit €tm^
proviser pour amuser cette demoiselle anglaise qui se moque de nofi
vieux usages. Ne pourrai-je donc improviser aujourd'hui pour de
pauvres gens qui m'en sauront gré, et que cela aidera à supporter leur
diagrin?
— Allons! fais comme tu voudras. Je gage que tu as déjà compoSfé
ta MlotA , et tu ne y^ux pas la perdre.
— Non , je ne pourrais pas composer cela d'avance, mon frèr/e. Je
me mets devant le mort, et je pense à ceux qui restent. L.es larmes
me viennent aux yeux , et alors je chante ce qui me vieot à Fesprit.
Tout cela était dit avec une simplicité telle , qu'il était impossible
de supposer le moindre amour-propre poétique à la signora Colomba.
Orso se laissa fléchir et se rendit avec sa sœur à la maison de Pietrii.
Le mort était couché sur une table, la figure découverte, dans la plus
ffwifi pièce d^ la maisoio. Portes et fenêtres étaieirt ouvertes, et
plusieurs cierges brûlaient autour de la table. A la tète du jnort se
tenait sa veuve, et derrière elle, un grand nombre de femmes oc--
cupaient tout un côté de la chambre; de l'autre éiaftttit ran^fés les
facpunes, debout, tète nue, l'oeil fixé sur le cadavre, observant un
profond silence. Cbaque nouveau visiteur s'approchait de la table,
«mbrassait le mort (1), faisait uu signe de tète à sa veuve et à son ils,
f^ prenatf place dans le cercle sans proféner une parole. De temps
en temps , néanmojns , un des assistans nompait le silence solenoep
pwr adresser quelques mots au défunt. — Pourquoi as^tu quitté ta
{t) Cet usage sainte encore ^ JBQQOgpaqp.
bbnn« fbmtMëf âltëét lihe cotiitnëré'.< iS^dVattHïHe paS bM' sbfti dë^i?
Que te itidnqtiAit-il? PMqiidi' ne jMs attëitiilrë un Aloi^ ehcoi^, Û
bra Patilraie dbHné' un &sf
Un grand jeune HotHAie, flis de PieM^ seifaAr Ifa AiftiVi' froid^d'é
Mtrpèrev s'écrltt : (Ht'l'pourquoi n'es-tU'pas Mttttdbln'Mofë indr^fl]^
ifoUBtf aurions vengé!
Ce fiirent lés ^mfèires paroles qu'Oie entendiif en ehtraiiï. À- sH
Tne, le eercie' s'ouvrit , et un fliibte murdMkre dé carioMté énonça l'at-^
tenté dB Tassemblée excttée par la présente dfe la voeeraftice . Cofombd'
einbtldsSd la véuve, prit dné de ses iViainS étdertieura quelques minutes
rMueflIfe et les yeux baissés. Puis elle rejeta son mezzaro en arriéré,
rtgali^ fixement! le mort, et, penchée sur ce cadavre, presque aiissi
fXie que- lui , elle Comment de la sortie :
■ Cbarles-Bapâste! le Christ reçoive ton ame! — Vim, c'est tm^bv. TU
vas dans un lieu — où il n'y a ni soleil ni froidure. — Tu n'as plus beeoia de
ta serpe , — ni ne ta lourde pioche. — ^lug de travail pour toi. — Désormais
l!ous tes jours sont des dimanches. — Charles-Baptiste, le Christ ait ton aroe !
— Tott Bis gouverne ta maison . — Tai Vu tomber te chêne — desséché par lé
Zjbeccib. — Tài' cru qu'il' était mort. — ft suis réparée, et sa racine — avait
poussé an rejeton. — Le rejeton estdtvenu UH chehe— atfvastiB ombrage.—
SondsM'fortHi'brafldieB, Maddelè, repoae-tni — et pHin an'chéne'quï n'est
plu. '
Ici STadeleine commença à sangloter tout haut, et deux ou trois
hbounes, qui dans l'occasion auraient tiré sur des chrétiens avec
éntaàt de sang-froid que sur des perdrix, se mirent à essuyer de
nées.
ndant quelque temps, s'adressant
e, quelquefois par une prosopopée
parler lé mor^ lui-même poui* con-
:0QseiIs. A mesure qu'elle impro-
visait, sa lîgure prenait une eipressiou sublime; son teint ^ colorait
d'un rose transparent qui faisait ressortir davantage l'éclat de ses dents
et le feu de ses prunelles dHatées. C'était la pytfaonisse sur son tr^
pied. Sauf quelques soupirs,< quelques gmglots étouffés, on- n'eût pa>
«ntendu te plus léger muimure dans lir foule <fii se presuJt autour
d'elle. Ken qbe mohos accessible qu'on antre & cette poésie sauvdge,
Orso' se sentit bieniât atteint par l'émotionr générale. RetSré d&ns od
<ioin obscur de la stHle, if pféûra commO plienrait! le' tis de Pietri'.
(tyLàmeltmorit, là mort vlDleaiii.
$lk BEVUE MS 1>fitJ1C MONDES.
Tout à coap un léger moayemeDt se flt dans Vauditoh^; le cercle
S*ouvrit, et plusieurs étrangers entrèrent. Au respect qu'ion leur mon-
tra, à Tempressement qu'on mit à leur faire place, i) était évident que
c^étaient des gens d'importance dont la visite honorait singulière-
ment la maison. Cependant, par respect pour la ballata, personne ne
leur adressa la parole. Celui qui était entré le premier'paraissait avoir
une quarantaine d'années. Son habit noir, son ruban rouge à rosette,
Tair d'autorité et de confiance qu'il portait sur sa figure , foisaient
d'abord deviner le préfet. Derrière lui venait un vîeîUard voûté, aa
teint bilieux , cachant mal sous des lunettes vertes un regard timide
et inquiet. U avait un habit noir trop large pour lui , et qui, bien que'
tout neuf encore, avait été évidenunent foit phtsieurs années aupa-
ravant. Toujours à côté du préfet , on eût dit qu'il voulait se cacher
dans son ombre. Enfin, après lui, entrèrent deux jeunes gens de
haute taille , le teint brûlé par le soleil , les joues enterrées sous
d'épais favoris, l'oeil fier, arrogant, montrant une impertinente curio-
sité. Orso avait eu le temps d'oublier les physionomies des gens de
son village; mais la vue du vieillard en lunettes vertes réveilla sur-
le-champ en son esprit de vieux souvenirs. Sa présence à la suite du
préfet suffisait d'ailleurs pour le foire reconnaître. C'était l'avocat
Barricini , le maire de Pietranera , qui venait avec ses deux fils don-
ner au préfet la représentation d'une ballata. Il serait difficile de dé-
finir ce qui se passa en ce moment dans l'ame d'Orso; mais la pré-
sence de l'ennemi de son père lui causa une espèce d'horreur, et
plus que jamais il se sentit accessible aux soupçons qu'il avait long-
temps combattus.
Pour Colomba, à la vue de l'homme à qui elle avait voué une haine
mortelle, sa physionomie mobile prit aussitôt une expression sinistre.
Elle pâlît ; sa voix devint rauque , le vers commencé expira sur ses
lèvres... Mais bientôt, reprenant sa ballata, elle poursuivit avec une
nouvelle véhémence :
« Quand Tépervier se lamente — devant son nid vide, — les étoumeaux
Yoltigent à l'entonr, — insultant à sa douleur. (Ici on entendit un rire étouffé;
c'étaient les deux jeunes gens nouvellement arrivés qui trouvaient sans doute
la métaphore trop bardifi.) ^ L'épervier se réveillera , — il déploiera ses ailes,
— il lavera son bec 4dU8 le s«^ng I — Et toi , Charles-Baptiste , que tes amis —
t'adressent leur dernier adîeif . — lueurs larmes ont assez coulé. — La pauvre
orpheline seule ne pleurera pas. — Pourquoi te pleurerait-elle?— Tu t'es en-
dormi plein de jours — au milieu de ta famille , — préparé à comparaître —
devant le Tout-Pmssant. — L'orpheline pleure son père, — surpris parjde
i
Jâcbfss ^8sas90&^i TT- ù^fgé pfoi derrière; — son père dont le sang, est rouge —
sous ^a^)as^ de feuiUes^ ^ertos. — Mais elle a recueilli son sang<, — ce sang
noble et innopent; rr- elle Ta répandu sur Pietranera, — pour qu'il devînt un
poison mortel. — Et Pietranera restera marquée — jusqu'à ce qu'un sang
coupable — ait efifacé la tracé du sang innocent. »
En achevant ces mots, Colomba se laissa tomber sur une chaise,
elle rabattit son mezzaro sur sa figure , et on l'entendit sangloter.
Les femmes en pleurs s'empressaient autour de rimprovisatrice; plu-
sieurs hommes jetaient des regards farouches sur le maire et ses fils;
quelques vieillards murmuraient contre le scandale qu'ils avaient
occasionné par leur présence. Le fils du défunt fendit la presse et se
disposait à prier le maire de vider la place au plus vite, mais celui-ci
n'avait pas attendu cette invitation. Il gagnait la porte, et déjà ses
deux fils étaient dans la rue. Le préfet adressa quelques complimens
de condoléance au jeune Pietri, et les suivit presque aussitôt. Pour
Orso, il s'approcha de sa sœur, lui prit le bras et l'ehtrahia hors de la
salle. — Accompagnez-les, dit le jeune Pietri à quelques-uns de ses
amis. Ayez soin que rien ne leur arrive I Deux ou trois jeunes gens
mirent précipitamment leur stylet dans la manche gauche de leur
veste, et escortèrent Orso et sa sœur jusqu'à la porte de leur maison.
XIIL
Colomba , haletante , épuisée , était hors d'état de prononcer une
parole. Sa tête était appuyée sur l'épaule de son frère, et elle tenait
une de ses mains serrée entre les siennes. Bien qu'il lui sût intérieu-
rement assez mauvais gré de sa péroraison , Orso était trop alarmé
pour lui adresser le moindre reproche. Il attendait en silence la fin
de la crise nerveuse à laquelle elle semblait en proie, lorsqu'on frappa*
à la porte , et Saveria entra tout efiSsu-ée , annonçant : M. le préfet I A
ce nom , Colomba se releva coomie honteuse de sa faiblesse, et se tint
debout, s'appuyant sur une chaise qui tremblait visiblement sous sa
msdn.
Le préfet débuta par quelques excuses banales sur l'heure indue de
sa visite, plaignit H"' Colomba, parla du danger des émotions fortes,
blâma la coutume des lamentations funèbres que te talent même de
la voceratrice rendait encore plus pénibles pour les assistans ; il glissa
avec adresse un léger reproche sur la tendance de la dernière impro-
TOMB XXIII. 5
9S REVUE DEg- VaOKt MONDES.
fisatioBv Piûsv cbangeaat de (ob i -^liMsieiv MIa Rdibiat diMi,
j^ mte-cbargéée Uendeë con^rfineM pour vontpar vos amvaagliiB.
Ites NtvA fut nlle màtiéB à nadenoiielfe volre^ sqmv. ^ai pow
votts ime^ lettre d^dle k vous nmel^.
— Uoe lettre de miss NevîW 9*éf rkf Otm.
— Blalheureusement je ne l'ai pas sur moi , mais vohs faorez dans
cinq minutes. Son père a été souffinant. Nous avons craint un momest
qu^ll n'eût gagné nos terribles fièvres. Heureusement, le voilà hiH^
d'affoire, et vous en jugerez par vous-même, car vous le verrez bientAt,
jfimagine.
— llifiss Nevil a dû être bien mquiète?
. — Par bonheur, elle n'a connu le danger que lorsqu'il était déjà
loin. Monsieur délia Rebbia, miss Nevil m*a beaucoup parlé de vous
et de mademoiselle votre sœur. — Orso slnclina. — Elle a beaucoup
d'amitié pour vous deux. Sous un eitérieur plein de grâce, seus une
apparence de légèreté, elle cache une raison parfaite.
— Cest une charmante personne, dit Orso.
— C'est presque à sa jM-ière que je viens ici, monsieur. Personne
ne connaît mieux que moi une fatale histoire que je voudrais biea
n'être pas obligé de vous rappeler. Puisque U . Barricini est encore
maire de Pietranera, et moi, préfet de ce département, je n'ai pas
besoin de vous dire le cas que je fais de certains soupçons, dont, si
je suis bien informé , quelques personnes imprudentes vous ont feit
part , et que vous avez repoussés , je le sais , avec l'indignation qu'on
devait attendre de votre position et de votre caractère.
-^Ëotomba, (ttt Orso s'agjtaâl ^ur sa dbaise , t» es Men MÉgoSe.
Tu devrais aHer le eondi^r.
. €olonba it tm signe de tète négatif. EUe avait vepri» ses dtee
baUtoel et iiail des yeux ariess sur le préfel.
— M. BaiYioini, ceatiMâ le préfet, déaèretaîl vif ement veir temet
ce^ espèce d'iaiHBtié... e'esMMlire cet éM d'ineertHvde où voua
veu» trouvez f un vi&<jhvis de raiitre..v Peur ma pari, je sen» e»«
dMtité ée vous veir étflMîr avee lui le» nyports cpue doivent avoir
ensesable des gOM faits paw s'eatiaier^.v
— Monsieur, interrompit Orso d'une voix émue, je n'ai jaawi
aeeusé l'cvetai BamoMÉ 4'tfveir aianaaÉiA' mon père, riMi» il a Ait
une actio» qui m'euipèebefa laujears étwnk meune retaftios mfet
Itti. Ha supposé uie tetke iifMç— tr» mi Mto d'us ocrtan hMMil;
du moiits, il ra;se«v4eiBeiil ^MÊihmbeèmfmpèrc, €ettrlcMi^4 eniii,
monsieur, a prebablemeni élè la eawe iadireete éesa MOfl*
cm, tersqiie, ewffxAé fêx la vivante de sap CBiacttre, il plaMaît
contrent Baraciiii, la<imeesteacuiaUe;raws, de votre part, m
semblable aveuglement n'est plus perœisu Kéflédûssea donc qm
Barricini n'avait point intérêt à supposer cette lettre.., Je ne ymm
parle pas de son caraetèKar*. vous ne le connaissez point, vous êtes
prévenu contre ku.«. maïs vous ne supposez pas qu'un homme coi^
naissant bien lâi lois^.
— Mais, monsieur, dit Orso en se levant, veuillez songer que me
dire que cette lettre n'est pas l'ouvrage de M. Barrîciiii , c'est l'attari-
buer à mon père. Son honneur, monsiew, est le miea.
—Personne fim que mai, monsieur, poursuivit le préfet, n'est
convaincu de l'honnepr du eoleiiel délia Bebhia... mslsi... l'auteur de
cette lettre est connu maintenant...
— Qui? s'écria Colomba s'arvaoçant vecs^ le préfet.
— Un misérable, coupable de plusieurs crimes*.., de ees crimes
que vous ne pardonnez pas, vous autres Gqcses, un v^ur, un certain
Tomaso Biapcbi, à présent détenu dans les prisons de Baatia, a révélé
qu'il était l'auteur de cette fetale lettre.
— Je ne connais pas cet homme, dit Orso. Quel aunst pu ôtre son
but?
—C'est iin homme 4le. ce ps^, dit Colomba, irère d'un ancien
meunier à nous* C'est uo méchant et un menteur indigne qu'on le
croie.
— Vous allez vou*, continua le préfet, l'intérêt qu'il avait dans
l'aftaire. Le meunier dont parle mademoiselle votre scmir, il se nom-
Etait, je crois» Théodore, tenait à loyer du coloiiel un moulin sur le
cours d'eau dont M. Barricini contestait la possession à moMsieur
votre père. Le colonel, généreux à son habitude, ne tirait presque
aucun profit de son moulin. Or, Tomaso a cru que si M. Barricini obte-
nait le cours d'eau, il aurait un loyer considérable à hii payer, car on
sait que M. Barricini aime assez l'aigent. Bref, pour obliger son
frère, Tomaso a contrefait la lettre du handil, et vaîïà toute l'histoire.
Vous savez que les Uens de famiUe sont si pmssans en Corse , qu'ils
entraînent quelquefois au crime..* Veuillez paendre connaîssanee de
cette lettre que m'écrit le substitut du procureur^général , elfe vous
confirmera ee q|ue je via» de vans dim.
Orso parcourut la lettre qui relatait en détail les aveux de Tomaso ,
et Ooiombii Usait en même temps par^dessus f épaufe de son frère.
Lorsqu*eBe eut fini, elfe s'écria: Orlanduccio Barricini est allé à
5.
63 REVUE DES DEUX MONDES.
Éaistia il y a un mois , lorsqu'on a su que mon frère allait revenir. Il
aura vu Tomaso et lui aura acheté ce mensonge. ' ' '
-*j Mademoiselle, dit le préfet avec impatiente; vous exjpliquez tout
par des suppositions odieuses; est-ce le moyen dé savoir la vérité?
Vous, monsieur, vous êtes de sang-froid; dites-moi, que pensez-vous
maintenant? Croyez-vous, comme mademoiselle, qu'tln homme qui
n'a à redouter qu'une condamnation assez légère se charge de gaieté
de cœur d'un crime de faux pour obliger quelqu'un qu'il ne con-
naît pas?
Orso relut la lettre du substitut, pesant chaque mot avec une
attention extraordinaire, car, depuis qu'il avait vu l^avocat Barricinî ,
il se sentait plus difficile à convaincre qu'il ne l'eût été quelques jours
auparavant. Enfin , il se vit contraint d'avouer que l'explication lui
paraissait satisfaisante; — mais Colomba s'écria avec force :
— Tooiaso Aian<^hi est un fourbe. Il ne sera pas condamné ou il
s'échappera de prison, j'en suis sûre.
Le préfet haùsséi les épaules.
— Je vous ai fait' part , monsieur, dit-il , des renseignemens que
j'ai reçus. Je me i^tife, et je vous abandonne à vos réflexions. J'at-
tendrai que votre raison vous ait éclairé, et j'espère qu'elle sera plus
puissante que les suppositions de votre sœur.
Orso, après quelques paroles pour excuser Colomba, répéta qu*il
croyait maintenant que Tomaso était le seul coupable.
Le préfet s'était levé pour sortir.
— S'il n'était pas si tard , dit-il , je vous proposerais de venir avec
moi prendre la lettre de miss Nevil... Par la même occasion, vous
pourriez dire à M. Barricini ce que vous venez de me dire, et tout
serait fini.
— Jamais Orso délia Rebbia n'entrera chez un Barricini , s'écria
Colomba avec impétuosité.
— Mademoiselle est le tintinajo (1) de la famille à ce qu'il paraît,
dit le préfet d'un air de raillerie.
— Monsieur, dit Colomba d'une voix ferme, on vous trompe.Vous
ne connaissez pas l'avocat. C'est le plus rusé, le plus fourbe des hom-
mes. Je vous en conjure, ne faites pas faire à Orso une action qui le
couvrirait de honte.
— Colomba ! s'écria Orso, la passion te fait déraisonner.
(1) On appelle ainsi le Mli^ porteur 4'une $onii6li(Q qui coadttit te tro«peiAl v «t
p^ métaphore on donne Je oérne npm au ^emjke 4*UjQ^ ffio^ille ^i ^ çlftlge (iatts
toutes les affaires importantes.
COLOMBA. 68
— Orso! Orso! par la cassette que je vous ai remise, je vous en
supplie, écoutez-moi. Entre vous et les Barricini il y a du sang; vous
n'irez pas cliez eux.
— Ma sœur!
— Non , ûion frère, vous n'irez point, ou je quitterai cette maison »
et vous ne me reverrez plus... Orso, ayez pitié de moi I
Et elle tomba à genoux.
— Je suis désolé, dit le préfet , de voir mademoiselle délia Rebbia
si peu raisonnable. Vous la convaincrez, j'en suis sûr. Il entr'ouvrit la
porte et s'arrêta, paraissant attendre qu'Orso le suivît.
— Je ne puis la quitter maintenant, dit Orso... Demain, si...
— Je pars de bonne heure dit le préfet.
— Au moins, mon frère, s'écria Colomba les mains jointes, attendez
jusqu'à demain matin. Laissez-moi revoir les papiers de mon père...
Vous ne pouvez me refuser cela.
— Eh bien ! tu les verras ce soir, mais au moins tu ne me tour-
menteras plus ensuite avec cette haine extravagante... MiUe pardons,
monsieur le {H-éfet... Je me sens moi-même si mal à mon aise... Il
vaut mieux que ce soit demain.
— La nuit porte conseil, dit le préfet en se retirant, j'espère que
demain toutes vos irrésolutions auront cessé.
— Saveria , s'écria Colomba , prends la lanterne et accompagne
monsieur le préfet. Il te remettra une lettre pour mon frère.
EUe ajouta quelques mots que Saveria seule entendit.
— Colomba , dit Orso lorsque le préfet fat parti , tu m'as fait bien
de la peine. Te refuseras-tu donc toujours à l'évidence?
— Vous m'avez donné jusqu'à demain , répondit-elle. J'ai bien peu
de temps, mais j'espère encore.
Puis elle prit un trousseau de clés et courut dans une chambre de
l'étage supérieur. Là on l'entendit ouvrir précipitamment des tiroirs
et fouiller dans un secrétaire où le colonel délia Rebbia enfermait
autrefois ses papiers importans.
XIV.
Saveria fut long-temps absente, et l'impatience d'Orso était à son
combie ioTBqif eUe repanit enfin tenant mie lettre, et suivie de la
petite Chilh^a qui ^frottait les yeux, car elle avait été réveillée de son
premier somme.
70 REVUE D^S MUX MONDES.
•^ Enfant, dit Orso, que vienMu faire ici à cette beiirQ?
— llademoiaelle me demande, répondit CbjUna«.
**- Que diable lui veut-elle? pensa Orso, mais il ae bAta de déca<v
cheter la lettre de miss Lydia, et pendant qu'il lisait, ChiUna montait
auprès de sa sœur.
<K Mon père a été un peu malade, monsieur, disait miss NevU, et
il est d'ailleurs si paresseux pour écrire , que je suis (ddiféa de lui
secvir. de secrétaire. L'autre jour, vous savez qu'U s'est mouiUé le»
pieds sur le bord de la mer, au lieu d'admirer le paysage avec nous»
et il n'en faut pas davantage pour donner la fièvre , dans votre cbar^
mante tie. Je vois d'ici la mine que vous faites; vous cbercheE sana
doute votre stylet, mais j'espère que vous n'en avez plus. Donc,
mon père a eu un peu de fièvre , et moi beaucoup de frayeur ; le pré-
fet, que je persiste à trouver très aimable, nous a donné un médecin
fort aimable aussi, qui, en deux jours, nous a tirés de peine; l'accèt
n'a pas reparu , et mon père veut retourner à la chasse , mais je la lui
défends encore. — Comment avei-vous trouvé votre chftteau des
montagnes? Votre tour du nord est-elle toujours à la même place? Y
a-4-il bien des fantômes? Je vous demande tout cela, parce que mon
père se souvient que vous lui avez promis daims, sangliers, mou*
fions... Est-ce bien là le nom de cette béte ctrange? £o allant noua
embarquer à Bastia, nous comptons vous demander l'hospitalité ,.^t
j'espère que le château délia Hebbia, que vous dites si vieux et si
délabré , ne s'écroulera pas sur nos tètes. Quoique le préfet soît si
aimable, qu'avec lui on ne manque jamais de suget de conversation
(by the hye/]e me flatte de lui avoir tait tourner la tête), nous avons
parlé de votre seigneurie. Les gens de loi de Bastia lui ont envoyé
certaines révélations d'un coquin qu'ils tiennent sous les verroux, et
({oi sont de nature à détruire vos derniers soupçons; votre inimiUé,
qui parfois m'inquiétait, doit cesser dè&-lors. Vous n'avez pas d'idée
comme cela m'a fait plaisir. Quand vous êtes parti avec la belle v»-
ceratrice, votre fusil à la main, et le re^gard sombre, vous m'avez
paru plus Corse qu'à l'ordinaire... , trop Corse même. Basta! je vous
en écris si long, parce que je m'ennuie. Le préfet va partir, hélas!
nous vous enverrons un messager, lorsque nous nous mettrons en
route pour vos montagnes , et je prendrai la liberté d'écrire à M"* Co-
lomba, pour lui demander nn bruccio^ ma solenne. £o attendant,,
dites-lui mille tendresse». Je fais gvand ivage de seo stvlet^ j'en
coupe les fettiUets d'un nman que j'ai apporté; mm ce &r teiriUi
s'indigne de cet usage, et me déchve mon livre d'une bçûiipit&faUe*
COUMilu W
fatf, ït est homme de bon^eoMeH, ^ se ditoiwii^de nrotite, je or^,
àiMMise (te voQftç }t!vapeserim|)pr«miAre*pien«à'Gwto;j»mHnÉagiBe^
queeedditéHre'Uiie^oérémMDfo^bieaâmpoMnte, et je legcelte Ivtde ofy
pag assister. UnmoBeleiir en habit brodô , bas de mie-, éobarpe UatdiOi
tefumt une toneite!... et uo-dheew»; 1» eéiémoiiiô sa temàmsm ppr
le» tftê iMHe fois répété» (te vif e le roi ! — * ¥eas al^s Aire biep M
cfe m^avolr fhi^remj^'tee quatre^page», mate je m'ennuie, monfiieai;
je veiB te répète, el, par cette raison, je vons penneto^ de m^i^»4iiQ
trèslongoemefirt. A propos, je trouree%ti:aonHMirequewuaBem?afea
pas encore mandé votre heureuse arrivée dans FietraneBaCasHe^
Lydia,
a R S: Je vous demande d'écouter le préfet, etde^fMr^ee qu'il vous,
dira. Nous avons^arrété ensemble cpie vous deviez en agk> akmi, el
cela me fera plafeir. »
Orso lut trois ou quatre fois cette lettre, accompagnant chaque^
lecture de commentaires sans nombre; puis il y 8t une longue réponse,
qu^il chargea Saveria de porter à un honune du viHage, qui parlait Ia<
nuit même pour Ajaccio. Déjà il ne pensait guère à discuter avec sa
soeur les griefs vrais ou feux des Barricioi ; la lettre de miss LycKa hii
faisait tout voir en couleur de rose; il n'avait phis ni soupç(m ni haine.
Après avoir attenchi quelque temps, que sa sœur redescende, et ne
la voyant pas reparaître , il alla se coucher, le cœur plus léger qrfil ne
se Tétait senti depuis long-temps. Cfailina ayant été congédiée avec
des instructions secrètes , Colomba passa la phis grande partie de la
nuit â lire de vieilles paperasses. Un peu avant le jour, quelques petits
cailloux forent lancés contre sa fenêtre; à ce signal , elle descendit au
jardin , ouvrit une porte dérobée , et introduisit dans sa maison deux
hommes de fort n^auvaise mine; son premier soin fot de les mener
i là cuiMné et de leur donner à majiger. Ce q|f étaient ces hommes,
on le saur^ tout à l'heure.
XV.
Le matin, vers six heures, un domestique du préfet frappait è la
hmîsod d^Oi^^ Reçu par Cotanba, il lui ^tf^e le poéfel attut partir,
et qu'il attencbit son fr^e. CoionriMi lépoodit saos hésiter que
V \
1^ REVUE DBS hWn JIONDBS.
^èKQ YiQoaH de tomber dans Teacalier, et de sic foirer le pii^; im'é,tant
hor^ d'état de faire un pas, il suppliait M. le pri^ejt d^tl'iç^icuj^^, et
serait tcès reconnaissant s'il daignait prendre la peine de passer chez,
lui. Peu après ce message , Orso descendit et demanda à sa sœur si le
préfet ne l'avait pas envoyé chercher. — Il vous prie de l'attendre ici,.
répondit-«lle avec la plus grande assurance. Une denH-heure s'écoula
sans qu'on aperçût le moindre mouvement du cOté de la maison des
Barricini; cependant Orso demandait à Colomba si elle avait dût
quelque découverte; elle répondait qu'elle s'expliquerait devant le
préfet. Elle affectait un grand calme , mais son teint et sps yeux annon-
çaient une agitation fébrile.
Enfin , on vit s'ouvrir la porte de la maison Barricini; le préfet, en
habit de voyage , sortit le premier suivi du maire et de ses deux fils.
Quelle i^ la. stupéfaction des habitans de Pietranera* aux aguets
depuis 1|3 Içyerdu spleil, pour assister au départ du premier magistrat
du département, lorsqu'ils le virent, accompagné des trois Barricini,
traverser la place en droite ligne, et entrer dans la maison délia
Rebbia. — Ils font la paix I s'écrièrent les politiques du village.
— Je vous 1q (Usais bien, ajouta un vieillard. Ors' Anton' a trop
vécu sur le continent pour faire les choses comme un homme de
cœur.
— Pourtant , répondit un rebbianiste , remarquez que ce sont les
Barricini qui viennent le trouver. Ils demandent grâce. .
— C'est le préfet qui les a tous embobelinés, répliqua le vieillard;
on n'a plus de courage aujourd'hui , et les jeunes gens se sçucjent
du sang de leur père comme s'ils étaient tous des bâtards.
Le préfet ne fut pas médiocrement surpris de trouver Orso debout
et marchant sans peine. En deux mots Colomba s'accusa de son men-
songe et lui en demanda pardon : — Si vous aviez demeuré ailleurs »
monsieur le préfet, dit-elle, mon frère serait allé dès hier vous pré-
senter ses respects.
Orso ^e confondait en excuses , protestant qu'il n'était pour rien
dans cette ruse ridicule, dont il était profondément mortifié. Le
préfet et le yieux Barricini parurent croire à la sincérité de ses re-
grets, justifiés d'ailleurs par s^ confusion et les reproches qu'il adres-
sait à sa sœur ;, mais, le4 fils du maire ne parurent pas satisfaits : —
On se moque de nous , dit Orlanduccio , assez haut pour être en-
tendu.
— Si ma sœur me jquaît à,e ces tqnrs^ ,^it Vii^çentellcj , je lui
ôterais bi^n vite l'envie de i^omnfçnqçjÇt,,, . .
*}ti
' CÔLdMBA. 73
Ces paroles, ef lé tbn dont elles furent prononcées, dépiurerttâ
Orso et luî' firent perdrt tin peu de sa bonne Tolonté. Il écbangeti
avec les jeunes Barricini des regards où ne se peignait nnlle bieîdt-
veillance.
Cependant tont le monde étant assis , à Texception de Colomba,
qui se tenait debout près de la porte de la cuisine , le préfet prit
la parole, et après quelques lieux communs sur les préjugés du pays,
rappela que la plupart des inimitiés les plus invétérées n'avaient
pour cause qne des malentendus. Puis, s'adressant au maire, il lui dit
que M. délia Rebbia n'avait jamais cru que la famille Barricini eût
pris une part directe ou indirecte dans Tévènement déplorable qui
l'avait privé de son père; qu'à la vérité il avait conservé quelques
doutes relatifs à une particularité du procès qui avait existé entre les
deux familles, que ce doute s'excusait par la longue absence de
M. Orso , et la nature des renseignemens qu'il aVait reçus; (|u^éclairé
maintenant par des révélations récentes , il se tenait pour complète-
ment satisfait, et désirait établir avec M. Barricini et sa famille des
relations d*amitié et de bon voisinage.
Orso s'inclina d'un air contraint; M. Barricini balbutia quelques
mots que personne n'entendit; ses fils regardèrent les poutres du
plafond. Le préfet, continuant sa harangue, allait adresser à Orso la
contre-partie de ce qu'il venait de débiter à M. Barricini , lorsque
Colomba, tirant de dessous son fichu quelques papiers, s'avança gra-
vement entre les parties contractantes :
-- Ce sera avec un bien vif plaisir, dit -elle, que je verrai finir la
guerre entre nos deux familles ; mais pour que la réconciliation soit
sincère , il faut s'expliquer et ne rien laisser dans le doute. — Mon-
sieur le préfet , la déclaration de Tomaso Blanchi m'était à bon droit
suspecte , venant d'un homme aussi mal famé. — J'ai dit que vos fils
peut-être avaient vu cet homme dans la prison de Bastia
— Cela est faux , interrompit Orlanduccio , je ne l'ai point vu.
Colomba lui jeta un regard de mépris et poursuivit avec beaucoup
de calme en apparence.
— Vous avez expliqué l'intérêt que pouvait avoir Tomaso à me-
nacer M. Barricini au nom d'un bandit redoutable , par le désir qu'il
avait de conserver à son frère Théodore le moulin que mon père lui
louait à bas prix.
— Cela est évident , dit le préfet.
-^ lie la part d'un tniséfàtde comme paraît être ce Blanchi, tout
s'explique, dit Orso , trompé par l'air de modération de sa sœur.
n REVUE BttB MWK MONDES.
<*fifiiiàih«'iiètt*P8foite, cmMom QoImImi, #»& ta jmÊyeoaamn-
tètMi è brillôl- id'M éelat ploi ? if , eat datée 4ml U jidltet VcoMm
«dMt'akM '.chez mu ttère^^ m immàm.
— Oui, dit le maire un peu inquiet.
^Hiûtl fcilétfAt wflA 4one TodiaBO Kftaehft? ^éoria Caloiite^'mi
Ixm dettriiafli4>he. liie bail dé son frère était eipiré;mon père loi awt
d0Mé Jfmegè le l^'tJHHet. Voîdle registre démon tpère^ la miimte
Ai^cengé , 4à lettre d'aiki hetntte d'aifeires d'AjttGQÎQ qui b<»is pro^
Pèéàk tm neeveau «eanier.
fSii partant ainsi , eHe Tsmit au préfet les ,pif ieia qu^elle tenait ^è 4a
fmaiti.
il Y eut «n«HMn0nt'd!ât(Mii6ai6fit général. Le nMôre pèUt visible^
aitoHt; '@M^ -fronçanl le aouroil , s'avança pew prendre connaissanae
"des^pMs que 4e préfet iisèk avec beaueoup d'attention.
"^Oniseneqae de HiM»! s'écria de nouveau Orianduocio en ae h-
«lift avise «elèrew AHMs-fUcms^'en, mon père, nous n'aurions jamais
dA venir ttcil
Un instant suffit a M. Barriaini pour reprendre son sang-*froîd. Il
'denianda'è ^^miiMr les papiers; le préfet les lui remit sans dire un
riiot. idors^^^ralevant ses lunettes vertes sur son front, il les parcourut
d'«nfair asaez hMMJfféieni, ipendaat que Colomba l'observait avec les
>j)e«K d'iliè tignisse qài voit un daim s'sq[>procher de la taniàre de
— Mais , dit M. Barricini , ifabaissant ses lunettes et rendant les
f>a|iîârsaHtpréfot, oonnalssaMt la bonté de feu M. le colonel*.. Tooiaso
•a»peas6... îl a dA jflenaer;^.. tpie M. le ootonel reviendrait sur sa réso-
-koMén-de M floAneroongév.. Be fait, il est resté en possession du
hHdutia, dottc...
•^C'est moi, dlt4k)lômba d'un ton de mépris, qui le lui ai conservé.
Mon père é(trit:m«K,'et>â«ns>nM position je devais ménager les oliens
de ma ibmiHe.
^ Pourtant, dit 4e {préfet, ee Tomaso reconnaît qu'il a écrit la
lettre... cela est clair.
'«--Ge'qtH'est^oMripcNirmd, inlerronqrft Orso> c'est qu'il y a de
@randes4nAmies etfdkées ^dans toute eette affoire.
•^ i'ai encore é ^eontr^dire une assertion de ces messieurs, dit
Colomba. — Elle ouvrit la porte de la cuisine, et aussitôt entrèrent
dans la salle Brandolaccio, le licendéen théologie et le chien Bru^co.
^Le^ dbt» bitidfts étMfent sans armes, ou n^ns apparentes; ilsiavaient
la cafftoaohèits à 4a ecSntare, mais point le jMstolet ^i en foitle com-
COLÛMBÀ. a
(Mment oMigé. Eb mtnut dans la salle, ib dtèrent reapectpenae-
ment leurs bonnets.
On peut concevoir TefTet que produisit leur subite apparUbo, Lb
maire pensa tomber à la renverse; sqs Bis se jetèrent braveDuent da-
tant hd , la main dans la poche de leur habit , cherchant leur stylet.
Le préret fit un mouvement vers la porte, tandis qu'Orso, saisissant
Brandobccio au collet, lui cria : Que viens-tu Taire ici, misérable?
— C'est un gnet-«pens! s'écria le maire essayant d'ouvrir la porte;
mais Saveria l'avait fermée en dehors à double tour, d'après Tordre
des bandits, comme on le sut ensuite.
— Bonnes gensi dit Brandolaccio, n'ayez pas peur de moi; je ne
suis pas si diable que je suis noir. Nous n'avons nulle mauvafee inten-
tion. Monsieur le préfet, je suis bien vôtre serviteur. — Mon lieute-
nant, de la douceur, vous m'étranglez. — Nous venons ici eonune
témoins. Allons, parle, toi , curé, tu as la langue bien pendue.
— Monsieur le préfet, dit le licencié, je n'ai pas Thonneur d'être
connu de vous. Je m'appelle Giocanto Castriconi , plus connu sous le
nom du curé... Âh I vous me remettez? Mademoiselle, que je n'avais
pas l'avantage de connaître non plus, m'a fait prier de lui donner des
renseignemens sur un nommé Tomaso Blanchi, avec lequel j'étais
détenu, il y a trois semaines, dans les prisons de Bastia. Voici ce que
j'ai à vous dire
— Ne prenez point cette peine, dit le préfet; je n'ai rien à entendre
d'un honune comme vous... Monsieur délia Rebbia, j'aime à croire
encore que vous n'êtes pour rien dans cet odieux complot. Mais êtea-
Tous maître chez vous? Faites ouvrir cette porte. Votre sœur aura
peut-être à rendre compte des étranges relations qu'elle entretient
avec des bandits.
— Monsieur le préfet , s'écria Colomba , daignez entendre ce que va
dire cet homme. Vous êtes ici pour rendre justice à tous, et votro
devoir est de rechercher la vérité. Parlez, Giocanto Castriconi.
— Ne l'écoutez pasi s'écrièrent en chœur les trois Barricini.
— Si tout le monde parle à la fois, dit le bandit en souriant, ce
n'est pas le moyen de s'entendre. Dans la prison donc« j'avais pour
compagnon , non pour ami , ce Tomaso en question. Il recevait de
fréquentes visites de M. Orlanduccio...
— C'est feuï , s*écrièrent à la fois les deux frères.
— Deux négations valent une affirmation , observa froidement Cas-
triconi. Tomaso avait de l'argent; il mangeait et buvait du meilleur.
i*ai toujours aimé la bonne chère ( c'est là mon moindre défaut), et»
76 REVUE DES DEUX MONDES.
malgré ma répugnance à frayer avec ce drAle, je me laissai aller à dîner
plusieurs fois avec lui. Par reconnaissance, je lui proposai de s'évader
avec moi... Une petite... pour qui j'avais eu des bontés, m'en avait
fourni les moyens... Je ne veux compromettre personne. Tomaso
refasa , me dit qu'il était sûr de son affaire, que l'avocat Barricini
l'avait recommandé à tous les juges, qu'il sortirait de là blanc conune
neige et avec de l'argent dans la poche. Quant à moi, je crus devoir
prendre l'air. Dixi.
— Tout ce que dit cet homme est un tas de mensonges, répéta
résolument Orlanduccio. Si nous étions en rase campagne, chacun
avec notre fusil, il ne parlerait pas de la sorte.
— En voilà une de bêtise! s'écria Brandolaccio. Ne vous brouillez
pas avec le curé, Orlanduccio.
— Me laisserez-vous sortir enfln , monsieur délia Rebbiaî dit le
préfet frappant du pied d'impatience.
— Saveria! Saveria! criait Orso; ouvrez la porte, de par le diable!
— Un instant, dît Brandolaccio. Nous avons d'abord à filer, nous,
de notre côté. Monsieur le préfet, il est d'usage, quand on se ren-
contre chez des anus communs, de se donner une demi-heure de trêve
en se quittant,
Le préfet lui lança un regard de mépris.
— Serviteur à toute la compagnie, dit Brandolaccio. Puis étendant
le bras horizontalement : Allons, Brusco, dit-il à son chien, saute
pour M. le préfet.
Le chien sauta, les bandits reprirent à la hâte leurs armes dans la
cuisine, s'enfuirent par le jardin , et à un coup de sifHet aigu la porte
de la salle s'ouvrit comme par enchantement.
— Monsieur Barricini , dit Orso avec une fureur concentrée, je vous
tiens pour un faussaire. Dès aujourd'hui j'enverrai ma plainte contre
vous au procureur du roi , pour faux et pour complicité avec Blanchi.
Peut-être aurai-je encore une plainte plus terrible à porter contre
vous.
— Et moi, monsieur délia Rebbia, dit le maire, je porterai ma
plainte contre vous, pour guet-apens et pour complicité avec des
bandits. En attendant, M. le préfet vous recommandera à la gendar-
merie.
— Le préfet fera son devoir, dit celui-ci d'un ton sévère. Il veillera
à ce que l'ordre ne soit pas troublé à Pietranera ; il prendra soin que
justice soit faite. Je parle à vous tous, messieurs!
Le maire et VîncenteUo étaient déjà hors de la salle, et Orlanduccio
COLOMBA. 77
les suivait à reculons,, lorsque Orso lui dit à voix basse : — Votre père
est un vieillard que j'écraserais d'un soufflet. C'est à vous que j'en
destine, à vous et à votre frère.
Pour réponse, Orlanduccio tira son stylet et se jeta sur Orso comaie
un furieux ; mais , avant qu'il pût faire usage de son arme, Colomba
lui saisit le bras qu'elle tordit avec force pendant qu'Orso, le frappant
du poing au visage, le fit reculer quelques pas et heurter rudement
contre le chambranle de la porte. Le stylet échappa de la main d'Or-
landuccio, mais Vincentello avait le sien et rentrait dans la chambre,
lorsque Colomba, sautant sur un fusil , lui prouva que la partie n'était
pas égale. En même temps le préfet se jeta entre les combattans. -^
A bientôt. Ors' Anton'! cria Orlanduccio. Et tbant violemmentr
la porte de la salle, il la ferma à clé pour se donner le temps de faire
retraite.
Orso et le préfet demeurèrent un quart d'heure sans parler, c^iacun
à un bout de la salle. Colomba, l'orgiieil du triomphe sur le front,
les considérait tour à tour, appuyée sur le fusil qui avait décidé la
victoire.
— Quel pays I quel pays ! s'écria enfin le préfet en se levant impé-
tueusement. Monsieur délia Rebbia, vous avez eu tort. Je vous de-
mande votre parole d'honneur de vous abstenir de toute violence, et-
d'attendre que la justice décide dans cette maudite affaire.
— Oui, monsieur le préfet, j'ai eu tort de frapper ce misérable;
mais enfin je l'ai frappé, et je ne puis lui refuser la satisfaction qu'il
m'a demandée.
— Eh! non, il ne veut pas se battre avec vous!... Maïs s'il voua
assassine... vous avez bien fait tout ce qu'il fallait pour cela.
— Nous nous garderons, dit Colomba.
— Orlanduccio, dit Orso, me parait un garçon de courage, et j'au-
gure mieux de lui, monsieur le préfet. Il a été prompt à tirer son
stylet, mais à sa place j'en aurais peut^tre agi de même, et je suis
heureux que ma sœur n'ait pas un poignet de petite maîtresse.
— Vous ne vous battrez pas ! s'écria le préfet; je vous le défends !
— Permettez-moi de vous dire , monsieur, qu'en matière d'hon-
neur je ne reconnais d'autre autorité que celle de ma conscience.
— Je vous dis que vpus ne vous battrez pas.
— Vous pouvez me faife arrêter, monsieur... c'est-ànlire si je me
laisse prendre. Mais, ^ cela arrivait, vous ne feriez que différer une
affaire mpiatenant inévitable. Voqs êtes homme d'honneur, mon-
sieur le préfet, et vous savez bien qu'il n'en peut être autrement.
Itl REVUE DBS OSCrX MONDES.
•^ Si VOUS faisiez arrêter Mon frère, Ajouta Goloirifca, la moitlS èa
vtBage preodmit son paiti , et nons verrtoBs une MRe fbsififtde.
— Je vous préviens, monsieur, dit Oém, et je tous sttppfie de ne
pas croiœ que je fais tine bravade; je vous préviens que si M. Barrfctni
alHise de son antorHé de make pow nie feire arrêter, je me défendrai.
-*- Dès aujmrd'lMi^ dtt le pràfet, H. Bftiridnf est suspendu de ises
foiKtions... il m justifiera, je Tespère... Tener , monsieur, totts in*in*
téressez. Ce que je vow demande est bien peu de diose : rester diet
vous trancpatte jusqu*è mon retour de Corte; je ne serai que trots
jours absent; je reviendrai avec le procurenr dtt roi, et nous dé-*-
brouillerons alors comptètement cette triste affaire. Me promette^-
vous de vous abstenir jusque^ de toute hostilité?
— Je ne puis le promettre, raonsteiir, si, comme je le pettise,
Orlanduccio me demande une rencontre.
— Comment 1 monaeur délia Rebbia, vous, militaire français, vous
Toulez vous battre avec un homme que vous soupçonnez d*un faux?
— Je Tai frappé, monsieur.
— Mais si vous aviez frappé votre domestique, et qu'il vous en de-
mandât raison, vous vous battriez donc avec lui? Allons, monsieur
(ksol Eh bieni je vous demande encore moins : ne cherchez pas
Orlanduccio... je vous permets de vous bi^re s'il vous demande un
rendez-vous.
— Il m'en demandera, je n'en doute point; mais je vous promets
de ne pas lui donner d'autres soufQets pour l'engager à se battre.
— Quel pays! répétait le préfet en se promenant à grands pas;
quand donc reviendrai-je en France?
— Monsieur ie préfet, dit Colomba de sa voix la plus douce, il se
fait tard; nous feriez-vous l'honneur de déjeuner ici?
Le préfet ne put s'empêcher de rire : — Je suis demeuré déjà trop
long-^emps id... «la ressemble à de la partialité... Et cette maudite
pierre... Il faut que je parle... Mademoiselle detia Rebbia... que de
malheurs vous avez préparés peut-être aujourd'hui I
— Au moinst monsieur le préfet, vous rendrez à ma sceur la jus-
tice de croire que ses convictions sont profondes, et, j'en suis sûr,
vous les croyez vous-même Irien établies.
— Adieu, monsieur, dit le préfi^ en lui faisant un signe de la
main. Je vous préviens que je vais donner l'ordre au brigadier de
gendarmerie de suivre toutes vos démarches.
Lorsque le préfet fut sorti :«^ Ovso, dit Colomba, vous n'êtes point
ici sur le continent. Orlanduccio n'entend rien à vos duels, et d'cH^
leurs ce n'est pas de la mort d'un brave que ce misérable doit mourir.
— Colomba, ma bonne, tu es la. femme forte. Je t'ai de grandes
obligations pour m'avoir sauvé un bon coup de couteau. Donne-moi
ta petite main gue je la Imise; mais, vois-tu, laisse-moi Caire. H y a
oertaiAes choses que tu n'entends fàs, Donne-^moi a déjeuner, et,
aussitôt que le préfet se s^a mis en route , fais-moi vanir la petite
Chilina, qui parait s'acquitter à merveille des commissions qu'on lui
doonie. J'aurai besoin d'elle pour porter une lettre.
Pendant que Colomba surveillait les apprêts dv déjeuner, Orso
monta dans sa chambre, et écrivit le billet suivant :
€ Tous devfti être pressé de me rencontrer; je ne le suis pas moins.
Demain matin, nous pourrons nous trouver à six heures dans la vallée
d'Acquaviva. le suis très adnnt au pistolet et je ne vous propose pas
cette arme. On dit que vous tirez bien le fusH : prenons chacun un
fusil  deux coups. Je viendrai accompagné d'un homme de ce village.
Si votre frère veut vous accompagner, prenez un second témoin et
prévenez-moi. Dans ce cas seulement, j^aurai deux témoins.
m OaSO-ANTONiO SfiLLA Rbbbu. p
Le préfet , après fttre resté une heure chez l'adjoint du maire, après
être entré pour quelques mmutes chez les Barricini, partit pour
Coite , escorté d'un seul gendarme. Dn quart d'heure après , Chilina
porta la lettre qu'on vient de lire, et la remit & Orianducdo en pro-
pres plains.
La répease se fit Attendre et ne vint que dans la soirée. Elle était
signée de M. Barricini père, et il annonçait à Orso qu'il déférait au
procureur du roi la lettre de menaces adressée à son fils. — Fort de ma
conscience, ajoutai t-^1 en temunant, j'attends que la justice ait pro-
noncé survos caionmies. ,
Cependant cinq ou six bergers mandés par Colomba arrivèrent pour
gamisomier la tom* des detta Rebbia. Malgré les protestations d'Orso,
on pratiqua des arcAere aux fenêtres donnant sur la place, et toute la
soirée il reçtftiles offres de service de ^fifférentes personnes du bourg.
Une leMfe arritamème dn théologien baildlt, qui promettait , en son
nom et en celui de ^randdacdo, dlntervenfr Si le maire se faisait
aaflislei<le la gendarmerie. Il finissait par ce poêt-scriptum : « Oserai-je
vous demander ce que pense monsieur le préfet de l'excellente édu-
eation que men'ami donne an chien Bmsco? Après €hflina , je ne con-
nais pas d'élève plos doeBe et tpà tnonAre de plus heureuses dispo-
sitions. »
^ REVUE PBftjDBUK «ONDES.
' ni
XVI.
Le lendemain se passa sans hostiUtés. De part et d*autre on se
tenait sur la défensive. Orso ne sortit pas de sa maison , et la porte
des Barricini resta constamment fermée. On voyait les cinq gendarmes
laissés en garnison à Pietranera se promener sur la place ou aux envi-
rons du village, assistés du garde-champétre, seul représentant de la
milice urbaine. L'adjoint ne quittait pas son écharpe; mais sauf les
archere aux fenêtres des deux maisons ennemies, rien n'indiquait
la guerre. Un Corse seul aurait remarqué que sur la place» autour du
chêne vert, on nç voyait que des femmes.
A Theure du souper, Colomba montra d'un air joyeux à son frère
la lettre suivante qu'elle venait de recevoir de miss Nevil :
« Ma chàre mademoiselle Colomba, j'apprends avec bien du plaisir,
par une lettre dje votre frère^ que vos inimitiés sont finies. Recevez-
en mes compUmens. Mon père ne peut plus souffrir Ajaccio depuis
que votre frère n'est plus là pom* parler guerre et chasser avec lui.
Nous partons aujourd'hui, et nous irons coucher chez votre parente
pour laquelle nous avons une lettre. Après demain , vers onze heures,
je viendrai vous demander à goûter de ce brucdo des montagnes si
supérieur, dites-vous , à celui de la ville.
<c Adieu, chère mademoiselle Colomba. — Votre amie,
a Lydia Nevil. »
— Elle n'a donc pas reçu ma seconde lettre? s'écria Orso.
— Vous voyez, par la date de la sienne, que M"' Lydia devait être
en route quand votre lettre est arrivée à Ajaccio.Vous lui disiez donc
de ne pas venir?
— Je lui disais que nous étions en état de siège. Ce n'est pas, ce
me semble , une situation à recevoir du monde.
— Bah I ces Anglais sont des gens singuliers. Elle me disait, la der-
nière nuit que j'ai passée dans sa chambre, qu'elle serait fSSichée de
quitter la Corse sans avoir vu une belle vendette. Si vous le vouliez,
Orso, on pourrait lui donner le spectacle d'un assant contre la tàimon
de nos ennemis? . i > *
— Sais-tu, dit Orso, que la lurture a «u lort 4e tnk^ de toi une
femme, Colomba? Tu aurais été un excellent militafre.
— Peut-être. En tout cas je vais biireisionl>nlocio< *
— C'est mutile. Il Tant leur envoyer quelqu'un pour les préventr et
les arrêter avant qu'ils se mettent en route.
— Oui? vous voulez envoyer un messager par le temps qu'il fait,
pour qu'un torrent l'emporte avec votre lettre. Que je plains les pau-^
vres bandits par cet orage! Heureusement ils ont de bons piloni (1).
Save^vous ce qu'il faut faire, Orso. Si l'orage cesse, partez demain de
très bonne heure, et arrivez chez notre parente avant que vos amis se
soient mis en route. Cela vous sera facile, miss Lydia se lève toujours
tard.Yous leur conterez ce qui s'est passé chez nous, et s'ils persistent
à venir, nous aurons grand plaisir à les recevoir.
Orso se hflta de donner son assentiment à ce projet, et Colomba ,
après quelques momens de silence :
— Vous croyez peut-être, Orso, reprit-elle, que je plaisantais lorsque
je vous parlais d'un assaut contre la maison Barricini? Savez-vous que
nous sommes en force, deux contre un au moins. Depuis que le
préfet a suspendu le maire, tous les hommes étci sont pour nous.
Nous pourrions les hacher, il serait fedle d^entamer TafMre. SI vous
le vouliez, j'irais à la fontaine, je me modérais de lesrs femmes; ils
sortiraient Peut-être car ils sont si lâches, peut-être ils tire-
raient sur moi par leurs archere; ils me manqueraient. Tout est dit
alors. Ce sont eux qui attaquent. Tant pis pour les vaincus. Dans une
bagarre où trouver ceux qui ont fait un coup? Croyez-en votre sœur,
Orso. Les robes noires qui vont venh* saliront du papier, diront bien
des mots inutîlies. 11 n'en résultera rien. Le vieux renard trouverait
moyen de leur faire voir des étoiles en plein midi. Ah ! si le préfet ne
s'était pas mis devant Yincentello, il y en avait un de moins.
Tout cela était dit avec le même sang-froid qu'elle mettait l'instant
d'avant à parler des préparatife du bruccio.
Orso, stupéfait, regardait sa sœur avec une admiration mêlée de
crainte.
— Ma douce Colomba, dit41 en se levant de table, tu es, je le crains^
le diable en personne; mais sds tranquille. Si je ne parviens à faire
pendre les Banjdni , je trouverai moyen d'en venir à bout d'une autre
manière. Balle cbaittde ou fer froid I Tu vois que je n^ai pas oublié le
corse.
. ^ Jie plu» tfit aenût le mieux, dit Colomba en soupirant. Quel
cheval monterez-vous demain. Ors' Anton'?
. TT- {4 A<Mr> Fidui^uoî me demandea^tu cela?
(1) MaDtean de drtptfèBi épais ^garni d^oa capncbon.
TOME XXIII. 6
ff^ REVUE niM WWI MONDES.
Orso s'étant retiré dans M dimh»^ GokNsta mmjdi^wmitar
^i|ji^m«t<to^ JM8«ra,^4iQMura»iilei4HMh aà seiiré-
jpan^it le bnpeckii. Ae tenipëtQB ttmii^^\^Tfr^lâiÊ.ÏJMNiUB etftmàaëA
attepijfe in^iennoieid; (pie aoa *fràre se fttt coiohé. I^reqa'elle 4e
j(XiA eofiA oB^^mnis 4dle fsit uu coutefla, s'asrara qu'il itaitiraMbant»
.mil; SQ8 j)otit8 pîeda dam de groa aoulienv^^ tans faiie le omadie
àruit, ^lle entsa.ihns le jardin.
X^ jardin, fevméde mufs, touobait è un tefrain asaazvaste eoolea
de haies où Ton meltait Jes chevam, car les chevanxeoiies neeo»^
naissent guère Téenrie. En gàiéral, on les ttche dans un cbmnp et
Ton s'en rapporte à leur intelligence pour trouver à se nourrir et
s*abrîter conife le froid et la pluie.
Coloœba ouvrit la pofte du jardin aivecla niAnie précaution « entra
dans Tenclos.» et en «ifilaDt douoement , elle attira près d*eHe -les cfae-
vawi à qui elleportait souvent du pain et du sel. J>és que le cbetiM
noir fut a sa portée, elle le saisit foitoment |Mr la cmiàre et ku femfit
Toreille avec son couteau. Ije chenral fit an bond terrible et s-eofuii
jen faisant entendr/B œ cri aigu cpi^une vive douleur arrache qui^que-
fiais aux animaux d« aon .espèce. SatiafiBttte alors, Coilenba rentNdt
dans le jardin , loisqu'Oi»o ouvrit sa fenôtve et oria : Qui va4àY En
même temps elle entendit qu'il amait s^m fusil. HeioeuBeiiientpour
eUe, k porte du jardtfi étatt dans une obscurité complète, et un grand
figuier la couvrait tm paitie. BientM, avx lueurs intmnittentea^'ele
vit hriUer dans la chMobre de son fràve , olie conclut qu'il cherdiatt^
rallumer sa lampe. fiHe^'empresaa.alofS de fermer la porte du jardin^
etae glissant le lottg des nuirs, de façon queaou aostumenoir-seoon-
fondtt avec le feuillage sambre des espaUeis , eHe parvînt à rentrer
dans la cuisine quelques momens «vant qu'Omo ne parût.
— Qu'y a-t-ilî lui demanda-t-elle.
— U m'a semUé, dit Orso , cpi'on.ounraît la porte du jardin.
~ Impossible. Le chien aurait aboyé, au eeste , allons Toir«
Orso fit le tour du jardin , et «yvès. avoir constaté que la porte exté-
rieure était bîeoiî^mée, un peu jbontenx.de cettefionsse alerte, il sa
disposa à regagner sa chambre.
~ J'aime è voir, nmn fràre , dit Cokanba, que vous ctoveneE -pru-
dent, comme on doit l'être iians votre positian*
— Tu me formes, r^poudit. Orso. ftmaoir.
Le matin avec l'aube Orso était levé , prêt à partir. Son costume
annonçait à la fois la prétention h Félégaeçe d'un homme qui va se
' ' COLOMA. 83
présenter devant une femme à qtii il \eat pMre , et (à pmdencé d*un
Corse en tendette. Faif^ftettitt une redingote bien serrée à la taille,
a perlatt enbondMtièm nne petite botte de fer^btanc contenant des
<:ftrtoi]dies, snspendne à nn cordon de soie verte; son stylet était
^acé dans ui^e poche de cAté , et il tenait à la main le beau Risil de
Hanton chargé à balles. Pendant quil prenait à la hâte une tasse
de cal8 versée par Colomba , un berger était sorti pour seller et
brider le cheval. Orso et sa sœur le suivirent de près et entrèrent dans
rendes. Le berger s'était emparé du cheval , mais il avait laissé
tiHnber selle et bride , et paraissait saisi dliorreur, pendant que le
cheval , qui se souvenait de la blessure de la nuit précédente et qui
cndgnaft pour son autre oreille , se cabrait , ruait , hennissait , faisait
le diable à quatre.
---Allons, dépêche-toi, lui cria Orso.
— Hal Ors' Anton* ! ha! Ors* Anton* î s'écriait le berger, sang de la
Madone! etc. C'étaient des imprécations sans nombre et sans fin,
dont la plupart ne pourraient se traduire.
— Qu'est-il donc arrivé? demanda Colomba.
Tout le monde s'approcha du cheval, et le voyant sanglant et
ftsfrellle fendue, ce fW; une exclamation générale de surprise et d'in-
dignation. Il faut savoir que mutiler le cheval de son ennemi est, pour
les Corses, à la fois une vengeance, un défi et une menace de mort.
« lUcn qu'un coup de fusil n'est capable d'expier ce forfait. » Bien
<|uX>PSO , qui avait long-temps vécu sur le continent , sentit moins
qu'un antre l'énormité de Poutrage ; cependant , si dans ce moment
quelque barriciniste se fût présenté à lui , il est probable qu'il lui eût
fait fanmédiatement expier nne insulte qu'il leur attribuait. — Les
Mdies coquins , s'écrîa-t-41 , se venger sur une pauvre bête , lorsqu'ils
n'osent me rencontrer en fece.
— Qo'attcndons-nous? s'écria Colomba impétueusement. Us vien-
nent nous provoquer, mutiler nos chevaux , et nous ne leur répon-
(faîons pas! Êtes-vous hommes?
— Vengeance! répondirent les bergers. Promenons le cheval dans
le village, et donnons l'assaut à leur maison.
— n y a une grange couverte de paille qui touche à leur tour,
dît le vieux Polo Griffo, en un tour de main je la ferai flamber. — €n
autre proposait d'aller chercher les échelles du clocher de l'église , un
troisième, d'enfoncer les portes de la maison Barricini au moyen
d'une poutre déposée sur la place et destinée à quelque bâtiment en
constrtiction. Au milieu de toutes ces voix furieuses, on entendait
6,
8i REVUE DES BEtnt MONDES.
celle de Colomba annonçant à ses satellites qu*ayant de se mettre à
l'œuvre, chacun allait recevoir d'elle un grand verre d'anisette.
Malheureusement, ou plutôt heureusement, l'effet qu'elle s'était
promis de sa cruauté envers le pauvre cheval était perdu en grande
partie pour Orso. Il ne doutait pas que cette mutilation sauvage ne
fût l'œuvre de l'un de ses ennemis, et c'était Orlanduccio qu'il soup-
çonnait particulièrement; mais il ne croyait pas que ce jeune homme»
provoqué et frappé par lui eût effacé sa honte en fendant l'oreille à
un cheval. Au contraire, cette basse et ridicule vengeance augmen-
tait son mépris pour ses adversaires, et il pensait maintenant avec le
préfet que de pareilles gens ne méritaient pas de se mesurer avec
lui. Aussitôt qu'il put se faire entendre, il déclara à ses partisans con-
fondus qu'ils eussent à renoncer à leurs intentions belliqueuses, et
que la justice, qui allait venir, vengerait fort bien l'oreille de son
cheval. — Je suis le maître ici, ajouta-t-il d'un ton sévère, et j'entends
qu'on m'obéisse. Le premier qui s'avisera de parler encore de tuer ou
de brûler, je pourrai bien le brûler à son tour. Allons ! qu'on me selle
le cheval gris.
— Comment , Orso , dit Colomba en le tirant à l'écart , vous souf-
frez qu'on nous insulte de la sorte ! Bu vivant de notre père, jamais
les Barricini n'eussent osé mutiler une béte à nous.
— Je te promets qu'ils auront lieu de s'en repentir; mais c'est aux
gendarmes et aux geôliers à punir des misérables qui n'ont de cou-
rage que contre des animaux. Je te l'ai dit, la justice me vengera
d'eux.... ou sinon tu n'auras pas besoin de me rappeler de qui je
suis fils.
— Patience I dit Colomba en soupirant.
— Souviens-toi bien, ma sœur, poursuivit Orso, que si à mon re-
tour je trouve qu'on a fait quelque démonstration contre les Barricini»
jamais je ne te le pardonnerai. — Puis, d'un ton plus doux : — Il est
fort possible, fort probable même, ajouta-t-il, que je reviendrai ici
avec le colonel et sa fille; fais en sorte que leurs chambres soient en
ordre, que le déjeuner soit bon, enfin que nos hôtes soient le moins
mal possible. C'est très bien, Colomba d'avoir du courage, mais il
faut encore qu'une femme sache tenir une maison. Allons, embrasse-
moi, sois sage; voilà le cheval gris sellé.
— Orso , dit Colomba , vous ne partirez point seul.
— Je n'ai besoin de personne, dit Orso, et je te réponds que je ne
me laisserai pas couper l'oreille.
— Ohl jamais je ne vous laisserai partir seul en temps de guerre»
, CPLOMBA, 95
Ho I Polo GrifTo ! Gitfa' ^Fraocè ! Memmo ! prenez vos fusils ; yods allez
accompagner mon frère.
Après une discussion assez vive, Orso dut se résigner à se flaire
suivre d'une escorte. II prit parmi ses bergers les plus animés, ceux
qui avaient conseillé le plus haut de conunencer la guerre; puis, après
avoir renouvelé ses injonctions à sa sœur et aux bergers restans, il
se mit en route, prenant cette fois un détour pour éviter la maison
Barricini.
Déjà ils étaient loin de Pietranera et marchaient de grande hâtis ^
lorsqu'au passage d'un petit ruisseau qui se perdait dans un marécage
le vieux Polo Griffo aperçut plusieurs cochons confortablement cou-
chés dans la boue , jouissant à la fois du soleil et de la fraîcheur de
l'eau. Aussitôt, ajustant le plus gros, il lui tira un coup de fusil dana
la tète et le tua sur la place. Les camarades du mort se levèrent et
s'enftiirent avec une légèreté surprenante, et bien que l'autre berger
fit feu à son tour, ils gagnèrent sains et saufs un fourré où ils dispa-
rurent.
— Imbéciles! s'écria Orso; vous prenez des cochons pour des
sangliers.
— Non pas. Ors' Anton', répondit Polo Griflfo, mais ce troupeau
appartient à l'avocat, et c'est pour lui apprendre à mutiler nos
chevaux.
— Conunent, coquins! s'écria Orso transporté de fureur, vous
imitez les infamies de nos ennemis. Quittez-moi , misérables. Je n'ai
pas besoin de vous. Vous n'êtes bons qu'à vous battre contre des
cochons. Je jure Dieu que si vous osez me suivre, je vous casse la tête !
Les deux bergers s'entreregardèrent interdits. Orso donna des épe-
rons à son cheval et disparut au galop.
— Eh bien ! dit Polo GrifFo, en voilà d'une bonne! Aimez donc les
gens pour qu'ils vous traitent comme cela. Le colonel , son père , t'en
a voulu parce que tu as une fois couché en joue l'avocat... Grande
bête, de ne pas tirer!.. Et le fils... tu vois ce que j'ai fait pour lui...
n parle de me casser la tête, comme on fait d'une gourde qui ne tient
plus le vin. Yoilà ce qu'on apprend sur le continent, Menunol
— Oui, et si l'on sait que tu as tué ce cochon, on te fera un procès,
et Ors' Anton' ne voudra pas parler aux juges, ni payer l'avocat.
Heureusement personne ne t'a vu , et sainte Nega est là pour te tirer
d'affaire.
Après une courte délibération , les deux bergers conclurent que le
plus prudent était de jeter le porc dans une fondrière , projet qu'ils
ft REVUE 1^ Mine MONDES.
mirent à exécution , bien entendu après avoir pm diacnn quelques
grillades sur l'innocente victime de la haine des délia R^Ma et des
Barricini.
XVII.
Débarrassé de son escorte indisciplinée , Orso conkimiaft sa route «
plus préoccupé du plaisir de revoir miss Nevil , qoe de la crainte de
rencontrer ses ennemis. — Le procès que je vais avoir avec ces misé-
rables Barricini, se disaft-it, va m'obliger d'aller à Bastia. Pourquoi
fl*accompagnerais-je pas miss Nevil? Pourquoi, de BasUa, n'irions-
flous pas ensemble aux eaux d'Orezca? Tout à co«p des souvenirs
d'enfoncé lui rappelèrent nettement ce site pittoresque. Il se crut
transporté sur une verte pelouse au pied de chfttaigniers séculaires.
Sur un gaion d'une herbe lustrée, parsemé de fleurs bleues ressem-
blant à des yeux qui hii souriaient, il voyait miss Lydia assise auprès
de lui. EHe avait Mé son chapeau, et ses cheveux blonds, plus fins et
plus doux que la soie, brillaient conune de l'or au soleil, qui pénétrait
au travers du feuillage. Ses yeux d'un bleu si pur Im' paraissaient
plus bleus que le firmament. La joue appuyée sur une main , elle
écoutait toute pensive les paroles d'amour qu'il lui adressait en trem-
blant. Elle avait cette robe de mousseline qu'elle portait le dernier
jour qu'il l'avait vue à Ajaccio. Sous les plis de cette robe s'échappait
un petit pied dans un souHer de satin noir. Orso se disait qu'il serait
bien heureux de baiser ce pied, mais une des mains de miss Lydia
n'était pas gantée, et elle tenait une pâquerette. Orso lui prenait cette
pâquerette, et la main de Lydia serrait la sienne, et il baisait la pâque-
rette , et puis la main , et on ne se fâchait pas... Et toutes ces pensées
l'empêchaient de foire attention à la route qu'il suivait , et cependant
il trottait toujours. Il allait pour la seconde fois baiser en imagination
la blanche main de miss Nevil , quand il pensa baiser en réalité la tète
de son cheval qui s'arrêta tout à coup. C'est que la petite Chilina lui
barrait le chemin et lui saisissait la bride.
— Où allez-vous ainsi. Ors* Anton *? disait-elle. Ne saves-vous pas
que votre ennemi est près d'ici.
— Mon ennemi! s'écria Orso, furieux de se voir interrompu dans
un moment aussi intéressant. Où est-il?
— Orlanduccio est près d'ici. Il vous attend. Retournez, retournez.
— Ah ! il m'attend ? Tu Tas vuî
•^ OaitC^*Ai»tQDVi*4U»coiicliéedaii6 laloagàre^aaiidilafMMp^.
Il^'efardait^e toiMs les côtés avec^ lunette.
— De qud côté allaU-il?
— U descendait par là ^ du côté où vous J^ez.
— Merci.
— Ors* Anton*^ ne feriMHvoHS pas bien d'attendre mon MKle? Il
«e peut tardée, et avec lui vous seriei en sûreté.
«^ «N'aie jpastpeuff , ChiU., je n'ai fm ibesoia^de i»u omàà.
^ .Sî ^ûus vonliec , j'ims devant vous?
0-* Iferd , merci.
Mi Orso> (toussant son cheval , se dingea nyidemMi dm oAlé QMeta
-petite AHe kû Avait indif|ué.
Son premiar aiouveraent avatt été un.ai«ugle trasspavt de foimir,
et il s'était dit que la fortune lui offrait une eKoettente ixtcasion de
corriger ce lèche qui mutilait un cheval pour se venger d'uneetffflA.
Puis, tout en avançant, l'espèce de proBKsaequ'i) tuait fiiteM préfet,
et surtout la crainte de manquer la viiite*de miss NfifR, rhangsuinilt
:ses diq[)ositioos et lui faisaient iprcaqwe désiiar de ne pas reneoolrv
Orianduooio. fiientôt le «onvenir de son père, l'ininite iiute à aan
i^hevfldi^ les menaces 4e «eB ennemis raHumment «a colère, et l'esiî-
•taient è chercher son ennemi pour le ptovo^pier et l'obUgm' à se
jMttre. Ainsi «tgité par des résolutions contraires, il oontinuint de
AMo^her en avant, mBis «gaintenant avec précaution , exanrinant les
Jbuissons et les haies, et quelquefois même s'arrètant pour écouter
les bruits vigues^u'on entend dans la campagne. Dix minutes après
avoir quitté la petite Chilina (il ^ait aloiB environ neuf henres eu
matin ) , il se trouva au bord d'un ^)oteau ejrtrèmement rapide. Le
chemin, ou plutôt le «entier è peine tracé qu'il suivait, traversait un
mAquis récemment brddé. En ce Ueu la terre était chargée de cendres
Mancbètres, et çà et là des arimsaeaux et quelqMi gros mbres noiroîs
par le feu et entièrement dépouillés de leum feuilles se tenaient
debout, bien qu'ils eussent cessé de vivre, fin vojrant un maquis
brûlé, on se croit tt'ansporté dans un site du Nord an milieu de l'hiver,
et le contraste de l'arkiîté des Uenx ^me la flamme n.paitonms «vec
4a vé^gélntian hmuriaated'alentom:, lestait panteeeneoreplus tristes
et désolés. Mais dâ«s ce paysage Orso ne voyaitenne moment qu'une
chose, importante, il est vrai, dans sa position; la terre, étant nue,
ne.pouvait cacher une embuscade, et eehii qui peut craindre è chaque
instant de v<rir sortir d'un fourré un canon de fuefl dirigé contre sa
poitrine regarde comme une espèoe d'oasis un terraki mû où rien
^8 . REVUB DBS DEUX MONDES. .
n'arrête la vue. Au maquis brûlé succédaieot plusieurs^ champs en
cultu^, enclos, selon Tusage du pays, de murs de pierres sèches à
hauteur d'appui. Le sentier passait entre ces enclos, où d'énormes
châtaigniers, plantés confusément, présentaient de loin l'apparence
d'un bois touffu.
Obligé par la raideur de la pente à mettre pied à terre, Orso, qui
avait laissé la bride sur le cou de son cheval , descendait rapidement
en glissant sur la cendre, et il n'était guère qu'à vingt-cinq pas d'un
de ces enclos en pierres à droite du chemin , lorsqu'il aperçut préci-
sément en face de lui, d'abord un canon de fusil, puis une tète
dépassant la crête du mur. Le fusil s'abaissa, et il reconnut Orlan-
duccio prêt à faire feu. Orso fut prompt à se mettre en défense, et
tous les deux , se couchant en joue, se regardèrent quelques secondes
avec cette émotion poignante que le plus brave éprouve au moment
de donner ou de recevoir la mort.
— Misérable lAchel s'écria Orso.... Il parlait encore quand il vit
la flamme du fusil d'Orlanduccio, et presque en même temps un
second coup partit à sa gauche de l'autre cAté du sentier, tiré par
un homme qu'il n'avait point aperçu, et qui l'ajustait posté derrière
un autre mur. Les deux balles l'atteignirent; l'une, celle d'Orlan-
duccio, lui traversa le bras gauche, qu'il lui présentait en le couchant
en joue; l'autre le frappa à la poitrine, déchira son habit, mais ren-
contrant heureusement la lame de son stylet, s'aplatit dessus et ne lui
fit qu'une contusion légère. Le bras gauche d'Orso tomba immobile le
long de sa cuisse, et le canon de son fusil s'abaissa un instant; mais
il le releva aussitôt, et dirigeant son arme de sa seule main droite, il
fit feu sur Orlanduccio. Le visage de son ennemi , dont il découvrait
à peine les yeux, disparut derrière le mur; Orso, se tournant à sa
gauche , Iftcha son second coup sur un homme entouré de fumée,
qu'il apercevait à peine. A son tour, cette figure disparut. Les quatre
coups de fusil s'étaient succédés avec une rapidité incroyable, et
jamais soldats exercés ne mirent moins d'intervalle dans un feu de
file. Après le dernier coup d'Orso, tout rentra dans le silence. La
fumée sortie de son arme montait lentement vers le ciel ; aucun mou-
vement derrière le mur, pas le plus léger bruit. Sans la douleur qu'il
ressentait au bras, il aurait pu croire que ces hommes, sur qui il
venait de tirer, étaient des fantômes de son imagination..
S'attendant à une seconde décharge, Orso fit quelques pas pour se
placer derrière un des arbres brûlés restés debout dans Ip mftquis.
Derrière cet abri , il plaça son fusil ei?tre,ses genoiw^ et \^ r^hargea
COLOMBA. 89
à la hAte. Cependant son bras gauche le faisait craellement souffrir,
et il hu semblait quil soutenait un poids énorme. Qu'étaient detènuê
ses adversaires? il ne pouvait le comprendre; s'ils s'étaient enfuis,
s'ils avaient été blessés , il aurait assurément entendu quelque bruit,
quelque mouvement dans le feuillage. Étaient-ils donc morts? ou
bien plutôt, n'attendaient-ils pas, à l'abri de leur mur, l'occasion
de tirer de nouveau sur lui? Dans cette incertitude, et sentant ses
forces diminuer, il mit en terre le genou droit, appuya sur l'autre
son bras Uessé , et se servit d'une branche qui partait du tronc de
Farbre brûlé, pour soutenir son fusil. Le doigt sur la détente, l'œil fixé
sur le mur, l'oreille attentive au moindre bruit, il demeura imunobile
pendant quelques minutes qui lui parurent un siècle. Enfin, bien
loin derrière lui , un cri éloigné se fit entendre , et bientôt un chien ,
descendant le coteau avec la rapidité d'une flèche , s'arrêta auprès de
lui en remuant la queue; c'était Brusco, le disciple et le compagnon
des bandits , annonçant sans doute l'arrivée de son maître , et Jamais
honnête homme ne fut plus impatiemment attendu. Le chien , le
museau en l'air, tourné du côté de l'enclos le plus proche, flah^it
avec inquiétude; tout à coup il fit entendre un grognement sourd ,
franchit le mur d'un bond, et presque aussitôt remonta sur la crête,
d'où il regarda fixement Orso, exprimant dans ses yeux la surprise
aussi clairement que chien le peut faire; puis il se remit le nez au vent,
cette fois, dans la direction de l'autre enclos, dont il sauta encore le
'mur. AuI)Out d'une seconde, il reparaissait sur la crête, montrant le
même air d'étonnement et d'inquiétude; puis il sauta dans le mAquis, la
queue entre les jambes, regardant toujours Orso, et s'éloignant de lui
à pas lents , par une marche de côté , jusqu'à ce qu'il s'en trouvât à
quelque distance. Alors, reprenant sa course, il remonta le coteau
presque aussi vite qu'il l'avait descendu, à la rencontre d'un homme
qui s'avançait rapidement malgré la raideur de la pente.
— A moi ! Brando, s'écria Orso dès qu'il le crut k portée de la voix.
— Hol Ors' Anton'! vous êtes blessé? lui demanda Brandolaccio
accourant tout essoufQé. Dans le corps, ou dans les membres?...
— Au bras.
— Au bras ! ce n'est rien; et l'autre?
— Je crois l'avohr touché.
Brandolaccio, suivant son chien , courat à Tenclos le plus proche, et
se pencha pour regarder de l'autre côté du mur. Là, Ôtant son bonnet :
— I^ût au seigneur Orlanduccio, dit*il. Puis, se tournant du côté
ÏOréô, 11* lé ^lim â sdû tour d'un air grave : — Voflà , dît-il , ce que
f api^êllè? u^ bbnimé pro^i'émènt accommodé.
dut REVUE DB# mmt MONDES.
, ••**• ^iv**tl ^B1l60KT «cHIfltKfll OKI© PCSpiralàv 8!tCC pCIlTiC»
•^^M Wtfmt girctoniit, lltr h^p^de eitctgritt de te bsHe (pk& ton»
MavevfliM&Aiii6 fteAl. San^de te Madame, ({ueFtrmi! Bon ftisiF, ma
fW; q«^ c«Mhre>r ça^ fOH9 éoHrftoflHfe tmecenrelfeMNIies dbne, Or»''
JiHon' ; ^pnad' J-'ki^ entandtt d^atord : pif P pttf je me stria dit : saldre^
Vhmt Hs escofian^ moi^ Ueutenanl. ^h f entends : bdom! bécnif
^1 jedis, vaHà la IMF anghift €|iii parle; H ripo^... Mais, Bnisco,
qnTbslh-ce que tir me yenx dene?
La^^felen-te nemr À Pautre enelos : — E^cnsetr s*écWa Brandblaccto
stttpéiBtit* eeup doobleî flen qne cela? Peste! on folV bien que II
powbpe estirhè^, ea» ?en9 V économisée^
•^ Qq^ »4>41, an nma (te Diauf demanAi 0¥so.
'^ Mntt»! «a Alites dono pas t& fs««enr, mon Ueëtonanti fons*
jeter [e gftter par tenre, et ¥ens ?oofiBs qn'on vons le ramasse... En
voM a» qoi va^ e» wétc un (Mil de- dasierl, aajonrdtmil cTest
Tavoeit lairioink De te Ttend» de fconeherie, en imn-ti», en voilftl
Maintenant, qui dithte béritem?
•^ Quoif Ttocentalla I mort aussi.
--- 'Rrés mert. Bonaesanté à nous autres (I)! Ce qnlt y a de bon
ai^ee vons, e^eal que-vens ne^ les Caftes pas senffrir. Venet donc Toir
Yineentelta. B est encore à genoux te tête appuyée contre ie mur. If
a l'irir de (tormir. C^est ta te cas de Are somîneil de plomb. Panyre
diabtet
Orso^Mtourna te tète avec horrenr. — EM^sAr qn^itsoit mortf
-*<-Tens>étes eemme Sampiero Gorso, qui ne dbnnait jamais cfn'nn
coop^ Voyea-voos , te... dans te poitrine, è gauche; tenez, comme
YineMeonefetr attrapé à Wi^»rtoo. le parierais bien que te balle n'est
pas IMq éa cœor. Coup dSanMel... Ah ! je ne me mêle phis de Itrer.
Itettx en ésns cenpst... A balle... les deux firères... Sll avait en nu
troisième coup, H avait tué te- papa... On fera mieux une antre fois...
Qaei coup! Ors^ Anton* T.. . El <Hre que cde n'imrfyera jamais à un
brave pinçon comme molde faire eenp double sur des gen^rmesî
Tout en paiiint, le bandit enaniDeit te bras d^Orso et fendait sa
manche avec son stylet.
— Ce n'est rien, dit-il.Yoilà ime rediogote^ qui donnera de f ouvrage
à mademoiselle Colomba... Hein, qu'est-ce que je vois? Cet accroc
snr ta ponrioef ... Rien n'est entré parlé? Non , vous ne seriez pas si
gaUard. y«yoat, essayai de remuer les doigts... Sente^^vous ttÊdSf'
<tents quand je vous mords te petit daigt?... Pas trop?... C'est égal,
(1) Sàlute à noi! Exclamattoft eidlmire qoMtf m a pronoseé le moi de meit.
ce ne serarieo. itjjBowaoî pfendfe votie aMmidtoir et vakrecnmte...
Voilà votre redingote perdue... Pourquoi diable vous Caire si beau?
ADiez-^YOu&à Janace?..^ Là» buvea une goutte de vin.*. Vouniuaî doue,
ne {Mutei^votts pas de gourde? Estrce qu'un Cocse sort jamais $9m
gourde? — Puis, au mHieu du pansement > il S''intenroBipait pour
s'éerier: Coup double! Tous les deux roides mortsl C'est le curé
gui va rire... Coup double! Ah! voici enfin cette petite Uxijxe de
Chilina.
Orso ne répondaft pas. U était pAle comme un mort et tremblait de
tous fies membres.
— Chili, cria Brandolaccio, va regarder derrière ce mur. Hein?
L'enfant, s'aidant des pieds et des maias, grimpa sur le mur, et aus-
sitôt qu'elle eut aperçu le cadavre d'Orlaoduccio, elle fit le signe de la
cfoix.
— Ce n'est rien, continua le bandit, va voir plus loin ; lH>as.
L'enfant fit un nouveau sigue de croix.
•^ Est-ce vous, mon oncle? demanda-4nelle timidement.
— Moi ! est*ce que je ne suis pas devenu un vieux bon à rien ?
Chili , c'est de Fottvrage de monsieur. Fais-hii ton compliment.
— Mademoiselle en aura bien de la joie, dit Giilina* et elle sera
bien f&chée de vous savoir blessé » Ors' Anton'^.
<*• Allons ! Ors' Anton' dit le bandit (fui avait achevé le pansement»
voilà Cbilina qui a rattrapé votre cheval. Montez et venez av^ moi
au maquis de la Stazzona. Bien avisé qui vous y trouverait Nouë vous
7 traiterons de notre mieux. Quand nous serons à la croix de Sainte-
Cbiistine, il fmidra mettre pied à terre. Vous donnerez votre cheval à
ChiUna, qui s'en ira prévenir mademoiselle, et chemin Gusant vous
la chargerez de vos commissions. Vous pouvez tout dire à la petite*
Ors' Anton'. Elle se ferait plutôt hacher que de trahir ses amis. — Et
d'un ton de tendresse : — Va eoquiBe, disait-il, sois excommuniée,
sois maudite, friponne I car Brandolaccio, superstitieux comme beau-
coup de bandits, saignait ide fuclMr les eofiMiacA leur adrassant
œs œvecHCiiOfio ou ims ^vogcs , vb dHc qoc les p^nasaiicvv Hiyîw^^
rieuses 9« pféaident à retnoe^kimhu^ (i) ont \ê mauvaise habitude
d*aiéo«ter te oonteafre de ftoa aMhaila.
*— On 'Peax4u -que j^aile, ftnMAof MOk# d'vme ¥oix éteinte.
*^^ vMwiQu ' V'ava UtOs a csaun « * vv* pRson 0f« oven au nMN|UPs»-
Mab un délia Rebbia ne connaît pas le diemin de la prison. Au m&-
qm^ Ors' Anton' !
(1) Fascination Involonlaire qui s^exerce soit par les yeux soit par la parole.
92 REVUB DES DEtk kONDES.
— Adieu donc toutes mes espérances ! s^écrïà âôuloùf eusenâent le
blessé.
— Vos espérances? Diantre ! espériez-vous faire mieux avec un fusil
à deux coups?... Ah çà! comment diable vous ont-ils touché? H faut
que ces gaillards aient la vie plus dure que les chats.
— Ils ont tiré les premiers , dit Orso.
— C'est vrai, j'oubliais... Pif! pifl boum! boum!... coup double
d'une main (1 ) ! . . . Quand on fera mieux, je m'h-ai pendre ! Allons ,
vous voilà monté... avant de partir, regardez donc un peu votre
ouvrage. Il n'est pas poli de quitter ainsi la compagnie sans lui dire
adieu.
Orso donna des éperons à son cheval ; pour rien au monde, il n'eût
voulu voir les malheureux à qui il venait de donner la mort.
— Tenez, Ors' Anton', dit le bandit s'emparant de la bride du
cheval, voulez-vous que je vous parle franchement? Eh bien! sans
vous offenser, ces deux pauvres jeunes gens me font de la peine. Je
TOUS prie dem'éxcuser... Si beaux... si forts... si jeunes!... Orlan-
duccio avec qui j'ai chassé tant de fois... II m'a donné, il y a quatre
jours, un paquet de cîgarres... Vincentello, qui était toujours de si
belle humeur!... C'est vrai que vousavez fait ce que vous deviez faire...
€t d'ailleurs le coup est trop beau pour qu'on le regrette... Mais moi
je n'étais pas dans votre vengeance... Je sais que vous avez raison,
quand on a un ennemi, il faut s'en défaire. Mais les Barricini , c'était
une vieille famille... En voilà encore une qui fausse compagnie... et .
par un coup double ! c'est piquant !
Faisant ainsi l'oraison funèbre des Barricini, Brandolaccio condui-
sait en hâte Orso, Chilina et le chien Brusco vers le maquis de la
Stazzona.
XVIII.
Cependant Colomba , peu après le départ d'Orso, avait appris par
ses espions que les Barricini tenaient la campagne, et, dès ce moment,
elle fut en proie à une vive inquiétude. On la voyait parcourir la mai-
son en tous sans , allant de la cuisine aux chambres préparées pour ses
hôtes, ne Geiisant rîep , et toujours occupée^ s'arrètant sans eesse pour
regarder si elle n'aperccivait pas, dansle viUagOrUn naouvement inusité.
(1) Si quelque chasseur incrédule me coutestait le coup double de M. délia Rebbiai
Je rengagerais à aller à Sartène, et à se faire raconter comment Tun des habitans
les plui distingués et les plus aimables de eeite fille te lira seul, et 1è bras gaucbe
cassé, d*une position au moins aussi périlleuse.
COLOIOA. 93
Vers onze heures, une cavalcade assez nombreuse entra dans Pîetra-
nera; c'étaient le colonel, sa fille, leurs domestiques et leur guide.
En les recevant , le premier mot de Colomba fut : — Avez-vous vu
mon frère? — Puis elle demanda au guide quel chemin ils avaient
pris, à quelle heure ils étaient partis; et, sur ses réponses, elle ne
pouvait comprendre qu'ils ne se fussent pas rencontrés.
— Peut-être que votre frère aura pris par le haut, dit le guide;
nous, nous sommes venus par le bas.
Mais Colomba secoua la tète et renouvela ses cpiestions. Malgré sa
fermeté naturelle , augmentée encore par l'orgueil de cacher toute
faiblesse devant des étrangers, il lui était impossible de dissimuler
ses inquiétudes, et bientôt elle les fit partager au colonel et surtout
à miss Lydia , lorsqu'elle les eut mis au fait de la tentative de récon-
ciliation qui avait eu une si malheureuse issue. Miss Nevil s'agi tait,
voulait qu'on envoyât des messagers dans toutes les directions,
et son père offrait de remonter à cheval et d'aller avec le guide à la
recherche d'Orso. Les craintes de ses hôtes rappelèrent à Colomba ses
devoirs de maîtresse de maison. Elle s'efforça de sourire, pressa le
colonel de se mettre à table, et trouva, pour expliquer le retard de son
frère, vingt motifs plausibles qu'au bout d'un instant elle détruisait
elle-même. Croyant qu'il était de son devoir d'homme de chercher à
rassurer des femmes, le colonel proposa son explication aussi.
— Je gage, dit-il , que délia Rebbia aura rencontré du gibier; il n'a
pu résister à la tentation , et nous allons le voir revenir sa carnassière
toute pleine. Parbleu I ajouta-t-il, nous avons entendu sur la route
quatre coups de fusil. Il y en avait deux plus forts que les autres, et
j'ai dit à ma fille : Je parie que c'est délia Rebbia qui chasse. Ce ne
peut être que mon fusil qui fait tant de bruit.
Colomba pâlit, et Lydia, qui l'observait avec attention, devina sans
peine quels soupçons la conjecture du colonel venait de lui suggérer.
Après un silence de quelques minutes , Colomba demanda vivement
si les deux fortes détonnations avaient précédé ou suivi les autres?
Mais ni le colonel , ni sa fiHé, ni le guide n'avaient fait attention à ce
point capital.
Vers une heure, aucun des messagers envoyés par Colomba n'étant
encore revenu, elle rassembla tout son courage et força ses hôtes à
se mettre à table; mais , sauf le colonel , perscm^ ne put manger. Au
moindre bruit sur la place, Colomba courait à la fenêtre, puis reve-
nait s'asseoir tristement, et plus tristement encore s'efforçait de con-
tinuer avec ses amis une conversation insignifiante à laquelle per-
^ REVCE Di^ MUS. MONDES.
uA^xvalles de sîleuoe.
Tout d'iuk cQup, m eptendit le galop^'un d^M- -^ AJiI «M» foitH
c*e$t mon.fràra, dit Colomba en se levaBt. Mais à h wut da C^îUm,
moiitée à califourcdoQ sur le cbeval d'Orso t Uor fré«e «si raortl
s'écria-t^-elle d'uoe voix déchirante.
Le CQk)i)el laissa tomber son verre, aûss Kevil youssa w^cri,. tous
coururent à la porte de la maisou. Avaot. que Cbilina pâ| swter à bai
de sa monture, elle était enlevée comme une plume par Celomba^ui
la serrait à Tétoufier. L'enfant comprit, sw terrible jiegard , et sa pr»^
mière parole fut celle du cbomr (f OteUo : // viU C#lomba ccissa 4f
Tétreiodre , et Cbilina tomba à terre aussi lestaopevi qu'^iM ie«M
chatte.
-^ Les autres? ftonanda Colomba d'une voix rauq^ie,
Cbilina fit le signe de la croix avec l'index et le doigt du milim^
Aussitôt une vive jcougçur succéda, wc la figure de Colomba, à sa
pâleur nM>rteUa. ]^lle jeta un regard ardent sur la maîfloo àB&tmth'
dni, et dit en souriant 4 sts bâtes : — Bentroos prendre le café.
L'Iris des bandits en avait long à raconter. Son patois^ traduit par
Colomba en italien tel quel, puis en anglais pas miss Nevil, arraete
plus d'une imprécation au colanel , plus d'un soupir à miss Lydia; mais
Colomba écoutait d'un air impassible; seulement, elle tordit sa ser<-
viette damassée de façon à la mettre en pièces* Elle interrompit L'en-
fant cinq ou six fois pour se faire répéter que Brandolaccio disait <pie
la b^sure n'était pas dangereuse et qu'il en avait vu bien d'autres^
^n terminant, Cbilina rapporta qu'Orso demandait avec instanoe du
papier pour écrire, et qu'il chargeait sa sosuf de supplier une danQ,
qui peut-être se trouverait dans sa maison , de n'en point partir avant
d'avoir reçju une lettre de lui. C'est, ajouta l'enfant, ce qui le tour-
mentait le [dus, et j'étais déjà en route quand il m'a lappelée pour me
recommander cette conunission. C'était pourtant la troisième fois qu'il
me la répétait. A cette injonction de son frère, Colomba sourit légè-
rement et sent fortement la main de l'Anglaise, qui fondit en larmes
et ne jugea pas à propos de traduire à son père cette partie de la nar^
ration.
— Oui, vous restese^ a)^ moi , ma cbère amie, s'écria Colomba en
embrassant miss JSevil , et vom mms aiderez.
Pyis^ tirant d'upe aimoife qnantite de vieux linge, elle se mita le
€0i^)er pour foire des bandes et de la charpie. £n voyant ses yeu»
étincelans, son teint animé, cette aUer/oiati^ve de préoccupation et de
atCi94Mé,ai'fi«^él«viyfl|i^ (ftMr9ieittéMtfrtiirfiMl«ft«er«#W
bl^tturede soii'fiéna' qnfeneKa^e de^lff mort 4e Mi»-Mii«ffifi^. tMitOV
élkBvemMMcÊtb m ediotielfel hiifnrthil m» flilMe ér te pf^fntrer;
lAilM^, ëtohiimml écf Vwfn^ à ttfa» NMI el i'Ckflinfr, élle^res'
6KhieiÉi!là emérei^ haniei et à le» rouler; elte' dMÉa«Mr f^W
h vHigtâème Um m la Uessure' (fOisa te flrisail beaneoup soiiflHir.
ËMliMieHeftienl elle s-'hiterrovipait aw MiKeti de ma tvAvaf) pour
dire au colonel : Deux hommes si admitis! st terriblea^î.... Lui sert,
Messe, n*arf«nt ifa'int buaft... il les a abattos Idos le^ dèn. QÉêl eou-
MgB, eriôtiei. ITesl^e pn»«B héros? Abt misa Mevi, cfa'on^esl h#B^
fWxdcrfmeitatiiimipefsifmfcdiieoMiBi^ JésufssA^
que ▼eoaavcoaiiaÉBiapaaeiieoremoB livrer... le Pavëfe'dtt : réper-
tier déphriera ses aflesl... ¥oQt von» trempiev i^ se» air si dew....
C'esl <prnpvè9iiie' TiMtt>^ nriM VMi^.. iibPs'f i^ioa v<)fj(«Htra>fiifller
Mbt IfAa ne iMvatWt gnèr» 01 ne tiMMaM |m niM» {Mo^. SM
]^te»4emàod«t pocvqmet If on m se lAtail pas de potier pléhite êè^
ftfoè «n magislvat. Hpartail de renqvètedv €âmufr^ àè Menrd'aoh
lies ehdsea égalemeal iMdfio«s m Ceinr. Birihi ii tMidM sa^efir si
la maismi de caspagae et ee bon M. ftnadotaeeio, i[«i afaft doMié^
de»eecettr» aa bteaeé^ éMt fort éteigiiée de PSdamera, et ait ne
penrrail pas aief IvMBèDM ?eÉr aoa «ai.
\^ mtniBàè; ifOtiA a^ait tt« baadK peor te s«tgiier, (pli cowrafi ^rand
risque a'il se nentfët af«il qa'oif se flM asswé des dlsposRions du
pBéfet et dès Ittges; eaflo faTeMe ferait es sorte qiÉ^u eMruf^^
baMte se rendft en secret auprès de WL S«rte«É « lÉomievr te cotonel,
aawenev^ooa Meo, (fissatHrite^ ipe viaw w/ei efite«i« le» qialre
coupa de teUt et ((se vous M'aTec dit ipi'Oise «mit tiié te second.
Le^^^Aael ne cx>tfipmiHt ries i l^aflBve, et sa ilte ne f^^
pkvrf' et s'essttjrcr tes yessL
Le itrar était défi flort mmmi loraifV^Qne Mstt procearien enM
dm te vHte^. Os rappoatait A Fai^ocai BaifricW tes eadifves dé ses
enlans^ ehasno couché en travats dNtte nala qse eondaisrit «a
parfsaD. Une foute de dnna et d'câsifii snifait h tagnbi» cevté^SL
Avee e«x«É voyait tes g^darmc»^ <|Di aniMat lai4oMiti9p^laid,
etfadjaint^cpii levait tes bras att del ^ iéyikWÊà sans cessa : Qme ébm
Ml te prtfctl-^ Qttékpaaa leimneat caire aates m» oaiifoe d^>
lanéac^, tfmnmMaA tes cbaveau et pauaateat dta tairieflMM
sasvagi»; Mair teiir doidev hrujMte produisit nafaM dTiaBpresslM
96 RETUB DBS DBUX MONDES.
que le désespoir moet d'an personnage qui attirait tous les regards.
C'était le nifldheureux père, qui, allant d'un cadayre à l'autre, soule-
vait leurs têtes souillées de terre, baisait leurs lèvres violettes, sou-
tenait leurs membres déjà raidis , comme pour leur éviter les cahots
de la iDute. Parfois on le voyait ouvrir la bouche pour parler, mais il
n'en sortait pas un cri, pas une parole. Toujours les yeux fixés sur les
cadavres , il se heurtait contre les pierres , contre les arbres , contre
tous les obstacles qu'il rencontrait.
Les lamentations des femmes , les imprécations des hommes re-
doublèrent lorsqu'on se trouva en vue de la maison d'Orso. Quelques
bergers rebbianistes ayant osé faire entendre une acclamation de
triomphe , l'indignation de leurs adversaires ne put se contenir. —
Vengeance ! vengeance I crièrent quelques voix. On lança des pierres,
et deux coups de fusil dirigés contre les fenêtres de la salle où se
trouvaient Colomba et ses hôtes percèrent les contrevents et firent
voler des éclats de bois jusque sur la table près de laquelle les deux
fenunes étaient assises. Miss Lydia poussa des cris affreux , le colonel
saisit un fusil , et Colomba , avant qu'il pût la retenir, s'élança vers la
porte de la maison et l'ouvrit avec impétuosité. Là, debout sur le
seuil élevé , les deux mains étendues pour maudire ses ennemis :
— Lâches I s'écria-t-elle, vous tirez sur des fenunes, sur des étran*
gersl Êtes-vous Corses? êtes-vous hommes? misérables qui ne savez
qu'assassiner par derrière. Avancez ; je vous défie. Je suis seule; mon
frère est loin. Tue^moi, tuez mes hôtes; cela est digne de vous
Vous n'osez , lâches que vous êtes ; vous savez que nous nous ven-
geons. Allez, allez pleurer conune des fenunes, et remerciez-nous de
ne pas vous demander plus de sang.
n y avait dans la voix et dans l'attitude de Colomba quelque chose
d'imposant et de terrible; à sa vue, la foule recula épouvantée,
conune à l'apparition de ces fées malfaisantes dont on raconte en
Corse plus d'une histoû^ effrayante dans les veillées d'hiver. L'ad-
jomt, les gendarmes et un certain nombre de fenunes profitèrent de
ce mouvement pour se jeter entre les deux partis ; car les bergers reb-
bianistes préparaient déjà leurs armes , et l'on put craindre un mo-
ment qu'une lutte générale ne s'engageât sur la place. Mais les deux
factions étaient privées de leurs chefs, et les Corses, disciplinés dans
leurs fureurs , en viennent rarement aux mains dans l'absence des
principaux auteurs de leurs guerres intestines. D'ailleurs Colomba ,
rendue prudente par le succès, contint sa petite garnison : — Laissez
{deurer ces pauvres gens, disaît-eUe; laissez ce vieillard emporter sa
96 RETUB DBS DBUX MONDES.
que le désespoir moet d'un personnage qui attirait tous les regards.
C'était le mfldheureux père, qui, allant d'un cadavre à l'autre, soule-
vait leurs têtes souillées de terre, baisait leurs lèvres violettes, sou-
tenait leurs membres déjà raidis , conmie pour leur éviter les cahots
de la iDute. Parfois on le voyait ouvrir la bouche pour parler, mais il
n'en sortait pas un cri , pas une parole. Toujours les yeux fixés sur les
cadavres , il se heurtait contre les pierres , contre les arbres , contre
tous les obstacles qu'il rencontrait.
Les lamentations des femmes , les imprécations des honmies re-
doublèrent lorsqu'on se trouva en vue de la maison d'Orso. Quelques
bergers rebbianistes ayant osé faire entendre une acclamation de
triomphe, l'indignation de leurs adversaires ne put se contenir. —
Vengeance! vengeance! crièrent quelques voix. On lança des pierres,
et deux coups de fusil dirigés contre les fenêtres de la salle où se
trouvaient Colomba et ses hôtes percèrent les contrevents et firent
voler des éclats de bois jusque sur la table près de laquelle les deux
femmes étaient assises. Miss Lydia poussa des cris affreux , le colonel
saisit un fusil, et Colomba, avant qu'il pût la retenir, s'élança vers la
porte de la maison et l'ouvrit avec impétuosité. Là, debout sur le
seuil élevé , les deux mains étendues pour maudire ses ennemis :
— Lâches ! s'écria-t-elle, vous tirez sur des fenunes, sur des étran*
gersl Êtes-vous Corses? ête&-vous hommes? misérables qui ne savez
qu'assassiner par derrière. Avancez ; je vous défie. Je suis seule; mon
frère est loin. Tue^moi, tuez mes hôtes; cela est digne de vous
Vous n'osez , lâches que vous êtes ; vous savez que nous nous ven-
geons. Allez, allez pleurer conune des fournies, et remerciez-nous de
ne pas vous demander plus de sang.
Il y avait dans la voix et dans l'attitude de Colomba quelque chose
d'imposant et de terrible; à sa vue, la foule recula épouvantée,
conune à l'apparition de ces fées malfaisantes dont on raconte en
Corse plus d'une histoire effrayante dans les veillées d'hiver. L'ad-
joint , les gendarmes et un certain nombre de fenunes profitèrent de
ce mouvement pour se jeter entre les deux partis ; car les bergers reb-
bianistes préparaient déjà leurs armes , et l'on put craindre un mo-
ment qu'une lutte générale ne s'engageât sur la place. Mais les deux
factions étaient privées de leurs chefs, et les Corses, disciplinés dans
leurs fiureurs , en viennent rarement aux mains dans l'absence des
principaux auteurs de leurs guerres intestines. D'ailleurs Colomba ,
rendue prudente par le succès, contint sa petite garnison : ^— Laissez
{deurer ces pauvres gens^ disatt-elle; laisrâz ce vieillard emporter sa
COLOMBA. 97
cb reDard. qui n'a plus de denUpour.
nu uviens-toi du 3. août I SouvieDS->hH
du écrit de ta main de faussaire! Ït0()
pè i i'ont payée. Je te donne quittance.
(ourire du mépris sur les lèvres, vit
po de ses ennemis, puis la foule se dis-
siper lentement. Elle referma sa porte, et, rentrant dans la salle à
manger, dit au colonel :
— Je vous demande bien pardon pour mes compatriotes, monsieur.
Je n'aurais jamais cru que des Corses tirassent sur une maison où il
y a des étrangers, et j'en suis honteuse pour mon paya.
Le soir, miss Lydia s'étant retirée dans sa chambre, le colonel l'y
suivit et lui demanda s'ils ne feraient pas bien de quitter dès le len-
demain un village où l'on était exposé à chaque instante reçevpirune
balle dans la tète, et le plus tAt possible un pays où l'on.ne voyait qi^
meurtres et trahisons.
Miss Nevil fut quelque temps sans répondre, et il était évident qœ
la proposition de son père ne lui causait pas un médiocre enihairas.
£nBa elle dit:
T- Gomment pourrions-nous quitter cette malheureuse jeune per-
soDQe, dans un moment où elle a tant besoin de consolations? Ne
trouyei-vous pas, mon père, que cela serait cruel i nous?
— C'est pour vous que je parle , ma fille , dit le colonel ; et tà je
vous savais en sûreté dans l'hôtel d'Ajaccio, je vous assure que je
serais fâché de quitter cette Ile maudite sans avoir serré la main à ce
brave délia Rebbia.
— Eh bien 1 mon père, attendons encore, et, avant de partir, assu-
rons-nous bien que nous ne pouvons leur rendre aucun service.
— Bon cœur! dit le colonel en baisant sa fille au front. J'aime k te
voir ainsi te sacriBer pour adoucir le malheur des autres. Restons;
on ne se repent jamais d'avoir fait une bonne action.
Miss Lydia s'agitait dans sou lit sans pouvoir donmr. TantAt les
bruits vagues qu'elle entendait lui paraissaient les préparatifs d'une
attaque contre: la maison; lapt^t, rassurée pour elleriuAme, elle pen-
sât au pauvre blessé, étendu probablement à cette heure sur la terre
froide, sans autiesseceuFs que ceuiqu'il pouvait attendre de la cha-
nté d'vu bandit. Elle se :leiPeprâsentait«auflertde sang, se débattant
dans de» sottf&anees .bombles^ el-ce qu'il y a de singulier, c'est
que, toutes les fois que l'image d'Orso se présentait à son esprit, il
TOSB XXIII. 7
m REYUB Vm tmst MONDES.
lui «paraissait toajowrs tel qn^ete Tavatt vu au tnmnent ^ son é6<-
part, pressant «sr ses lèvi^ te taHnMnqé'eitefai avait doMié;.. Pih
efe songeait à sa bre?oui«. Site se dis«ft que te daiif^ CeiTiMe'a^
il venait d'éeliapper, c'était à osMse d'elle , pMt la yék mt pea pfeB
tôt, qu'il s'y était exposé. Peu s*en fallait qu'elle ne Se persuadftt i^èe
c'était pour la défendre ^X)rso «'éfait ftft eaKer te bra». £He se
n^rociaK sa Messtt«, mais «Ite l'eK adittorit ttomitage-, «et M le
fameta cMp dooMe n'avait fas, à «eft yeux, autant de mértte ^*Il
ceux de ftrandolaccio et de Colomba , eUe trcaivaft aepetkémi ^oe f&a
de isérm de rontott avatent montré autant d'tntr^pMté, autant de
sang-iroM, dans un au^ ]gr«Â)d péMi.
La chambre *qa'<M« ooc«[|iait éiait œlte ^ Colomba. An-^desatts
d'une espèce de f^ne-dien en chêne, à cAté dHme palme bénite, était
sàspendnà la mrnnilte nn poitraft en mtniatni^ dX)rBo en uniRmiie
de sous4féatenant. MisB Nevil détadia te portrait, te considéra long-
t^ops, et te posa «tafin lanptrés de «on Ift , ate Hen de te iMseltre à en
place. Elle ne s'endormit qu'à la pointe du jour^ et te soleH^était déjà
fort ^étevé aâr-de^ de lIiorisBon ters4|n'elte s'év«Mla. Deyant «on lit,
^He aperçut Gdtemba^ ipii attendait immobile te manent oà elfe
ouvrirait les yeux.
— Eh bien! mademoiseHe, n'ètes-^oi» ps» bien mal dniâ notre
pauvre maison? M dit Colomba, le cmins -que vans n'afez f^oèm
dormi.
^^ ATèM^ons de ses naÉveltes , mn cbèm «ntef dit mfta fïevîl en
Bé tevsM anr «an sénnt.
Ë8ei^^çiAtepoi1r8^dX)r8ia, itsetiftiadeJeternnÉioëclkioirpMr
le cacher.
-^ (Mil , j'M 4e nés nMun^BfBea, dit CMelUba en aoimialit.
Et, prenant te portïnit :
^ Le konvez--?ous reaiemMant? H est mtent qteé teiB.
^MonDteul... dit miss Névfl %OfM& bdiMeipse, j'ai détMé... par
distraction... ce poMraK..« f ai te défafftt de Icmelier k tant... et de«e
ranger rien... Comment yst ¥oti^ Mre?
— Asset bien. Oiocanto est ventt id ce mMin 'avant 4«Kb« bennÉ.
n m'apportait une lettre, pote Vous, ttSss LydH; 9no ne m'a \fÊB
éci%, è ïnoS. B y a bien sto l'adresse : à Odomba-; mais, plas bas :
pour miss N..... Les soeurs ne sont point JiAonses. (StecaMo dit <^ifl
a bien sonffert pOitr éa*e. Gîocanto, <(uî a une taéJn sa^Kertie , *ii
avait Offeit décrire sous sa dictée. 9 n*a pAs vMte. R é:;rfvtit Aviôc
un trayon , tondté 9àr te dos. Krctad^lac^âo tenait te piqpi^. A ^Mfie
ItfStoirt, ikHHiï^è V0!A^^)ev«r, et iSor^, ûu moinfArè ihcfuvetoetft,
c'étaient dans son bras d^ douleurs atroces. C'était pitié, âtsaitûfo-
eaMo. Voiei sa lètti^.
Miss Kevfl lut ta lettre, qui était écrite en anglais, ^ans doute pair
suWSroJt et précwMSon. Yoid ce ^'clle wntenaît :
((HADElHOISEiXBH
((TÎne malheureuse fatalité m'a poussé; j'ignore ee q«e diront nàes
ennemis, quelles calomnies ils inventeront. Peu m'importe si vons^
mademoiselle, vous n'y donnez point créance. Depuis que je vous À
vue , Je m'étais bercé de rêves insensés. H a fallu cette catasb«|))ie
pour Hse montrer ma folie; je suis raisowiable maintenant, le sans quel
est l'avenir qui m'attend, et il me trouvera résigné. Cette bague que
vous m'avez donnée et que je croyais un talisman de bonheur, je n'oie
la garder. Je crains^ miss Nevil , que vous n'ayez eu regret d'avoir si
mal placé vos dons , ou plutôt je crains qu'elle ne me rappelle le
temps où j'étais fou. Colomba vous la remettra. Adieu , mademoiselle,
vous allez quitter la Corse, et |e ne vous verrai plus; mais dites à ma
sqeur que j'ai encore votre estime, et, je le dis avec assurance, je h
mérite toiqouiis^» xc <X D. £. ^
liiss Lyéia s*^it "détournée pour Vvre tette )etl^e, etVloto^Mirà, q«S
fMMrvaK âittefiUv€fment, M fewSt ta bague égy^pftSennè , -en lui de-
mandant du regard ce que cela signifiait. Mais miss LyéHa n'ui^A
bver la lèlè, et elle censidéraft M^ement la Irngue qtt'dRe metbitt à
soii doîgt et '^u'Wlè retirait altertiatiyeraent.
«-^Cbèi^missI^evflfdttCotonAa, ne puis^ «rvôîr Cètrnè votft
4ft mon frère? Vous paifle-=t-fl de mn état?
-«- Mkfs... dît miss Lydia en rougissant, H n'en parie yas... Sa
htoiè <(»t^ an^s... n me charge de (firei ttion père... fl tspère
que le préfet pourra arranger...
IC^IoM)à,^sMrtaBft avec malice, s'^s^ sur le Ift, prit les deux mafns
éb ttfisB iNeWI, €t la i^ardaift nvec «es yeux pénétrans : — Serez^vfmA
bonne? lui dit-elle. N'est-ce pas qtiè vo« répotrArez * mon frère?
VM^Mfefiek «tant de Men. Un moment l'idée fe^est venue de vous
réveiller lorsque sa lettre est venue, et pins je n'ai pas osé.
<— Vous a^ez eu bieu toit, dit miss I^vll, «i un mot de moi pou-
i-^MaiiifteMflitje ne pins lui envoyerde lettres. Le préfet est arrivé,
et Pietranera est pleine de ses estaffiers. Plus tard nous verrons. Âh I
tt yws connaissiez teou fi^, miis nevB , vous l'aimeriez comme je
7.
100 BSVtE DBS mUX MONDES.
Taime... n est si bon! si brave! Songez donc à ce qu'il a fait! Seul
contre deux et blessé !
Le préfet était de retour. Instruit par un exprès de l'adjoint, il
était venu accompagné de gendarmes et de voltigeurs , amenant de
plus procureur du roi , greffier et le reste pour instruire sur la nou-
velle et terrible catastrophe qui compliquait, ou si l'on veut qui
terminait les inimitiés des familles rivales de Pietranera. Peu après
son arrivée, il vit le colonel Nevil et sa fille, et ne leor cacha pas
qu'il craignait que l'affaire ne prît une mauvaise tournure. — Vous
savez, dît-il, que le combat n'a pas eu de témoins, et la réputation
d'adresse et de courage de ces deux malheureux jeunes gens était si
bien établie, que tout le monde se refuse à croire que M. délia Rebbia
ait pu les tuer sans l'assistance des bandits auprès desquels on le dit
réfugié.
— C'est impossible, s'écria le colonel ; Orso délia Rebbia est un
garçon plein d'honneur; je réponds de lui.
— Je le crois, dit le préfet, mais le procureur du roi (ces messieurs
soupçonnent toujours) ne me parait pas très favorablement disposé.
Il a entre les mains une pièce f&cheuse pour votre ami. C*est une
lettre menaçante adressée à Orlanduccio , dans laquelle il lui donne
un rendez-vous... et ce rendez-vous lui parait une embuscade.
— ^ Cet Orlanduccio, dit le colonel , a refusé de se battre comme un
galant homme.
— Ce n'est pas l'usage ici. On s'embusque, on se tue par derrière,
c'est la façon du pays. Il y a bien une déposition favcM'able; c'est celle
d'un enfant qui affirme avoir entendu quatre détonations, dont les
deux dernières , plus fortes que les autres , provenaient d'une arme
de gros calibre conune le fîisil de M. délia Rebbia. Malheureusen^ent
cette enfant est la nièce de l'un des bandits que l'on soupçonne de
complicité, et ellea sa leçon faite.
— Monsieur, interrompit miss Lydia rougissant jusqu'au blanc des
yeux , nous étions sur la route quand les coups de fusil ont été tirés,
et nous avons entendu la même chose.
— En vérité? Voilà qui est important. Et vous, colonel, vous avez
sans doute fait la même remarque?
— Oui, reprit vivement miss Nevil; c'est naon père, qui a Fhabi-
tude des armes, qui a dit : Voilà M. délia Rebbia qui tire avec mon fmL
— Et ces coups de fiisij que vous avez reconnus, c'étaient bien les
derniers?
— Les deux derniers^ n'est-^e paa^ mon père ? • . .
COIOMBA. * 101
Le colonel n'avait pas très bonne mémoire; mais en toute occasion
il n'avait garde de contredire sa fille.
— Il feut sur-le-champ parler de cela au procureur du roi , colonel.
Au reste , nous attendons ce soir un chirurgien qui examinera les
cadavres et vérifiera si les blessures ont été faites avec l'arme en
question.
— C'est moi qui l'ai donnée à Orso, dit le colonel, et je voudrais la
savoir au fond de la mer... C'est-ànlire... le brave garçon I je suis
bien aise qu'il l'ait eue entre les mains; car, sans mon Manton, je ne
sais trop comment il s'en serait tiré.
XIX.
Le chirurgien arriva un peu tard. Il avait eu son aventure sur la
route. Rencontré par Giocanto Castriconi , il avait été sommé avec
la plus grande politesse de venir donner ses soins à un homme
blessé; on l'avait conduit auprès d'Orso, et il avait mis le premier
appareil à sa blessure. Ensuite le bandit l'avait reconduit assez loin et
l'avait fort édifié en lui parlant des plus fameux professeurs de Pise,
qui , disait^il , étaient ses intimes amis.
-^ Docteur, dit le théologien en le quittant , vous m'avez inspiré
trop d'estime pour que je croie nécessaire de vous rappeler qu'un mé-
decin doit être aussi discret qu'un confesseur. — Et il faisait jouer la
batterie de son fusil. — ^Yous avez oublié le lieu où nous avons eu l'hon-
neur de vous voir. Adieu , enchanté d'avoir fait votre connaissance.
Colomba supplia le colonel d'assister à l'autopsie des cadavres.
— Vous connaissez mieux que personne le fusil de mon frère, dit-
elle, et votre présence sera fort utile. D'ailleurs il y a tant de mé-
chantes gens ici, que nous courrions de grands risques si nous n'avions
personne pour défendre nos intérêts.
Restée seule avec miss Lydia , elle se plaignit d'un grand mal de
tète, et lui proposa une promenade à quelques pas du village. « Le
gnmd air me fera du bien , disait-elle; il y a si long-temps que je
ne l'ai respiré. » Tout en marchant, elle lui parlait de son frère, et
miss Lydia, que ce sujet intéressait assez vivement, ne s'apercevait
pas qu'elle s'éloignait beaucoup de Pietranera. Le soleil se couchait
quasHl eNe en fit l'obserration , et engagea Colomba à rentrer. Co-
lomba connaissait une traverse qui , disait-elle, abrégeait beaucoup le
retour, et quittant le sentier qu'elle suivait, elle en prit un autre en
m REYUB ]»S MHDt MONDES.
lui apparaissait tofijours td qu'été Vmét vu au tnament ^ son d6>-
part, pressant siir ses lëvi^totaHmMnqÉ'eiteliû avait d^ IMs
efe songeait à sa bra?(mre. Bile ^ dis«ft que le «bniger lerrilste
il venait d'éeiiapper, c'était: à ea«se d'elle , pMr la yék mt pen pite
tôt, qu'il s'y était exposé. Peu s'en fallait qu'elle ne Se pemûdÉti^
e'était pour la défendre qiiX)rso «'était ftft cawer te bra». £He se
n^rociaK sa MesslM, inafis «He l'eK «dninrit dtfmrtage; «et Mie
fame«D[ coup dooMe n'avrit pas, à ses yeux, autant de niértte ^'A
ceux de Brandolaccio et de Colomba, elle tnwraft (Cependant qtie peu
de MiH» de wtÈm avaiefit inotttré Mtant dlntrépMté, autant de
sang-Crotd , dans un au^ grtod péril.
La chambre ypiVMe occ«vpaft éliM eeHe de Colomba. Au-desatt
d'une espèce de prie-dien en chêne, à cAté dHme palme bénite, était
suspendu à la murafUe im poitraft en mftiiatom dX)no en unifonfie
de sous-lfeutenant. MisB Ne vil détadHi œ portrait, le conridéra long-
temps, et le posa onfin atnpirés de «on Ift , ate Hen de le iMsettre k ih
place. Elle ne s'endormit qu'à la pointe du jour^ et lé BOlell était déjà
fort ^étevé aâr-des^ de Itioriason torsqn'eHe s'év^efHa. Deyant wn lit,
^He iq[>erçut G(domba, ipii attendait temoUle le ^Éanent oà elle
ouvrirait les yeux.
— Eh bien! mademoiselle, n'ètes-^oi» ps» bien mal dnâ notre
pauvre mlôson? Ini dit Goloiid)a. Je creinB que feus n'afez f^oène
dormi.
^^ AveM^ons de ses MH^eHes , ma cbèm «rief dtt min !Se¥îl en
Bé tevant anr «M séant.
Ë8eaperçiAlepoi1r8^dX)r8ia, itsetiftiade)0lèr«nÉio«elioirpMr
le cacher.
-^ Oui , }'af ée aes nouv^BfBea, dit CetalMba en aoivialit.
Et) prenant te portïnit :
~ Le koùvez-vous vesaeilAlant? H est ndent qUé teiB.
^MonDieul... dit miss NevIlloMs bdiMeipse, j'ai déUÉshè... par
distraction... ce poMratt..« f ai le défafttt de lottelier k toM... et de«e
ranger rien... €omment yst Votre frfere?
— Assek bien. Giocanto est venu ici ce mMîn avant qnMre heures.
n m'apportait une lettre, pote Vous, ttSss LydH; dfto ne m'a pÊR
écrit, % mol. B y a bien ^ir l'adresse : à Ctriomba^, mais, plas bas :
pour nuss N..... Les sœurs ne sont point Jalouses. GfocaM)e dit qnin
a bien sonfiert t>6ur écrite. Giocairto, qui a une taàin salperbe , fti
avait offert décrire sous sa dictée. 9 n'a pus vonki. R ésf^tit avec
un traybn , tkmclié sNir te dos. KiMâl^^
Ifliteirt, iiHHi^É^irè variait !(e lever, et iSors, tu moinfArè IMmveknetft,
c'étaient dans «on bras d^ douleurs atroces. C'était pitié, disait tjîo-
eaMo. Vtolei éa tetti^.
Miss Kevfl lut ta lettre, qui était écrite en anglais , ^ans doute i>àlr
suiy^ïrott 4e ptécsti^n. Yoid ^ qu'elle contenait :
(cTine malheureuse fatalité m'a poussé; j'ignore ee q«e diront nies
ennemis, quelles calomnies ils inventeront. Peu m'importe si yms^
mademoteelle, vous n'y donnez point créance. Depuis que je vous A
vue. Je m'étais bercé de rêves insensés. Il a fallu cette catasb'cphe
pour me montrer ma folie; je suis raisonnable maintenant, le sans quel
est l'avenir qui m'attend, et il me trouvera résigné. Cette bague que
vous m'avez donnée et que je croyais un talisman de bonheur, je n'oie
la garder. Je o^ains^ miss Nevil , que vous n'ayez du regret d'avoir si
mal placé vos dons, ou plutôt je crains qu'elle ne me r^sftpelle le
temps où j'étais fou. Colomba vous la remettra. Adieu , mademoiselle,
vous allez quitter la Corse, et je ne vous verrai plu3; mais dites à ma
sœur que j'ai encore votre estime, et, je le dis avec assurance, je h
mérite toiqouiis. » xciX D. R. »
Miss Lytfia s^it "détournée pour Mre <^elle lettre, f^KldliUtlbh, qui
fétièrvaSt aMefiCivément, M tewSt ta bague égy^iatomè, ^n M de-
mandant du regard ce que cela signifiait. Mais miss LyéHa n'i^Étât
lever ta ^tètè, et elle considérait lifirtenien^ la Imgue qfi*dRe 11^
êêtk drtgt et iqu'Wle rethwt alternativement.
*-^€bère«^l^evfl,dft€dlonri>a, ne puii-Je «avoîr ceqùè votft
4ft mon frère? Vous paifle^-fl de «on état?
-<- Mats... dit miss Lydia en rougissant, fl Ti'en parie ffas... Sa
Mt(l« ^^ an^s... n me charge de (firei ttion père... fl tsipère
que le préfet pourra arranger...
<G€lûttibà,^sMMaBt aveetimlicé, s'assit sur le Ift, prit les deux mrins
èb Hfisslffertl, «tïa i^e^ardaiftiivec^es yeux pénétrans: — Berez^votÉ
bonne? lui dit-elle. N'est-ce pas qtié Vous répondrez * mon frère?
l^M&MTeret tant de Men. Un moment l'idée m^est venue de vous
réveiller lorsque sa lettre est venue, et ptns je u'ai pas osé.
«^ Yèusîivez eu bien toit, dit miss NevIl, m un mot de moi pou-
i— MaiiilIcMfit je M puis lui envoyer de lettres. Le préfet est arrivé,
et Pietranera est pleine de ses estaffiers. Plus tard nous verrons. Âhl
» yom connaissiez taon Mtt^ «ils nev9 , vous ranneriez comme je
7.
100 BSVtE DBS rmUX MONDES.
Taime... U est si bon! si brave! Songez donc à ce qu'il a fiUtI Seul
contre deux et blessé I
Le préfet était de retour. Instruit par un exprès de Tadjoint, il
était venu accompagné de gendarmes et de voltigeurs, amenant de
plus procureur du roi , greffier et le reste pour instruire sur la nou-
velle et terrible catastrophe qui compliquait, on si Ton veut qui
terminait les inimitiés des familles rivales de Pietranera. Peu après
son arrivée, il vit le colonel Nevil et sa fille, et ne leur cacha pas
qu'il craignait que l'aflaire ne prît une mauvaise tournure. — Vous
savez, dit-il, que le combat n'a pas eu de témoins, et la réputation
d'adresse et de courage de ces deux malheureux jeunes gens était si
bien établie, que tout le monde se refuse à croire que M. délia Rebbia
ait pu les tuer sans l'assistance des bandits auprès desquels on le dit
réfugié.
— C'est impossible, s'écria le colonel ; Orso délia Rebbia est un
garçon plein d'honneur; je réponds de lui.
— Je le crois, dit le préfet, mais le procureur du roi (ces messieurs
soupçonnent toujours) ne me parait pas très favorablement disposé.
Il a entre les mains une pièce f&cheuse pour votre ami. C*est une
lettre menaçante adressée à Orlanduccio , dans laquelle il lui donne
un rendez-vous... et ce rendez-vous lui parait une embuscade.
-^ Cet Orlanduccio, dit le colonel, a refusé de se battre comme un
galant homme.
— Ce n'est pas l'usage ici. On s'embusque, on se tue par derrière,
c'est la façon du pays. Il y a bien une déposition favorable; c'est celle
d'un enfant qui affirme avoir entendu quatre détonations, dont les
deux dernières , plus fortes que les autres , provenaient d'une arme
de gros calibre comme le fusil de M. délia Rebbia. Malheureusement
cette enfant est la nièce de l'un des bandits que l'on soupçonne de
complicité, et elle a sa leçon faite.
— Monsieur, interrompit miss Lydia rougissant jusqu'au blanc des
yeux , nous étions sur la route quand les coups de fusil ont été tirés,
et nous avons entendu la même chose.
— En vérité? Voilà qui est important. Et vous, colonel, vous avez
sans doute fait la même remarque?
— Oui, reprit vivement miss Nevil; c'est mon père, qui a Fhabi-
tude des armes, qui a dit : Voilà M. délia Rebbia qui tire avec mon fosil^
— Et ces coups de fusij que vous avez reconnus, c'étaient bien les
derniers?
— Les deux derniers, n'est^e pas^ mon père? .
COIOMBA. * 101
Le colonel n'avait pas très^ bonne mémoire; mais en tonte occasion
il n'avait garde de contredire sa fille.
— Il fout snr-le-champ parler de cela au procureur du roi , colonel.
Au reste , nous attendons ce soir un chirurgien qui examinera les
cadavres et vérifiera si les blessures ont été faites avec l'arme en
question.
— C'est moi qui l'ai donnée à Orso, dit le colonel, et je voudrais la
savoir au fond de la mer... C'est-ànlire... le brave garçon I je suis
bien aise qu'il Tait eue entre les mains; car, sans mon Manton, je ne
sais trop comment il s'en serait tiré.
XIX.
Le chirurgien arriva un peu tard. Il avait eu son aventure sur la
route. Rencontré par Giocanto Castriconi , il avait été sommé avee
la plus grande politesse de venir donner ses soins à un homme
blessé; on l'avait conduit auprès d'Orso, et il avait mis le premier
appareil à sa blessure. Ensuite le bandit l'avait reconduit assez loin et
l'avait fort édifié en lui parlant des plus fameux professeurs de Pise ,
qui, disait^il, étaient ses intimes amis.
— *^ Docteur, dit le théologien en le quittant , vous m'avez inspiré
trop d'estime pour que je croie nécessaire de vous rappeler qu'un mé-
decin doit être aussi discret qu'un confesseur. — Et il faisait jouer la
batterie de son fusil. — Vous avez oublié le lieu où nous avons eu l'hon-
neur de vous voir. Adieu , enchanté d'avoir fait votre connaissance.
Colomba supplia le colonel d'assister à l'autopsie des cadavres.
— Vous connaissez mieux que personne le fusil de mon frère, dit-
elle, et votre présence sera fort utile. D'ailleurs il y a tant de mé-
chantes gens ici, que nous courrions de grands risques si nous n'avions
personne pour défendre nos intérêts.
Restée seule avec miss Lydia , elle se plaignit d'un grand mal de
tête, et lui proposa une promenade à quelques pas du village. « Le
gnmd air me fera du bien , disait-elle; il y a si long-temps que je
ne l'ai respiré. » Tout en marchant, elle lui parlait de son frère, et
miss Lydia, que ce sujet intéressait assez vivement, ne s'apercevait
pas qu'elle s'éloignait beaucoup de Pietranera. Le soleil se couchait
quasHl eNe en fit l'obserration , et engagea Colomba à rentrer. Co-
lomba connaissait une traverse qui, disait-elle, abrégeait beaucoup le
retour, et quittant le sentier qu'elle suivait, elle en prit un autre en
.^Ûlt REVUE Dia WKTX MONDES.
ç^arepce t>eaucoap, moios; fréqaeDt& Bjieiitôt eU^, si^ njft 4 V^^ un
c6teaa tellement escarpé, qu'elle était obligée continuell^meot, yoir
se soutenir, de s'accrocher d'une main à des l>rancbes d'a]:bres pen-
dant qne de l'autre elle tirait sa compagne après ell^. Aju ^out 4'iui
^and qqart d'heure de cette pénible ascension , eUes se. troij^y^B^t
sur un petit plateau couvert de myrtes et d'arbousiers, mêlé de ffàj^ies
masses de granit qui perçaient le sol de tous cùU$., Miss Ijdi^ était
^ès fiLtiguée^ le Village ne paraissait pas, et il falsajit pies<|ue nuît^
— r Sayçz-Yous, ma chère Colomb^ ^ dl^Ue, q^e je. cqygoi^ qpe çyQp^
ne sojons égarées?
— M'ayez pas peur, répondit Colomba; marchons toujours, sui-
vez-moi.
— Mais je vous assure que vow, vous trompez , le village ne peut
pas être de ce côté-là. Je parierais que nous lui tournons le dos.
:Çeii^, cça Uwèi^ <|iie w^ y^jwA sli \m^ ^^âmmimà c'«a(t là
q^'çst l^ietraoïerai.
— Ma chère amie, 4it Coli^wba d'ijHi air ag^ vow 9im ^fm;
igpi^ ^ deux cente pas d'ici... dia^ ce m&quisw..
— I^ibien?
-rr Mon ficère y est; j[e pourrais le voir et l'embrasseiç u vou^ vaf4îe^
Hiss Nevil fit un mouvement de surp^..
— Je si^s sortie de Pietranera, poursuivijt Cofemba, asups dtre
sei3Ciarquée , parce que j'étais avec vous... au^einient o^ œ'aïuialt
smvie... Êtee si près de lui, et ne pas le voir?... Pj^urqooî ne viei^
^ea^vous^pas avec H^oi voir num pauvre frère ? Yim Ip ferÎBJb ^iift
(le plaisir!
~ Mais, Colomba... ce ne serait pas convenaJ)!^ de^ W part-
— Jecçmpxen^ds. Yoju^autres femmes d|e& villes, vous vous inquiétez
tojij^ojw^ de ce «^ est convenable; nous autr^ feqip^ dfi villi^iai
]^Qiii3 ne penspAs qu'à ce qi4 est bien.
— Mais il est si tard!... Et votre fi^ère, que pens^çart-il de moi?
T- n pensera qu'il n'est point abandonné par sea amis» et c^ lui
donnera du courage pour souffrir.
— Et mon père, il sera inquiet...
~ Uvous sait avec mm... Eh bien! décidei^-vous... Yous regav^
diç^, son portrait ce matin , a^outa-t-elle avec un sourire de, m^lîi^
-^ I^op... vraiment, Colomba, je ^'ose... ces bandits qui, sw,t là......
— Ehbieiil ces b^i^idits^e vous çonn^^j^sent V^ qu*impoarte3 ^4^
tjlésiriezenvoir?....
r^lKonBieu!...^
COLOMBA. f<l5
pas, Orso, qu'on est bien dans le mAquis, an bivouac, par une bdle
nuit comme celleKîi ?
— Oh oui! la belle nuit, dit Orso. Je ne Foublierai jamais!
*-Que vous devez souffrir! dit miss Nevil.
— Je ne souffire plus, dit Orso, et je voudrais mourir ici . — Et sa marin
droite se rapprochait de celle de miss Lydia que Colomba tenait tou-
jours emprisonnée.
-^ n faut absolument qu'on vous transporte quelque part où Ton
pourra vous donner des soins, monsieur délia Rebbia , dit miss NeviL
Je ne pourrai plus dormir, maintenant que je vous ai vu si mal cou-
ché... en plein air....
— Si je n'eusse craint de vous rencontrer, miss Nevil, j'aurais
essayé de retourner à Pietranera, et je me serais constitué pri-
sonnier...
— Eh! pourquoi craigniez-vous de la rencontrer, Orsô? demanda
Colomba.
— Je vous avais désobéi, miss Nevil... et je n'aurais pas osé vous
voir en ce moment.
— Savez-vous, miss Lydia, que vous faites fau-e à mon frère tout ce
que vous voulez , dit Colomba en riant. Je vous empêcherai de le voir.
—J'espère, dit miss Nevil, que cette malheureuse affaire va s'é-
daircir, et que bientét vous n'aurez plus rien à craindre... Je serai
bien contente si, lorsque nous partirons, je sais qu'on vous a rendu
justice et qu'on a reconnu votre loyauté conune votre bravoure.
—Vous partez, miss Nevil! Ne dites pas encore ce mot-lA.
— Que voulez-vous... mon père ne peut pas chasser toujours... Il
veut partir.
Orso laissa retomber sa main qui touchait celle de miss Lydia, et il
y eut un moment de silence.
— Bah! reprit Colomba, nous ne vous laisserons pas encore partir.
Nous avons encore bien des choses à vous montrer à Pietranera
D'ailleurs, vous m'avez promis de me faire mon portrait, et vous n^avez
pas encore commencé... Et puis, je vous ai promis de vous feire une
serenata en soixante-quinze couplets... Et puis... Mais qu'a donc
Brusco à grogner?,.. Voilà Brandolaccio qui court après lui... Voyons
ce que c'est.
Aussitôt elle se leva, et posant sans cérémonie la tête d'Orso sur
les genoux de miss Nevil, elle courut auprès des bandits.
Un peu étonnée de setrouver ainsi soutenant un beau jeune homme,
en tête-à^têteau nifieo d^ui mftquis, miss Nevil ne saVait trop que faire,
m REVUE BW^]0BCX MONDES.
Mais Ofso quitta lui-même le doux appui que a^ $amT v^^gj^ 4o, M
donner, ^ sa aiociievant $9s soi^ br^» 4r^ : Aiu^ii toiis partez bî^ulAt,
miss Lydia? je n'avais janj^ fi^asé que von» dussiez pc^lopm^ votre
^iîfim 49m c^. m^lfaourem p^ys... , et pei^rtanL.. , depiM» que. vous
ôtQ%i9<uiku^ y^r je soufi^pe ceat fois plus ea spujy^iftt qj^'iji fai^ yous
dire adieu... Je suis un pauvre lieutenant... , sans ^V'^aiiçv.. « p^oacc^
BW#il|j»na»t... QiiielipiUMp^^, v4s& iyd^ii, pour v<Hp dire que J9 vous
«#ii^ . . , V£^ c'èfl^ sw^
e|^q#,sepj^qu^Î9 »m mw^ w^b^urea^^^ mawttaotmt ^ j'aî
soulagé mon cœur.
lAif^Lj^ dét^^rns^ 1% t6^t eocMie â Tol^Mï^rité^ ne suGfisait pas
PHfy çnf^ sji Wj^iff ^ — l(fo?si?wr- deUa Rebjpi, dU-elAe 4*w^
voix trenoblante, serais-je venue en ce lieu, si..., et, tout eap^i^
^Mt;^ ^ i^Q^kMt àm^ 1a 'flwn 4'Oi:so. le t^^UaojiaiL égjptiie^. Puis,
Gaisant un effort violent pour reprendre le ton de plaisanterie qiM hii
^t^ lJy^\]^»;Uwl^-=^ C'est b^tn raÂL ^ vous, mdngieur Orso^, de parler
ainsi... Au milieu du maquis, entourée de vos b9^(j|M&, vouis s^vez
biiei^ <9^ie n'oseiiiâs ^noim loe Qiche^ coj[itre vqu&..
Ojçsq 6t ijypi q|QMV)çWQiM; poiu* baiser ^ H^ lui r^)4^ le tafjfrr
ijQAP^ et, coijDQi^ iiiis& Lydia la retirs^t ua peu vite, il perdit Féqui-
libre et tooibi^ si;^ son bra^U^s^. Que pi4 retenir uo géHÛssiHBeBt
doulAu^emx.
— Yw^ v^uft ^ifis, fait ^la^, BpiEm spi'î s'écriar-jt-elle e^ le soule^
vaut ; c'est laa fauitel poirdaiiiBezrnioi. . . Ib se parl^^t WC9^^ qqelque
temp^ ^ vo» ba/ise , et fortça^prochéa l'un de l'a^e. CoIod;^, qui
accourait précipitamment, les trouva précisément dans k pos^t^p
9<l el^ les avi^ laissé» :
— X^es voltigeurs ! s*écria-t-elle. Orso, essayez de vou% lever et de
-r^l;fy^BsezH9ioit ^ Orsp. Pis a«x bandits de sesaiiiveiç...^ cp^^'oa
p^ pr^w^^ peu m'iaipprto; un^ ejwpoèvie ipjm Lydia : à^r i&om df^
9^, qa'oi^ ipie I9 yoie paii ici.
-s: J(ç «e Wf(^ laissecaipas, dît 9ra^dolaccM>v» qui suivait Colondbia.,
Jj^ sergent, (j(e& voU^geura e^'up filleul de l'avocat^ ^u Ue^ de vi^
. arrêter, il vous tuera , et puis il dira qu'il ne, l'a pas fait eiy^.
Ojiv^ ems^ d^^^ l^es^ tt fit m/^ quelque» pj|& ; n^i^ ,, s'iff^ôtant
bientôt : Je uep^is marcher, d^-U. Fuyez, voi^ aiUresu AdÂç^t W^
COLOMBA. f<l5
paS) Orso, qu'on est bien dans le mAquis, an bivouac, par une Mlle
nuit comme celleKîi?
— Oh oui! la belle nuit, dit Orso. Je ne Toublierai jamais!
*- Que vous devez sonffrir ! dit miss Nevil.
— Je ne soufire plus, dit Orso, et je voudrais mourir ici. — Et sa main
droite se rapprodiait de celle de miss Lydia que Colomba tenait tou-
jours emprisonnée.
— II faut absolument qu'on vous transporte quelque part où Ton
pourra vous donner des soins, monsieur délia Rebbia, dit miss NeviK
le ne pourrai plus dormir, maintenant que je vous ai vu si mal cou-
ché... en plein air....
— Si je n'eusse craint de vous rencontrer, miss Nevil, j'aurais
essayé de retourner à Pietranera, et je me serais constitué pri-
sonnier...
— Ebl pourquoi craigniez-vous de la rencontrer, Orso? demanda
Colomba.
— Je vous avais désobéi, miss Nevil... et je n'aurais pas osé vous
voir en ce moment.
— Savez-vous, miss Lydia, que vous faites faire à mon frère tout ce
que vous voulez , dit Colomba en riant. Je vous empêcherai de le voir.
—J'espère, dit miss Nevil, que cette malheureuse affaire va s'é-
daircir, et que bientôt vous n'aurez plus rien à craindre... Je serai
bien contente si, lorsque nous partirons, je sais qu'on vous a rendu
justice et qu'on a reconnu votre loyauté conune votre bravoure.
—Vous partez , miss Nevil I Ne dites pas encore ce mot-lA.
— Que voulez-vous... mon père ne peut pas chasser toujours... Il
veut partir.
Orso laissa retomber sa main qui touchait celle de miss Lydia, et il
y eut un moment de silence.
— Bahl reprit Colomba, nous ne vous laisserons pas encore partir.
Nous avons encore bien des choses à vous montrer à Pietranera
D'ailleurs, vous m'avez promis de me faire mon portrait, et vous n'avez
pas encore conunencé... Et puis, je vous ai promis de vous feire une
serenata en soixante-quinze couplets... Et puis... Mais qu'a donc
Brusco à grogner?... Yoilà Brandolaccio qui court après lui... Voyons
ce que c'est.
Aussitôt elle se leva , et posant sans cérémonie la tête d'Orso sur
les genoux de miss Nevil, elle courut auprès des bandits.
Un peu étonnée de se trouver ainsi soutenant un beau jeune homme,
en t6te-à4éteau nifieo d^ui maquis, missNeril ne saVait trop que faire,
m REVUE fipb iiW MONDES.
Mais Orso quitta lui-même le doux appui que a^ MBur v^jpit 4&. Mi
donner, ^ sa siocUevant $91 so^bs^s 4raîjt : Aiçi^^ tojis partez ^îeutôt,
miss Lydia? je n'avais jamaift fi^asé que von» (bissiez pr^lo^igeJT votre
f^l^MiF 4iiSL c^ nifibaurem p^ys... , et popr^nU.. , depiûfr qpj^. vous
ôtQ%i9^iiku^ kî, je s^uffire ceat fois plus ea spujy^iftt qj^'il faut vous
dire adieu... Je suis un pauvre lieutenant... , sans av^aiçvt p^oflcrit
BW#il|j»na»t... QiiielipiUMp^^^ misa iydÂa, pour v<HP dire que > vous
ei il Hfik seBiUfi ouetio suJABioiiift maihf iircui PiMitfîiyint fiiif i'aî
soulagé mon cœur.
]|il^ Ly4i4 dét^i^ns^ 1% tfii^r cosme » Vot^awtM ae suffisait pas
PjQjfy ^1^1%^ sii wj^ur; — llonsjiçiu^ deUa Reb]^« àik-^ d'i^^e
voix tremblante, serais-je venue en ce lieu, si..., et, tout ea p^i^
\ml^,^ eUi^ vmli^ àm^ 1a Wa ^'Orso. le t^^Ussjiaa égjpMe^. Puis,
Gaisant un effort violent pour reprendre le ton de plaisanterie ^ lui
ét^it ^ilii^: -^ C-^b^in np^ ^ \w^, monsieur Orso, de parler
ainsi... Au milieu du maquis, entourée de vos boAdMSi vojus sfl^v^
biiei^ <9^ je u'osie^ôs jwi^ me Ckhe^ contre vous.
()]^ 6t ijypi qtoi^vew^ IK>ttr baiser lui r^)4^ le tafîfrr
n^'f et, coi;nQ]^ miss. Lydia la retirs^t ua peu vite, il perdit Féqui-
Ubre et tomba s^r son bra^Uessé. ^ae p|^t retenir ua géaassiç^^
dottkMveux.
— Yws^ vQjUft ^^ iait 9u4i vftMj^ 9fmï s'écriadt-elle e^t le soule^
vant ; c'est ma faoïtel pai^doiimezTmoi. . . Ib se parlaient eaco^ quelque
tempA ^vo» basse, et fort ça^procbés l'un de l'a^e. Coloiaba, qui
accourait précipitamment, les trouva précisément dans la fosijîf^
qà^ elfi^les avait laissés :
— Les voltigeurs ! s'écria-t-elle. Orso , essayez de vous^ lever et de
mwçber^ jç \(m aî4eraL
-;:i9|li^s<M(TJiioi, <^ Orso. Dis aw baa^îts de sesaiiiveiç..., cp^^'oa
o^ pireaaei^ peu m'iaq^>r^; mais eJWPoève wss Lydia : àjfr aom df^
ÇlîeiVv qii'Ojii^ ipie la yoie paa ici.
-s: J(e ae ^m^ laisseiai pas, dît ftraadolaccîo^ qai suivatt Colomba..
Le sergent, (j(e& voltigeurs e^t'uo filleul de l'avocat^ au Ue^ de vi^
. arrêter, il vous tuera, et puis il dira qu'il ne, l'a pas fait esy^.
OiIiCH es^iafa dese levers H, fit n^i&«)y& quelques pas; nw^,^ s'i^^ôtant
bientôt: Je ae|wis marcher, d^t-il. Fuyez, voxi^avU^esu Aàf/^^ ipj|ss
TtçxU; éo^fn^um la aiaw, et adieul
^ 9i twfloe fM¥e0( mrd^, di| Bw^jtokwo, ik IwiÉr» y» jp
le temps de décamper par le laviy , là if(mi^JB^ IL le ^i^ ^. Imr
49iuier de foccivflvUw.
poigiiez4e par les épaules, moi, je tiens les pied%i Ip^i^I e^^mk^
Us commencèrent à le porter rapidem^, mifB^ $mVfOif¥Mifmr,
ftisil se lit entendre, auquel cinq ou six autres répondirenl jjupuil^i
W» \s^ WMW^ m <^t lEan#b(0itok w? iffWiMî"iiit «uûs H
redoubla de vitesse , et Colomba, à sç# ^x^pl^,, o^i^îl 9^^ ^m#|B
da bM4W« sab^ &4ie atteatiop wx Wanchei qmî |w fo^vttwenl la
figure , ou qui déchiraient sa robe : — Baissez-vous , baissez-vc^iifti pp
çbfèc^, di^ijIÂ^lte & sa^ compagne, une 1n^ peut yrqifm at||nup!«r. On
marcha ou plutôt Ton courut environ cinq cents pas de !« soit^ torsqne
frondolài^cîo déclara qu'il n^'en pouvait ptaft, et 9e kiasa tom^r à
tene, oialgré les eikortakimaet les r^pvochei de Q^^wbi^.
-rrr Où ^ miss T^vil? dea^n^ait Orso.,
lliss Nevil , elfrayée par tea coqps ^ IMI t arrêtée ioliaMpe^ wtiit
1^ r^aîsseur d|U niAquîs, av«U bieiptôt peT#k ta ^9Ce 4^% fiMHttft,
et é^ démoulée seule, en giroie wx pluft vlv^aagoisfiea.
T- £Ue est restée eu anî^e^ dit, BiandieJ^aicôo; v^ eUe- 1'^ pas
perdue; le» feuiiues se retcattY^ttOl^a^r&. Om' iiutw','
cantine le curé, fait diUtypagy, ^vec vptee fa«l> Malbfiiffeqiiep^l, w
u'y yoitgwtte, et l'on ne se ^ paaifiBai4 W^x ^s^^vriill^d^ Wi
— Chut ! s'écria Colomba ; j'entends un cheval , noipt ffljrrpw
sauvés*
l^a effet, un cbçval qui passait d^s le mAqv^,.ef^é||u^^bf#
delafosiJMe, s'approchait de leui côté.
— . KoussQuuues sauvés! répéta 9ii?wdolacciQ|. ÇootiiF^au^Yi^i 1^
saisir par les crins, lui passer da^ la bouche un iMmdde Qwif^^ e9
guise de bride, fut pour le bandit, aidé de Colomba, Vafi^^ve 4*W
quuDient : Prévenons uiaintenant le curé, dit-iU -r* Il siflla 4fm^ bis ;
un sifflet éloigné répondit & c^agqal,, et le fusil de Mwtott ceiia de
foire entendre sa grosse yoîx. Alors Br^ndolbacau sauta sur le cheval,
Coktfn]i>9 plAOa son frère devant le l^ai^t, qpi d!vm Wiu luseifra for-
tement, tandis que de l'autre il dirigeait sa montttif^.]f^)lg«é9|4uul^
t08 REVUE DES DEUX MONDES.
charge, le cheval, excité par deux bons coups de pied dans le ventre,
partit lestement et descendit au galop un coteau escarpé où tout autre
qu'un cheval corse se serait tué cent fois.
Colomba revint alors sur ses pas , appelant miss Nevil de toutes ses
forces, mais aucune voix ne répondait à la »enne. . . . Après avoir marché
quelque temps à Taventure, cherchant à retrouver le chemin qu'elle
avait suivi , elle rencontra dans un sentier deux voltigeurs qui lui
crièrent qui vive?
— Eh bien! messieurs, dit Colomba d'un ton railleur, voilà bien
du tapage. Combien de morts?
— Vous étiez avec les bandits, dit un des soldate, vous allez venir
avec nous.
— Très volontiers , répondit-elle, mais j'ai une amie ici , et il /aut
que nous la trouvions d^bord.
— Votre amie est déjà prise, et vous irez avec elle, coucher en
prison.
— En prison? c'est ce qu'il faudra voir; mais en attendant menez-
moi auprès d'elle.
Les voltigeurs la conduisirent alors dans le campement des bandits
où ils rassemblaient les trophées de leur expédition , c'est-à-dire le
pilone qui couvrait Orso, une vieille marmite et une cruche pleine
d'eau. Dans le même lieu se trouvait miss Nevil, qui, rencontrée par les
soldats à demi morte fte peur, répondait par des larmes à toutes leurs
questions sur le nombre des bandits et la direction qu'ils avaient prise*
Colomba se jeta dans ses bras et lui dit à l'oreille : Ils sont sauvés.
Puis s'adressant au sergent des voltigeurs : Monsieur, lui dit-elle,
vous voyez bien que mademoiselle ne sait rien de ce que vous lui
demandez. Laissez-nous revenir au village, où l'on nous attend avec
impatience.
— On vous y mènera, et plus tôt que vous ne le désirez , ma mi-
gnonne, dit le sergent, et vous aurez à expliquer ce que vous faisiez
dans le mftquis à cette heure avec les brigands qui viennent de s'enfuir.
Je ne sais quel sortilège emploient ces coquins, mais ils fascinent
sûrement les filles, car partout où il y a des bandits, on est sûr d'en
trouver de jolies.
— Vous êtes galant, monsieur le sergent, dit Colomba, mais vous
ne ferez pas mal de faire attention à vos paroles. Cette demoiselle est
une parente du préfet , et il ne &ut pas badiner avec elle.
— Parente du préfet ! murmura un voltigeur à son chef; en effet »
elle a un chapeau.
• ■- ■ 1 . t
i t t< ' I
COLOUBA. 109
— Le chftpeau n'y bit rien , dit le sergent. Elles étalent tontes les
deux avec le curé, qui est le plus grand enjôleur du pays, et mon
devoir est de les emmener. Aussi bien , n'avons-nous plus rien à faire
ici. Sans ce maudit caporal Taupin... l'ivrogne de Français s'est mon-
tré avant que je n'eusse cerné le m&quis... sans lui , nous les prenions
comme dans un filet.
^- Vous êtes sept? demanda Colomba. Savez-vous, messieurs, que
si par hasard les frères Gambini , Sarocchi et Théodore Poli se trou-
vaient à la croix de Sainte-Christine avec Brandolaccio et le curé , ils
pourraient vous donner bien des affaires. Si vous devez avoir une
conversation avec le commandant de la campagne (1) je ne me sou*
cierais pas de m'y trouver. L^s balles ne connaissent personne la nuit.
La possibilité d'une rencontre avec les redoutables bandits que
Colomba venait de nommer parut faire impression sur les voltigeurs.
Toujours pestant contre le caporal Taupin, le chien de Français, le
sergent donna l'ordre de la retraite , et sa petite troupe prit le chemin
de Pietranera, emportant le pilone et la marmite. Quant à la cruche,
un coup de pied en fit justice. Un voltigeur voulut prendre le bras
de miss Lydia, mais Colomba le repoussant aussitôt : — Que personne
ne la touche, dit-elle. Croyez-vous que nous ayons envie de nous
enftiir? — Allons , Lydia , ma chère, appuyez-vous sur moi , et ne
ideurez pas comme un enfant.Yoilà une aventure, mais elle ne finira
pas mal, dans une demi-heure nous serons à souper. Pour ma part,
j'en meurs d'envie.
-^ Qne pensera-t-on de moi? disait tout bas miss Nevil.
— On pensera que vous vous êtes égarée dans le mftquis, voilà tout*
— Que dira le préfet... que dira mon père surtout?
-* Le préfet?... vous lui répondrez qu'il se mêle de sa préfecture.
Votre père?... A la manière dont Vous causiez avec Orso, j'aurais
cru que vous aviez quelque chose à dire à votre père?
Miss Nevil lui serra le bras sans répondre.
— N'est-ce pas, murmura Colomba dans son oreille, que mon frère
mérite qu'on l'aime?... Ne l'aimez-vous pas un peu?
— Ah ! Colomba, répondit miss Nevil souriant malgré sa confusion,
vous m'avez trahie , moi qui avais tant de confiance en vous !
Colomba lui passa un bras autour de la taille, et l'embrassant sur
le front : Ma petite soeur, dit-elle bien bas, me pardonnez-vous?
— Il le faut bien , ma terrible sœur, répondit Lydia en lui rendant
son baiser.
(1) Cétait le titre que prenait Théodore Poli.
tH REVUE M* «Mift llONDES.
tié-fMlek^tt te fMtiècAi^
Hem, (Et te colMel, tc/ti foqni^defla ffle, Venait pook- la tingtièkne
eraitiér par le «ergent, léaï' fit te ïécft M ferrfMe cokiAttt ^vté
0Mtre les MgMids, €k)iiiba^ lA
morts ni blessés, mais où Ton avait pris une mararite , un pHOtte , ^
wB^Ia inKs afm. ecsienC, €R9aiv4% tes fRnAicsBcs Ou 'les ^espionues xies
MAvBis* Ainsi aifflMioccstx)iRpffirttPcttv les v6%i)l pnsMHinfcreB ^xl mnien
4e lenr ^t^ite année. X)n 4ei^e la oeM)enance rad^^
te boM^ ée ia diM][»agne, la Mfp^
dt ^dkHà^. Le procnrefor du roi se donna le Toékk plafsir de IMHft
séMt à là ^f4ÉtMit ijfëà ^eme ^es^pècedlnteiTogatoIre qui ne setennina
q«e lonf^n'fl M lêdt frit ^perAre txmtè contenant.
•■• B iRe wsniwo i| ^B^ tb ptctci , que nous pouvons ttc^iTe tOW tC
tÊkuaéé M llbèilié. Ces demcCaeHès Mt ^«e promener, tfen de j^
MDurdl par to béaétemps^ eHes ontrencontré pathasarélun a&MMè
jeuHè fioMMe Melssés rfM de {Ms tMfturel <encoiie. Puis, prenaiitli
paR CiuMinna t ■*• TaiaueiH0Wvife,*€R"4*, vous pouvet manuer a vowo.
nreve ^^pBe son anaiPB UMurive nueux que je ne l 'espérais* l exames
deai$adavi^, la dé^ilion Ai <H)lunel , démonCrent qu'il H'^fiut q«fe
rfporter^ et c^'^ léMt «eul M •metne^it éé. combaJt. Tout s'arrangeiuv
uMi H iMt qu'A quitte letnâquis au^plttsvite et 'qu'A se eonstitUè
U était près de onze hemres lorsque le colonel , sa fiHe "et GMMdm
se mirent à MMè devÉmt un Muper refrmdi. ColonAa mngeait de
bM iq^lpriMjR^ «e UÉM^^ proenreur du roi et dès vol-
tigeurs. Le colond^MÉ^ge^mtistae Asritmot, regaidaWtfo^alffssa
SÊ^^m teVÉitpê» tes yeàx de dess«is «on ^sielite. Enfin d*une
i^ïïA. voii^7, mon ^raTC •
— Lydia, lui dft41 ^ ûn^afs, Vous <ètes donc engagée îivee deffia
Rebbia?
^^tMs iHMi ^piftéj depuis ^Éii§oufénMd> ipépowidlt (Mé "en rougis-
sant ^ mais d*une VéIk feMie.
v^niicMe M^^a sr ycvs , ^cx, n uperoovaM» sur la pnjPBMnewiieTK 3011
père aucM ^^lgÉiede«Mil^«K , eHe se jeta dans ses fcras et l'ctaArwsa
oittÉÉie tos tèeirtigellgi bi€(fa élevées fant en paôrdlle oocasie».
— A <a ttuim totfes at te icotond , tfeit un bvaVe garçoA ; ttiilii
^ Wru! nMsM demeiveronB pas dm son diable de paysl ton je
refuse mon consentement.
— Je ne sais pas l'anglais, dit Colomba, <pii les regardait avec une
extrême curiosité; mais je parie ipit j^ defvfné té ^oetcms dites.
tfti voyage en ïife^de.
— Oiî, V6ïofitier&, et fè sanaî fa sùrettà Càlonéa. B*w fift, HtÀài^
nel? Nous frappons-nous dans la main?
— Ofi s*e!ïd>rtis9edaîiscecte-ïà,«tlecrtowe!.
XX;
Qttc^nos mm «p^ ie «oèp énriiie iqiâ plongea la cioinniÉne de
PtetiMeni dnm la (XMîBtsenMition (sl^fe de fonritena), tm jiMMB
bomme^ le bras gauche eii écbaipe;, vntit à «héval é« iMlia dans
VuprèsHFnidi, et «e firigea vers le viHà^ As Carte, tiéièbde fmm
fenfeaftie, t|«i, entêté, fournit atix gei!is ééKottto de la vifle tave eM
dèUdeiue. Obe jeune femies d'ime tnMe élevée et d'me beiMé
remttipiable , raccompagnait ÉioDJIée smr En ^t (Ète'fÊi kvoir dMt
nn toiaiaissè!^ eAt admiré fa Ibroe «t TélégMMïes peà^ ^ «Mben-
rrasanent avait une oreille îdéfcMftfe^ {»ar «ki tt^^Mit liixaitè.
Sans le viHage, fa jeune femme aa«ita lesteÉient A ftertev et, «pi^
avoir aidé son compagnon à descaidre de winiofitifre, <iélM^a d^Mlz
ionrées «aeœhes attachées à Tarçon de la «eHe. Les èbevàvk Airent
rend» A fe garde d'mi paysan, et fa femme tbacgée ^ îMéioèlM
fu'eHe eachiait «ons son mezzaro , le femve bomme ^pioitattl im ftsil
éonble, pirirent ie cbenain de fa montagne, ^en^vimt M «enH^ (Mt
raide et cpai ne^emMhait eondofire à ancwne babSMMn ^okflMè. Ànfvés
è on des gradins élevés du mont Qteieroio, ils Vmrêtèrent > ^t tons les
den s*iassirènt 'Sor Therbe. Us |>afrainaî6nt attendre ^^l^'tMi ^ Wr
fls toomnîent gansées^ les yetii yersfa'Biontagiie,'etfafeqnefclAÉfc
consultait souvent une jcHe wacuMfe À^, yev^^Mi^ MMi; tk>ttr tm-
templer vi bijoa i|n*etle «ertMait ^MSéler 4epd!s )^*de teM|)s,tiue
pov savoir si rbemed'mitieffde^viMHsétÀltaMvé^. LmrâMMIe^
fut fpm faUgvie. Un tAiien sortit du mAqnis, fit HaitMidè fttiacopro-
iv6teé par fa jume femme , Il ^*empiiBSsa de vMir \êê ^tiir(9SMr. Ku
ÉfftèR ipararrât deux bommes bartnis, le MH Musfe Ims> fa iM%^
dière à ta oemtare, le pistolet an <^. Ijem« bablHit dé<!^é» iet <^o^
verts de pièces contrastaient avec leurs armes brillantes et d'une fa-
brique renonnnée du continent. Msdgré l'inégalité a{^)arente de leur
portion, les quatre personnages de cette seèM s'iètvdèreftt fami-
lièrement et conmie de ^eu méIv
lia hbtue DBS DEcx Moirnss.
. — Eh bien! Ors' Anton', dit le plus H^é des bandits. au jeune
homme, voilà votre affaire finie. Ordonnance (Îq hpn lieu. Mes cpm-
plimens. Je suis fôché que l'avocat ne soit plus tlans l'ilç, pour, le voir
enrager. Et votre bras?...
— Dans quinze jours, répondît le jeune homme, on inc dit que je
pourrai quitter mon écfaarpe. — Brando, mon brave, je vais partir
demain pour l'Italie, et j'ai voulu te dire adieu, ainsi qu'A M. le curé.
C'est pourquoi je vous ai priés de venir.
— Vous êtes bien pressé, dit BrandolaccJo; vous êtes acquitté d'hier
et vous partez demain.
, dit gaiement la jeune femme. Messieurs, je
er; mangez, et n'oubliex pas mon ami Bnisco.
;o, mademoiselle Colomba, mais il est recon-
lir. Allons, Brusco, dit-il, étendant son fusil
; pour les Barricini ! Le chien demeura immo-
ieau et regardant son maître. — Saule pour les
a deux pieds plus haut qu'il n'était nécessaire.
lis, dit Orso, vous faites un vilain métier; et
s'il ne vous arrive pas ite terminer votre carrière sur cette place que
nous voyons là-bas (1) , le mieui qui vous puisse advenir, c'est de
tomber dans un mAquis sous la balle d'un gendarme.
— Ëbbienl dîtCastriconi, c'est une mort comme ime autre, et
qui vaut mieux que la fièvre qui vous tue dans un Ut, au milieu des
larmoiemeus plus ou moins sincères de vos héritiers. Quand «n a,
comme nous, l'habitude du grand air, il n'y a rien de tel que de
mourir dans ses souliers, comme disent nos gensde village.
— Je voudrais, poursuivit Orso, vous voir quitter ce pays... et
mener une vie plus tranquille. Par exemple, pourquoi n'iriez-vons
pas vous établir en Sardaigne, ainsi qu'ont lait plusieurs de vos cama-
rades? Je pourrais vous en faciliter les moyens.
— En Sardaigne! s'écria Brandolaccio. JitosSardos, que le diable
lesemporteavecleurpatois. C'est trop mauvaise compagnie pournous.
— Il n'y a pas de ressources en Sardaigne, ajouta le théologien.
Pour moi, je méprise les Sardes. Pour donner la chasse aux bandits,
ils ont une milice à cheval; 4;ela lait la critique à la fois des bandits
et du pays (2). Fit de la Sardaigne. C'est une chose qui m'étonne,
(1) L« placBOù te fbu tte ei^CDlion à Bastta.
(1) Je dois cette observation critique sur la Sardaigne à un eX'^nndit de raessniB,
et c'est i lui seul qu'en ai^rlient ta re^oaubilité. ^, , ,, ,
COLOUBA. U9
monskiir della ^ebbia , que vous, qui êtes un homme de goût et de
savoir, vous n*ayez pas adopté notre vie du mftquis, en ayant goûté
comme vous avez fait.
— Mais, dit Orso en souriant, lorsque j'avais l'avantage d'être votre
commensal , je n'étais pas trop en état d'apprécier les charmes de votre
position , et les côtes me font mal encore, quand je me rappelle la
course que je fls une beUe nuit, mis en travers comme un paquet sur
un cheval sans selle que conduisait mon ami Brandolaccio.
— Et le plaisir d'échapper à la poursuite , reprit Castriconi , le
comptez-vous pour rien ? Comment pouvez- vous être insensible au
charme d'une liberté absolue sous un beau climat comme le nôtre?
Avec ce porte-respect ( il montrait son fusil ), on est roi partout, aussi
loin qu'il peut porter la balle. On commande, on redresse les torts...
Cest un divertissement très moral , monsieur, et très agréable, que
nous ne nous refusons point. Quelle plus belle vie que celle de che-
vaher errant, quand on est mieux armé et plus sensé que don Qui-
chotte? Tenez , l'autre jour, j'ai su que l'oncle de la petite Lilla Luigi,
le vieux ladre qu'il est , ne voulait pas lui donner une dot ; je lui ai
écrit, sans menaces, ce n'est pas ma manière; eh bien! voilà un
homme à l'instant convaincu : il l'a mariée. J'ai fait le bonheur de
deux personnes. Croyez-moi, monsieur Orso, rien n'est comparable
à la vie de bandit; bah!... vous deviendriez peut-être des nôtres,
sans une certaine Anglaise que je n'ai fait qu'entrevoir, mais dont ils
parlent tous, à Bastia, avec admiration.
— Ma belle-sœur future n'aime pas le m&quis, dit Colomba en riant,
elle y a eu trop peur.
— Enfin , dit Orso, vous voulez rester ici? Soit. Dites-moi si je puis
faire quelque chose pour vous?
— Rien , dit Brandolaccio , que de nous conserver un petit souvenir.
Vous nous avez comblés. Voilà Chilina qui a une dot, et qui, pour bien
s'établir, n'aura pas besoin que mon ami le curé écrive des lettres
sans menaces. Nous savons que votre fermier nous donnera du pain
et de la poudre, en nos nécessités; ainsi, adieu. J'espère vous revoir
en Corse un de ces jours.
— Bans un moment pressant, dit Orso, quelques pièces d*or font
grand bien. Maintenant que nous somnies de vieilles connaissances,
vons ne me refuserez pas cette petite cartouche qui peut vous servir
à vous en procurer d'autres.
— Pas d'argent entre nous, lieutenant, dit Brandolaccio d'un ton
lésoki.
TOXB xxin. 8
114 REVUE DEâ'SfËOt MéllDES.
-^L^r^tit tAît totrt dârts te lïioti*, (fit<!àstrtcôtrf; rtiahdkrislé^
wStpsâs on mfhït cas qtie (Pud coebr tyràv^ et ifud fhsif qtii rie râte pas.
— Je ne voudrais pas vous quitter, reprit Orso, sanà vous laisser
quelque souvenir. Voyons, que puis-je te laisser, Bi^tidbt
Ile bandit se gratta la ttte, et, jetant sur le flisil d*Orso un regant
oblique :
•^Dame! àion lieutenant... sifosais—tnats non, vous y tenez trop;
— Qu'estr-ce que tu veuï?
•^ Rien.... la chose n'est rien.... Il faut encore la manière de s'en
servir. Je pense toujours à ce diable de coup double et d'une seule
main... Olrl cela ne se fkit pas deux fois.
-»- C'est ce ftisîï que ttiveux?... Je te l'apportais ; mais sers-t'en le
moins que tti pourras.
— Oh! je ne' vous promets pas de m'en servir comme vous; mais*
soyez tranquille , quand un antre l'aura , vous pourrez bien dire que
Brfindb SavèlH a passé rartHe à gauche.
-^ Et vousr, Castriconi , que vous donneraî-Je?
•^'ftiiSque Vous voulez absolument me laisser un souvenir maté-
riefl de tous, je vous demandent' sans façon de m'envoyer un Horace
duf plus petit format possible. Cela me distrairait m'empêchera d'ou-
blier mon lathr. Il y a une petite qui vend des cigares à Bastia sur le
port; dbnnez^-le^ltri, et elle me le rettiettra.
-^ Vous aurez un Elzevir, monsieur le savant; il y en a précisé-
ment un parmi les livres que je voulais emporter. — Èh bien î mes
amis , il feut nous séparer. Une poignée de main. SI vous pensez uu
jour à la Sardaigue, écrivez-moi; l'avocat N. vous donnera moû'
adresse sur le contîuent.
— Mon lieutenant, dit Brando, demain , quand vous serez hors dti
port, regardez sur la montagne à cette place; nous y serons^ et notis
vous ferons signe avec nos mouchoirs.
Us se séparèrent alors; Orso etsa soeur prirent le chemin de Cardo,
et les bandits celtii de la montagne.
Xil*
Parr une bdlè matihée d'avril, lé cotenel sir Thomas Netil , sa Allé,
mariée depuis peu de jours, Orso et Colomba, sortirent de Plse en
calèche pouraller visiter un hypty^ étrusque, nouveHetrteht décon-
vert , que tous les étrangers allaient voir. Descendus dans l'intérieur
çn (Jcvoir d'eo 4i6s^p^ le^ peiatures; mm le colonel ^ ColQipi^ ,
roQ et r«atre ^^sez Indpéreo&pour Tarcbéologie, le« tois^wt seuls
et se proroenèroot aux eaviroos.
— Ma ché;re, Colomba^ dit le colonel, mm M (eviendropa jaiQais
à Pise à teiops pour notre lunchem. Est-ce quf vous n'avex pas faiin?
Voilà Orso et sa feipme dans les antiquités ; quaod ils se mettent à
dessiner ensomUe, ils n*en finissent pas.
—Oui, 4i^ Coloniitm, Qt pourtapt ils ne rapportant pas un haut de
dessin,
— Mon avis serait, continua le colonel, quç uous allassions à cette
petite ferme là-bas. Mous trouverons du pain , et peut-être 4e TAlea-
tico, qui sait? aiéme de la crème et des {raises, et qons. attendrons
patiemment nos dessinateurs.
— Vous avez raison , colonel. Vous et mpi » ^i domines les gens
raisonnables de la maison , nous aurions bleu tort diç nous flaire les
martyrs de ces amoureux qui ne vîvept que de poésie. i)ounez-moi
le bras. M*est-ce pas que je me forme? Je prends le bras, je mets des
diapeaux , des robes à la modç, j'ai des b^oux ; j'apprends je ne sais
combien de belles choses; je ne suis plus du tout une sauvagesse.
Voyez un peu la grâce que j*ai à porter ce cbAlOM** Ce blondin, cet
ofBcier de votre régiment qui était au mariage mon Dieu! je ne
puis pas ret^r son nqm ;... un grand frisé, xiue je jetterais par terre
d'un coup de poing.,,.
— Chatwortb? dit le colonel.
— Â la bonne heure ! mais je ne le prononcerai jamais. Eh bien !
il est amoureux fou de moi.
— Ab! Colomba, vous devenez bien coquette... Nous aurons dans
peu un autre n^ariage.
— Moi ! me marier? Et qui donc élèverait mon peveu,.. quand Orso
m'en aura donné un? qui donc lui apprendrait k parler corse ? . . . Oui , il
parlera corse, et je lui ferai un boimet pointu pour vous foire enrager.
— Attendons d'abord que vous ayez un neveu, et puis vous lui
q>prendrez à jouer du stylet, si bon vous semble.
— Adieu les stylets, dit gaiement Colomba ; maintenant j'ai un éven-
tail, pour vous en donner sur les doigts quand vous direz du mal de
mop pay^t
Causant ainsi,* ils eotrèrent dans la ferme, où ils trouvèrent sin,
fraises et crème. Colomba aida la fermière à cueillir des fraises pen-
dant que le colonel buvai^de i'Aleatj^Cf). A^.détourd'UAe allée, Colopnba
8.
0
lié REVUE DES iiÉèi MONDES.
àperçiitun Vieillard assis au soleil siiir une chaise de' paillé^' nîhTââe,
comme il séihblait, car il avait les joties creuset, ïés yeiix enfohcéà ; il
était d'iine maigreur extrême, et son immobilité, ^ pèléur, son ringard
fixe, le faisaient ressembler à un cadavre plutôt c^u'à un être ilvant.
Pendant plusieurs minutes, Colomba le contemlpla avec tant dè'curio-
site, qu'elle attira l'attention de la fermière. — Ce pauvre vieillard,
dit-elle, c'est un de vos compatriotes, car Je connais bien à votre parler
que vous êtes de la Corse, mademoiselle. H a eu des tnalheurs dans
son pays; ses enfans sont morts d'une façon terrible. Oh dit, je vous
demande pardon, mademoiselle, que vos compatriotes ne sont pas
tendres dans leurs inimitiés. Pour lors, ce pauvre monsieur, resté
seul, s'en est venu à Pise, chez une parente éloignée, (Juî est la pro-
priétaire de cette ferme. Le brave homme est un peu timbré; c'est
le malheur et le chagrin C'était gênant pour madame, qui reçoit
beaucoup de monde; elle l'a donc envoyé ici. Il est bien doux, pas
gênant ; il né dit pas trois paroles dans un jour. Par exemple» la tête a
déménagé. Le niédeeîp vient toutes les semaines, et il dit qu'il n'en
a pas pour long-temps.
— Ah! il est condamné? dit Colomba. Dans sa position, c'est un
bonheur d'en finir.
— Vous devriez, mademoiselle, lui parier un peu corse; cela le
ragaillardirait peut-être, d'entendre le langage de son pays.
— Il faut voir, dit Colomba avec un sourire ironique; et elle s'ap-
procha du vieillard jusqu'à ce que son ombre vint lui ôter le soleil.
Alors le pauvre idiot leva la tête et regarda fixement ColomT)a, qui
le regardait de même , souriant toujours. Au bout d'un instant , le
vieillard passa la main sur son front et ferma les yeux comme pour
échapper au regard de Colomba. Puis il les rouvrit, mais démesuré-
ment; ses lèvres tremblaient, il voulait étendre la main; mais, fas-
ciné par Colomba, il demeurait cloué sur sa chaise, hors d'état de
parler ou de se mouvoir. Enfin de grosses larmes coulèrent de ses
yeux, et quelques sanglots s'échappèrent de sa poitrine.
— Voilà la première fois que je le vois ainsi, dît la jardinière. — Ma-
demoiselle est une demoiselle de votre pays; elle est venue pour vous
voir, dit-elle au vieillard.
— Grâce! s'écria celui-ci d'une voix rauque; grâce! N'es4u pas
satisfaite? Cette feuille... que j'avais brûlée... comment as-tu fait
pour la lire?... Mais pourquoi tous les deux?... Orlanduccio, tu n'as
rien pu lire contre lui... Il fallait m'en laisser un... un seul... Orlan-
duccio... tu n'as pas lu son nom...
I— »Il^Çj,lçs, fia^2iit j^QUs l(çs 4eux, lui dit Colomba à yoix.bftsse et
dan^ le djaleçté corse. Les rameaui^ sont coupés, et si la souche n'était
pas |)o\]\rrie, j^ l'eusse arrachée. Va, ne te plains pas; tu n'as p^f
lon^4emps à souRrii;. Moi , j'ai souffert deux ans !
Le vieillard poussa un cri, et sa tête tomba sur sa poitrine. Colomba
lui tourna le dos et revint à pas lents vers la maison en chantant
quelques n)Qts incompréhensibles d'une ballata : « Il me faut la main
qui a tiré, Yo^l qui a visé, le cœur qui a pensé.... »
Pendant que la, jardinière s'empressait à secourir le vieillard , Co-
lomba, le teint animé, l'œil en feu, se mettait à table devant le
colonel.
— Qu'avez-vous donc? disait-il, je vous trouve l'air que vous aviez
à Pietranera ce jour où, pendant notre diner, on nous envoya des
baUes?
— Ce sont des souvenirs de la Corse qui me sont revenus en tête.
Mais voilà qui est fini. Je serai marraine, n'est-ce pas? Ohl quels
beaux noms je lui donnerai : Ghilfuccio-Tomaso-Orso-teone.
La jardinière rentrait en ce moment. — Eh bien ! demanda Colomba
du plus grand sang-froid, est-il mort ou évanoui seulement?
— Ce n'était rien, mademoiselle; mais c'est singulier comme votre
vue lui a fait de l'effet.
— Et le médecin dit qu'il n'en a pas pour long-temps?
— Pas pour deux mois, peut-être.
* — Ce ne sera pas une grande perte, observa Colomba.
— De qui diable parlez-vous? demanda le colonel.
— D*un idiot de mon pays, dit Colomba d'un air d'indifférence,
qui est en pension ici. J'enverrai savoir de temps en temps de ses
nouvelles. Mais, colonel Nevil, laissez donc des fraises pour mon
frère et pour Lydia.
Lorsque Colomba sortit de la ferme pour remonter dans la calèche,
la fermière la suivit des yeux quelque temps : — Tu vois bien cette
demoiselle si jolie, dit-elle à sa fille , eh bien ! je suis sûre qu'elle a le
mauvais œil.
Vr, MéROIÉB.
. >'.
N
% ■
BROUSSAIS;
Lorsque TÀcadéroîe des Sciences morales et politiques fut rétablie en
1832 , H. Broussais était depuis long4emps célèbre par la hardiesse
de ses systèmes, le nombre et la valeur de ses écrits» Taccompliss^-
ment même d*une grande réforme médicale. Il essayait alors d*étendre
jusqu'à la philosophie la révolution qu'il avait opérée en roédeciM.
Cet observateur habile, ce réformateur original, cet écrivain abondant
et chaleureux, cet homme supérieur qui, pendant plus de quinze
années, avait rempli la France et l'Europe de ses travaux «t de sa re-
nommée, n'appartenait pas encore à l'Institut. La nouvelle AcadâBÎe
s'empressa de recueillir ce grand nom. Ouverte à toutes les idées,
n'excluant aucun point de départ pour arriver à ces vérités prennàres
que l'homme cherche toujours et que Dieu ne luj livrera peutêtre
jamais, elle admit M. Broussais dans sa section de philosophie où
il fut le représentant le plus extrême d'une doctrine qui semblait être
déjà parvenue, avant lui, jusqu*à ses dernières limites.
C'est donc comme philosophe que j'ai surtout à faire connaître
M. Broussais. Mais je remplirais mal ma t&che et je donnerais de lui
(1) Ceue remarquable élude sur Broussais a ^té lue le S7 juin , par M. Mignet , à la
séance annuelle de T Académie des Sciences morales et politiques. Elle complétera
dignement, quoique partant d'un point de vue opposé, une appréciation des travaux
scientifiques de Broussais qui avait été remarquée dans notre livraison du l«r mai
1199, mais qui était restée inachevée. [N.duD,)
MorssAis. 119
une idée* bien inparfeit», si je me bornais à le présenter setts cet
aspect. M. Broussais n*a été philosojdie qne par occasion et , en cpiel-
qun^ sorte, par déduction. En lui, lé physiologiste a précédé, inspiré,
Sttb{ugQé le penseur, n ftot , dès-lors , chercher ses principes philo-
soj^ques dans ses théories médicales. C'est là que se trouvent son
origtaiaifté et'ses principaux titrera la gloire. C'est là qu'on peut saisir
la mardie de cet'esplît vigoureux, exposer ses^ découvertes dès leur
orIgHiQ; et les suivre dans tout leur développement systématique.
C'est là aussi que liiomme se montre tout entier, convaincu , impé-
rieux, passionné, avec son impétueux courage, sa verve entraînante,
se plaisant à combaUre les systèmes contemporains pour le moins
autwit qu'à établir le sien , et transportant la lutte jusque dans This-
toke, afin d'y renverser toutes les vieilles autorités et de dominer
seul. En un mot, c'est là que M. Broussais occupe une place, dans la
glorieuse compagnie des maîtres de la science, qui lui doit d'incon-
testables progrès.
Prançois^oseph-Victor Broussais naquit à Saint-Mab, le 17 dé-
cembre 177â< Il appartenait à une Tamille vouée depuis plusieurs
générations à l'art de guérir. Son bisaïeul avait' été médecin et son
grané{)ère pharmacieni Son père, qui exerçait aussi la médecine,
s'était établi' à Pleurtuit, village situé non loin de Saint-Malo sur le
bord de la mer. Là s'écoulèrent les douze premières années de Brous-
sais. A part les soins éclairés d'une mère tendre et forte qu'il aimait
extrêmement, et les faibles enseignémens de son curé , qui le forma
suftoot à servir la messe et à chanter au lutrin , l'éducation dé son
eirfiRnee fut fort négligée. Mais il n'y a pas de temps perdu pour les
honMnes d^ime organisation supérieure. Ce que l'éducation ne fait pas
poweux, la nature se charge de le faire, et, en attendant que leur
esprit se cultive, leur caractère se forme.
Cest ce qui arriva au jeune Broussais dont les sentimens se déve-
loppèrent avec d'autant plus de force qu'ils ne furent pas gênés par
les idées. II apprit surtout de bonne heure à ne rien craindre. Son
pèref renvoyait de nuit porter, dans les campagnes, les remèdes quil
avait prescrits à se» malades. Souvent iMgnorait la route qu'il devait
paârooarir, et ilse Mssait alors guider, jusqu'à la chaumière inconnue,
parle- cheval qui y avait^ conduit son père pendant le jour. Le jeune
et in^épide enfont traversait ainsi , sans hésitation et sans trouble,
des bruyères désertes, silencieuses et mal famées s'aguerrissant,
dam ces courses noe^mes, contre les craintes vagues> qui n'eurent
pa9 plus de* prise sur lai c^e lèsi dangers réels. H donna, dès son
4^«^wvn«a«"v^"B9*mPWOTMa ^v ^^^ ■* i • ■ n i i
i^ REVUE DES JSiniCi JHOHDES.
jeune ftge v^ des ]p^?es de Ténergie audaciéitôe ^n'U pocto flaS' tard
dfQ^^J^fîonctoitedelavieetles lutteBdehscienee^; . .n :>
i4Qr8(|Q.11 eut douze ans, sa mère, dont.k teodceose oMrvéjmàb
avait aperçu ses heureuses dispositions, voulut qu'dleftXassentié¥e*«
Iqipées par une éducation libérale. Elle conseutit à se sé^aver de hd^
et il fut envoyé au collège de Dinan. Il y fit ses études dassiquea
e^^ succès. U avait une intelligence vive, une mémoiFe lleunâuBe et
tenace, une réflexion précoce, car l'activité de son esprit n-aynt paa
été jusque-là employée a apprendre , s'était tournée k observer, il
n'avait pas encore terminé ses études lorsque la réivahitmi jéolata. Sa
fomille en embrassa la cause, qui enflamma de ses ardeak^s U^medu
bouillant écolier. Aussi , en 1792 , les Prussiens s'étant aniMés yofi^
qu'à Verdun, et le cri d'alarme qui appelait les hommeik lie. bonne et
de patriotique volonté à la défense es la révolution nenaeée ayant
retenti dePadsjuaqUJaaIood des provinces, Broussais, qui avait alord
vingt ans et qdi «était '«i philosophie, s'enrôla avec phisienrs de ses
camarades, qui {brmèfeirf tane^ compagnie franche à Dioan. Parti
comme soldat^ il se serait promptemeiit dbtingué dans cette carrièrOv
oà le conunandemeHt et 4a gl(âre allaient appartenir sans contesta-^
Uon et sans lenteur aul braves, aux intelligens, aux ambitieuit. Kîeqr
de cela ne lui manquait pour arriver bientôt au premier ong. > < ?
Dans une de ces rencontres auxquelles il assista contrekschouàBSf
il eut occasion de montrer à la fois sa force et son génàreux*eDiisage4
La ccmipagnie franche de Dinan fut surprise et battue. Dans la ftite,
WA des camarades de Broussais, atteint d'un coup de fen,:tOBil^à
côté de lui. La guerre était sans quartier, et l'emiemi se trDnfV|tfr/à
quelque pas. Broussais, au risque d'être pris lui-même, &'arrâtft4
chargea sur ses épaules son compagnon blessé et continua sa rebrmte
un peu ralentie par son dangereux fardeau. Les chouans tirèrent su?
lui ; il reçut une baUe dans son chapeau et parvint à leur échapper.
Arrivé en lieu de sâreté, il déposa son camarade , mais il le trouva
mort. Il n'avait sauvé qu'un cadavre* Son dévouement n'en avait psâ
moins été fort beau, cav/de tdtes actions s'esthnent d'après le senti^
ment qui les inspirai et le danger qa!ilfaut braver pour les accomplir^
Broussais ne' servit rpaa kHig^^^aifis >dans la compagnie» fran^h^ dl^
Dinan, où ilavqt^tiHtemiéjéeFgeùt^Étant tombé ^av«^M inas^
lade, il revint pfès;de'S6ft pafefi)»v'dd0Èt llétait4e>01a!iiniq{ie^«t.qiMi
4l^à Agés, te conjurèrent ^'embiiasàer la profi^icmciMriMKlweid^
^a^tnope. Il s'y déddaetifut admi^sup^eâsivetfkçnt'ÀiJ^h^tit.ét
SfâuMM^lo et à œlui de Brest. Ses :t)r«gi)è0i&iMt»ii|P|defise^^îlt\i^
tiiibttiMAt HDQ èDOMBission de chirurgien sur la itépH&la RsnbwtMéêi
Il était en rade prêt è «partir, lorsqu'on lui remit une kttre du tnalre
dèâsttiit^M'aio>qiH!donjnienfçaitparces emphatiques, mais ieffifayaiAes
parokâ 2 Frémis en TKtffant cette lettre. Elle lui annonçait en effet un
af&teui tnaUieur. La demeure de ses vieux parens à Pleurtuit avait
été envahie par les chouans. Son père avait vainement essayé de s^y
4éfMidrei il y avait été égorgé ainsi que sa fenune par les chouanfir,
qui avaieiiti ensuite mutilé leur corps et dévasté leur maison. En ap-
prenant'Cétte horrible nouvelle, Broussais fut saisi de la plus pro-
fonde donlenf et de la plus violente indignation. Son émotion fut si
forte t qù&ioiique, après quarante ans, cet ineffaçable souvenir se
représeatait àf lui, on le voyait pâlir et trembler comme au jour de
la oataatroplke;
La cause 4e ia révolution à laquelle on venait d^iitamoler ses parens
était déjà celle de ses convictions, elle devint alorsi celle deson res*
sentiment filial. Il lui demeura Mêle toutç sa vie«}il lai servit à cette
époque dans la guerre contre les AnglaB; Tour à tour officier de
santé de deuxième classe et cUrurgieo^major sur la oorv^te F Héron"
dette et le corsaire le BougainvlUe^ il fit aVec soccès plusieurs cai&-
pagnes de mer. Mais il ne pouvait pas rester toujours chirurgien de
. marine. Aussi, après quelques années, quitta-t-il son pays natal, où
ils^'étaituEUffié, pour aller compléter à Paris ses études médicales et
yprendre le grade de docteur.
'»n y ahiva en 1799. C'était une brillante époque pour l'esprit scien*
tifii^ en France. L'école de Bacon, de Locke et de Condillac go»-
tretnail exclusivement les intelligences. L'analyse était plus que son
indûment, elle était devenue en quelque sorte sa religion. Il en était
lésutté un fanatisme de décomposition qu'inspirait le désir de tout
savoir, l'espérance de tout refaire, et qui , accumulant des ruines dans
i'ordre moral , avait créé des sciences dans l'ordre physique. Les mer-
veilleux progrès de l'histoire naturelle, de la chimie, de la géologie,
tles hautes mathématiques, étaient son ceovre. La médecine avot
participé à ces progrès. L'école de Paris, jnsqoe-là circonspecte dans
sa marche, un peu routinière dans ses idé«B, et n'ayant produit aucun
îles génies inventifs et des grande théoriciens qui, depuis trois siècles,
avalent opéré des révolutions dans la médecine, prenait un essor
inconnu. Elle était à son tour illustrée paf de mémorables travaux et
de» hommes supérieurs. Chaussier,' Vun^dô ses réorganisateurs, po-
MiaiiiBes'I^aM^ pky9iûhgigues^ Piœl, dans sa célèbre Nosographie
philôMojikiqnèj proondgliait 4a charte de là fdédecine françiiser^ui
4S^ BEVUE IMBS DEUX MOIIDES.
devait être observée jusqu'à la réforme de M. Broussais;
vain élégant et disciple un peu outré de GondiUac, appliquait le sys-
tème de son maître aux rapports du physique et du moral de l'homme,
et il exposait, dans les curieux mémoires his sur cet important. sujet
à votre classe même, une sorte de psychologie matérielle; Bichat
étonnait le monde savant en lui donnant coup sur coup son Trmité
des Membranes f ses .Recherches physiologiques sur la vie et ia mort,
son Anatomie générale appUguée à la Physiologie et à ta Médecine,
admirables ouvrages que cet immortel jeune hmnme, plein d'ardeur
et de génie, publiait en quelques années, pressé de découvrir et de
produire, comme s'il eût pressenti qu'à l'âge de trente-un ans il serait
enlevé à la science. Tels forent les maîtres de Bronssais.
Il devint l'ami de Bichat, dont les travaux exercèrent plus tard
une influence décisive sur ses propres idées, et il adopta , non sans
ardeur, les doctrines de Pinel , qui régnait alors souverainement en
médecine. Après quatre ans de fortes études, il fut reçu docteur. Il
, prit pour sujet de sa thèse là fièvre hectique. Comme il ne pouvait
rien être faiblement, il se montra imitateur prononcé de Pinel.
Dans sa Nosographie philosophique ^ Pinel, fidèle à la méthode des
naturalistes, avait classé les maladies par genres, espèces, variétés,
comme des animaux ou des [riantes, bien plus d'après leurs symp;
tomes que d'après leur nature. Tout en cherchant à localiser les
fièvres, ainsi que le démontrent les dénominations mêmes qu'il leur a
données, il admettait pourtant, à l'exemple de la plupart des grands
médecins qui l'avaient devancé, des troubles généraux de l'économie
vivante, qu'il considérait conune des fièvres primitives ou essentielles.
Ces fièvres étaient au nombre de six dans la classification de Pinel.
M. Bronssais, qui plus tard n'en admit aucune, proposa alors d'y en
ajouter une septième, la fièvre hectique, qu'il attribua à un désordre
d'action dans les divers appareils, et non à un vice ou à une décom-
position des organes.
Ce qui mérite d'être remarqué dans ce premier ouvrage de M. Brons-
sais, quand on le compare à ceux qu'il publia ensuite, ce n'est pas la
contradiction des doctrines, mais l'identité de l'homme avec lui-
même. Il ne fout pas y voir les maladies essentielles soutenues dans
leur réalité et augmentées dans leur nombre par celui-là même qui
se prononcera exclusivement plus tard pour les maladies locales ; il
faut y apercevoir déjà l'esprit pénétrant et hardi qui a besoin d'in-
venter tout en imitant et de généraliser tout en ignorant. Le sujet
même qu'il a choisi en se demandant quelle est cette fièvre mysté-
'f
MOUSSAIS. 198
riétt^e gui conduit pi^ we consonpition lente, mais inrémédîaMe, nm
trifiies vietimes à ta mort, aonoeee Tkistinct supérieur d'un bomme
qui sait déjà choisir les wm pi^lèmes, s'il ne sait pas encore les
résoudre. OelnHci était fondamental et devait le mettre sur la veie
de ses découvertes et de sa réforme.
En effet , après avoir e»ayé pendant deux années de pratiqua la
médecine à Paris, où il n'était pas assez connu pour réusw to«t d^abei4
et pas assez ricbe pour y attendre le succès longtemps, il tourna sea
vues d'un autre côté. L'urmée kii offituit une dieateàe toute formée
et ouvrait une vaste perspective k SKm talent d'observateur neiéttcal.
M. Broussais obtint , par f influence de Pinel et de son an» M. Desge-
nsfttes, d'être nommé médecin aide-major dans l'armée des côtes de
rOcéan. Il pifftit en lM5pour le camp de Boidogne, dont il swMt les
glorieux soldats à Ulm, à Austertitz et dans leurs couines victorieuses à
travers l'Europe. Il était éminemment propre à être médecin miUtaire.
Robuste, mfatigable, il avait une ame forte, un caractère décidé et un
courage au^<lessus des privations, des dangers et des épidémies, sou«*
veut plus meurtrières dans les armées que les batailles. Aussi montrâ-
t-il , dans son noble et périlleux métier, ce zèle de l'aptitude et de la
passion cpii l'emporte, s'il se peut, sur le sentiment même du devoir^
dent le principe est plus méritoire , mais dont les impulsions sont
quelquefois moins activés et les résultats moins féconds. Il prodiguait
ai»L soldats des soins persévérans et les témoignages de l'humanité
la plus compatissante, car il ne s'est jamais accoutumé à voir souffrir
indifféremment, et il a conservé jusqu'à la fin de sa vie cet heureux
privilège d'une bonne nature que le spectacle continuel de la douleur
et de la mort n'avait pas endurcie.
Mais ce qu'il y eut peut-être .en lui de plus remarquable, ce fut
l'esprit scientifique qu'il porta dans les camps. Le problème qui l'avait
d^ oocupé, et qu'il ne croyait pas avoir bien résolu , se représenta
à lui. « Tous les médecins qui suivent les hôpitaux savent, dit-il, qu'on
y voit une foule de malades, paies, maigres, perdant chaque jour
de leurs forces et «'avançant à pas lents vers le tombeau avec une
fièvre hectique plus eu moins earact^isée et quelquefois sans aucune
agitation fébrile appréciable. Les méditations qu'exigea la compo^on
de mon ouvrage sur la fièvre hectique avaient fixé mon attention sur
ces malheureux trop long-:temps négligés; et sitôt que je me vis placé
sur le théâtre des hôpitaux mUîtaires, je pris la résolution d'étudier
les maladies chroniques d'une manière toute particulière. Lorsque je
voulus chercher un guide parmi les auteurs les plus illustres et aux-«
- «
I ■'
124. REVUE DES DEUX MpNDES.
qa^ la méjdeciQe coqfesse devoir $^s,plu,s gra)^s,,gro^es, je ne
Irov^Yai que confusion ; tout n*était pour ainsi ^ireqf^^ conjectures, t»
U se livra dès^lors à Texaraen le plus attentif de ces maladies peu
connuea. Transporté tantôt en Hollande , tantôt en Autriche , tantôt
en Italie, passant des brumes du nord sous les chaleurs du midi , il
observa les effets de ces divers climats sur des hommes de toutes les
constitutions introduits dans les ambulances ou les hôpitaux, et il
suivit leurs maladies depuis le début jusqu'au terme ^ les rapportant
à leurs causes , décrivant leurs rechutes et en complétant Thistoire
par des autqpsies exactes et concluantes. C*est ainsi qu'en trois ans il
amassa un trésor de faits inconnus et de vues originalps.sur les grands
troubles de Vappareil respiratoire et de Tappareil digestif; il obtint
un pon^ en 4^ ^t.vint à Paris publier ses recherches sous le titre
d'Histoire des phlegmasies ou inflammations chroniques.
Cet Q|lv,YlQLg^,||^p(éri3p^Vle perpétuera la gloire de M. Broussais aussi
long-^mps que )a 3aine.(^servation et la vraie science seront en
honneur. M. Broussais y annonça que la plupart des maladies chro-
niques étaient le résultat d'une inflammation aiguë mal guérie. L'in-
flammation devint pour lui le point de départ de la maladie. Il dé-
. crivit savamment la marche de cette stimulation excessive, qui appelait
le sang en trop grande abondance dans les organes atteints, y chan-
geait les conditions de la vie, et, après avoir introduit et entretenu
le trouble dans leurs fonctions, désorganisait leur tissu môme et pro*
duisait la mort. U montra , contre le système de Brown , que la fai-
blesse générale se combinait souvent dans les phlegmasies chroniques
avec une excitation locale , et qu'il fallait alors hardiment attaquer
celle-ci sans se laisser préoccuper par la crainte de celle-là , qui n'était
qu'apparente.
Ses travaux sur les inflammations du poumon furent très remar-
quables. U s'attacha à établir que les maladies des diverses parties de
cet 8q[)pareil se liaient entre elles, se transformaient à chaque instant
les unes dans les autres , produisaient en dernier résultat des tuber-
cules, et, en devenant chroniques, aboutissaient toutes à la phthisie.
Mais ses recherches sur les inflammations gastro-intestinales furent
beaucoup plus origioali^ ef^ le. coi^duish'ent à de précieuses décou-
vertes. U porta la lumière sur cet obscur et délicat appareil par lequel
s'opère la réparation des forces^ s'élaborent les élémens matériels de
la vie , et dont les désor(faies avaient été jusque^^Ià inoorïiplètement
observés. M. Broussais flt voir qu'il était le siège dé beattioiip de
maladies dont on plaçait le théâtre ailleurs, où que ron i^ônâtdérait
BROtSSAIS. 125
comme générales, if remplit une lacune dans la médecine, et il le dt
avec taht'de^stifetè' éir dé rtesùre, qu'en lisant ce bel outtàgé, (m ne
sait ce/qîi1l fâut'adltiirét !e plus, de Tobservateur pénétlrâtoC c(ri dû
thëorïcîeh circonspect: 'La doctrine de l'irritation était déjà compiîse,
quoique sans excès, dans celle de Tinflammation , d-où M. Broussaîs
la dégagea sept ahs plus tard.
V Histoire des pAlegmasies chroniques n'eut pas tout le succès
qu'elle méritait. A cette époque, les travaux de l'esprit obtenaient peu
de gloire , et un seul homme faisait du bruit. M. Broussais se corisî-
déra comme heureux de vendre 800 francs ses deux volumes, qui ne
trouvèrent que de rares appréciateurs, parmi lesquels il faut compter
Chaussiér et Pinel. Nommé médecin principal d'un corps d'armée en
Espagne, il partit pour la Péninsule à pied , gaiement rempli du sen-
timent de sa force, et décidé peut-être à produire un dystême saillant
et complet dès la première occasion.
Cette occasion se présenta à la paix de iSiUi MéijuMà'lf. !Drous-
sais avait continué assez silencieusement ses tf&vkui^'(i'j, qui Tavaieht
engagé de plus en plus dans des voies nouvelles. CesSdfnft alors de suivre
les armées, et nommé bientôt second piiôfësseur à ThApital militaire
du Val-de-Grace, sur l'indication et par Id crédît de M. Desgenettes (2) ,
n p^hésita plus à se faire réformateur. Le respect qu'il avait eu pour
l'autorité de Pinel , et qui l'avait empêché, comme il l'avoua plus tard ,
dé dire toute sa pensée dans Y Histoire des phlegmasies chroniques,
cessa de l'arrêter. Il tira hardiment les conséquences du principe de
l'inflammation , et il émit sa fameuse doctrine de la médecine phy-
siologique, à la formation de laquelle un incident personnel n'avait
' certainement pas été étranger. Cette anecdote est trop caractéristique
pour que je ne la raconte point.
Pendant que M. Broussais était à Nimègue , il avait été saisi par
une fièvre grave et d'un mauvais caractère. Il reçut la visite et les
conseils de deux médecins de ses amis , dont Tun recommanda les
cordiaux et le quinquina pour échapper à une fièvre adynamique , et
dont Fautrè pensa qu'il fallait recourir aux purgatif pour combattre
une fièvre putride. Embarrassé entre ces deux avis et ces deux trai-
(1) Le seul travail imporlknt qu*ll pùl^Ha ^tiré léOA et iSli , tai m Mémoire tur
' û tireùloH&n dùpitlaite, teindant à fiiré niMâ^'doMiiM^é te$ fMctions du fifie,
'-'• éÊ^kttété^'d»fi^lùnde$l^^impk(Uà^e9^ imprimé difast les Mémoires de la Société
) i I MédJ^k^ tf ôm«l0tMa; .17^^,1 ISli, lom, Y^, P9fl.> t, ât ^iv.
M, ^Ifi) iQifi,*il,jfeQ^plaça |4as,f^ opmiBe premier i^fesseur, lorsque M. Desgenettes
^ , ^uit^ le Yal-dorGraçe pour être inspecteur-général du service de santé des armées»
t^ ' BBVDB DES MCï' MONDES.
9, M. BroUssais n'en suivit aucun. Se croyant en
t avec une fièvre briïlante, et s'assit, presque nu,
pour mettre ordre à ses papiers. C'était au mois
le la ville étaient couvertes de glace . Pendant qile
[ èi ce périHeux arrangement de ses affaires, le»
ardeurs de la fièvre s'apaisaient , un sentiment de f^îchear et de blen-
étre pC?nètrait dans tout son corps. Frappé d*un résultat si imprévu,
M. Ëroussais, pour qui tout était objet de inflexion, c^BngeB son im-
prudence en expérience. Devenu téméraire par esprit d'observation ,
il ouvrit la fenêtre et respira long-temps l'air Troid du dehors. Il s'en
trouva mieux , et il conclut qu'une boisson rafraîchissante serait aussi
salutairP à son estomac brûlant que l'air glacé l'avait été k sa poitrine
embrasée, et il s'inonda de limonade. En tnoins de quarante-huit
heures, il était guéri. Ce fait le frappa beaucoup, et resta dans son
me,
1 science médicale lorsqu'il
ait fait des progrès succes-
it, et sous des influences
ivait presque rien sais! au-
des maladies qui ne pou-
int on ignorait la véritable
counaissoit peu on mal le
corps humain, ce chef-d'œuvre de la création divine, cette matiète
organisée, vivante, sensible, intelligente, qui , sou* un si petit espace
et avec un tissu en apparence si fragile, lutte victorieusement contre
les puissantes forces de la nature physique, se les assimile, et ne
tombe sous leur empire destructeur que lorsque le principe qui
l'anime fléchit ou succombe; ce vaste ensemble d'appareils si divers
qui pourvoient à la conservation de l'homthe et le mettent en rela-
tion avec l'univers entier ; cette admirable architecture osseuse si bien
combinée pour les soutenir ou les protéger; ces muscles st ingénieu-
sement appropriés, par leur position et par leur forme, aux mouve-
mens qu'ils sont destinés à accomplir en vertu d'une mécanique mys-
térieuse; ces nerfs doués d'une sensibilité si variée, qui transmettent
la connaissance des objets extérieurs à l'intelligence et les impulsions
de la volonté on des instincts conservateurs aux muscles; ces vais-
seaux qui portent la substance réparatrice dans toutes les parties du
corps, où, par l'entremise de mille forces diverses, elle subit les
transformations les plus merveilleuses et les plus différentes; ces
grands viscères dont l'un fait le sang par une chimie compliquée et
',{
3aoiJssA|s. 127
gpi ^era peut-être éteroeUement insaistepalble, dont Tartre le pousse
par un mouvement régulier partout où il doit eptretenir la vie ,. et ,
dont le troisième le régénère en lui appxHtant dans ses cellules^ qui
se remplissent et se vident sans ces^e, Tajr destiné à lui rendre jes
qualités qu'il a perdues dans m courte et par ses distributions à tra-
vers le corps ; tous ces organes enfin qui , dans des limites précises et
avec une harmonie admirable, voient, entendent, sentent, se meu-
vent, respirent, analysent, composent, sécrètent sous la direction ^e
la volonté, ou sous Timpulsion d'une puissance instinctive plus balûle
encore que si elle ét^it raisonnée, car elle a rintellîgence qui lui vient
de son créateur ; et , au-dessus de tous les autres , cet organe supé-
rieur qui semble les dominer par 3a place conune par ses fonctions^
qui est le siège et le moyen de manifestation de la pensée à Taidede
laquelle l'homme ne prolonge pas seulement la vie , dont il connaît
mieux les conditions, .mais s'élève au-<lessus d'elle pour contempler
les lois de Tunivers et remonter jusqu'à son auteur.
La science du corps humain , de ses fonctions et de ses maladies ,
fut dès-lors très lente à se former. Elle fut long-temps arrêtée dfi^ns
ses progrès par les mystères qu'elle avait à dévoiler, et souvent dé-
tournée de sa véritable route par l'intervention des autres sciences,
qui l'aidèrent à conjecturer et à se tromper. Ainsi , dans l'antiquité ,
elle s'égara à travers les fausses notions d'une mauvaise physique, et
les diverses doctrines philosophiques qui servirent de fondement à
un grand nombre de systèmes médicaux. Lorsqu'elle recommença ses
efforts originaux à la fin du moyen-Age , elle se laissa de nouveau
entraîner dans des voies étrangères. Elle subit l'influence des idées
dominantes et des sciences en procès. Astrologii^e sous Paracejse,
moitié chimique et moitié mystique sous Van Helmont, tout-^-foit
chimique sous Sylvius (de la Boë), qui transforosa le coq)s hmaain en
laboratoire, mécanique sous Borelli et Boerhaave, qui n'y aperçurent
qu'une machine Jbydraulique, spiritualiste sous Stahl , qui subordonna
toutes les fonctions des organes à un principe psych(dogique , la
science de l'organisation animée fut enfin soumise par Frédéric
HofEmaxin à l'empire d'une force plus appropriée à sa nature, et qui
conduisit bientôt Bordeuet Barthès à leur force vitale. En effet, par
une logique naturelle, on fut alors porté à reconnaître dans le corps
un principe, 4ui n'étant ni matière , ni ame , présidait à la formation ,
à l'entretien , aux opérations des organes en vertu d'une puissance
propre, d'une chimie particulière, d'une mécanique spéciale, et qu'on
appela le principe de la vie, lui donnant ainsi le nom du grand
acte qu'il accomplissait.
iil^: f REVUB DES ;9|EI»i1H«a>BS.
Â|Tiv^ à ç^ priocipe vital, la weim if^l^licfPObatplMA le sqp^
prendre daas son essence eaobée, Bwi» à^'étadi^ÂM^sos; eflMt
visibles Elle fut favorisée dans cette étude par lesidécoui^rtea.wo^
cessives qu'avaient amenées les fausses théories elle^rniêmes, soit
pour se prouver, soit pour se détruire entre^ elles , -et par celles qui
furent le produit de Tobservation et de l'analyse. La oonnai^aanoe
des divers appareils et de leur usage, la découverte de la circulation
du sang par Harvey , et de l'irritabilité musculaire par.Halkr; l'ana*
tomie des organes malades, par Morgagni; l'appréciatioii des tissas
solides, de leur nature et de leur vitalité, par Bordeu et Bichat, per-
mirent de mieux saisir les actes réguliers et les troubles xle la vie» La
médecine avait long-temps attribué les maladies au déCMt d'har-
monie ou à la dégénération des parties liquides du corps,. ce qui avait
fondé rhumQri$m^,av|QC ses nombreuses variétés; mais^ prenant alors
pour point. 4e. déps\i:t, dis, l'action vitale les parties solides dont dépen-
daient la cirç]ui)l^ti9x;k dp, ^pg et les sécrétions des humeurs , elle plaça
en elles seules 1^ ,c,^uses^ (fes maladies, et créa la théorie du soli-
disme moderne* \ i.
La doctrine de TÉc^ssals Srovn, qui eut une si grande fortune à
la fin du XYU!"* siècle., en fut une conséquence. D'après Brown ^ la
santé consistait dans la quantité régulière de la force vit«de; la mcilacHe,
dans Fexcès ou le défaut de cette force. Aussi, ne reconnais^it-^il
que deux ordres de maladies : les maladies sthéniques ou pM* e^ccilA**'
tion, et les maladies asthéniques ou par affaiblissement , et.n'emii.
ployait-il que deux genres de remèdes, les débilitans et les stimolans* ,
Sa théorie était f ussi simple à saisir que facile à appliquer, puisque |e: /
symptôme du mal en indiquait à la fois la cause et le t^iten^ent. .
Elle eut un succès d'abord fort étendu ; mais l'expérience ayant bienr
tdt montré l'exagération de ce système, il fut modifié en France
par Pinel, qui établit une sorte d'éclectisme médical, en Italie par
Rasori et Tommasini, qui opposèrent au stimulisme de Brown la
doctrine du contro-stimulisme. Obéissant à une tendance régulière ,
la science , qui d'humoriste était devenue solidiste, passa du solidisme
général au solidisme local ; ellç étudia l'action vitale et ses désordres
non plus dans r,ensemb\ç)iM:Pûrp^,^iaiâ dans chacun de $es organes»
y cherchant le siège |>Wj(|^y[(|fg[ jde^ ^IfKlies» Les tr^v^ux d^s grande
physiologistes» des/hjoj^ije^ jnj^(jfçips dii^teni^ cwduitjl^ CQ .
résultat; et, lorsque MfrJB^pflçsajp.se fit jréforîpa^ur^jljt^
trine d^rown enti^repppj.^bmp^e,. l'ftîîfi^irtp'piSifl,^^
l'anatomie pathologique en progrè^^ej^ MJoçali^çpid^flja^
commencé^ de toutes parts sans être encore caractérisa,^ ^W^
' f
. 1
le f9piéÊktÊtSÊÂ(tàê^\(!a^'é«m iHtm^ëm et logique de & èciênce', et',
coBiniè il'étaitiéètrepl^àiit'etQl^ changea une tendance eti-^'i
core Vfigal0 m révbkâtcffi'îdébldée, et des idées un peu conftises en ^
système régttlter. 1 • >
Quel fut ce^^tème de M. Broussais? le voici : Haller avait fait res- f
sortir la propriété qu'a la fibre musculaire de s'irriter et de se con-
tracter. Cettb irrittabilité , qui selon M. Broussais était restée stérile
dans la sdenbe;' devint le point de départ de sa doctrine, le phéno-
mène fondamental siu nioyen duquel il fit accomplir toutes les fonctions
organiques i e¥ il expliqua tous leurs désordres. Il établit donc sur
ce phénomène -sa physiologie, sa pathologie, sa thérapeutique, et
même sa pMtèsophie.
Il recoftlmt une force vitale qui présidait à la formation primitive
des tis^u^ dd e^rps. Les tissus une fois formés, cette foince pourvoyait
à leur entretien par une chimie vivante. Celle-ci s'exéèuiait'pàf ren-
tremise de Tirritabilité que les agens extérieurs tels que Talr, la
lumière , le calorique , les alimens, mettaient en éiérdce, et qui pro-
voquait de la part des organes Faccomplissement de leurs fonctions.
Partout de même nature , mais inégalement répartie entre les divers
tissus animés , cette irritabilité consistait dans un mouvement de con-
traction qui' appelait les liquides humains sur le point excité où s'opé-
raient la nutHÛon et les actes de Torgane. Tant que sa distribution
propoi*lionnélle et son exercice régulier se conservaient , les phéno-
mèneis*de la ^ié s'exécutaient avec une perfection et une harmonie
qui GOtiÉitutaent la santé.
Mais lâi lia stimulation des agens naturels devenait excessive ou
défecttieuse, si le poumon était trop excité par Tair, l'estomac par
les alimens, le cerveau par les impressions des sens ou ses impulsions
propres, si la quantité de calorique nécessaire au corps était dépassée,
ou n'était pas atteinte, ou était inégalement distribuée , l'afflux des
liquides surabondait dans les organes surexcités, leurs tissus s'engor-
geaient et s'enflammaient, leur nutrition s'opérait mal, leurs fonc-
tions étaient troublées, et la maladie succédait en eux à la santé.
Cette excitation maladive ne différait pas de Teïcitdtion régulière
par sa natuté, mais par sa quantité. Elle était en plus ou en moins.
Lorsqu'elle était eu plus, elle s'appelait , selon ses degrés, irritation ,
surirfïtalièfy,' ftiOainmètlon ; lorsqu'elle étkit en moins, ce qui avait
lieu râtténi^iftV'd^Àptèà K: Broussalé, èHè se nommait ab-irritation.
L'excè# ët^îlAfi^ée itë tfititértion prôdiiisaient l'altération progies-
me (féd^flto ^lliï'^û^; ët'itor t^ttè altération prolongée, la mort.
130 REVUE J>BS J>WX MONDES.
Toute Dala4ie4[>coyeDaji»t4'aiie e^^citatioo accrue ou isal équilibrée,
commeucait par un organe , et pouvait s*étendre aux autres sympa-
thiquement. Lorsque cette sympathie atteignait le cœur et multi-
pliait ses contractions, elle accélérait la circulation du sang et pro-
voquait la flèvre^ qui était non la cause, mais TefTet d'une maladie.
L'organe le plus ei^posé par la nature de ses fonctions à ^e$ troubles
nombreux et graves était le viscère digestif, que M. Broussais con-
sidérait conune le siège des principales irritations. Aussi la gastro-
entérite était la maladie fondamentale et génératrice de la plupart
des autres.
D'après ce système, la maladie n*étant que l'excès ou le manque
d'irritabilité vitale dans un organe, la méthode curative devait con-
sister à la diminuer là où elle était trop considérable , à l'augmenter
là où elle était trop faible. Les débilitans et les stimulans étaient les
seuls moyens thérapeutiques à l'usage du médecin. Comme les mala-
dies par irritation étaient incomparablement plus nombreuses que les
maladies par défaut de stimulation, les débilitans se recommandaient
dans presque tous les cas. On agissait sur l'irritation de plusieurs ma-
nières : directement , par des substances ayant une propriété spéciale
sédative; indirectement, par la diète qui diminuait l'excitation, par
des saignées locales qui dégorgeaient la partie enflammée, enGn par
l'emploi des révulsifs, qui transportaient l'irritation sur une partie du
corps moins importante que la partie attaquée, et plus propre à la rece-
voir sans danger. Tout s'enchaînait dans ce système : la physiologie
se fondait sur l'irritabilité des organes et son action régulière, la pa-
thologie sur la stimulation désordonnée de cette irritabilité, enfin la
thérapeutique sur sa diminution ou son accroissement pour en réta-
blir l'équilibre. M. Broussais construisait toute la science de l'orga-
nisation vivante et malade avec un seul phénomène, l'irritabilité,
comme Condillac avait fondé sur une faculté unique, la sensation»
toute la science de l'entendement humain.
Ce système si bien arrangé pour l'esprit, si facile à am)rendre, si
commode à appliquer, dans lequel les troubles des organes étaient
rattachés à leurs fonctions et la maladie avait la même origine qi^e
la santé, M. Broussais, qui connaissait la puissance des mots, lui
donna le nom de médecine physiologique. Il fallait l'établir après
l'avoir conçu. H fallait passer de la théorie à l'action et devenir
tout-à-fait révolutionnaire. M. Broussais était propre à remplir ce
rôle. Sans préjugé comme sans déférence, il ne se laissait arrêter par
acRane idée reçue et ne fléchissait pas devant les autorités les plus
BftOUSSAIS. 131
résiliées. Il cro^fflit, cb^e fois, ardemment à ce qu'il pensait. S*être
troinpé précédemment avec enthousiasme ne Pempéchail pas de se
contl^ediré atec résolution, sans qu'il supposât que Taveu de son
erreuf paisée pût ébranler la confiance dans son assertion présente.
Rompre avec ses maîtres et se donner envers eux l'apparence de Tin-
gralitude ne Tembarrassait pas non plus. 11 craigtiait encore moins
d'encourir de nombreuses, d'ardentes inimitiés. Il ne pensait pas que
la vérité dût se laisser entraver par la reconnaissance et s'établir sans
lutte. Il aimait d'ailleurs le combat, et la satisfoction de dominer
au^ft sans doute été moins grande pour lui , si elle n'avait pas été
accompagnée du plaisir de vaincre.
C'est avec ces dispositions qu'il se mit à Tœuvre. B exposa d'abord
son système dans un petit ampbithéAtre de la rue du Foin qu'avaient
illustré les leçons de Bichat. Il s'éleva en même temps contre la pra-
tique incendiaire de Brown et les idées indécises de Pinel. L'un était
à ses yeux un meurtrier qui, s'étant bardiment trompé sur le carac-
tère des maladies, avait appris à tuer avec résolution ; l'autre était un
ontoloffiste qui avait pris des symptômes pour des maladies , et qui ,
incertain dans sa pratique ainsi que dans sa doctrine , se contentait
le plus souvent de laisser mourir. Comme la domination de Pinel
était établie et devait être renversée pour que M. Broussais pût y
substituer la sienne, il s'attacha surtout à la ruiner. « Je sais, disait-il ,
qu'en attaquant ce colosse de la médecine antique , l'école et l'aca-
démie me seront fermées; mais je ne me rendrai pas indigne de moi-
mèm^ par le lèche chagrin de voir mes cadets y parvenir à mon pré^
judicè. » Dans cette lutte, qui fut ardente de sa part, par quel sen-
timent étalt-H dirigé? Écoutons-le encore : « Je ne suis point possédé
de la chimère de l'immortaMté; je désire rendre des services à ITiuma-
ntté autant que mes moyens me te permettront. Mon but est de for-
mer des médecins d'une pratique plus heureuse que ne peut l'être
celle des systématiques à la mode. J'y parviendrai , j'en suis sûr,
parce que depuis douze ans j'ai coutume d^y parvenir, parce qu'aucun
de ceux qui m'ont entendu ou vu pratiquer n'a résisté à la force de la
vérité : j'ose espérer d'en élever un assez bon nombre pour susciter à
l'erreur des ennemis qui finiront un jour par la détruire. »
Ne reconnaît-on pas le réformateur è ces Hères et confiantes pa-
roles? N'aperçoit-on pas en lui la conviction passionnée qui est un
signe anticipé du triomphe? Aussi la nouveauté de ses vues, l'enchat-
nement de ses déductions, la hardiesse même de ses attaques, firent
grand bruit et attir^^t à son cours un auditoire nombreux et en-
9.
ri^ REVUE DJS$ ;9^]E[^,fM0NDBS.
tbQfl^mé* Sç^n enseignement ét^H «i.^gjl^ p^.pjifçlçi ci. xm^ #i
mloïé^ si saisfesante; il réfnfiffit ^es 4dyjei:3aîcc)S ^^:tf|inV<^ véb^
menée et d'esprit , que Taoïpbithéâtre àj^;]^jm^, fdu Flippe put bientôt
plus contenir tous ceux qui accouraient pour VeziteivdrQn II transporta
son cours dans l'amphithéâtre plus vaste de 1^ rue i^^s^Gr^, et put
bientdt le poursuivre d'une manière officielle à l'hôpUal mèmie da
Yakle-Grâce. M. Broussais renouvela à cette époimerje^ merveilleux
succès des plus célèbres professeurs du moy^n^âgÇf. I^si puissante
parole du maître entraînait la persuasion es^l^ée ite& d^sçjpllies. L'irri-
tation était devenue un article de foi médicale ^yf^pts^f^ fa^^atiques et
au besoin ses martyrs, et l'on vit assez fréquemHi^t,|fi^g9stro-entérite
provoquer des duels de la part de ceux qui eq ifo^yfff^i Ws signes
dans toutes les ouvertures de cadavres, et voulaient fS^'o^j crAt
sous peine. 4ç ,ma^* < .t.
Mm ilpç sa.bo^nappint à cette propagation oralq de ^s idées. Il
eut recopii à,ji^n?;>pp|)Uç^té plus étendue, et fit paraître son célèbre
Examen des doctrines tnédicoiles, qui acheva la révolution commencée
par ses conrsu Çe^Uyre^i^mâ a acquis des développemens successiCs,
était à la fo^ i|n Qo4e de règles impérativement énoncées en forme
d'articles, et une histoire critique des divers systèmies qui avaient
précédé le sien. Législateur de la science nouvelle et juge de ia «çienoe
passée, M. Broussais citait à son tribunal tous ses ^^rand^ prédéces-
seurs depuis Hippocrate jusqu'à Pinel, et faisait le procès J^ileM^s
idées d'après la loi qu'il venait de promulguer. U n'e^t ipas 4e peÂipe
à les convaincre d'erreur,, puisqu'il se donnait h la lois CQmmQ l'in-
venteur et l'arbitre de la vérité médicale. Condamnant tour i tour Jes
galénistes, les humoristes, les chimistes, les mécaniciens, les ani-
mistes, les pinélistes, les éclectiques et les empiriques des divers
temps, il montra les vices particuliers aux systèmes qu'ils avaient
suivis en médecine. Son ouvrage produisit l'effet qu'il en attendait.
Il fut lu avidement, car il était écrit avec verve, d'un style inégaU
mais simple, énergjkiue, riche, animé. Il frappa par une science
vaste malgré son point de vue exclusif et par un air de justice que
lui donnait Thistôire dont !1 avait emprunté la forme et Fautorité..
La confrontation snç(;es3ive de la doctrine physiologique avec toutes^
les autres > ^les p^ys^p que M. Broussais ne pouvaii pas s'empê-
cher de mêler à ses idées, y répandaient un inténNi^enquélquesoite
dramatique. Aussi ^qnèb^pie lenovâtetif y^ût cdtpoàé tes théories de
ses devanciers avec la partialité naturelle à ur^advë'rsaîre, quoiqu'il eût
entrepris de renfermer l'observation et la clainoyance humaine)» dans
Phôrtzoiï nëèèfefefîfeniiètttiibtilé â*dn système, 11 eut un plein sutcés,
et bientôt, à'rëiffe de isès Jôtihiâta comme de ses livres (1), de àa cli-
nique attlit des malèJdéy comme de ses leçons, il renversa tout ce qUi
le gênait ei dèraînâ seiil;
En effet, ail bout de quelques années, les partisans de Fancienne
médecine, attaqués, surpris, déconcertés, se turent. Pinel, qui avait
toujours él^ tiniide et dont la théorie était restée indécise, assailli par
son disciple, maintenant son antagoniste, devenu vieux lui-même et
incapable de résister à une pareille fougue et à une aussi pressante
conviction, réTbsa de combattre. Il descendit silencieusement et avec
dignité du trAné hiédîcal qu'il occupait depuis vingt années et où
US. Broussais morlta hardiment, décidé à mieux s*y défendre et croyant
pouvon* totrjotirs y rester. Une jeunesse ardente, enthousiaste, se
pressa autour de lui. Elle se passionna pour ses idées, diont la simpli-
cité était surtout séduisante pour elle, et les transporta des bancs de
l'école dans la pratique médicale sur tous les pdihts^ dé la France. Il
y eut un moment où M. Broussais fit secte.
Mais la pratique est l'épreuve des sysltèitie^, éh médecine surtout.
Pour durer, il ne faut pas seulement qu'ils satisfkssent les esprits; il
feut qu'ils guérissent les malades. La doctrihe de M. Broussais avait
besoin de ce dernier succès afin de se consolider entièrement. Mal-
heui^crsëment pour elle, depuis qu'elle était adoptée, on ne mourait
^IMiS'iàotris, et de méchans esprits prétendaient même qu'on mourait
dàtintkge; On ta jugea à son tour. Tandis que des partisans peu
'ihësûrés la compromettaient en l'exagérant, des adversaires habiles
s'élevèrent contre elle et non sans succès dans un pays où Fon sait
toujours mieux attaquer que se défendre.
Sans lui reftiser une part de vérité et sans nier les services qu'elle
avait rendus sous certains rapports à l'art de guérir, on contesta la
certitude de son principe et l'universalité de son application. On
(1) Outre les ouvrages déjà cités, il publia pour la propagation ou la défense de son
système:
Les Annales de la médecine physiologique depi^ 18S^ îosqu*fn 1834, formant
26 Tolumes ;
Un Traité dé Physiologie appliauée à la patkologfe , IBSi , i vol. în-9>;
Vft CiM^èftMm» â» Va.ihêdeeiné fiiysiokigiqve, oûMOofffie entréim savant et un
jfMffM fiifSlacifi, lasii 1 tûL imS^;
^i J)^ Offmnftffaireii ^es firoposittons d^pathoiù^ù^f^gii^éêsianseEwamendes
fit uh grand nombre de discours, de réponses, de traités, publiés à part ou dans
iék REVUE DES DBfTX MONDES.
prétendit que rîrritation n'était pas rortgîne de tous les trcmbleB
organiques; on soutint avec Bichat que Tétat maladif, loin d'être
Texagération de Tétat sain , avait pour cause des phénomènes d'une
nature opposée à celle des phénomènes réguliers, qui différmefll
d'eux non par la quantité, comme le voulait M. Bronssais, mais par la
qualité; on ne s'expliqua point comment Tirrilation, qui resserrait la
fibre en la contractant, pouvait provoquer dans son tissu, sous on
espace devenu plus étroit, une plus grande masse de liquides et Mre
produire à la contraction les effets de la (Klatation; on ne comprit
pas mieux comment la fibre irritée , tantôt conservait ces liquides
accumulés pour les livrer à la décomposition inflammatoire, tantdt
leur ouvrait passage par Thémorra^e, ayant ainsi ta propriété con-
tradictoire de les retenir et de les expulser. On fîit encore plus éloigné
de reconnaître que l'irritabittté visible et mécanique de la fibre mus-
cidaire pût être confondue, ainsi que le faisait M. Broussais, avec la
sensibilité des nerfs doitft le tissu était immobile, et dont les opéra-
tions plus délicates et en quelque sorte spirituelles s'exécutaient en
vertu de lois d'un ordre moins matériel et moins facile encore à saisir.
Si l'irritaition maladive d*im organe était transportée sur un autre par
l'influence des sj mpathies nerveuses, ainsi que l'enseignait M. Brous-
sais, on se demanda pourquoi , dans le traitement par la révulsion ,
les nerfs n*augmentaient pas l'irritation dans la partie déjà enflammée,
au fieu de rafflalblh-.
Enfin, tout en reconnaissant que M. Broussais avait saisi l'une des
causes les plus générales des maladies , l'inflammation dont il avait
signalé la marche dans les divers tissus; qu'il avait rattaché les mala-
dies chroniques aux maladies aiguës, et plus fortement ramené que
personne les maladies aiguës aux organes qui en étaient le siège;
qu'en les localisant ainsi , il avait rendu leur diagnostic plus sûr et leur
traitement plus régulier; qu'il avait appelé l'attention sur l'impor-
tance et les troubles de l'appareil digestif, avant lui mal exploré et
peu ménagé; qu'il avait introduit plus de tempérance dans les habi-
tudes et, sous ce rapport, perfectionné l'hygiène publique; qu'enfin
il avait enrichi de quelques vérités utiles la pratique générale qui
s avance toujours , grossie de ce qu'il y a <|p fondé dans les divers sys^
tèmes; on crut néanmoins que la nature était plus compliquée dans
ses procédés et dans ses désordres que ne l'avait imaginé M. Broussais,
et qu'il n'y avait ni une seule opération organique, ni un seul genre
de maladies, ni on seul mode de traitement.
M. Broussais avait été un peu trop exclusif. Mais s'il s'était trompé en
' • I , ' -^ Il ■ r
MUHWAI^. 435
ifuebpiefbis les conjeetures aux observatniM^t l'tegnnien-
tation à la certltade, il l'avait Sût à la maaière des grands noyateiirs,
dont les eireurs ne sont jamais que TexagératiiMi d'une vérité, liai-
heuf , da reste, aux siècles , aux nations^, aux hymnes qui ne se trom*
pent pas ainsi ! Ils sont Trappes de stérilité, et ils manquent d'idées de
peur dTavoir des systèmes. Le genre humain ne vît que de systèmes.
Il croit toujours plus qu'il ne sait , et il n'avance qu'en consentant à
s'égarer. S'il ne cherchait pas la vérité avec hardiesse, s'il ne croyait
pas ravoir atteinte toutes les fois qu'il l'a entrevue, s'il ne s'efforçait
pas de l'enfermer dans ces classifications imparfaites que nous appe-
lons sciences , s'il ne soumettait pas les procédés et les créations de
la nature à des formes qu'il est de temps en temps obligé d'élargir et
de 4 refaire, il ne trouverait que confusion dans l'univers où l'esprit
incertain et accablé se perdrait au milieu d'une immensité de bits
sans ordre et d'opérations sans loi.
M. Broussais fut conduit, par la marche de ses travaux , à rattacher
l'honune moral à l'homme physique. De médecin , il devint philo-
sophe. Il appliqua sa théorie physiologique aux actes intellectuels,
et publia son ouvrage de t Irritation et de la Folie, Son but avoué en
composant cet écrit , qui excita beaucoup d'émotion parmi les philo-
sophes et les médecins, et sembla destiné à les mettre aux prises, fut
de rendre la philosophie dépendante de la physiologie. Il parut
comme un conquérant et en armes sur les paisibles domaines de l'in-
telligence, qui changeaient souvent de maîtres, et dont les posses-
seurs n'étaient plus les disciples de Locke et de CondiUac. Ceux^i
auraient pu trouver grâce devant M. Broussais. Il y avait entre eux
et lui d'assez grandes conformités d'opinion sur l'entendement hu-
main , qu'aucun d'eux ne séparait des sens, et que plusieurs plaçaient
dans la matière même. D'ailleurs M. Broussais restait fidèle à leur
école, qui avait rendu de si grands services aux sciences naturelles
en leur recommandant l'observation des faits, l'emploi d'une analyse
sévère, et l'adoption d'une langue exacte. Mais ils avaient été rem-
placés dans la direction des esprits par les savans et brillans introduc-
teurs des théories psychologiques et idéalistes récemment professées
en Ecosse et en Allemagne. M, Broussais regardait ces derniers, aux-
quels il donnait le nom de -kanto-platoniciens, comme des usurpa-
teurs étrangers. Ils avaient fondé en France une école décidément
spiritualiste, dont il repoussait la doctrine, et dont il n'aimait pas le
succès. Cette école, moins dogmatique qu'historique, douée de plus
de discernement que d'invention , proclamait son éclectisme, et met-
aO REVUE Bt^mtDItl^ONDES.
t«t IVngiiMilé de ses (yj^tAem é^m'Wf^ii^<fi^^^i^t^ ttàéê.
BUe puisait ses croyances philos<y][)&lqtiës pm^Mcrù' lé tw^ dé^
«èoles e^ la férification du sens comnmn lui èvif désignaient d'éproiH
fées. M. Broussais s'éleva contre elle àveè toule la véhéinence de son
tarent. Il attaqua ses chefs; qui attirMentBittouF d'edx' la Jeunesse
par la beauté de leur parole et le cosmopoKtismé' raéilie de leur sys-
tème, les peignit se retirant dans leur moi poilr c^naitrë le monde,
se fermant les yeux pour observer, donnant les rêves dé lair pensée
pour les lois des choses, méprisant leurs devancier»,' '^intelligible,
intolérans, superbes. Il leur reprocha de mettre îrtutîlement une ame
dans le cerveau , comme on placerait , c'est son expliefe^îè* , nn joueur
de clavecin à son instrument ^ et de créer une idôlâirfe philosophique
en relevant, écrivait-il avec son fier coloris, lèpdhtkèm de ronto-
logie^ devant le^el il iie fléchirait pas le genou. • '
Il :se présentai comme le restaurateur de Técolè exf^érlmentale et
iHiaIytique)UëtBaeoni de'Locke, de CondiUac, de Tracy, et comme le
€ontiauatewv des ii'avaux de Cabanis. Engagé dans ces voies, il s'y
avança plus loin q^e-tout le monde. A ses yeux, l'homme physique
est l'homme tout entier.' M. Broussais ne reconnaît pas en lui un prin-
cipe spirituel distinct de Télément matériel. C'est par ses nerfs quMI
sent , c'est dans ses viscères que se forment ses instincts et ses pM^
sions, c'est dans son cerveau que s'élabore sa pensée,' c'est tfans son
organisme que réside sa personnalité. Mais ces apparèilS'matérfcfls^e
sont pas seulement le siège de ces phénomènes, ils en <soht iftèauée.
Ainsi la sensibilité est un produit nerveux , la passion est vàt adte
viscéral, l'intelUgence est une sécrétion cérébrale, et le moiett utie
propriété générale de la matière vivante. Voici connnent M; Brons-
sais fut conduit à son système.
Observant les faits intellectuels et moraux dans leur manifesta-
tion extérieure, et n'allant point au-delà de ce qu'il apercevait, il
crut que leur mode de production indiquait leur nature même, et,
les trouvant associés à la matière, il pensa qu'ils étaient identiques
avec elle. Ce qui le fortifia surtout dans cette opmion , ce fut de voir
la sensibilité et linteHigence naître , croître , dédiner et disparaître
avec le corps. Nulles dans l'embryon , ébauchées dans le foetus, dé-
biles chez l'enfamt v progressives eheis l'adolescent , parvenues à toute
leur force diezI'Mùltë, belles diminuent chez le Yieillard, sont sus-
pendues chet rtioinme endortuf , annulées dans IHdi^,^ p^rverlSeS
dans le fou^ et s'anéantissent eiitiètiement torst^u-avirivë le tente ou
50Dt usés les ressorts neiteux detotnècbine'inemrilleus^/liiais^ péris-
sabtei «iii )lei iproAiUUi Jt* J^msm; . en svâvmt YébtoHt iet ioootitei^
tal^Ietdépi^iidanûe) (iùi9i9^slbî|ité^riotelligeace^ trouventèr^gatrâ
de& orgam^ ^ m.^W\iA MO] poft que lea organes soat les iastrumem
icirb9» nécc^wiPes JejlA.aep»i)>ilité et de rintelligence , mais que kr
sensibilité et rjntelUgoiiee «oat les effets passagers de ces organes.-
CoDunent s'Moon^iasa&t d'a{)rès loi ce mécanisme matériel qui
produiwt desixé^iultats ^pooraux? Par Tentremise physiologique de
YeiçjAa^ifmi Qn aej^ppelle la théorie de l'irritabilité en yertu de
laquelle le$ ^^Qs.ç^raes ou internes, appelés modiOcateurs, con-
tractant le$.U$w$wiPffovoH|ttent une réaction des organes, et les solli*
citent à remi^lt J^ur^ fonctions. Cette théorie suffit à tout dans sou
unit^ féc^^ jyj^i ri9nd compte des phénomènes intellectuels qui
sontt d*aprèi».M^ l^^ussais, un.mode particulier d'exciitatiou nerveuse.
Ce mode d'excitation a lieu dans le cerveau. Il est produit par deux
couFans narv4^« l!un externe qui vient des âmsi etj<)ui-l&:met en
comiBunication avec le monde, l'autre interne qui^viAitideatYisoàres
et qui le met en communication avec lui^^roe^r,]ie4item^.kit ap^^
porte l'impression des objets, le second lecisiid^sÂvifjtincïlS/.Provo^.
par cette dou)i>le excitation , le cerveau réagit w verlu de»son inûer-
TatioappQpre^t cl^ange l'impression des lobjete en. idées, la sollicita-^
tiopjd^ ipst^iefa W actes de la volonté. L!opération qu'il accomplit
9f^<aM)Pgtt^ ^ Cf^te de l'estomac qui, excité par les alimens, les
tfansïftTOe.«ni«*ïtei
.it#;<ondotau(idei;ladoctrine physiologique ne reconnaît dans les
^ti^ h^ elU9i8RbUipe3 de l'homme que des produits physiques de
SQ^jcrn^eam Cet^ créature si richement douée sent, pense, se soa^
vioatvîiwgin^t veut, aîme, se dévoue, par suite de modifications
plus ou moins fortes' de sa pulpe cérébrale. Le développement du
cerveau et le» degrés divers de son excitation causait les différences
de ces phénomènes, qui sont les effets éehdonnés d'une opération
unique. Les plus faibles produisent les instiacts, qui aont les débuts
de l'inteltigence. Les plus considérables donnent le génie, qui est le
maximum de l'excitation normale. S'ils âont^xoessi&^i^y a délire, et
91 cet excès d'excitation dure^ il y afXoli»^tL''tiilbéûinité)n'est que le
délïut d'action. du Vovgane inteUoQtttoUietliti wMie n^ que son
i^taliqn w^tedÂve- Qmantà.la liberté daf»4â)^ni)ipaliklns humaines^
<lmfti*apifi;9i«fitde<^jA.y)0l^té<lÎACCp»^ d'âne excita-*
pail8cf«i«tfX§i»${)ldiniQrt«r4fl9dii9«^bQiu f r>u :^
13» BSVCE DES DBCZ ■eNDE&.
Tel «8t ce ^stème dm» ses traits priBeip»». li eflt'shnpte : est-^Ê'
aussi vrai'? La Force et l« hardiesse d'esprit dfiployées poor Lo oow-
stiUire oiï pour le soutenir doivent-elfes noas faire illnsioa sur Isfi»-
gifité de ses fondenwnsY H. firoosstàs a^^il' rnson contre le seoUê-
ineflt unanime de geiwe himuHD et contre l'offinion àpea près géné-
rale des pfailosofrttes, qui place dans le corps on principe spirituel
distinct, quoique dépendant de iHi sons beascoupde rappwts, peiF-
dant lesr union passagère? Est-il possiMe d'admettre Qu'un insbiï-
ment matériel produise seul des effets qui ne }e sont pas, que la
pensée à laquelle H. Bronssais n'aomde pas pins que personne les
attributs de la matière, pnisqu*il convient qu'elle ne peut ni se vou-,
it le résultat direct d'un orgme
if Aveo quelle apparence ce qtà
ce qui est compleie , ce qni est
if et dépendant, ce qui pentMre
)s le temps, sans être soumis aux
e, avec ce qui ne saurait se tro»-
I moment?
des phénomènes sfHritnels sont
lesactes d'un principe de néme nature qu'eux , et que, accomplis, 9
est vrai, à l'aide des sens et du ceneau, ils ne peuvent être perçus,
vodIos. jugés, conservés qoe dans un cen^ indivisible et dés-^ors
immatériel? Comment ne pas convenir que ce principe auquel on
doane le nom de' moi , si on le considère sous le rapport de sa pep*
sonnalité; celui de conscience, si on le considère sous le rapport de
son action réfléchie; celui d'ame, si on le considère sons le rapport
de son existence abstraite, conserve seul l'identité de l'être humain
à travers les phases de la vie, les changemens du corps-, le renonvet-
lement snecessif et total des orfçanes incapables par-ià même de rester
dépositaires d'impressions et d'idées appelées à sunivre à la portion
de matière qui les aurait produites?' Enfin, comment contester que
l'étude de ce principe, de ses facultés, de ses lois, de ses acte», fenne
une science à part , justement appelée psydiologie et différente de I»
physiDlogie on science de corps, ponr le compte de laquelle H. BKm--
sais se montre trop exigeant par une habitude de m^r fortiâée de
toute la puissance d'Ufi-gystème.
Le premier consul demandait un joui à un illustre géomètre pour-
quoi il n'avait pas parlé de Dieu dans son système du monde, a Cest),
répondit-il, parce que je pouvais me passer decc^ hypothèse^ w
M. Broussais a cru pouvoir, en traitant dC' Thorame,- se- passer à sM-
BROCS&AIS. 139
tour de Thypothèse de Tame. Lui qoi recoonait un souverain auleur
à fûnivers ,' lui qui a dit : Je sens qu*une intelligence a tout coordonmé,
B^anrait-Jl |ias dû apercevoir qu*U est aussi difficile de rejeter Famé
4u corps que d'ei^clure Bieû du monde; que le corps ne peut pas plus
se passer que le monde d'un ordonnateur spirituel qui possède et qui
dirige ces nobles lacidtés à Taide desquelles nous comfprenons tes lois
des choses et des êtres, nous aimons la justice, nous faisons volon-
tairement le bien , et nous nous élevons jusqu'au sacrifice réEéctd de
DOoS'^nèùieB?
L'ouvrage sur Virritation et la folie, qui engagea M. Broussai^ dans
une polémique mémorable avec les psycbologistes, parmi lesqueJs il
rencontra d'halles adversaires et de redoutables argumentateurs ,
fiit la conséquence la phis eitrème et la plus logique du sensualisme;
mais il ne mtrqua point le terme des travaux de M. Broussais. Cet
homme infbtipble et hardi ne pouvait ni s'astreindre au repos, ni
s'enfermer dans les opinions reçues. Aussi, après avoir épuisé ses
propres idées, lui était-il réservé de prendre en main la défense d'une
doctrine qui lui était étrangère, à laquelle même il n'avait pas été jus-
que-là favorable, mais qui avait sans doute à ses yeux le double mé-
rite d'être originale et contestée.
Pendant que M. Broussais concevait, propageait, développait sa
doctrine de l'irritation , il s'était formé un système à beaucoup d'égards
diffi^nt 4u sien sur le mécanisme et la philosophie du cerveau. Le
célèbre et ingénieux docteur Gall ne s'était pas borné à foire de cet
organe le si^, rinstrument oa même la cause de la pensée. Doué
d'un rare esprit d'observation , il avait cru remarquer que les penchans
^ les facultés des êtres correspondaient à un certain développement
de leur crâne. Il avait pensé que les instincts conservateurs, que les
sentimens affectifs, que les besoins moraux et religieux, que les dis-
positions de TinteMigence résidaient dans des régions particulières du
cerveau qui leur étaient respectivement affectées. Procédant à cette
distribution graphico-morale du cr&ne, il avait attaché chacune des
facultés qu'il avait observées à un organe spécial, et avait assigné à
cet organe une place déterminée par le relief qu'il projetait sur la
i)otte osseuse dont la forme, suivant lui, était modelée d'après celle
du cerveau. Le nombre de ces fiacHiltés qui s'est accru depuis, s'éle-
vait d'abord à vingt^huit. Comme pour les saisir dans leurs saillies
extérieures , GaH les avait remarquées chez les individus qui les pos-
sédaient avec excès; il avait été ameiië à leur donner des noms qui
VA BEVUE D^.WPI(i|IONDES.
étaient quelquefois ceux de do8 qoaUtia e^ awH^oweqt eeimdeiiQi
vices. ^ ;,.,■; .
Son ami, son disciple, son continuateur^ /Sp^rzbeim;, rçctifiant
en cela sa nomenclature , n'avait vu dans les organes du cerveau que
des forces pures, qu'il dépendait de rbonune de rendre utiles par une
application régulière et intelligente, dangereuses par un emploi dé-
raisonnable et exagéré. 11 les avait désignées par le nom abstrait de
leur destination générale, au lieu de leur appliquer le nom de l'usage,
et souvent même celui de l'abus qui était fait d'elles et que Gail leur
avait d'abord imposé. Ainsi, pour en offrir un eieraple, il avait
appelé dans son langage un peu barbare , organe de Vacquisimtéy
celui que Gall avait appelé organe du vol, et organe de la deUruc^
tivité, celui que Gall avait appelé organe du meurtre.. Cette science
qui avait peut-être quelque réalité dans ses grandes 4ivj[sions du cer-
veau, si elle avait été fondée dans tous ses détails, aurait eu une
véritable commodité pour les observateurs et pour les honnêtes gens.
Elle leur aurai^montré le cerveau des hommes comme un livre ouvert
et prophétique où, des yeux claîrvoyans auraient pu lire les destinées
écrites d'avance dans les organes.
M. Broussais avait été d'abord contraire à la phrénologie. Il l'avait
repoussée , parce que les proéminences osseuses ne correspondaient
pas constanmient , d'après lui et d'après beaucoup de physiologistes,
aux circonvolutions cérébrales qui , de leur côté , n'indiquaient p^
toujours les aptitudes dominantes, parce que l'action du cerveau
mettait plus de différence entre les hommes que la quantité de sa
masse; parce qu'en réduisant à vingt-huit ou à trente le nombre 4eB
organes, on les circonscrivait trop en comparaison des penchans de
notre instinct et des facultés variées de notre intellig^ce; parce qu'il
fallait alors recourir à des subtilités continuelles pour expliquer par
des combinaisons d'organes les penchans et les facultés qui n'avaient
pas d'organes propres ; parce qu'enfin tout le concours de l'appareil
cérébral n'existait plus pour l'accomplissement de chaque phénomène
forcément isolé, et qu'on ne reconnaissait aucun organe régulateur
dans le cerveau qui ne restât livré à la {dus confuse anarchie.
Malgré la valeur et le souvenir de ces objections, M. Broussais de-
vint partisan de la ph]:énQlQgie à la fin de sa vie. Après la révolution
de 1830, une justice tardive avait été rendue à son mérjte cpnune àqa
renommée. Le gouvernement nouveau avait créé pour lui une chaire
de pathologie et de thérapeutique générales à la Faculté de H^edne
< 'M '<
dé PètHs'tl), àVMdAétiSé c^Si^iemtes morales et pofitiqtiéè'; dès Son
rétablissement, Tavait appelé dans sa section de philosophie. Ce fdt
vers eette épO((tlë4titrM. BrbAssais se fit le chef de Técole phrénoto-
gique, privée de sè^ detnr fondateurs. Au fond , il y avait beaucoup de
rapport entre la lo<^1isatîovi des facultés humaines dans le cerveau et
la localisatiob dei^ maladies dans les organes. Ces deux systèmes
étaient le résultat de la même tendance et signalaient dans la science
une sorte d'an^hie; le premier, en établissant dans le corps une
répubteque d'organes sans unité; le second, en plaçant dans le cer-
veau une ré|yribH((ue de fîacultés soustraite au gouvernement supérieur
deFame.
Cette analogie ne fut peut-être pas sans influence sur la nouvelle
conviction' dé M. Broussais. Quoi qu'il en soit, il trouva la division du
cerveau en oîqgànes distincts plus adaptée à là variété de ses actes et
à leur nature, selon lui, matérielle. Il renonça donc fr TinditisibiKté
de l'action cérébrale, et consentit à transporter, dans la partie posté-
rieure et à la base du cerveau , les instincts qu'il avait jtisqtie-là placés
dans les viscères. Mais, en refusant désormais à céUl-d la fiiculté de
produire les passions, il leur accordait toujours le droit de les exciter.
Après avoir adopté la doctrine phrénôlogique, M. Broussais mita son
service le talent , Fardeur, la verve, l'activîté qu'il conservait encore.
Introduite dans ses mémoires académiques , propagée par lui dans
Httk J6urhal, professée dans des cours où il retrouva l'animation de
parole, l'affluence d'auditeurs , et les succès éclatans de ses plus cé-
lèbres années , cette doctrine obtint les derniers efforts de son esprit
fattigué et de sa vie défaillante. Il s'en fit le représentant et le défen-
seur ââni9 notre Académie. Assidu à nos séances, facile dans son com-
merce, attentif aux idées d'autrui tout en étant fort arrêté dans les
siennes, il prit part à nos travaux tant que ses forces le lui permi-
rent. C'était un excellent confrère que nous devions avoir la douleur
de perdre trop tôt.
11 était depuis long-temps en proie à une lente et cruelle maladie,
sous laquelle son corps s'aflhissait chaque joiur sans que sa mâle
vigueur fléchit un instant. Moins d'un mois avant sar knort, nous l'avons
vu, pèle, exténué par la souffîrahce, Unafs soutehu par Fénergie de la
volonté, vfenfrtme dernière^ fbis ad îftHlëti 'dé ikôus expbser et dé-
fendre, avec une parole aussi derme tqde isôti àme, les convictions qui
(1) M. Broussais fut nommé plus tard Inspecteur-général du service de santé des
armées, et commandeur de la Légion-dHonneur.
^1^ MmiDBS.
i le d|6tnv4«tt spnfxlewe^ «yi^ fait
eu connaissait tAu(« la invité eteo
avec pliia de sagacité et de ^aeg-
ir BUT w autre. Il m tenait un jo^-
pait sftns.surpri6e et sans pUinle des
Bces vives, des ojténttiQOS cnieU^,
KHI, s'élevant aïKkssus de l'bannie.
ience que de sa douleur,
à la fifl, De laissapt échvppsr aiKHoe
1 alla passer les trois derniers jours
Pans. Malgré son extrême aflatUis-
iller. U dit;tait encore un ipépoire
r. Mais il fut bientôt ma par les
de la mort. Une organisation aussi
■: par le mal, ne pouvait pas se brider
I coup comme un déchirement inté-
ur son lit eu poussant un grand «ri ,
s, puis il retomba. Le moment iu~
[it un dénier mouvament, et d'une
sa lui-môme ses paupières sur ses
lais.
38, à r&ge de soiiaote-ûx ans,. cet
e qui poursuivait ses recherches £ur
l'une maladie mortelle, et dont l|ac-
à l'heure du repos étemel. De ain-
oères regrets et d'universels hommages s'élevèrent de toutes parts.
M. Broussais les méritait également, li n'était pas seulement supé-
rieur par ses découvertes et par ses ouvrages, il était bon, simple,
cordial, attachant. Ce rérormateursiin^itable, cet athlète «i impé-
tueux, cet adversaire si violent et si altier, était, dans les habitudes
otdinaires de la vie , le plus bienveillant et le plus facile des hommes.
La nature, qui lui avait donné une grande vigueur de corps, une rare
puissance d'eeprit, une énergie indomptable de caractère, avait ajouté
à ces fortes qualités des dispositions aimables et douces. Elle lui avait
départi beaucoup de bonhomie, uo fonds inaltérable de gaieté, une
générosité compatissante. Il ne pouvait ni faire ni voir souifrir. S'il a
souvent attaqué, il a'a jamais bu. Il ne déte^it, dans ses adversaifes,
que leurs théories. Ses colères comme son orgueil se renfermaient,
A ce qu'il croyait du moins, dans la science, et tenaient surtout à
l'amour qu'il portait à ses idées et à l'ardeiH- mime de ses convictions.
bbÎoussais. 143
Entraîné par la partie la plus noble et la plus élevée de la science ,
il en avait négligé l'application et dédaigné les profits; il avait surtout
exercé dans les camps , au milieu des ravages de la guerre et des
épidémies, n'ayant eu de la pratique médicale que les dangers et
l'héroïsme. Aussi , le médecin qui couvrait la France de ses disciples,
et remplissait l'Europe de son nonÉ, après trente ans d'exercice et de
gloire , est mort pauvre; cette passion pour la vérité lui faisait cepen-
dant porter trop de fougue dans sa recherche, et le rendait moins
difficile qu'il ne l'aurait fallu sur ses preuves. Son esprit, qui était vif,
pénétrant, ferme, créateur, n^afaitpas des^pimédésasiei rigoureux;
il ne se posait pâà toujours bien les problèmes, et il se contentait
souvent de solutions imparfaites, parce qu'il observait bien et qu'il
concluait trop. Chercher et croire, affirmer et combattre, tels étaient
ses besoins; il ne savait ni douter, ni hésiter. De là venaient à la fois
ses imperfections, son talent, sa puissance, ses succès; il y puisait
un style aux allures animées et libres, coloré, abondant, inégal,
énergique; il y trouvait l'inspiration de ces livres qui intéressaient
non-seulement par l'exposition de ses idées , mais par l'émotion de
ses sentimens, car il y mettait à la fois ses systèmes et sa personne.
M. Broussais a eu un génie inventif; il appartenait à cette généra-
tion vigoureuse et créatrice qui s'occupait un peu moins que la nôtre
de ce qu'on avait pensé dans les siècles précédens , et qui découvrait
un peu plus. Aussi, le nom de Broussais demeurera inscrit à côté
des grands noms dans la science qu'il a cultivée, honorée et perfec-
tionnée.
HiGNET.
eus RE YUBf IPSI l^HSPr :4MIfDBS.
«néÉliiaprès kd aroir lavé }e$ pieds^ il.^lBiroqne^ leMM âfevnq^.
lie idteuiitaii ivodeotie alors de chanterrftMn^île b^^ dt U cade gwv-
rière : «Achève, lui dit-il, le poèniddiirisriitefiBiiàilK iuAliiloiigf-
tmnps quelea mioots s'appuieroot «ir leurs «bi^èffV'>et que 'les flfftves
fMirsuivront leurs cours, le Raaiayana sera répété' faphubquflbè d€8
Jununes, et, tant que le Ramayana durerai, ttesTUondesiDisiste
fierviront d'asile. » '^ < ' •'
Que peut être uoe œuvre ainsi imposée par la religion ; slcen^est
OUI acte du culte, une épopée sacerdotale? Tel seca^en effot, le^arac-
4ère de cet ouvrage. Mélange du prophète et iki goerrîerv il tiendra
du Coran et de llliade. Ce qui manque aux dviiisittîoDfrtgrecqiie,
xomaine, moderne, se découvre dans la seule feÎTfliBvtten indienne,
^n poème épiquei mé de l'inspiration de la caste dtes^ piètres* Dans
riUadevqutestvoisikie de cette antiquité , coiiddienld' principe de
fJDspicatidn ulest^li pas différent ! Homère est enùèremeiit effrenobi
<la géme* dui saoèrddoè. C'est un vieillard qui va librement de ville
'en vflle; '«OU' un j^rèlre attaché à un sanctuaire. «Chante, déesae, la
< colère 4' AchiUev î> voilà ses prenlters mots. C'est lui qui commande
et s'impose à son dièu; c'est lui qui Taiguillonne. U règne dans son
^uvre, et, par ce débuts on sent déjà que l'art grée a conquis une
pleine indépendance. Il dispose à son gré des évènemens et d^
traditions; il les change comme il lui plaît. Les deux mdme Mû
.sont soumis, car il les orne à sa fantaisie; et toujours orthodoxe,
pourvu qu'elle soit belle , sa croyance renferme déjà tm sceptioiMie
prématuré. Dans l'épopée indienne, au contraire, le poète est^sonnits
en esclave au dieu qui le visite et lui prescrit son œuvre ^ comme
un rituel liturgique. Il se prosterne la face contre terre au seuil de
son poème; le caractère du génie oriental est ainsi replanté dans
-ce premier dialogue de Yalmiki et de Brahma, du poète et du dieu;
ou plutôt il n'y a ici ni poète, ni artiste, ni poème, mais un dieu, un
prêtre, un sanctuaire, une cérémonie solennelle, l'offrande dé la
parole harmonieuse; car œs épopées sont placées au rang des
livres-sacrés : elleâ iont potlr les Indiens ce que le Coran est pour les
mahométansv l'Évangile pour lesdirétiens. C'est sur ces livres ouverts
que se prètentHes sednens daQ» les actes de la vie civile et politique;
et ce caractère sacré peut^ili être 'exprimé'arec plus de fom^ tpiedbuis
les vers suii^nsi: aiGeiiiirquilliia le récit de»Mtk>os d^iRama Mm
délivré de tous ses péchés ; il sera exempt de tout malheur dans la
personne de son 8Is, Aer son petit^^.. Heureux qqi « éooutantde fia-
mayana, l'acompris jusqu'à la fin theuDenot qtû'iôuIemaBtl'ahi ju»-
: — mil 15 ifiuuiutr ■ "' H5"
grecs, it dissipe, à son souffle, le moyen-Age, et crée la renaissance.
Quelquefois ce sont des modernes qui, le iendemain de leur appari-
tion , retombent dans l'obscurité et sont comme s'ils n'avaient jamais'
été. Hais leur action, un mqment suspendue, n'en est bientôt que'
plus puissante. Tel fut Sbakspeare. S'il est oublié par le xviu* siècle,
il revit de nos jours, et cette résurrection a provoqué en partie celle de
l'Allemagne : en sorte que ces hommes peuvent être regardés comme-
d'ardens messagers qui, de loin à loin, viennent marquer l'aurore-
des grandes journées du monde intellectuel. Aujourd'hui, l'Europe
est lasse; el)erl'^vûiie elle-mâme. Parcourez l'Angleterre, l'AUemagne,
la France; pM-iout/aVecdes visages divers, vous trouverez , haletant
et vivant d'une même ombre de vie , les hommes attachés, non au
présent, mais à l'attente d'une chose qu'ils ne savent comment
nommer. Virgile, Homère, Dante, Sbakspeare, ne suffisent plus à
repaître ces esprits magnifiques. 11 fondrait, disent-ils, de nouvelles
sources d'eau vive pour nous assouvir dans notre désert moral. Et
voilà qu'en effet soudainement jaillit du rocher un flot d'inspiration
qu'aucune génération n'a encore détourné k son profit; voilà que
des noms jusqu'ici ignorés sont prononcés, des langues, des religions
perdues sont découvertes, des dieux retrouvés. Une poésie inconnue,
la poésie indienne, commence à se révéler. Par-deli l'Homère grec ,
un Homère indien se montre à l'extrémité des temps, puisque les
critiques les plus modérés placent sa naissance mille ans avant le-
Cbrist. HAtoDs-Qous donc de nous tourner de ce cAté; voyons ce qne-
peuvent être une Odyssée, une Iliade au bord du Gange. Qu'avons-
nous de commun avec ce génie que le temps et l'espace ont mis si
loin de nous? Que faut-il en espérer iwur l'avenir? Quel bon ou
mauvais augure en tirer? Virgile et Homère ont prêté quelque chose
de leur vie aus siècles de Léon \ et de Louis XIV. Quel siècle naîtra
au souffle de cet Homère du golfe de Golconde?
L'Inde, comme la Grèce, a deui épopées principales. Sous les
titresduftamayanaetduM ;son Odyssée.
Si l'étendue des œuvres fai tte littérature
serait , sans contention , le le moindre
de ces poèmes renferme ;. Le tiers du
Ramayana a été publié d lans le trajet
dès Indes en Europe, le v de cette car-
gaison fit naufrage. Le p le parvinrent
seuls en Angletene; il y a, quelques années seoLemrat, William.
v^ REVUBf MSrMOC'ilMDES.
tea^ps Qftt ceUe dt U reMiMUUse orwoÉile^ a uiilmpiii^WBe éAHM
complète des deux épofiées. Cette ipidriieitien 'Hfesb poM temil^
née, ea sorte qne, daiM Tétat actuel .de It'CiM^, -ci^-gmides
masses de peéde sont encore, en pstie, iveoiniMs. CotoMes de
Th^>es, eosevelis jusqu'au bout dan» tes sabiw, on n*apeiti^ qoe
leurs diadèmes. Cependant les fragmena mi» à éico&vett aifflieilt
pour déterminer le genre et lectfraetère de renaciiiMe, denëme tpué,
sur une partie d'ua animal perdu , les naluralistei veoompoaent le tout
yivant dont elle a été détachée.
La forme de ces compesitiens exclut l'idée d'une andf se titténiie.
S'il fallait ici marquer le <»ractère du poème d'Amate^ Tainement
voudrait-on suivre un à un tous les pas de ce ^énia iMpvioieux. A
peine entré dans le labyrinthe enchanté, on perdiait le fil qui échappe
souvent au poèteiJluirmème« Or, le sentier vagabond é'Aiioale est une
voie droite et dassique auprès de ceUe du poète indien. Pénétrerons-
nous donc, au hasard^ dans cette irameaae forêt vierge, et soivron»-
i^ous tous lessentîeiv que nos yeux reacoiiUwont? KenMt nous
serions égarés sana espoir, s'il est vrai que To» m peut mieux expU*-
quer Texubcranoe de ces poèmes qu'en la conparanl à celle de œt
arbre Indien dont les branches, en retombent à terre, s'y attachent,
s'y divisent, s'enracinent, poussent des rejetons cpii devieonenit
eux-mêmes des arbres, lesquels se ramifient de nouveau, et, gei^
mant, se reproduisant, se raukiplîattt ainsi en chaque endroit, (bn-
ment une forêt qui n'est, pour ainsi dire, qu'une seule plante d^oà
s^exhalent toutes les harmonies d'«m mime continent, parftmis vivant,
murmures, bourdonnemens de la nature des tropiques. Où est le
germe , où sont les branches , où est le tronc de cet arbre hifini? D»
même, dans ces épopées, chaque incident tend à devenir un poème.
Que ferons-nous pour ne pas nous perdre dans cette immensité? Noos
imiterons les Européens, quand ils veulent s'étd^lir au sein des forêts
vierges des grandes Indes. Ils se hâtent d'y tracer de longues voies
droites qui aboutissent à des points d^à connus. J'établirai ainsi
plusieurs divisions dans l'ex^nen de ces épopées, encore immaculées
comme les savanes et les forêts où le condor et le boa ont seuls îus^
qu'à présent fait leur séjour. Je rechercherai les rapports de cette
poésie avec son auteur, avec la religion nationale, avec la nature
asiatique, avec les institutims civiles et l'histoire des indefi en général.
D'abord je veux savoir quriie a été te«ondJticln éa (poète tai-iwêmew
^lU^mk^M^^/MÊûMs^itt 4iotoQ<aiè6le ne pastem pAB Mis ^lue ëie
HMi|«etMÎtiiif«iibà ofttérieceiix d'Heoière, 4e Béokt 6t de SbtAsr-
.ffifiHQ, mt^y^knUêi aaljieJâtfm^Ue de cem qui Yégaraeût toute une
imiimtim. GofÊmaoi anl^il ^u¥ coiaignt i^i^il composé son
t^VfiiigeS Ges^HiertiMB sontinésobies |»r le fait, dès le début du Ra-
«majWMi iCdlte épei^ CMune celle ^ Dante, met d'abord en scène
la peir$pnoe du poète. R^iré sous les ombrages d'une forêt sacrée ,
dé& les ^emte» «vas il se prépare par une longue purification à
rinqûfatiaQidiwie. Tout annonoe en lui un homme de la caste des
.prêtres , qui épure son esprit pour le rendre digne de produire le
^poème natîooaL âta Indes. Son sanctuaire est dans le fond des tallées.
Jl fait 86S aMnIîMs dans les eaux divines du Tomosa. Ses disciples lui
iapporteolau bofd du fleuve ses vétemens religieux , et, quand il sort
Hies flots, ^on equrit sans tache est prêt à reproduire fidèlement les
images împéiisaaMes que les dieux voudront y imprimer. Qiri ne YOft
rie sens profond caché dans oe début? Où esti'lmtarme qui, avant
4'aocomplir sa tAcbe, o*a besoin d'une ablution ^intérieure? Où eit
celui qui ne s'est baigné dans le flot des douleurs humaines avant de
recevoir, selon Tes^ession orientaie, la seconde vie, c'esté^lire celle
4e Fiospiration? Où est le fdiUosophe, l'artiste, qui n'a une fois, au
moins, lavé la poussière de aea rêves au bord des lacs immaculés et
intffftiQbi son front dans l'abîme insondable? Tout poète, avant de
aomiwncer son œuvre , ne se recueiUe^Hl pas dans le secret des
(fpiétsou'dans le secret de son cœur: Byron dans la mer des Cyclades,
Mn des bruits de l'Angleterre; H. de Chateaubriand dans les forêts
•de l'Am^ique du Nord; avant eui, Camoëns, dans la solitude de
l*Oeéan; MiUon, dans la solitude des ténèbres; Dante, dans la
«olitude plus aveugle de l'exil? Les peintres du moyen-âge, plus
poètes eiHSore que peintres, s'agenouillaient avant de prendre leurs
^oeaux, et ib commençaient par adorer en eux-mêmes l'image
qu'ils allaient représenter- C'est-4-dire que nul n'entre dans le
royaume de la poésie, de la philosophie, de la raison , sans passer par
luie épreuve quelconque, et cette idée est inscrite en traits ineffaça-
liles au seuil même de l'épopée indienne.
La scène- suivante aehève de donner à ce début toute sa valeur. A
peîoe le poète indien s>'esMl préparé par la prière el la macération ,
à peine esMl panraou à llétat de sainteté, que le dieu suprême
Brabma desaandxlea hautews du riel et.v>iest le^risiter dans sa hutte
dftlaiiiUAiei VaUnULi^e^nieoBBàtt à Iravera ses traits mortels. II se
prosterne pmir l'adorer; puis, lui présentant un siège fait de bois de
10.
eus RE VUR{ ipSi l^BOI ^MinOBS.
«néàliiaiirès kd aroir lavé }e$ pieds^iilfiyBiroqne^ leMM âfevnq^.
lie idîeuitaii ivodeotie alors de chaRter'ftMn,<le b^^ dt U cade gwv-
rière : a Achève, lui dlt-il, le poènié diirittiiteffHaitalk AusLtongf-
tapaps-qnelea moots s^appuieroot mr leurs fbiÉfliv->et quelles «if ûves
fMtrsoivront leurs cours, le Ramayaoa sera répété' faphubouehë des
jMmmes, et, tant que le Ramayana durera v Mes mondes joisis te
serviront d*asile. » ,i. . . c
Que peut être une œuvre ainsi imposée par la rdigioMi; atce n^est
•un acte du culte, une épopée sacerdotale? Tel sen^^enieffot, leicarac-
4ère de cet ouvrage. Mélange du prophète et du goerrierv il tiendra
du Coran et de llliade. Ce qui manque aux ci¥i]i9ittioDa ipnecque,
romaine, moderne ^ se découvre dans la seule civilisatten indienne,
^un poème épicpiei mé de Tinspiration de la caste dtes piètres* Dans
TUiade,) qui est voisine de cette antiquité, combien le principe de
rîDspicatidnulest^il'pasdiffiéreot! Homère estentièremeiiteffraBobi
<la géoie^dut saoèrdooô. C'est un vieilliffd qui va librement de ville
'en vflle; «on un j^rèlre attaché à un sanctuaire. «Chante, déesse, la
t colère 4' AchiUes i> voilà ses premiers mots. C'est lui qui commande
•et s'impose à son dîèut c'est hii cpii l'aiguillonne. U règne dans son
^uvre, et, par ce début, on sent déjà que l'art grée a OMqnis une
pleine indépendance» Il dispose à son gré des évènemens et des
traditions ; il les change comme il lui plaît. Les deux même Mû
.sont soumis, car il les orne à sa fantaisie; et toujours orthodoxe,
pourvu qu'elle soit belle, sa croyance renferme déjà un sceptloiMOe
prématuré. Dans l'épopée indienne, au contraire, le poète est>soimiis
en esclave au dieu qui le visite et lui prescrit son œuvre , comme
un rituel liturgique. Il se prosterne la face contre terre an seuil de
son poème; le caractère du génie oriental est amsi représaité dans
ce promis dialogue de Yalmiki et de Brahma, du poète et du dieu;
ou plutôt il n'y a ici ni poète, ni artiste, ni poème, mais un dieu , un
prêtre, un sanctuaire, une cérémonie solennelle, l'offirande de la
parole harmonieuse; car ces épopées sont placées au rang des
livres sacrés : elleâ sont pour tes Indiens ce que le Coran est pour les
mahométans^ l'Évangile pour lescbrétiens. C'est sur ces livres ouverts
que se prêtent- lessednens daQ» les actes de la vie civile et politique;
et ce caractère sacré peut^ili être exprimé'avee phis de féfcetpiedafls
les vers suii^ns-: a;Geiiii(qaKlin le récit de»«ctioiis d^iRama Mm
délivré de tous ses péchés; il sera exempt de tout naalbeur dans la
personne de son 8Is^ de son petit^^. Heurem^ qui « éooutantde fia-
mayana, l'a compris jusqu'à la fin t beuDeuât qui'seuIomBt l'a lu ju»-
Ipifàto iiéitiél il(4oiipelaisbgefl8b^aQ {Brëtrey aa nobte nngnitMiuii
Mnreife^'Uficlitssd aujonutocrçanl!, et sitparhaslwdv'iiDtesUvvè
téooutovi îi estf fani^ioèiDe ahobli: (1). » ^ i ^ ^ i
ApirÔB iquqVabmU'ia reçu ainsi l'ordre du de), ne penseifa^
qti*il seijettal so^daioQineot aa milieu des évènemeiis de son peèna
Le^^ioio dei rOneat ne procède pas avec cette impatience. AnaÉI
que l'action commence, il faut encore assister à Tune des seèms
ipiiipeigBeBlle mieux la nature contemplative de THomère indien.
Troublé pér Tin^ation qui s'approche, accablé du fardeau de sa
pensée;* le poète s'^lssied au pied d'un arbre séculaire. Là il rêve
aux verluavi t|ft noblesse , à la beauté de son héros, et cette médita-
tion ffit> le. sujet dei son premier chant. Vous voyez ainsi, par avance,
le plan entier dis son poème se dérouler au fond de la pensée, il
aperçoit^ 4ii^i\i dans son esprit tout le sujet de l'histoire de Rama,
aussi distÛMÉenent qu'un fruit du dattier dana le ^sreux de sanaJo.
Il mesure ketement dans son intelligence l'éténdue^deice poèmes
océan merveilleux rempli de tcwie» lee pelles dès ^VédasiiQM»Bcèi»e^
qui suit de près celle de l'apparitâon du dieu 4 donâè aa début du
Ramayana un caractère de contemplation et.ë'tttase qm répond à
tout ce que nous savons de la religion et des habitudes d'esprit du
peuple indien^ Le poète voit des yeux de sa pensée son ceuvre plus
: parfaite assurément qu'il ne la fera jamais : n'est-ce pas le moment
le.pluaibeau de tout ouvrage humain? Combien Homère est loin
«Mote; de cette idée 1 11 est aussi impatient que le génie de l'Cksci-
dent^^Dès les premiers mots, il se précipite sur son sujet, comiqe
wiaigle de l'Olympe qui s'abat sur un troupeau, tandis que Yd-
Êsuki {riane d'abord dans la plus haute nue avant de descendre à la
^éalisatîen de son dessein. Long-temps il contemple l'idéal des évène-
mena et des choses qu'il décrira plus tard; création intérieure de
igures que personne ne verra , d'harmonies que nulle oreille mor-
telle n'entendra; genèse des formes impalpables, beautés, sommets
îaaceessibles, parfums non respires, lumière, strophes, voix dont le
poèoie ne sera que l'écho ou l'ombre atténuée! Nous-mêmes, nous
admirons dans les csuvres des poètes et des sculpteur^ les person-
nages et les figures qu'ils ont créés. One 8eraitH)e donc si nous pou-
ffions fntœvoîr ces ioMges, ces êtres ilieraui ^ non point tels qu'ils
Mt été JknpvfintenMBt réalisés par idea instrdmens incomplets, le
• . I
!' iti'tn .. : il •' 1 . ' ' " ; ^_-
<|l) b*> i%Ub«v« ubéjpr6Meésft deiiiMtolé éïte !ë po&k& toét'dirélleu da Titurd.
160 REVUE irt» imifr iiomdes.
êiseati, te pmceau, les langaes btimaines, iBêh tels q[a'ils ont appiert^
dans leur nudité idéale, à l'esprit de leurs auteurs 1 îl n*est point d*Wy
tîste qui n'éprouve une douleur «incère en comparant à l'œuvre qù*ii
à rtvée<^Ue qu'il a exécirtée, et c'est la différence de ce njodèle
intérieur et du plan réalisé qui sert de préambule au Ramayana. Qui
ke serait frappé de la grandeur de ces idées, rangées ainsi qu'une
avenue de sphinx intelligens à l'entrée du monument?
Admis dans llntimité du poète du Gange , nous avons vu naîtfe
^ pensées , fantômes divins à peine revêtus de la parole. Reste à
savoir comment, du fond de cette solitude, son œuvre, en ces temps
reculés, a pu être répandue et conservée dans la mémoire des hommes.
J'ai montré ailleurs (1) de quelle manière une question semblable a
renouvelé de nos jours la critique à l'égard d'Homère, Qui croirait
que la plus grande lumière sur cette question nous vienne des bords
dû Gange? C'est pourtant ce dont il est facile de se convaincre. Pour
achever sa confession , Valmiki raconte en effet de quelle manière
son ouvrage a été porté de bouche en bouche , et l'on est étonné
d'apprendfe, dans ce récit, que des institutions poétiques, parfaite*
ment analogues à celles de la Grèce héroïque et de l'Europe féodale,
se retrouvent dans la double presqu^tle en-deçà et au-delà du Gange :
des rhapsodes qui chantent les fragmens du poème national, des mé-
nestrels qui sont eux-mêmes récompensés par les auditeurs, comme
ceux du moyen-àge. tl faut citer ici textuellement cette partie du
Ramayana qui fournit des points de comparaison si évidens entre
des sociétés que tout, d'ailleurs, semblait séparer.
a Le poème du Ramayana étant achevé, Valmiki se demanda : Qui
le fera connaître au monde? En ce moment, deux disciples se jetèrent
aux pieds du sage, tous deux illustres, à la voix mélodieuse, tous
deux habitant un ermitage. Ayant regardé ces jeunes hommes ingé-
nus, il leur dit après avoir baisé leurs fronts : -^ Apprenez le poème
révélé; il donne la vertu et la richesse : plein de douceur, lorsqu'il est
ada(^ aux trois mesures du temps , plus doux s'il est marié au son
des instrumcns, ou s'il est chanté sur les sept cordes de la voix.
L'oreille ravie, il excite l'amour, le courage, l'angoisse, la terreur. —
Après avoir ainsi parié, le sage enseigna aux deux jeunes hommes tout
le poème de Rama. Dès qu'il l'eut confié à leur mémoire, il leur dit
encore : — Que cette histoire soit chantée par vous dans l'assemblée
des sages, au milieu du concours des princes et dans la réunion des
(1) Àevue dB9 Deux Êtfonàes^ inai l^M, Épopée §reeque.
POÈTES ^PIQUES* IM
fions. — Ces deux jeunes honunes, Texacte ressembbnee du héros,
limage réfléchie de ses perfections, étninens dans les livres aeterés,
dans les mystères de la muskpie , chantèrent le poème en présenoo
des sages, et les dieux deseemhis de Tempyrée, et les génies et les
princes des serpens, furent ravis d'étonnement et de joie. A des temp»
marqués, les deux princes hien-aimés recommençaient leurs chants,
et les sages se réunissaient par milliers pour les écouter, le» yeux
immobiles de plaisir et d'admiration. Et ils s'écriaient : O le grand
poème! l'image fidèle de la vérité! D'anciens évènemens nous sont
montrés comme s'ils se passaient sous nos yeux. Ceux qui chantent
ce poème dans cette langue de niel sont deux princes d'ime ori-
gine divine. Oh ! que ce chant est pur ! les mots justement réglés
sont unis entre eux par un art inoui. Ainsi réjouis par leurs chants,
un sage leur présenta un vase rempli d'eau consacrée, ua autre des
fruits de la forêt, un troisième de riches vètemens^ ou un vase de
sacrifice, ou un siège fait de bois de sandaK D'autres leur souhai-
taient une prospérité sans mélange, ou aj^elaiçnt sur eux une
longue vie. »
Voilà donc, sur les bords du Gange, les rhapsodes d^Ionie et les
ménestrels du moyen^ge. Il feut ajouter que le caractère de la théo«
eratie est encore empreint dans cette institution. Ces rhapsodes indiens
ne vont pas réjoufr de lieux en lieux le festin de leurs hAtea, à la nuH
ni^e des Grecs, fls seraient plutôt semblables à ceux du moy engage
qui ne chantaient guère l'épopée cm^lovingienne que dans les châ-
teaux de la féodatité. C'est dans une assemblée choisie que se répète
te poème dé Yabniki. Composé par un prêtre, c'est surtout par des
jH'ètres qu'il doit être entendu. Les classes inférieures, les soudras^
ne jouiront pas du bienfait de cette poésie. 11 sont exclus du monde
idéal conune ils le sont, en quelque manière, du monde politique et
dvil.
Le Mababeratha ne commence pas sur un ton moins pieux , car il
s'ouvre par une conversation de religieux, dans un monastère con-*
saeiré an dieu Brahma. Les solitaires prient un de leurs compagnon»
de raconter son histoire. Celui-ci cède à leurs instances; il répète
toute une épopée dans les intervalles des sacri&es, et l'Iliade orientale
est chantée dans une cellule d'ermite.
Au reste, le sujet de l'un et de l'autre de ces poèmes est une guerre
rdigieuse. Dans l'ue et dans l'autre, le héros va secourir les ermites,
ks piètres, les solitaires dont les autels et les monastères sont me-
nacés par une race ennemie. Souvenir des luttes de deux peuples, de
152 BBVTB BBS DEUX MONDES.
de!u,rçii^^i)S , c'est de ce chaos social qu'est sortie rûrgani^lion «ïes
c^tes Aç La Haute-Asie : en sorte que l'épopée est ici te commentaire
de Ib législation et que la tradition poétique tient la place de l'histoire.
A ce fond du sujet se rattachent, comme autant de rameaux au tronc,
[4usieurs scènes qui peignent, sous ses aspects divers, la 3ociét6
asiatique, le roi dans son palais, le brahmane dans son ermitage, le
héros sur sa litière embaumée , les cérémonies du culte i les bûchers
des. funérailles, les prêtres errans sur des chars dqus coipme la
pensée, les armées précédées de troupeaux d'éléphans enivrés, les
bayadères, les forêts retentissantes de l'écho des hymnes et des prières
liturgiques, les cités semblables à des lacs féconds en perles, les soli-
tudes, les fleuves, les mers, tout le tJtbleau de la nature des Grandes-
Indes, t^l qu'i) est encore malgré les révolutions des temps. Il est
,si)rtàut iii^poEsible de fie pas remarquer d'étranges ressemblances
entre le (^puçipi^.^e (;ette civilisation et celui de la civilisation catho-
lique, UQ principe commun i l'ascétisme une sorte de chevalerie, de»
chartfeuBes.paï^npes, des ,apachorèles plongés dans la macération,
des pèlerinages, e^ datis le (jogme une trinité divine. Ne semble-t-il
pas que cette société soit l'image anticipée de la société féodale,
représentée dans les poèmes de chevalerie d'Arthia et de la Table~
Ronde? L'analogie serait complète, si l'on oubliait cette unique dîi-
férence : d'ime part, en Orient, le panthéisme, le dieu confondu
avec la création; de L'autre, en Occident, la personnalité de Dieu
distincte de l'univers. Voilà par quel abîme ces deux mondes soAt
séparés. Cet abîme est plus profond que l'océan qui les divise.
Après cet aperçu générai, je cherche les rapports de l'épop^
indienne avec la religion, et je ne tarde pas à découvrir un fait si
extraordinaire, qu'aucune autre littérature n'en présente de sem-
blable. N'est-il pas étrange de penser que tous les héros de ces
poèmes sont des dieux incarnés, qui ont consenti à revèUrles formes
et les douleurs de l'humanité? Rien pourtant n'est plus vrai. Encore
POÈTES ÉPIQUES. 153
copsentt à devei^r le fils d'un ancien roi et à pareonrir lotîtes 'les
chances de iâ yie terrestre^ Mais ce qui est maniresfe dansIehéroS
principaLdûpoèine, ne laisse pas d'être vrai à l'égard des autres jier-
sonhagés. Si vous lés pressez et les poussez à bout, vous finirez tisi^-
jours par. reconnaître en eux quelque divinité ou quelque verbe tait
homme, au degré le plus élevé comme au plus abaissé de Téchelle
sociale. Chez ces rois qui régnent vingt mille ans, chez ces ascètes
qui passent dans l'abstinence et la componction des siècles de siècles,
il D'est pas dillîcile de soulever le masque et de retrouver l'Être
suprême incarné dans le prêtre, le guerrier, le monarque. Mais si
même vous voyez passer un mendiant porteur d'un parasol et d'une
urne 6 demj brisée pour solliciter les aumônes des soudras, malgré
.cet abaissement, ne vous fiez pas trop à l'apparence; sous la figure
de ce mendiant est cacbé le dieu Sîva, qui vient expier ainsi je né
sais quelle faute commise à l'origine de l'éternité. Le dîën étant ainsi
caché sous chaque personnage, cette épopée métiterriit bien mieux
■que celle de Dante le titre de Divine Comédie: i' " ' i '
En même temps que les dieux sont cachés soiis'la figure des héros,
ils ne laissent pas de se montrer dans les cieux. Ils se retirent dans
leurs domaines particuliers, ou ils se rassemblent sur le sommet du
mont Mérou. C'est sur cet olympe indien que se retrouvent, image
anticipée de la Grèce et de l'Egypte, les ancêtres des divinités ocd-
dentales, Maya, la reine de l'illusion, couverte du voile qui s'étendra
' plus tard sur l'Isis du Nil ; Chrishna, le dieu du soleil entraîné par les
chevaux que doit régir Apollon ; Siva, qui brandit le trident qu'il doit
léguer à Neptune; l'Aurore avec son char traîné par des perroquets;
la déesse de la terre, Prithivi , entourée des pantiières qu'apprivoisera
Cybèle; et au-dessus d'eux tous, Brahraa, qui , pour collier, porte à
son cou la chaloe des êtres que recueillera Jupiter. Il y a loin de ces
émanations de l'Himalaya aux formes de l'art de Phidias.
« Du feu du sacriDce surgit un être surnaturel, d'une splendenr
ÎDComparable, puissant, héroïque, marqué du signe des augures,
couvert d'omemens divins, égal en hauteur au sommet des monta-
gnes, redoutable comme le tigre, aux épaules et aux flancs de lion,
'étincelant comme la flamme du soleil, les ntains couvertes d'an~
iré'd'un collier de vingt-Sept perles, les dents
^ astres; il tenait embrassé comme une épouse
e vade d'or, irierùsté d'argent et rempli de la
le des dieiiS^ Il dît': Je suis une émanation de
I' r làterre. tuis il devint invfeible. En ce moment
1^. BEVCB WS >BCX XÇnqiEB.
aesrayoimèrratde|oiç, çomi{K^for«^t'#r
ne automnale, d
iiÏMis précédentes, c'est qae le dieu, étant
it présent, s'incaroe à la fou dans plusieurs
dans toute une race d'hommes. Il otyivecie
erche, se poursuit, s'inlerrc^, se répMid,
' ' rbumanîté pour agir et se d^
les; les saints,' les ascètes, les
snt dieux. Nul ne
l'agite an sein d'ii
ui ^rnellement
d'herbe, la vagu
mes; de telle sort
othéisme. Dans li
irtagent l'action ;
de les confondre
)re, et c*est une des causes d'oii
B. A l'autre extrémité de l'anti-
it presque disparu ; du moins, ils
Virale, des combinaisons pure-
I la Toi et de la religion ; c'est le
li , pour ainsi dire, enivrée d'elle-
l'une œuvre d'art. L'Inde est la
poésie; la Grèce est le poète.
D'ailleurs, ces mooumms ne retracent pas seulement l'histoire des
croyances, ils peignent aussi au vif la nature physique et le climat
de la Haute-Asie. A mesure que le héros voyage dans les forêts pri-
mitives, il interroge son guide sur l'histoire et la naissance des mon-
tages, des fleuves; les images du berceau des choses occupent
autant de place que le récit des actions. C'est là qu'il Faut chercher
ces images colossides et naïves qui tiennent tout ensemble de l'enfant
et du géant, et qui furent la première géologie de l'humanité : lès
quatre éléphans monstrueux qui supportent le monde aux quatre
points cardinaux; l'île de Geylan appuyée au fond de la mer, sur la
carapace d'une tortue immobile; le serpent qui, s'ralaçaot autour des
flancs des montagnes, les arrache de leurs fondemens. Chaque forêt,
pour mieux dire, chaque fleur a son histoire. A la généalogiedes tribu^
et des peuples s'ajoute colle des diamans, des perles, des lis; car la
création n'est point dépeùite comme achevée; elle continue de vers
en vers, et ses époques successives font elles-mêmes une partie des
é6iàes tfd biUnayào^^^ lionvenes organisations terrestres fbuiH
pissent, en sii^tssant, de nouveaux épisodes; le monde ^yslque
semble éc^loré incessisHnment au souffle du poète, et, jusqu'au dénoua
nent, il grandit eoipina un héros, en mèm^ teaips que le monde
idéal. C*e$t ainsi que la naissance da Gange sert de sujet à l'un 4^
pins bmeux fragmens da Toeavrede Vàbnilû:
(c En ce temps-là, la terre était parée de tooftereUes et i*omm%
célestes; les sages virent ia ekuie du Gange^ de la h»uteufr de TÉltlM^
jusque dans le fimd des vallées» Piei»s de saq^rise ,^ les dieux eu^-r
mêmes vinrent sur (fes chars trônes par des chevau e( <ies élé^
pbans, pour assbter à Tarrivée mervdlleuse dm Gange» nhuuiné pair
leur présence et par la splendeur de leurs omeoseitô, l'air brilla di$
l'éelat de cent soldls, pendant que les écailles des seipetts d'eau et
des crocodiles éttecelaieaft aa jour. A tiuvers la bboche vi^ur des
eaux brisées dans mille chocs, la teoMère parut voilée sous def
brumes automofites, conune sooa les ailes d'ua troupeau de cygues
touraoyans dai^ l'akittie; ici l'eau se précifûtait per torrens, là /eUe
s'aasoupissait majestueusement dan» son lit; phis loia, elle dâbopd^t
de toutes paila, ou elle s'engoulTratt dans les cavernes, et recomr
meofalt à jaUiiren mgissaaÉ. Tombée d'abord sui^ le front du dieu,
et de sa chevelure de ndge nûsselant sur la terre, cette onde 9^
prodiguait sans s'épuiser. Et les sages qui habitaient ses bords, pen-r
sant en eux-mêmes : C'est la rosée du front du dieu, s'y ploiigèreiit
aussitôt; et toiles les créatures virent avec joie rtiH[>roche de Teau
céleate, et toutes furent purifiées dans l'eau du Gange.
« Et le roi des honmes, nootoant le cheatûu aux flots, s'élanca S9r
son char reqJendissant, pendant que le Gange se précipitait su;r ses
pas; les dieui, les sages, tes géuies avec leiNrince des serpens, aveo
le roi des aigles et cdui des vautours , siûvaut les roues de son char«
atteigiûreiit le Gange, te souverain des fleuves, te j^tficatemr de
toute souillure. »
Ici te génie oriental déborde aussi bien que te fleuve. Ce rai qui,
sur son cbar d'or, montre te chemin aux ftets sacrés; ces créatures
qui l'entoure^ et représentent l'univers appelé à ce spectacle; cette
assemblée de serpens , de cr^>codites , cette multitude de dteux traînés
par des éléphana, voSà l'Homère indien dans sa pompe accoutumée.
Je remarque, à cet égard , que dans la poésie grecque, lorsqu'une
puissance de la nature se méte à l'action, c'est presque toujours sous
des traits humains' et sous une forme d'art. Au lieu du fleuve, vous
eusstez vu ici un vieillard pencher son urne d'or, d'où se seraieirt
iW REVUE m^ ttttol 'iM^ES.
écôiiléé de^ flbts Intarissables. Chiez' les Itidiéiis i rtifcifMEiie tf^tf fkâm *
ei^i^te imposé sa figure à tous \es tA^eH ({û^UiyftiMél ILë'KÏM^,
pou^ éïre fils des montagnes, ne laisse paille 'éob^eh^ftoMrme
naturelle; il a déjà une pensée , une volonté; il a une ame , et'U^à*polttt
encore de visage. * '= ■* ^ ' ■ '
Enfin , les rapports des héros avec tout le Mgne' anfMIl SOM un
deà traits les plus originaux de l'épopée indienne. Tloti^^eMeméttl: les
chevaux de Rama pleurent comme les cbevaui d^Acfatlie, mais
l'homme en général fait alliance intime avec la siMîétéf déscMithaut.
Le sage roi des vautours, le hardi chef des sin^éi,Ië prient roi
des serpens, se lient par des traités avec le roi des hOiMbéS ; Thu-
manité ne semble point encore conunander d'une manière absolue à ta
nature aâsertie. CTest le moment qui est indiqué pâ^' ta B^e, alors
<^e les* hommes èotivërsaient familièrement avec les ànittiatiX'. Deux
personnage^' sui4xiùi, Stgr&vo et Hanumann , les princes des hommes
des bois, le^ rbis'dé la'créâftion animale, à la voix de tonnerre, égaux
en haùteui^ à là' "phïs Haitté ftronftègne, se liguent avec le héros Rama ;
ils stipulent une isoiîe Aë contrat au nom de toutes les créatures
inférieures: « Us s'approchèrent, dit le poète, du bord des flots, et
creusèrent l'Océan de la p6!nte de leurs javelots, montrant par I&
que l'Océan tout entier est esclave de Rama. » Acte de tassalfté de'
l'univers physique, premier hommage lige de la nature muette etttet^ '
l'humanité , sa suzeraine.
En général, lorsque dans ces poèmes on voit surgir devant soi éèls'
formes colossales de la création animale, il semble que tout te monde '
perdu ait quelque analogie avec le monde retrouvé de nps jourâ pîar
Giivier, et que la scène se passe au milieu des mammouths, des paloè» '
thériums, des mégathériums et des autres créatures gigantesques
dont la science rassemble de nouveau les ossemens. En même temps
que les empreintes de la végétation du monde naissant ont été con*
servées dans les feuilles des schistes , ainsi que dans un livre clos par
le créateur lui-niême , on dirait qu'elles ont été éternisées sous une
autre forme dans les images et les peintures de ces compositions
épiques, en sotte que Tëffet de cette poésie est de rejeter votre hua-
gination par-delà tousle^ tetfaps connus, dans les époques dont ta
géologie peut setde refuré Thistôbe; tant il ési vrai que la ptas haifle!
poésie et la plus hautb sdëhce, lôiti de s'exclure, se rechenAisiit»
s'expliquent, s*atîtoenteirt iet lie' confirment Vune rtratre^ • - i 'i<ï
De l'examen de la religion et de la toâturé, ^Vm veut ]^swau^
tableau de la vie civile et domestique, H ftiut entrer dans Mi dtélpi»^
qi(^^9^eiK)f «.it}iw4^ j^fit Munoo, ïe roi des Jionjme?. y^ei,
degçr^opi qi|i(E|,|*#frr^.ici^ ainvrie le seuil de cette ville an^é-dilur
¥ii9si^f)f9,, p^ ^^nM6^t .f^nta^ées Tuoe sur l'autre Ninive^ Gomorrl^ej
eJiJpal^Xlpn^: . ,. , ,. ;
a Sur les bords du fleuve était l'illustre cité bâtie par le roi des.
hwuDu^, me. vaste cité, dont le circuit est de douze journées de
vof ^g^; sepi maisons s'élevaient jusqu'aux nues. Arrosée par des eaux
jajlU^sanjIfQiy.^mée de bosquets et de jardins, elle était entourée
d'une: mur^iltf) ipfrancbissable; les accords des instrumens de rousiqpe
et le fjréwa^ipent des armes s'y faisaient entendre tdùr à tour; elle,
étiôt rempU^, debjayadères, parcourue dans tous lès sens par de^
élépb4P^;et(des,jQbevaux, visitée par des marchands et des messager^
de tputes Jteis cootrées , et sans cesse retentiç^nte djB bruit du cbar des
diew. V^veita h une mine de diamans, ses mur^. d'e^cein^ , fprmés
(te diverses ^rtes de pierreries, rentot^r^îentronf^n^ç yn collier, et
les toits résonnaient des sons du cistre,. de lafl^^^et^de la harpe.^'
Personne dans cette cité ne vivait naoijçi^ d^ j|;iii}lq ans. ^ux échos ,
répétés des prières sacrées, elle était ri^pUe (^ banquets et d'as-»
semblées d'hommes heureux. Parfumée d'^ucenç^ de guirlandes, de
fteurs et d'olyets de sacrifice, dont le coeur s'enivrait, elle était gardée
paie é^ héros égaux en force aux éléphans qui portent l'univers
comme une tour^ par des guerriers qui la protègent, comme les ser^»
pens à trois têtes protègent les sources du Gange. Le feu des sacrifices
y;étaiteiitreteou par un peuple de prêtres qui tenaient éternellement
Ie«fs esprits et leurs déws sous un joug volontaire. »
Telle est la Troie indienne. Le chant pieux des Yédas y couvre le
retratîssement des armes. Mélange de volupté et d'ascétisme , c'est
un temple pour les dieux , plutôt qu'une cité pour les hommes; et par
là elle est conforme au génie de l'épopée qui se meut autour de ses
murailles. J'ai vu Hycènes, Argos, Tyrinthe, la ville d'Hercule; je
puis affirmer que ces cités divines ne furent jamais que des bourgades
en comparaison de la demeure réelle ou imaginaire de l'Hercule
indien.
Dans ce séjour d'ascétisme se succèdent lentement d'étranges dy-
nasties de fois dont chacun vit des siècles 4ei siècles; ils remplissent
pwdc««iistérités inexorables cette videétem^tjé^AgQnoux, immobiles,
les. mains tendues veis le ciel,, on dîrait.qu'ils.figmïent des siècles de.,
prières et de flmt^mpMions, règnes 4'e)itase qui passent comme un
smge^ £baq^ peoi4e réstunoe tin^ s^s i^uyenirs dans la personne
di^'pb^f ^HgiMîi^.faite à fa p^copre ^ge« Chez les Hébn^us;^ les .
lflS> BBVUB MVv'MlkJl-lMMéES.
patriandKB doiM; «tes értiii^ ckmés d^me «oiftë tf iifmii^itiiUté tette^
En Italie, l'histoire de Rome est ouverte oonme u» hiige sHlM,
put ÉtMdre, MKHirettr et pasleur; éans nttde, les prreiMefs r^p
sont des figures ascétiques qui, après avoir étoqué, dtt fïHtd'éles
foifèts, pitt* irae cMteMplatien nmetle, tes ptemièt^ fbMAes êe la
société -efvite, coaserrenl le«m empireg far U pviMtttios ^ute de ta
médHatioii; et c'est tine des grandêors de eette poésie de Daike- éé-
pe/ndre ainsi dÉ recuelHeneat d'un esprit les révohrtious eu «Nmde.
Cependant, après ces eitases séciriaires, ne tous étonnes pMrsH rMe
peu de place pour l'action, etn'aNeapas dierekerla fla«pie^t1IMe
dans ces épopées de la solitade<
AfHlessas du roi est le pfètve. Il tX retiré, latttdt, oointut ur'
anachorète, dans un ermitage aa fond d'un bois sacré , tantM dans
la ceHule d'un ittonastère semblable à ceux du catMIdsinr, à chaque
ooeamH iinportanle, le roi Ta le visiter, se prasteme à ses pièife et
lui deiMnde conseil* An souffle de ses lèvres, les ine«« sont agitées,
les teats s^arrèftent, les extréorités de Funivers tonbeni dans ta con-
fusion; le soleil est édipsé par ta splendeur de son esprit. La nature
toQt entière s'effraie de ses austérités. Les dieux em^^nèases ont penr
du prêtre 4» s'élève auniessns d'en par ta vertu. Les oréattirea
s'écrient : O Brafama, si ce sage continue ses nMN^érationa^ rien ne
peut empèdier que l'hotnanité ue ^vienne athée. Jamais, dans ses
légendes les plus hardies, le dhristianiinie n'a attribué tant de puis-
sance à ses ermites que l'Inde à ses brahmanes. Ib tmvertent le
monde en achevant leur prière. Le feu de leur colère ressemble i
celui des sacrifices, et ils régnent en souverains dans le poème aussi
bien que dans ta nature et ta cité.
Le héros surtout leur est aven^ément sonnais. Instraitpar le pitbe
dans les Kvfes sacrés, il est son élève, son instrument. H rappelta le
pieux Énée, non pas F Achille grec, oor 11 tient moins de ta caste guer^
rière que de la caste sacerdotata. Il a les épaides du Bon , les yenx
couleur de ta Oeur du lotus. Pur sa pMenr il ïesseraUe au lis des
eaux , et son haleine est embaumée comme l'haleine de la nymphiea.
Avatit de comtmencer le combat, il accomplit tes dévotions matinales.
Il se prépare aux batailles par l'abstinence, et, revenu de ta mêlée,
il rafraîchit encore sou ame par ta puissance des saintes austérités.
Souvent il se couvue du ciliée des religiâut» Douceur, coasponction ,
obéissance, scrupole, ce sMt Ift las vertus de ce héros sacerdotal. An
milieu des guerriers, il ressembla à un feu de sacrifice entouré par
les prêtres. Tous ses dévotes sont résumés dans oes paroles que Rama
fefifit 4^ Mitfpèf?^!^ iiiofii^t 0ù il ya le quitter f»o«r la furMiii^ :
foiç: , . . '
<i OjnonSi^.^is l^upoble et courMi*- Obéis aux brabmHies 4é^
vo^és;àl^turie des Védag; TaQois leur insIniGliaii comme le t>reii-i
vage «de r4fiMlfie;:t9Uté. he^ brahmanee «ont grands ; ils possèdent )a
souroe de Ja j^vmp^rité et du bonheur. Pour assurer Texistenoe du
mwde^ jJ6.opté^, envoyés parmi les hommes conanie des dieux ter^
restas. Ils sont 1^ gardiens des Védas et des lois immuables de la
vertu; ils..poisède^it aussi la science importante des archers. Sois
constamment à cbevaU (m sur un char, ou sur un ^phant. Ins^ufe-toi
dans les arts policés ; envoie-moi de sages messagers. Ayant parié
aiosi« le.^oi des hommes dit encore : Va , VMm fils. Et ses yeux se
remplirent de tannes, et sa parole fut brisée par aes sanglots, yt
, Cherchez un idéal ^mblable dans le héros, où le.b^uverez^yous?
Ce n'est pas sous la tente d'Achille ni d'Ajax. Il fiant IraKetser toule
Tantiquité classique et pénétrer au cœur du çlprisiiiamsme; Les relen
tions du gumrter et du prêtre indien spnt précisément-eeKes dii preux
chevalier et de Termite dans les romans d^ la^aUoAonde. Parceval*
le-Gallois, Lancelotdu Lac, Tristan, ont le même ^enre de vie que
Rama^ Bharata, et les autres héros de race indienne. Comme ces cter- .
niers, ils poursuivent un idéal de perfection morale sous le symbole
du SaiotrGraal. Une éternelle macération est infligée aux uns coonne
aux autres* Seulement le chevalier errapt dans la triate forêt des
Aijdennes s'arme contre les séductions de son cœur plutôt que contre
les ^sncbantemens de la nature extérieure. Qui eât pensé que l'épopée
de la féodalité dir^ienne avait son analogue dans la vallée du Gange,
et qui eût cherché, dans le golfe du Bengale, la chevalerie rêveuse
de la Bretagne eodiantée par Merlin? Cette ressemblance entre les
personnages se retrouve dans Faction du poènoe. Un même genre de
vie devait produire des épopées analogues.
Dès le commencement, le roi, dans sa ville gipntesque, aupplie
les dieux de lui accorder une postérité. La IHvinité suprême descend
sur la terre et s'incarne dans la personne de quatre fils du monarque.
Ces héros*dieux grandissent avant la fin du premier livre. Bientôt
instruits daias les Védas, le. dief des prêtres vient demander leur
secours contre le roi des infidèles. Le père hésite d'abord à livrer ses
fils aux dangers de la guerre; il veut partie à leur pkoe. Cependant,
domifié.par rc^utoritè du sacerdoce, ileiéeutoses ordres. Rama et son
frère reçoivent d?s armes enchantées ; pwmi ces armes se trouve un
ajtCtq^e les roi» jet les.dieMx sont incapables de bander. On l'apporte
160 BEVCB DES DEUX MONDES. •
eÀ présence des jeunes princes et d'une gpraàde assemblée de peuple.
11 est importaiyt de voir comment cette situation tout liomérique a
été traitée par le poète indien .
a Le yertueux brahmane, s'adressant alors avec joie à Rama, lui
dit : 0 toi dont le bras est puissant , prends cet arc divin , incompa-
rable, essaie ta force naissante. A ces paroles du sage. Rama répondit :
Je banderai cet arc céleste, et, lançant la flècbe au but, je montrerai
ma force. — C'est bien, reprirent le roi et le prêtre. Alors Rama banda
rapidement l'arc d'une seule main. Cependant la multitude assem-
blée le regardait; puis, en souriant, il se prépara à décocher un trait.
Mais, par la force de Rama, l'arc bandé se brisa au milieu. Le son
sourd ressembla à l'écroulement d'une montagne , ou au rugissement
du boa sur les sommets des monts de Sukra. Ébranlés par le bruit,
tous furent renversés contre terre, hormis le prttre, le roi et les
deux descendons de la race des Rughous. »
11 est kmpbssible de ne pas penser ici à l'arc d'Ulysse. Sauf l'hyper-
bole de la fin , on dirait une page d'Homère tombée sur l'Indns de
la cassette embaumée d'Alexandre.
Après une suite de combats , dans lesquels le sacerdoce intervient
toujours, le glorieux Rama est exilé dans le fond d'une forêt par
l'ordre de son père qu'ont abusé de faux soupçons ; ce vieux roi ne
tarde pas à se repentir de son injustice, et c'est une des parties les
plus belles de ce poème que l'épisode où le monarque , à la barbe
séculaire , se livre à une douleur sans bornes. Cette figure , jusque-là
insensible et muette, s'éveille ainsi au sentiment de la vie réelle par
celui du désespoir. Ce roi , qui devait se croire immortel , se sent
faillir à la première atteinte de la douleur. Cette scène est trop grande
pour que je n'en cite pas quelques traits. Le poète montre d'abord
le changement survenu dans cette même ville qu'il avait dépeinte
comme le séjour de la félicité permanente; depuis qu'elle est privée
de son héros, elle est semblable à la mer qui retombe dans le silence
quand les vents ont cessé de soufDer, ou à un autel dépouillé quand
le sacrifice est achevé; puis il porte la scène dans l'intérieur du palais :
« Obligé d'entendre la plainte de la mère de Rama, le roi fut rempli
d'angoisse. A la fin, transpercé par l'aiguillon des regrets et fermant
ses yeux, il s'évanouît sur saeeuche. Après quelque temps, ayant
recouvré ses sens, puis voyant la reine près de lui, H lui acb«ssa ces
paroles : 0 reme, je demande l'oubli amans jointe»; par raonour tle
ton fils, n'flijoate pas le poison à mes blessures briUantes^ Mon ccam
«est ulcéré, et tes paroles sont pour mottossi terriblel ijne les
jure dans iikmi agMie; ne m'achève pw, mm^ ^ auu 4^ Mepié>
re|i^ fit ,t#irç,^t4Q^4e^
pie^s 4»^ ^ f?Ate r^Pl^dît : Q loi des bomaies, pardoDseHiuH ; privte
4e réOç^Q,flaD9kf'f)ic^ 4» m^ wdiiear, j'ai dit oe qui m dewttj
poÎQ^j^C^ jyfQ^(dn<(^..Qelle qui est suppliée, les mains jointes, par^o»
^P9W AeiH4M4^(W( djeu> est p^u^ne dws cette vie et dans l'antne,
si, elle fiçpqtis9§..f|çs, j^èces. Qu'ai-je dit4ans ma détresse? La souf*^
kffiice ^éff:^jff l|i()tjeDJ0Boce; la douleur détroit )a mémoixe, la douleur
i(itxiiiti}f{j^i^qi; il n'est point d'ennew ptas destructeur %Bie ia
do^lçt^'^^il^j^l^^^ causée par un tison ardep( fi^j^i par nm mnei,
ipeortfif^r^.fl>ettit,^ 0iéri^; mais, 6r^^ )a, 4étfiew^.4ilitviwt4e
l'ame est sans remède. Les sages méme«;i;eu:( nui,. étaient imf^^
patie^^ jîmMt^ 4ans les bfiiîtu^ef 4e laiYertHn i)OPt<tf«t>^ au-
desspw dq \^ de terre, q^and itoopt été i«lttetat$t dans leNT^VMr^
le dése^ioir. Ces jours écoulés depuis k< départ deimoa Als sontpeuTi
moi commodes siècles^ lia doukMir s'eataocmiefiomnie leseaux 4u
(i|D9gip^ 4uaA4 la.froide saison e$t passée. «ttH'Pendant que la reine
a^iKai^/çep^puroU^ le jour déelina et le sakiliie coucha.
^.,f J4f^ i(^Mf ^uisé de douleiir, répondit : Heureux ceu^ qui
iÇY^qpt ie ^i^w^ 4e Aama semblaMe à la pAle lune d'automne , ou
^i|(^^^|]|^ 4l^wit heureux ceux qui le verront revenir des feiéts^ ,
Ifll,, 4f)mj:)laj|^ à l'étoile dans sa course céleste I Mais pour moi, 6;
tf^ ii jnqih <XWV ^ hrise; la douleur a consumé mon souffle, et ma
vi($ est.^e0ri>lable a)i rivage emporté par les ondes d'un fleuve. »
; Ypilà enfip que cette poésie foit éclater des douleurs humaines. Les
syrtèmes, le^ abstractions du culte sont oubliés; à travers la dif-^
fiance des temps et des lieux, nous petrouvons l'homme sem-
blable à noua. Cette plainte va se joindre aux^ plaintes immor-n
telles de la poésie occidentale, et œ vieux roi^ sorti de l'oubli, va
grossir le chcQur lamentable des vieîUfitds cposa^iés^ par le deuil,
Frâw, Qism, le père dU'CMl«;lerQi,Lefii Le n^naïque indien
;.sA|irè8i.J^iiimort'|du i;ol, *UiarataijQMaemble>aii0«rBiée pour aller à
IteieriwnthetdeBOin ifrijÉe tetJpLoffrip.i'éMipre.-Getfa» armée est corn*»
msée^mritmiMpOB'dihopHnBide {Aei^ dettenfemUitocavaliers, de neuTi
iiôHe>éiéjlbamiiHtpaifa«OBiié&'il^^ dans le'
fattd*^ iotiittsi'II tattVitrietAe «ai«ey«t va deqiander conseil à un
brahmane retiré dans la solitude. Ce bcahmane, dans sa hutte de
•**
M2 REVCB' DB9 DBI3X MONDES.
feuUleSy abrite et nourrit par aiiraele cette immenae réittUon ^bom-
raesM. A sa parole, des palais s'élèvent dans le déseit. Celle incantation
de runiva^par la prière du prêtre est pleinle de solennité. Pen-
dant qa'il reste plongé dans la méditation, tous les êtres célestes
desoeddent des hauts lieux. Un concert s'élève d'înstmmens invi-
sibles. Les arbres de toute espèce se changent en nains, en baya-
dères; ils viennent eux-mêmes présenter leurs fruits. Des fleuves
d'ambroisie coulent dans la vallée; les rivages sont faits de sables
d'émeraude et de saphir. Toute l'armée s'écrie : C'est Ici qu'est le
ciel. lofais, à un signe du brahmane, ces merveilles dispa^issent
comme un rêve. Cette féerie, où se déploie dans toute sa liberté
l'imagination orientale , semble être le modèle des incantations de
Merlin. I^ nature et l'humanité sont là comme enivrées l'une par
l'autre.
Cependant que faisait Rama , le héros dû poème? Plongé dans
la contemplation des forêts, des montagnes, des fleuves, ses Jours
se passaient dans un vague enchantement. On ne voit pas dans
les poèmes d'Homère les hommes s'arrêter pour remarquer les
beautés de l'univers. Ils sont, pour cela, trop avides d'action, de
mouvement ; ils sont trop remplis d'émotions guerrières. Personne
ne conteste aujourd'hui que cet attendrissement qui saisit l'homme en
présence de la nature ne soit un sentiment tout moderne, et plusieurs
croient en trouver les premières traces, en France, dans les œuvres
de J.-J. Rousseau et de Bernardin de Saint-Pierre. Or, voici dans tm
poème de la Haute-Asie, vieux de trois mille ans peut-être, un héros
dont les impressions, los rêveries, le langage même, sont tout
blables à ceux de Saint-Preux sur les rochers de Meiltef^ de
seau dans Tile de Biennc, de Werther dans les forte de rMktmgjK^
de Paul et Virginie dans l'Ile de France. Je ne sa» même si, dans les
écrivains que je viens de nommer, Tinthnité de l'homme et de la
nature a jamais été exprinaée par des traits aussi vifs que dans le pas-
sage suivant dû Ramayana :
Après avoir long-temps habité les forêts , Dusba-Rutha semblable
aux dieux, séduit par la grâce de ces collines, montrait en ce moment
à son épouse bien aimée les sommets lointains, et il lui parlait ainsi :
<c O ma bien-aimée , ui la perte de mon royaume^ ni la séparation
de mes amis ne m'affligent, quand je contemple le front sublime de
ces montagnes. Vois ce sommet que visitent les oiseaux et où les
métaux abondent ; ses pics s'élèvent jusqu'aux cieux. Les flancs de ce
roi des montagnes ressemblent à des veines d'argent; d'autres fois ils
paraissent resplendissans de Téclat des diamant, ob couverts des
flearsde Tasdépias gigantesque; et ceax-ci, chargés de scoloperidi^s
odorantes, sont taillés en cristaui. Le bananier, le baobab, le dattier,
y répandent leur ombre. Des couples d'oiseaux se poursuivent sur le
bord des rochers. Vois ces retraites embaumées où s'abritent les
petits de la tourterelle. La montagne avec ses cascades, ses fontaines
jaillissantes, ses murmures, ses tressaillemens , ressemble à un élé-
phant enivré de fruits sauvages (1). Où est celui qui resterait insen-
sible à ces tièdes haleines qui s'élèvent par bouffées du fond des val-
lons, toutes chargées de parfums? Dussé-je passer ici avec toi ma vie
entière, le regret ne m'atteindrait pas. Au milieu de ce? fleurs et de
ces fruits, je sens se réveiller en moi tous mes rêves. Les sages qui
m'ont précédé ont avoué que la solitude, dans le fond des forêts, est,
pour les rois, aussi douce que l'ambroisie. Vois les plantes fleuries de
la reine des vallées brîHer dans la nuit comme la flamme d'une offrande.
Vois çà et là ces berceaux de délices formés par les tiges du lotus et re-
couverts des feuilles du blanc nénuphar!... » Ayant parlé ainsi , Rama
descendit du haut des rochers , puis il montra à son épouse Mithilé
le doux fleuve du Gange; et le prince aux yeux de lotus, s'adressant
de nouveau à la GUe du roi , qui ressemblait h la lune émergée de
l'ombre des forêts , lui dît : a Vois ce fleuve amoureux avec ses îles
que fréquentent les cygnes; ses bords ombragés ressemblent à la
grotte du dieu des richesses. C'est ici que les solitaires, se laissant
glisser sur des lianes, se baignent dans la saison sacrée; et les mains
levées, ils font retentir des hymnes au soleil. Alors les arbres et leurs
rameaux agités par les vents secouent leurs fleurs et leurs feuilles de
chaque côté du fleuve, et la montagne semble frémir et tressaillir
jusqu'en ses fondemens. Vois, 6 ma bien-aimée, les têtes des fleurs
s'incliner sous la brise; écoute, écoute les notes cadencées du rossi*
gnol caché dans l'ombre, et répète ses accens prolongés. Oui, j'aime
mieux contempler avec toi ces sommets bleuâtres, que résider en un
palais. — C'est ainsi que Rama , le chef de la race des Rughous , con-
versait avec son épouse au bord du fleuve; et, traversant la montagne,
il apparaissait à ses yeux comme s'il eût été embeUi par un enchan-
tement. »
On pourrait comparer ce passage au tableau des amours d'Adam et
(1) On se souvient des ours enivrés de raisins, que la crilique a tant blâmés
dans Âtaiù; Valmiki confirme ici avec éclat Mi de CIiAteaubriand, qui, en 1796, ne
pouvait cotmMtre lé:|la#Mi|/ttfm.
164 V _ , , REVUE W^ DSU|t if??^^.,,,,,, .,,. ,„... ,,,..,,..,.
d'Bvft d^^ fc Barodù perd^, ou fop?sÇi#>V JI^ÏWfl»^f<Ï^JW^^l^
d'Xseult ddQS te^ vieux poètes fiéodw^t ^f^(^i,^%i^,ft^4^9f^
aUeqfMinde de Go!ttrried de Stms)>ourg. Uy^v^^mi^^l'^iff^^if^^
(pi^j^mUent empruntées toutes yivesde Wfirth^y4j*4i(^^fi^lh9^^
du CAriUianisme. Une seule cbose distiugoei Qett^.i)ptjf|fa|B.,BP^
asi^Mquede la pbésie moderne de rOcc|dent^ c*^/flfi€;iVwqm;I;|iir-.
Vûim y est iXHume enseveli dans Tamour de.k^lMr^ ^utR^lp^e^f
soUUule, MitbUé, la compagne du héros, u'est q\k*v^i^pift^mêm
du speictade de la créatiou. Ce n'est pas elle ipii y„dw^p fei|l^.)!«m&
et la vie, car elle n'est pas comme Julie, AtaUf VÀrgiWf» ^ twséfit ,
le parfum caché en toutes choses; elle n'es^ gu'uac; A^tw 4^ plH^4p«
I4 fprét saccée* Si'ailleurs, au moment même où X^ïMdqs.^ IMfW À
ri^ipj^essiQiiide.iA l^tj^rpt>i! ^ /coapabat par ses aust^irMvis^ji§ y(^^lm
indiiçu,vi,t,?9^¥tifri;^^ifie.,]^la« c'^ précisément cette,¥qlup|^ JwM^
d'asp^tisfp^,! 89)^^lçr.f«i^ 4eq .twirigif^ , qd fait de Ram^ 1(9 repfpérr
sent^ >fi^^{0^#^ 4f sr^c^s lûfvManes. Rama, v#u 4e L'habit
de pèlerin, refuse Tempire. 11 se retire en quelque sorte du poème,
pour viv^e^e; jj^^.^i^opi^pvf^tiia^^^ des flot^ d^ M^» éfs
monts, ^e la mèm^nvMÛ^re 4e peuple indieu s'^ retiré 46 4'M(^
et du monde réel» afin d# vivre pipogé dans lei^Yliis^[nQ|i(.4fiiM{
nature. Lui aussi a infusé T^mpire de l'Asie, q^i,l^ioQîQP{ît(^^ (ti^r?*
dèqoie. Au lieu de s'abandonner au génie de l'aetiou^tdas ^ap9>jH^9/t
ainsi que tous les peuples voisins, il a mieux »iaiii>ym/Umi4(^fim?
forêts imnaaculées, s'enivrer d'extases, de parfums ^ de e^enc^MPJm^ti
d'une (ois, et toujours vainement, l'histoire l'a pro«^^é'4^ilin|Ai'l
^ vsyUée. Il a continué de vivre avec l'enchantecesse, sanSoVDilqit'i
quitter ses pmhrages pacifiques ; le monde entier a passé devaotiai; .
et toutes les i;9ces humaines l'ont visité à leur tour, saus 4ue rtea:ait '
jauiais pu l'arracher à son ei^tase.
L'ascétisme a été Ip principe .de la poésie de l'Inde et de l'Occident
au moyei|b-âge,.f^ce.q9^'iA^été,d^AS ces deux sociétés un prinoq>e
de dvilisation^ V^jW^Qi^ À^ Ufôss^qe, enlacée de toute? part»
dans les lie^s >4e^ )^ m\^^. ç^t^iupur^ ue peut lui échflip^ qa'mk Jn .
ni^ut. C'est l^«9fi;fe^il^»i^ssrire#.la!lihef^ moifldeipoii^^résîster^
à la tyrannie; de, A'ufti>Wc^io«yij,ei^ry Aussi ks héto^ide; > Hai^toè»^^
A#|e, au n|iliA^4f >lpi^>^H^fll i^b#^^w
des sens , spnt dei» m^^ q^i jçppi^b^^Aeift (iptérl^^oi^niènlitbnlmilèi
de^pjUsme des choses ^çpgi^éR^uw UAp»^»
^ pj^ce.aivee raison ses.pls^ fl^r>ifiïrtç^§a)l«il!S^ aMditfliDit
qui fonj^nt réellement, avec le règne intime de ^aml^4l^ i^itterté
POÈTES ÉPIQUES. 195
morale, celui du genre liumain. Comme les pères de la lliébetde, au
temps dés sédueUbus de rém)[)!re romain , ils ferment léius yeux et
leurs oreilles à tout récM, à tous les bruits du monde sénsiUie; 9s
entretiennent, conservent, alimentent en eux-mêmes la conscience
de rhumanité, menacée d'être étouffée, en naissant , sous les ravis-
semens d'une sensualité exubérante. Les macérations prodigieuses
de ce peuple de prêtres dans le jardin de l'Asie, qu'esirce autre chose
qu'une protestation de la pensée pour rétablir l'équilibre entre la
matière et l'esprit? C'est le premier combat duquel dépendront tous
les autres. L'homme sera-t-il le maitre ou l'esclave de la nature?
Telle est la question posée à l'origine de toute société , et plus la
nature est puissante, plus la réaction des hommes doit l'être; ce qui
explique l'ascétisme des brahmanes dans leur contrée enchantée, des
pythagoriciens dans la Grande-Grèce, de l'Italie et de l'Espagne au
moyen-ftge. Les saints qui , à l'origine de la civilisation chrétienne,
combattirent, comme l'Hydre ou le Python renaissans, les instincts
de la nature païenne, voilà les Hercule et les Thésée de rhumanité
moderne.
De nos jours, tout est changé. L'ascétisme a cessé d'être un prin-
cipe dominant de civilisation et de poésie. Pourquoi cela? Parce que
l'humanité a acquis des forces par la lutte , que son indépendance
est désormais conquise sur l'univers , que, loin d'avoir à redouter la
tyrannie du monde extérieur, chaque jour elle le dompte et le plie à
ses nombreux caprices, que la pensée détourne les fleuves, comble
les vallées, que la matière s'enfuit et disparaît devant le joug de
l'esprit, que l'homme n'est plus enseigné par la sagesse du serpent
ni par l'oiseau des aruspices, qu'enfin il ne craint plus d'être vaincu
et retenu captif par la nature. Ce grand duel s'est terminé à son
honneur. Qu'a-t-il besoin de nier la nature? il l'enchatne à son char.
Il semble , au reste , que la société indienne n'ait jamais su être
jeune, tant il entre de réflexions, de combinaisons, de calculs philo-
sophiques dans son premier poème, où se mêlent d'aâleurs des senti-
mens qui ont dû naître à des époques très éloignées les unes des
autres. L'Iliade et l'Odyssée, avec tous les caractères d'un peuple nais-
sant, simplicité, naïveté, ignorance des choses métaphysiques, doi-
vent avoir jaUli, l'une et l'autre, presque spontanément et tout ar-^
méei« du front de la société grecque, tandis^ que Tépopée de Valmiki
léiuHie déjà le génie d'un penple qui a traversé toutes les phases,
épaké toutes tes doctrines de la vie sociale : cosmogonie, genèse,
tradition» de l'enfimee duiMOnide qvd attestent surtout l'enfance de
• toiÊÈ xxm. ' 11
if6 RBV^ 9m WJPX Ji^NDES.
rintdljffQQçe bmsMm; mwmm id'iioe bitte 4e >teM.ji(iqfeimîp
tives, iQonimieos 4e la fonnatioQ di^p^ple ip<fet»4.g^tîpim>t,4e
méUncolie, d'attendris8eiBeBt, rêveries d*«oç pfli(Biét6,d6ià jBfl^irtéfî
d'elle-même, écoles de pbilo&tyhie, scep^î^ifioie» koaw;«.0ci^t^jié-
tiiphysique8, royauté de$ logidèos, marquei d*m»e^eiigiaa et 4*me
dviUsatioQ au déclio ; tout cela cafisemUé, mêlé» oidopoé iam une
même œuvre, comme les productiQOS des divcyys.épMqiie^ de^^la
nature sont superposées dans les flaoes d'uoe même motnti>gnie» dfppl»
la roche primitive eilia yégétation autédîluviçou^^ $yN3i3fi:véeJmi du
jour, dans les reuilles de l'ardoise, jusqu'à la fkwpou^^^^iiievîoBt
de ronger dans la rosée Fifisecte oé du matin^ Aumy app)îq«Mit à
ces poèmes la théorie que j'ai réfutée pour 1imiÈff;^.ç;foiimA!je^ vo-
lontiers qu'ils sont l'ouvrée, non d'un hyomfl»e, imîi.de diviecses^
nérations qui ont accuqaulé leur peofiées les uaes. nur tes antMS^.
Vous passez brusquement ie l'époque du ebaosi ceUed^laoïétaptqr-
sique, des hommes des jbois à l'écple des sopUMes^ Dam le benetu
de ce peuple eçt te .livre de sa vieillesse, et vous diriez que sms
enfance il est né dans l'éternité.
Veut-on ^voir ce que. peut être le aceptîcisme jtutàiUlttfîeii dont
je viens de parier? Ou sera étouiié de voir cwibien il reiseintd^À
celui de notre temps :
ff Le roi des logicieas s'adressa ainsi à lUma pour l'éprjQriywr; O
Rama, que l'intelligence d'ua ascète tel que toi ne desceode tpfis
au niveau des imaginations vulgaires ! Les livres sacrés oot été £/^m^
posés par des hommes adroits afin de tromper les aiUres et daies
induire à faire des donations. Toute leur doctrine* la voici : OSmides
sacrifices, consumez-vous dans les austérités reUgieuses, le jeâoe» la
macération. Faites des dons au sacerdoce... O roi, ue semfriu dote
jamais sage? Ce qui se laisse toucher et goàter par les sens est «eul
digne de tes désirs. Tous les rois tes prédécesseurs sont tombés sous
la main d'airain de la mort. Nul ne sait ce qu'ils sont devenus ni où
ils sont allés; on croit les voir partout où Ton désire qu'ils so&eol;
cependant l'univers est plongé dans l'incertitwle. Il n'y a dans ce
monde rien d'assuré, et ce monde mAme, où esV-il?
« £n entendant ces sentimeps athées, Kama, semblable à un élé-
phant furieuXr répondit; Je ne me soustrairai pas plus auiL commaa-
démens de mon père qu'un cheval dompté n'abandonne le cbaft <^
qu'une épouse obéissante ne délaisse son époux. Je ne serai pas plus
ébranlé par tes paroles qu'une. montagne ne piçnt l'être pçrr le choc
de l'ouragan. » , . . .
' ^ÛÉtES fiflQIJK». 167
flnfih^lme^desti^piqties, lé ^eptfcisme ne pârle^iril pas ici la
lattgM' dB TMMre? L'étonneioetif , la colère de ce jecne éléphant
fMBn, ble»é paf réfernel arpent, c'e^ le seul brait qui nous rejette
dMi lAe aoeiélé dotiqiie. La société indienne n'est point encore fami-
liarisée avec le donte. Elle regimbe violemment contre Taiguillon.
IMb, (}Mt qii*dl0 fasse, le veiri» est entré aa cœur de sa poésie; il
jtfm softira plu». Étrange début pour afi penpie, que te blasphème
nÉM à rb jnMieeoeore vibrant de la création et le scepticisme au sortir
<iv cMml Cet épiaede est le livre de lob de la Bible indienne.
STH est vnâ cepetidant que la f(»nte virile consiste à se contenir, se
littiiliarf se «Mitriaer smaéme, une secrète faiblesse est cachée sons
la puissaDoe nonatmevse dea poètes du Gange, et c'est là pour eux
le ai|^ de nmAmce. Comme ces jeunes^ étéphans etiivrés dont
râttage tour est si fimiffière, ils traversent en se jouant, dans lem^
si^ela, les ferM» instpédélrablea, la création toirt ei^ère, et souvent
uflB ttHie suflK patff les embanraaser et les arrêter. Ils sont possédés
de leur aujet MÂi pins qn'ila se le possèdent; errant à travers Tim-
nmwîté, toajimrB un épisode peut s'afouter à l'épisode qui précède;
il n'est aucnne ratsen tirée de la nature dei» choses pour poser un
terme à lenra composMons. Le dénouement n'en est vraiment pos^
sifele ipe dans réternîté. A l'égard de lenr style, il est ce que l'actioB
est eBe-mèitie, aussi tidie en mMs, en IqHues, en pierreries, aussi
ptontnreav qne les flancs sacrés de rffinialaya, par où ils diffèrent
sattont éb nos poèmes caflioHquea du moyen^Age, dans lesquels Ter-
pmalDn indigente ne suit Taetion qu'à grand'peine, ainsi qu'un serf
sniratt à pied son sdgneur emporté par un cheval caparaçonné.
Accoutumés au demi-jour de nos contrées, nous sommes fiacflement
éManis de œs trésors prodigués de la parole orientale. S'il était vrai
pourtant que fart dAt être seulement une imitation de la nature, ce
style leoipiirnt toutes les conditions de la perfection, puisqu'il est
éaldemment le relet du hue de la evéation sous le del de la Haute-
Asie. Que penMi donc y manquer? Un eboti fait par l'homme entre
lea abjets qu'il rencontre. Il n'est pas rare de trouver dans ces
poèmes, pour un seul objet, jusqu'à cinquante comparaisons accu-
nnlées qui écrasent la vie sous le fardeau de l'image. L'homme est
conmie détrAné par la nature, et sa pensée tarie ou éclipsée par les
rayons de œ soleil trop puissant, œil de Brahma, qui dévore ce
quil contemple. L'eipression , cependant, est quelquefois simple,
nue, soudaine. Ce contraste vous saisit; vous erriez depuis plusieurs
jouia an hasard dans une forêt inhabitée; ses profondeurs ne réson-
11.
i(i§, REVUE pis^ jm^ ff<m^*
naiçnt quQ Oes munnur^ de la nat»fe,;v^/ifl<fs 4$iA;QvNbAH^ IW»
voix, des reptiles ailés se di^ssaieDt.(K)i[ifuséineQt à,^Viefc$|l0S,r9pa^^ .
frissoDpaBs; rhorreur croissait* Soqdaifi vwsdécquw des. pasidapa,
cette solitude; un cri s'élève près de U^ i^m i*nfKhwmeMwM9b\^,
à vous! . .,..)!■'.
Ici se retrouve la question posée en cpmniepçafit :,Q9i^Uie p)ac9och
cupera la poésie indienne dans Thistoife de Tart? ]ËcUpi9efia4«eUe dans .
les esprits la poésie homérique? la remplacerant-edl^ jwws? Nul mo-
nument, nul brin d*herbe pensant ne peut ten|r l^^^'un wU*e,-et
ce serait une critique bien futile de se hflter 4e.c(^écier la Gprèce
par l'Asie, ou l'Asie par la Grèce. 11 y a place, Biieui,mei3ci, dims Ja .
nature et dans l'intelligence de l'homme pour tws les ppèmes dut
passé comme pour^l^s ceux de l'avenir. Seulqmmt.la peiFy>ective
dan3 rbis^oi^ i^t cbapgée. Le génie hellénique se ;pap|^oche de
nçus à me^r^.qu^ 4ansJ'éloignement nous apercQV^ns le génie
indien sei Iç^^ s)^.)foi^ dç^l'tiorizon. Loin de détrôner le vieil Homère,
ces mon^|i^ps,,poiUveUeipiçiitt révélés feront éclater encore par leur
richesse ipèm.e'.spp firt, s^ siqi^plicité, son habileté instinctive. L'Inde
fera ressortir la,Grèc(^;XHjpialaya encadrera l'Olympe* Dans ro[Hmoa
du dernier siècle, l'auteur de l'Uiade passait pour un disciple aveygle
de la nature seule. Peu s'en fallait qu'on ne le tint ppupori^ntil.
Depuis qu'on peut le comparer à son frère du Gaqge,, lapr^isifi^M
de son dessin, la fermeté de ses formes, deviendront plus manifi^stw .
pour tous. Il rentrera plus étroitement dans la fomille de^g^pî^ 4e »
l'Occident, ou du moins il apparaîtra comme le médiateur sopmaini
entre l'Occident et l'Orient; colosse de Rhodes qui s'appuie sur. 1^ .
deux rives.
Si l'on demande, en outre, quelle sera l'influence directe de cette *
renaissance orientale, il est évident qu'elle entrera popr quelque
chose dans les conceptions de l'avenir, puisqu'une société tout eur
tière ne sort pas du tombeau sans agir d'une manière quelconque
sur les imaginations humaines. Il est vrai que le génie indien ne sera
dans aucun cas pris pour modèle, son caractère étant de n'avoir ni
règle fixe, ni loi irrévocable. Mais, sans devenir un code littéraire,
il grossit la tradition universelle. Toutes les fois que les modernes
s'emparent d'une donnée grecque pour la traiter à leur tour, ils ont
à lutter contre une œuvre parfaite, laquelle ne laisse presque rien
à ajouter ni à retrancher. Où est la main qui peut refaire le marbre
sculpté dans Athènes? Tout au contraire, la poésie de l'Inde çst une-
mine de Golconde, où l'or, les métaux précieux, les pierreries sont
s&ùt^ôtiftèlft^aV^è dès éKteèlià' encore bruts. De ces masses con-
filses; It)a;id'éWtipbWa dëgager (et il Ta fait déjà), non des formes,
mtik de^ Icdiitetirs, dëà ii-adKions, des images qu'il animera de sa vie,
vh mëiaO nbUVëèn pôiiir remptir le moule de sa pensée.
Car Tesprit de Thomme est aujourd'hui présent partout sur la terre;
soft bérceatir delà Troade et dû Latium ne suffit plus à ses rêves,
et, pour éiprimer sa pensée telle que le christianisme l'a agrandie,
ce n'cîst'pasr frèp tf e toutes les formes, voix , accords , parfums que ce
globe petit ptèdtiiré en chacun de ses climats. Le temps est passé où,
rindttstrië ^M^IaiYt dons les frontières de chaque état, le conmierce
des choses Së Bbmaif à un échange difficile dans le sein d'un même
royaume:' Le^ productions de toutes les contrées sont rassemblées
dan^ le grand ieMti de la société moderne; et lorsque la matière est
ainsi transj^Hée, échangée d'une zêne aune autre, qui vottdrait que
la penséci restât seide stagnante dans un point dé Téspace , et que
chaque poésie vécût et mourût sans contact sur la giëUè 6{i elle a pris
naissance? II n'y a plus de serf de Ta glèbe dahs M'Vié réléllë; 0 ne
peut plus y en avoir dans le mondé idéaf; et c'est juètîce, quand le
corps est affranchi, que l'esprit le soit à sa manière, habitant de toute
la terre, contemporain de tout le passé.
Non, non, lïe Craignons pas de paraître trop infatués en nous attri-
btiaM" potir patrie ce globe en son entier, et osons fièrement em-
brasser sans partage, du levant au couchant et d'un pôle à l'autre
pdte," tbiii ce grain de sable dans l'infini. Il semblait illimité dans
l'Antiîiïiiité, parce qu'il était inconnu. Depuis qu'il a été mesuré, tout
sOki prit est tombé. Que faut-il désormais pour le franchir en un
moment? Il n'est plus besoin pour cela d'être un habitant de lX)lympe.
Dans la vie la plus obscure, le cœur le plus enchaîné, emporté par
l'aile du christianisme, le traverse plus vite que ne faisaient autrefois
les dieux d*Homère.
Edgar Qdinet.
,-;,■'"'
' " r ".' : . , .
I
t
CHROOTQUE DE U QXmZMm,
La sesaoB touche i son terme. Il ne leste devant la chambredei paûs ^le
cinq affaires io^iortaiite^ : le budget, les diemins de fer, les paquebots trans-
atlantiques, la création d*uiie faculté des sciences à Rennes, et la réforme
du tribunal de la Semé.
La chambre des pairs se trouve dans une situation qui n^est pas nouvelle,
mais qû donne tie« cens a^née à des débats plus vift et plus aners qne par
te passé. Noos ne seaunet pas sni^iB de ee redoublenent de plaintes et dé
neproches.
l>*u« cteé, la silnatio», par cela seul qu'^ se prolonge et qu'elle paraît
vouloir «^établir comme une règle^ deûent insupportable à la chambre doni
elle comproioet la dignité et rUnportaace politique.
De Taulre côté, le ministère ne compte pas dans la chambre un grand
nombre d'amis. Si Ton ne songe pas à le renverser, on n'est pas non plus dis-
posé à lui donner des preuves de sympathie.
Quant au fond de la question , voici Pexacte vérité. D'abord la situation dont
la chambre des pairs a droit de se plaindre, ne saurait être avec justice imputée
au ministère. Ce n'est pas lui qui a distribué le travail de la session. Arrivé aux
affaires dans le mois de mars, il n'était pas en son pouvoir de modifier le cours
des choses , comme il n'est au pouvobr de personne de retenir à Paris les dé-
putés après le vote de la loi de finances.
Une fois le ministère mis hors de cause, reste la question tout entière. Com-
ment faire cesser un abus qui trouble profondément l'équilibre des pouvoirs,
un abus auquel la chambre ne pourrait se réngner sans anéantir, au préju-
dice du pays et de la couronne , une des principales garanties de notre système
politique ?
Si la pairie se résigne, la constitution est faussée. La chambre des pairs, on
l'a dit mille fois, ne serait plus qu'un bureau d'enregistrement. Si elle résiste
jmm—cmm&Ba^^ *^*
60 «iBeaéant le budget ,^smiI taoyen f u'eUe aurait ëe conteaindw k tksmbt^
desdépQtif àisepreiidre eesséanoes, eUe ûôt naître eatve 4eiixgraBdfi^eiH
voin de Tétai «ne de ces iutites qoi m se juirifient ipM far une néottaité
Satts doute c'est là le ««fiUfMM»^> et la ebaoïbre des panra ne déviait pas
hésiter à l'appliquer le jour où il lui serait démontré q«e c'e6t4à le seul moyen
Je rétablir F^^ibrt. Û serait alois par Irop indigne de b eb^^ de borner
son ressentiment à dès compiaintes aonneiles, oomplaiittes ^ue leur retour
périodique et toujours ine£Êcaee ne larderait pas à rendre complètement ndi-
CHles.
Haireusement il est plus d'un aïoyen que le ministère peut empl^F^ pour
rendre aux travaux des deux chambres leur oours simultané et régulier, et il
n'est pas douteux pour nous que le cabinet ne cberdicséneusement, dès la
session prochaine, à résoudre la difficulté.
On peut facilement distribuer le travail entre les deux chambres d'une ma*
nière plus égale.
Il y a lieu d'examiner si Ton ne pourrait pas changer l'année financière de
manière que les chambres pussent au besoin ne délibérer définitivement sur
Je budget présenté dans le oours de la session qu'au commencement de la
session suivante.
Il y a aussi lieu d'examiner s'il est indispensable de persévérer dans l'usage
de présenter les bodgets de tous les ministères dans une seule et même loi.
Nous ne voulons rien affirmer. Ces expédiens exigeraient dans nos rouages
administratifs, et peut-être aussi dans les règlemens des chambres, des modi-
fications qu'il serait par trop présomptueux d'indiquer ici ; elles ne peuvent
eue que le résultat de sérieuses méditations, d'études approfondies.
Ajoutons seulement que, sur la distribution du travail , il a été énoncé dans
les discussions de la chambre des pairs une opinion qui nous paraît excessive.
On a dit que l'article de la charte portant que toute loi d'impôt doit être
d'abord votée par la chambre des députés, ne s'appliquait qu'aux lois dont le
but direct est l'établissement d'un impôt; qu'ainsi on aurait pu présenter d'a-
bord à la chambre des pairs la loi sur les paquebots transatlantiques, ou toute
autre loi prescrivant une dépense. A l'aide de cette interprétation , on pour-
rait aller jusqu'à soutenir que la loi capitale du budget, la loi des dépenses,
peut être portée directement à la chambre des pairs.
L'interprétation nous parait forcée. L'état n'a pas chez nous deux moyens
de subvenir à ses dépenses. Qui dit dépense dit impôt, impôt qu'on établit,
qu'on augmente ou qu'on ne diminue pas. — D'un autre côté, il est également
vrai que ce serait donner à l'article de la charte un sens trop large que de
l'appliquer indistinctement à tout projet de loi pouvant impliquer une dépense.
La chambre des pairs a plus d'une fois voté la première des lois de ce genre,
et nul n'a révoqué en doute la légalité de son vote. Il y a là une juste ligne de
démarcation à tracer.
Mais sans entrer ici dans le fond de la question , sans vouloir scruter la
l^t&re et rechticher Tesprit ainsi que Jet;Qrû[i|^^dç,f,a)r^!i^.d^
4î8oiia seulement que nul ne songe à enlever à la çl^ii4>i!e ^e^y^ ^çe qu'elle
regarde 9 sur le fondement d'une pratlq^e,de.Tingtrcî|lq,f^^, ^i^e,un de ses
droits « eomme sa prérogative la plus importa^ite, Cps^ u^eyoie^ ou la cbamibre
des pairs ne voudrait pas, et avec raison ^ s'engager; ç'e^3'affaubl|r que d'user
ses farces à saisir des droits contestables. La cbambre des p^lrs yeut maintenir,
avec la vigueur et la dignité qui lui appartiennent , se^, prérogatives recon-
nues, ses droits incontestés.
L'état des partis ne s'est pas modifié dans la quinzaine qi;i,ijent de s'écouler.
Les députés rentrant dans leurs foyers, commence ma^^enant ce travail loeal,
cette communication intime entre le député et ses éiecteurSt dont il est tou-
jours difficile, même aux plus habiles, de prévoir tout^ 1^ conséquences avec
quelque exactitude. Les députés qui ont interrompu leurs longue^ habitudes
ministérielles, comme les députés de la vieille opposition qui prêtent aijyQur-
d'bui leur appui ^ ministère, auront h s'expliquer avec lei^rs comn^ettans.
ici le^d^ii^oonv^incra les éliecteurs de la sagesse de sa conduite; ailleurs les
élecleursiréagii^mt pe«Mt}» sur le d^uté.
Au surplus , les députés qui ont soutenu le ministère pourront parler avec
quelque oi^ei): de^jré^tats de la session. Des lois importantes vont donner
unenouyellaimpfulsioaà I9 prospérité matérielle du pays. La navigation inté-
rieure perfectionnée, l'exploitation du sel ramenée partout au droit commun , les
chemins de fer en voie d*eiécution soutenus , et de nouvelles entreprises auto-
risées, aidées, encouragées; la question des sucres terminée d'une manière
équitable; le grand établissement de la Banque de France mis à| mém^rpar la
certitude de son avenir, de rendre au commerce des services de plus en plus
importans; enfin nos relations commerciales avec le ^Nouveau-Mo^de secon-
dées et étendues par plusieurs lignes de paquebots transatlantiques : ce sont \à
des faits importans qui honorent cette session et témoignent de l'aetiv^ habi-
leté du cabinet qui a pu , dans le peu de temps que lui ont laissé les discus-
sions politiques et les difficultés de tout début, imprimer aux affaires une si
puissante impulsion.
Nous sommes convaincus que la chambre des pairs n'hésitera pas à donner
son suffrage aux projets que le ministère lui a présentés en dernier lieu.
£n rejetant le remboursement de la rente, malgré le vote réitéré de l'autre
chambre et les effi>rts du ministère, comme en confirmant à une très grande
majorité le privilège de la Banque, malgré l'opposition presque unanime de
la presse, la chambre a suffisamment prouvé que rien ne peut la détourner de
ce qui luiparattbon^iutile, éq^itable* Pîous nous plaisons à rendre hommage
à son indépendianfle,.que|lebque.soif; d'ailleurs notre opinion sur la question
de la rente.
Le mémesei^menit d*4n4<^pendance lui fera adopter des ,l,ois ,^e le i^ys
attend aveo une^ju^ jn^pâti^çje. On aura l^u lui dir^ qpe ,1e flépa^ft des
4épuléft lui âte to^t^ lîbtrté, qm'p^ a voulu i^ j)ia|^r^8Q^,ieJo^^ de; jLa, 1;^^
Mt L«,^h«mbre sait qu'il i^'p^çi ^ijç^^qflf ij^^^^p^^^^^
ûeiTeieiét'ùàtiài^]j)[kl Sâtilk'dHtité^lè Maudit à rendra èompM/ dé ^n toté
à To^itiroti publique cit à isa' piropre conscience; mais la marche régulière dà
gouveruënletit, 1è ttiin^ des sërviceSs publics ne seraient point paralysés par lé
rejet de ces lois \ ce rejet ik^ufait point les conséquences que pourrait avoir le
rejet du budget ou d'une mesure quelconque indispensable au salut de Fétat.
n n'y a dond pas cette contrainte, cette nécessité arUfîcielle et impérieuse
dont la cbaitibrë pourrait ^e blesser, cette nécessité, disons-le, qui la domine
pour le budget, qu'elle ne pourrait refuser sans compromettre la régularité
des services pub1i(!s.
En adoptaut Iês atrtrës lois, la chambre, qui pourrait les rejeter, aura agi
avec liberté et lAdépetidànce; elle aura prouvé que les motifk de l'adoption
remportaient dafiis^h esprit sur les objections qu'opposent les adversaires
de ces projets. '
La chambre, 'tl èstvra!, ne pourrait amender ces projets; tout amende-
ment produli^it, ddns les circonstances actuelles, les ménles ^ilSé((uencé8
que le rejet, et retarderait d'une année toutes ces utiles ebtrepriseâ. Dhns ces
limites, les plaintes sont fondées; mais tout a été dit sûr ce' pôittf lOrs des
débats sur la loi de la navigation intérieure. ' * ' i/'r •
Trop insister sur les mêmes plaintes (nous he'disbàs pàk les <MrtièS^ repro-
ches, le ministère a prouvé qu'il n'en mér^it pas), ce seritft lés affàtbiir, ce
serait donner au langage dé la chambre un ton làinentiiblé et peu digne d'un
grand pouvoir défétat. La chambre a fait connaître sa pedsée: il ne lui reste
!)lus d'autre moyen , le même inconvénient se renouvelant, que la résistance,
orsqu'ëïte aura devant elle un ministère qui aura préparé et distribué le travail
delà session!
' IL^mendemtént , c'est-à-dire le rejet d'un de ces projets de loi , sur qui retoro-
berhît-îl^ su^ les compagnies, sur les villes maritimes, sur le commerce , sur
Hudu^trie, sur le public, qui certes ne sont pas responsables de la marche
des travaux au sein des deux chambres. Le rejet ébranleraitril le cabinet? nul-
leméht : le cabinet a trouvé à son avènement l'état de choses dont on se plaint ;
il ne pouvait plus le changer. Le rejet ferait-il revenir à Paris un seul député?
encore moins; les députa ne seraient ramenés sur leurs sièges que par un-
amendement au budget. La chambre ne veut pas sans doute en venir cette
année à ce moyen extrême; elle voudra encore moins témoigner de son mécon-
tentement par une résolution qui ne frapperait que ces mtérêts nationaux , que
la chambre est jalouse de seconder et de protégeîrJ
II est sur la loi des chemins de fer une autre observation qu! S'applique éga-
lenient aux débats de Tune et de f autre cha(fribt«: '9ftM todioM parler de la
lëuhioà dahs ifné )seu1e et mêuie loi de pkteiëtitâ prèSétsrtiHllPàMitHdiff^ns)
indépendans l'un de l'autre; ainsi le chemin de fer d'Orléans et celui de Stras-
bourg a Ifiiâtè, et pfu^éii)^ autres, se trouvéhtbbtk)^ AiM le iHéme projet de
Idi. It âk, eh'U6nké4uiéhcè?. «élut ado^ o«r tc^^r^eter^^cès projeitsse pré^
sentëi^'au!^'iùÉ^éès^%i '^ t^dlbre, ^uV>ai)i»t'diréJrto portant fautre.
Ënèoiéè si ïèWâ^ 'prïti^,^si'te^raeiliè systtlite dé Secours étak appliqué à
ilU RBVm DBS DBDX HORDES.
tous ces projets. Loin de là : la méiM loi endiraise six pnijrti et qutre
sjntme» diffémis; doui ne f oulona pas dire Of^oiés; il se peut en effet que
ces iystèmts dWcn, cMitrairM Bjémee, soient avec raiiDa applicables il des
ntreprises diff^reoles. Toujours fsl-il que la lincérilé des débats législatîb
reçoit une «tteinte Icxraqu'une usembUc est f<Ht:ée de voter in glabo des projctt
différens,milleiiientcaiiiiixea, et pouvant parfaitement «tisterrunca os l'aulve.
Mabce n'est pas là qb expédieDi inventé par le ministère do I" mars; c'est'
on usage snr lequel il importa HKlement d'attirer ratientioa du gouverne-
ment pour les projets futurs.
La mort de H. Daunou laisse vacante
in^nante. Le bruit publie a désigné p
bien informés, ccqi sur qui l'attention p
lière sont M. de Gasparin, l'ancien mini
est un administrateur habile, H. Fteriel ,
tioguent , entre autres, par l'euetiwde et la profondeur des recherehes. Selon
le point de vue auquel on se place, le cboii de l'un os de l'antre ne mériterait
que des élo^.
M. Vincent passe dans le conseil d'état du service extraordinaire an servie»
ordinaire. Rien de plus naturel que de voir un administrateur ausn éclairé et
d'une n grande expérieDce se voua eBtiJfcmeot etix travaux du conseil d'étal.
Nous espérons qu'if sera digiemeat renplaeé dans ses importantes fonctions
an minisièredo commerce.
Le public est fort préoccupé dans ce moment des nouvelles d'AVer. Ea
admettant qu'il y ait quelque exagération , peut-étre ausu nn peu d'animonté
dans les nouvellesqui circulent, toujours est-il que noire campagne en AfiîqDo
est longue, difficile et sans résultats décisib qui compensent les sacriBces en
hommes et en »gent qu'elle exige. Il serait plus que superflu de rechercher
aujourd'hui à qui l'on pourrait imputer la guerre que nous avons sxir les
bras, les difficultés que noua rencontrons en Afrique, Ce n'est pas te imn
ment de discuter, mais d'agir, d'agir avec résolution et d'une manière d^na
de la France. Quelks qu'en soient les causes, c'est là désormais une guerre
h mort avec les populations indigènes, avec les Arabes afncaini. C'est le mabo-
métisme, la barbarie et le génie nomade qui veulent expulser d'Afriifae la
religion, la civilisation, la puissance françaises. Dans le commencement, il
aurait été légitioie et sensé de poser la question de savoir s'il convenait à la
France, à sa politique, à son inDuence d'entrer dans cetta voie, de jeter bon
de l'Europe une partie notable de ses revenus et de ses forces, ai les avantages
militaires, maritimes, commereiaux qu'elle pouvait en espérer, étaient de natora
àeompeuser ses sacrifices, si le moment était arrivé d'implanter par la força
désarmes, par la conquête la civilisation française sur le sol aride et malsaùft,
sous le ciel brûlant de l' Algérie.
Aujourd'hui , empresMos-nous de le reeonoattre , la question ne peut éln
posée dans ces termes. Le drapeau français a été solennellemeDt planté sur ta
sol africain. lA FnuKea dit qu'il y restenit : Abd-el-IUider veut l'en arracher dâ
BBTUB. -*^ GHROIVIQSI. t?Ç
ioné. LaTKiDoe^peiit-^le le supporter? non , è auonn prix. CM là «ne répome
^ui esi au fond de tous les cœurs, de toutes les pensées, de fous les systèmes.
Les adversaires les plils d^dés de notre établissement en Afrique, ceux-là
même qui n^auraient pas hésité à évacuer FAlgérie, lorsque nous y étions en
paix avec tout le monde, ne voudraient pas aujourd'hui abandonner un pouce
de terrain. (Test que toutes les opinions, comme tous les systèmes, se rencon-
trent sur un point commun ; c'est qu'il n'y a plus de dissentiment possible
lorsqu'il s'agit de la dignité de la France, de Phonneur national.
D'un autre coté, tenons-nous en garde contre l'esprit de notre temps; pré-
aerrons-oous des atermoiemens, des demi-mesures. L'affaire d'Afrique, con-
duite mollement, serait interminable; elle pourrait renouveler pour nous cette
longue et funeste guerre d'Espagne, lorsque nous n'étions jamais maîtres que
du terrain qu'occupaient les semelles de nos soldats, lorsque, vainqueurs dans
tous les combats, nous n'avions cependant jamais ^u vaincre le pays et le plier
à nos lois.
Ce fut une erreur de Napoléon que de se persuader que l'affaire d'Es-
pagne n'exigeait pas de grands efforts, qu'on pouvait la combiner avec d'au-
tres expéditions, qu'elle finirait d'^le-méme^ de guerre lasse; que les popula-
tions, Êitiguées, vaincues, appauvries, rentreraient paisiblement dans leurs
foyers. Les guerres nationales des peuples fanatiques et barbares sont régies
par d'autres lois générales que celles qui gouvernent les guerres des nations
riches et civilisées. Nos soldats avaient finstinct de cette différence, lorsque,
en Espagne, ils regrettaient si gaiement cette Italie, cette Allemagne si bonnes
i conquérir, si faciles à garder.
Le cabinet s'occupe très sérieusement de l'affaire d'Afrique. Kous ignorons
ses idées, ses projets. Ce que nous demandons avant tout, ee sont des mesures
décisives et un plan bien arrêté. Un système médiocrement bon, qu'on main-
tiendrait avec suite, avec énergie, avec persévérance, vaudrait mieux que les
idées les plus heureuses, les plus lumineuses , mises en pratique avec hésita-
tion, par voie de tâtonnement et d'essai.
Jusqu'ici on n'a jamais su au juste ni ce qu'on voulait faire en Afrique, ni
ce qu'on voulait faire de l'Afrique. Qu'Abd-el-Kader nous rende du moins le
service de nous contraindre à prendre un parti , à résoudre les deux questions.
On parle beaucoup du projet du général Bogniat, de Vobitaele continu au
moyen d'un mur et d'un fossé qui mettrait une partie de nos possessions, la
plaine de la MiUdja , à l'abri des Incursions des Arabes. Le projet est ingé-
nieux ; la dépense ne serait pas excessive; le résultat paraît certain ; un faible
corps suffirait pour garder l'enceinte contre des hordes barbares. Nous sommes
moins rassurés sur les effets morbides d'un grand remuement de terre dans
tin pays si exposé aux influenceâ typhoïdes, aux ravages de la fièvre et de la
dyssenterie.
. Les affaires d'Espagne prennent tous les jours une tournure plus fqvorable
d la cause constitutionnelle. Le général Ségarra fait sa soumission, et il
ekhorte les Insurgés à se rallier au parti national. Batmaseda a été battu. La
17? vE\%m vBSk ^mn 4fWK8.
reiae est aeeamUie en Catalo§^ pav latAots d- OQe^peptthtti^nMiipHirdtel
stwme. Le peuple espagnol est toojoorB pr of opdéwertl < <imarthiq<g. Ifol
douie queie voisîDage de la cour neeoatribtte à raHier letfpiiftto; ft ràmèiiertm
grand nombre d'hommes égarés. Après beaucoup de ëonjeétures, <M paraît
croire aujourd'hui que le voyage des deut reines n'a eu réellement d'autre but
que le rétablissement de la santé de la reine Isabelle. Çtuoi qu'il en soit, on se
ferait illusion si on croyait qu'une fois Cabrera vaincu et le parti carliste en-
tièrement dissous, les dilQcultés de l'Espagne s'évanouiront copuplèt^menL
Loin de là. Le peuple est monarchique et religieux » voire méwesuperslîliwx.
Il n'est pas moins vrai qu'une partie considérable des «leaws mo^FeMies^da»
les grandes villes surtout, est imbue de nos idées, de- nos primHpes; et ptéd-
sèment parce que ces idées et ces principes sont trop avancés pf^ut l'Espagne et
ne sont pas en harmonie avec l'état général du pays , la mitiorité qui professe
cette politique d'emprunt, impatiente de réaliser ses idées, est iouJ9urs tentée
de devenir violente et factieuse. On n'est ni impatient ni violent lorsqu'on sait
qu'on a le pays derrière soi , lorsqu'on ne doute pas d'un prochain succès.
Sous la restauration, Casimir Périer disait aux trois cents de M. de Yillèle :
« Nous sommas quinze iei^ mm nous avons le pays derrière now; « ansm
Casimir Périer et sesanus-ne ooDSpiraient pas; ils attendaient, et n'attendirent
pas long^temps. *
Après la dispersien complète de Tlnsurrection cariiste, le parti radical en
Espagne deviendra probablement plus exigeant et de plus en plus violent. Le
gouvernement aura besoin de fermeté, d'habileté, de mesure. Qu'il sjb garde
surtout de mépriser ses adversaires. Les minorités ont si souvent bouleversé et
gouverné le monde!
M. Cousin poursuit le cours de ses paisibles réformes dan& to domaine de
l'enseignement. . * ^.
Une ordonnance royale vient de créer à la Faculté de Droit de Paris' UHk
chaire d'introduction générale à l'étude du droit. C'était une lacune qu'il M-
portait de combler. Ainsi que l'a dit le ministre dans son rapport au roi , ce
cours préliminaire aura pour objet d'orienter, en quelque sorte, les jeunes étu-
dians dans le labyrinthe de la jurisprudence.
U a été aussi décidé qu'à l'avenir, soit dans les examens , soit dans les con-
cours devant les facultés de droit , il n'y aura plus ni argomeotationa ni leyg
latines. Pions félicitons M. le nûaiitse de riustrwthwi publique d'avoir mis fin
à un usage quiti'étaitft'mrnoyen de dissimuler l'ignorance et de paralyser
le savoir.
Le drame de ia MarichalêtPjéneteyrtpréBmté il y a neuf ans à fOdée»,
vient d'être repris par 1» ConédîO'Française. On a pu remarquer dana etfIXt
œuvre, dont la mis» «ttscèiie révèle un zèle IcPuable, foutes lès hautes et rurtt
qualité qui distîBgnent k Saknt de M.. Alfred M Vlgviy. Bien ^u^Më «en^
dance instinctive semUe^ eMialner rauteiur'd1fîfoei:!vin< lia' oontenplatibii'el
rél^e^ c'est avec une 8«périQrké4EéettevUfsvtile'vdcoiiiiiitre^qn^^
4MAiimtMfTéi^iai$itJMiim^yV\ïktéTtft^ dtamatiijiie àé PhlMolre. TOtlt
«DT avoiiant^noerf rMémnètg pour -les «evmrcs da poète qui relèveat uniqoe-
jiAeBt4e.ni^plff9tJi^B41^>gîaqu6 oiieoBttinplative, nous croyons queee éranie
4'une jpensée, si Jb^ute.,> d'yna ^x^ution si sévère, doit prendre rang parmi
les plus ipsportantes ciréaUoas de M. Alfred de Vigny. Il nous suffira « pour
appuyer cette opinion, de rappeler rapidement quels matériaux fournissait
Thlstoire et quel parti Tauteur en a su tirer.
Assuréitient le récit des historiens, dans sa nudité austère, ne lui offrait que
^PkiiifffiSÉntès ressomrbes. 11 s'agissait de la chute d'un favori , d'un ambitieux
TVlgairtf;^ il seittblait qu'aucune émotion élevée ne pût jaillir du spectade de
•CM inlri|me9'mesqekies, terminées par un assassinat. Pourtant M. de Vigny
a su întreduivedaBs son drame un noble et grave enseignement. Dans ce
meurtre de jCioi^Qi.«4ui termine la minorité de Louis XIII , ii a vu l'expia-
tion du crime de Ra;vaillac, qui avait amené le nouveau règne et fondé la puis-
sance passagère du favori. Cette donnée philosophique peut s'appuyer sur des
preuves. Dans une des notes qui accompagnent son drame, M. de Vigny cite
quelques passages trouvés dans les pièces relatives au procc^ de la Gatigaï, et
d'après lesquels il 'est permis de regarder l'ambitieux Italien comme le com-
plice de Kavailfac. Quoi qu'il en soit de l'exactitude historique de cette accu-
sation portée par les contemporains contre Concini , on < doit i^edOAnaftre qae
le souvenir du crime de Ravaillac, habilement amené par le poète^ produit
un effet saisissant. Cette pensée de l'expiation une fois admise, H reste à voir
comment le poète Ta développée. C'est automr de 1^ figliive mélancolique et
hautaine de Leonora Galigaï qu'il a groupé ses* nombreux personnages. Si on
la dégage de certains détails que Fauteur a cru nécessaires pour compléter
son tableau historique, l'action est fort simple. La chute de la maréchale est
le véritable et unique sujet du drame. L'expiation n'atteint pas seulement
Concini, elle frappe à côté du lâche ambitieux une femme d'un noble et ferme
àâttiClète? dès^ors l'intérêt s*éveille, et le drame devient possible. L'action
s'engage et se dénoue en deux jours. Cette rapidité de l'action est le seul rap-
port «|u^of(re la pièce avec les créations du théâtre classique. L'auteur n'a
.^uv^ui^e^meot cherché à réduire les proportions de Timmense tableau que lui
.offrait l'histoire. U a transporté dans son drame tout le mouvement, toute la
variété que réclame la scène moderne. Peut-être a-t-il trop multiplié les détails,
peut-être la simplicité du sujet disparatt-elle un peu sous Tabondance des carac-
tères et des incidens. M. de Vigny n'a fait en ceci , nous le savons, que suivre
l'exemple des tragiques étrangers; mais cet exemple ne saurait infirmer notre
objection , qui reste entièrement fondée au point de vue de la scène française.
M. de Vigny avait à envisager trois faces diverses dans le personnage de
Leonora Galigaï : lltalienne dissimulée, l'amante et la mère. Il a su accorder
avec discernement, à chacun des aspects de ce caractère, l'attention qu'il mé-
ritait. U s'est attaché surtout à faire ressortir avec vigueur la fermeté mâle et
courageuse de l'épouse de Concini. Il a indiqué , avec une rare délicatesse , ce
^réglait de la faiblesse et des superstitions^ de la feniuie> dans ce caractère
fresçpte iviviU A eété de la maréGhale, fiorgiftctConoim se placent comme
jpoiHr ^ciairerfCetteiiQp^^aDte. figure, l'ufl par «ob ^anow, l'autre par son
4iBiHliieiiw|C'esfi^u GcwM passionné qu'appartient le ooeur tendre et ardent de
f ItftUfloi|e9<€f«atàJaaibitieuxif1oreQtiaquîeUéoéMaeÉiè l'énergie de son intel«
JBgeifie ctid0(»a yohuité^ 6e%4ctH8 iieiaollfliageBftaBeitt le groi^ principal du
iSf BEVW.WHrWIlXilWWBS.
Bhale,-B«rgit, Coaeilli, te- rmewtf km pmnwtMaK
foURHMiEe d'IwbaUa MoBti, Ja bmme 4e-torgift;
iuif Atootalto. TimpaniMe et hawuipe ainlMtiiB 4e
iedu flugiatrat Dét^cant, la.buMQM pubiti dn
lance et la légèreté de FiisM^w , iMitei «es imtBoeg,
Dt été rendus par M. de Vigny «ne um laietoiMD
retrouve, dans les plus petits AiUih de oes tt^wM,
Jet traces d'une exécutioD aériauw et puieite.
Nous croyons inutile de raconter laluoeqai ^étabM«aflpe«eadiv«nfev-
Bonnages. L'arresutioa du prince deCondé, la ffvoUedea niMnms, tefwais
de la marécdale, son supplice , (udiieut largemmià rintéf^dfetmtUiiM par-
ties du drame. On tait quelle terreur éieille la tcàaedu.duel,qMlt«taMi(w
accueille la douleur sombre et résignée de la msséebalftffapoeiitrutnr Je
cbemin du bdcber les cadavres de son mari et de ion amant. Ce sont là dw
effets qu'il est superflu de louer. C'est sur le mértte de la forme qne notn
croyons surtout devoir appeler FatteotioD du public, trop habitué peot-étre
aujourd'hui à n'estimer que le mouvement et l'iiction. Le soin qui a présidé à
la conception , à l'arrangement des penonno^ , se retrouve en effet dans te
style Grâce, vigueur, coquetterie, la forme de la Maréehatt dÂ*ere adie
toutes les qualités qui distinguent les plus durablescréaticHsdu poète.
Il nous reste à parler de l'inierprétation des acteurs. M*" Dorval avait une
tâche difBdIe : dans le earsctèpede Ismaiéchale d'Ancre, il n'f a pas seulement
la tendresse et la résipcnation d'une femme, il y a l'énergie et la dignité
qn'exige une haute position politique. M*" Dorval, touchante comme toujouis
dans la partie passionnée de son rAle, a moins parfaitement rendu la partie
calme et sérieuse. Ligier, charrié du rAle de Borgia , n'a point eu de peine à
nndre la Iwusquerie sauvage du montagnard corse; mais tin'a réussi qn'im-
parfailement à faire ressortir la passion ardente et tmfvDdeijni subsiste sous
cette rude enveloppe. Beauvaliet n'a été h l'aise que dans les parties dn rdle de
Coaoini où la dissimulation fait place à la colère. Malgré ces imperfections,
raehetéee par beaucoup de zèle et d'iotelligens efforts, le publier a pu étudier
avec intérêt l'œuvre qui était soumise une seconde fois a son jugement, et le
beau drame de H. Alfred de Vigny a été écouté dans tous ses développemeos
avec une attention et une curiosité soutenues.
— La biblîothèqne Charpentier s'enrichit de trois charmans volumes, qui
iifiirent, réunies, toutes les «uvres de H. Alfred de Musset: X' La Con/esiion
ffun Enfant du Siècle, revue et corrigée avec le godt que l'auteur apporte
lUsormais à tout ce qu'il écrit; t° tes Comédies et Proverbes en prose; S° les
Poéwes complètes. Ce dernier volume surtout, par ce qu'il reproduit de si
agréablement connu, et par ce qu'il ajoute d'inédit, est un vrai cadeau pour
le public. De tous lespoètesqui se rattadient au mouvement littéraire de ISM,
M. Alfred de Musset fut le plus jeune , le plus liardi et le plus fringant dés
Pabord; il entra dans le sanctutiire lyrique tout éperonné et par la fenêtre, je le
croîs bien. 11 chantait, comme Chérubin, quelque espiègle chanson, son
•^ndo/ouxfi ou sa .Var^uiM,- il avait faitenrs^r le guet avec sa lune comme
«K point sur uni. Le lyrisme de cette époque éiait un peu sQteoBel,voleatier8
religieux, pompeux comme un Te Oetcn , ou sentimental. H. de Musset lui fit
d'emblée quelque déeliirure: ilosaaTOir deratprit, néHW a«eoun Mn4e
seandalé. Beptiîs VoHaM, tm a trop* oublié Fesprlt en poésie; M. èe Musset
laî refit une lai^e part; avec cela , îl eut encore ce qu'ont si peu nos poètes
modernes, la passion. Dtfta passion et de Pesprit, voilà donc son double lot
dans ses charmons contes, dans ses petits drames pétiliaos et colorés. Il est sdr
de vivre par là entre tous les poètes ses contemporains ou quelque peu ses aînés.
Sa NuU de Mat restera un des plus touchans et des plus sublimes cris d'un
jeune cœur qui déborde , un des plus beaux témoignages de la moderne
muse. Le Lac , Moïse, Ce qu'on eiuàui sur la montagne, la NuU de Mai, voilà
eoaune de toro , j'imagine , la po^rîté , ce grand pasteur au regard sommaire,
et qui nef oit que les cimes, énumérera les princes des poètes de ce temps.
Après ce qu'il a ftnt, A. de Musset est resté noodeste; il ne s'exagère point la
grandeur de son œuvre, il s'en dissimule trop peut-être le côté délicieux et
captivant; peu soucieux de Tavenir, il dit pour toute préface au lecteur :
Ce liwe est toute ma jeunesse;
Je Tai fait sans presque y songer.
Il y parait , je le confesse ,
Et j'aurais pu le corriger.
Msfis quand Fbomme change sans cesse.
Au passé pourquoi rien changer?
Va-t'en , pauvre oiseau passager.
Que Dieu te mène à ton adresse f
Qui que tu sois, qui me liras,
Lis-en le plus que tu pourras,
£t ne me condamne qu'en somme.
Mes prenùen ven sont d'un enIsMit,
Les seconds d'un adolescent ,
Les derniers à peine d'un homme.
Ce naturel-là, qui est un diarme, ne doit pas aller pourtant jusqu'au décou-
ragement intérieur et à la négligence de si beaux dons. Au moment où les fruits
sont le plus parfaits et le plus savoureux, il ne faut pas ^e l'arium se dégoûte
d'en produire. L'idéal suprême, à l'instant où on le déoeavre, fait tomber le
ciseau des mains de l'artiste, mais il le reprend bientôt, et poursuit plus lent
et plus sûr, ne perdant plus de Fœil la grande beauté. M. de Mwset fera ainsi;
les trésors d'observation et de larmes qui se sont amassés dans cette ame
jeune encore en sortiront. Voici, en attendant, et comme signe de bien
gracieuse espérance , deux pièces inédites que nous empruntons au dernier
recueil , l'une plus tendre , l'autre plus légère % et toutes deux sensibles.
Pâle étoile du soh-, messagère lointaine,
Dont le front soLt briirant des voiles du couchant;
De ton palais d'azur, au sein du firmament,
Que regardes-tu dans la plaine?
La tempête s'éloigne , et les vents sont calmés.
La forêt, qui frémit, pleure sur la bruyère;
Le phalène doré , dans sa course l^ère ,
' Tt-avèrse les prés embaumés.
Que cberches4u sur la terre endormie?
taMefHi. ))emèralaiiiaréobale»fiwgia« Goaeioi^ m raiigiot tonwrinpmgnH
secondaires. La jalousie fougMeuse d'IsaheUa Monti, J« femme 4e rMrgîft;
,ravarice et rbumilîté du juif Moataito« riaspassiMe et baMlaîné ambiin 4a
M. de Luynes, Thypocrisie du magitfrat I>éac9eiint^ ia.bnaïQiia pipbîlé da
bourgeois Picard, la pétulance et la légèreté de Fiesque, toules «as tmmuemj
tous ces types si divers ont été rendus par M. de Vigny avec use aaMteeaa^
et une parfaite vérité. On retrouve, dans les plus petits détails de^ea-llgaiea,
les traces d'une exécution sérieuse et patieate.
Nous croyons inutile de raconter la lutte qui s'étafa*^ «rtre «es divm per-
sonnages. L'arrestationdu prinee de Coudé, la révoUedes néestnftNW, kfBpoàs
de la maréchale , son supplice , suffisent largeaicnt à Tiatéeéli de-toutes ias par-
ties du drame. On sait quelle terreur éveille la scène 4u .duel , «p»lle énelMm
■aeeueille la douleur sombre et résignée de la mayéebakfiPeaQtraaKar Je
chemin du bûcher les cadavres de son mari et de son amant. Ce sont là des
efiets qu'il est superflu de louer. (Test sur le mérite de la forme que nous
croyons surtout devoir appeler Pattention du public, trop habkué peiit«étre
avyourd*luii à n'estimer que le mouvement et Tiictien. Le soin qui a préaidé a
Ja OQueeption , à l'arrangement des personnoges , se retrouve en effet dans le
style Grâce, vigueur, coquetterie, la forme de la Mmréchmie d^ Ancre offine
toutes les qualités qui distinguent les plus durables créaticn&du poète.
Il nous reste à perler de l'interprétation des acteurs. M** Dorval avait une
tâche difiidle: densleearactèpede lamaréchale d'Ancre, il n'y a pas seulement
la tendresse et la résignation d'une femme, il y a l'énergie et la dignité
qu'exige une haute position politique. M*"' Dorval, touchante comme toujoure
dans la partie passionnée de son rôle, a moins parfaitement rendu la partie
calme et sérieuse. Ligier, chargé du rôle de Borgia , n'a point eu de peine à
lendre la brusquerie sauvage du montagnard oorae; mais H' n'a réussi qu'in»-
parfaitement à faire ressortir le passion ardente et profiaode qui subsiste sous
cette rude enveloppe. Beauvaliet n'a été à l'aise que dans Je& parties du r^de
Conoini où la dissimulation fait place à la colère. Malgré ces imperfections,
rachetées par beaucoup de zèle et d'intelligens efforts, le public a pu étudier
avec intérêt rceuvre qui était soumise une seconde fois à son jugement, et le
beau drame de M. Alfred de Vigny a été écouté dans tous ses développemeos
avec une attention et une curiosité soutenues.
— La bibliothèqve Charpentier s'enrichit de trois charmans volumes, qui
nfiEirent, réunies , toutes les œuvres de M. Alfred de Musset: V La Confession
(Tun Enfant du Siècle, revue et corrigée avec le goût que l'auteur apporte
désormais à tout ee qu'il écrit; T les Comédies et Proverbes en prose; 8*" les
Poésies complètes. Ce dernier volume surtout, par ce qu'il reproduit de si
agréablement connu , et par ce qu'il ajoute d'inédit, est un vrai cadeau pour
le public. De tous les poètes qui se rattadientau mouvement littéraire de 1896 ,
M. Alfred de Musset fut le plus jeune , le plus hardi et le plus fringant dès
Pabord; il entra dans le sanctuaire lyrique tout éperonné et par la fonétre, je le
crois bien. Il chantait, comme Chérubin, quelque espiègle chanson, son
AfukUouse wx^ Marquise ; il avait fait enrager le guet avec sa lune comme
un point sur un i. Le lyrisme de cette époque était un peu solennel, volontiers
religieux , pompeux comme un Te Deum , ou sentimental. M. de Musset lui fit
d'emblée quelque déchirure : il osa avoir, de l'esprit, même avec un brin de
«eân^le. Beptiis VoHalrè, <m a trop ovMè Pesprlt en poésie; M. dt Musset
kif refit une large part; avec cela , îl eut encore ce qu'ont si peu nos poètes
modernes, la passion. Delà passion et de Pesprit, voilà donc son double lot
dans ses channans contes , dans ses petits drames pétillans et colorés. Il est sdr
de vivPB par là entre tous (es poètes ses contemporains ou quelque peu ses atnés.
Sa Nuii de Mat restera un des plus touchans et des plus sublimes cris d'un
jeune coeur qui déborde , an des plus beaux témoignages de la moderne
muse. Le Lac , MoUe, Ce qu*ott entmd awr la montagne, la Nuit de Mai, voilà
eonune de loin , j'imagine , la po£ttérité , ce grand pasteur au regard sommaire,
«t «[ui ue Toît que les cime&, énumérera les princes des poètes de ce temps.
Après ce qnMl a ftrit, A. de Musset est resté modeste; Il ne s'exagère point la
fprandeur de son oeuvre, Il s'en dissimule trop peut-être le côté délicieux et
captivant; peu soucieux de Tavenir, il dit pour toute préface au lecteur :
Ce livre est toute ma jeunesse;
Je Fal fait sans presque y songer.
Il y parait, je le confesse.
Et j'aurais pu le corriger^
Mais quand l'bomme change sans cesse ,
Au passé pourquoi rien changer?
Va-t'en , pauvre oiseau passager.
Que Dieu te mène à ton adresse f
Qui que tu sois, qui me liras,
Lis-en le plus que tu pourras.
Et ne me condamne qu'en somme.
Mes premieis ven sont d'un enlsMit^
Les seconds d'un adolescent ,
Les derniers à peine d'un homme.
Ce naturei-là, qui est un dianne, ne doit pas aller pourtant jusqu'au décou-
ragement intérieur et à la négligence de si beaux dons. Au moment où les fruits
sont le plus parfaits et le plus savoureux, il ne faut pas ^e l'arium se dégoûte
d'en produire. L'idéal suprême, à l'instant où on le déoMine, fait tomber le
ciseau des mains de l'artiste, mais il le reprend bientôt, et poursuit plus lent
et plus sûr, ne perdant plus de Foeil la grande beautés M. de Mwset fera ainsi;
les trésors d'observation et de larmes qui se sont amassés dans cette ame
jeune encore en sortiront. Voici, en attendant, et comme signe de bien
gracieuse espérance , deux pièces inédites que nous empruntons au dernier
recueil , l'une plus tendre , l'autre plus légère , et toutes deux sensibles.
Pttle étoile du soir, messagère lointaine ,
Dont le front sort brilfant des voiles du couchant;
De ton palais d'azur, au sein du firmament,
Que regardes-tu dans la plaine?
La tempête s'éloigne , et les vents sont calmés.
La forêt, qui frémit, pleure sur la bruyère;
Le phalène doré , dans sa coursé l^ère ,
' Traverse les prés embaumés.
Que cherches-tu sur la terre endormie?
taMefHi. {tenière la iiiaréobaie^fiw|pa« CoocioU m ymgpat ht fwrjnimjHH
secondaires. La jalousie foiigMeuse d'IiaheUa MoptifJa fenwie4erBtrgift;
Favarice et rbuniilîté du juif Mootalto« riaipaiisiWe. et biwliiifié amMîa» 4e
M. de Luynes, Thypocrisie du oiagifllrat I>éac9eiint^ la.hKUiQii» fuibtié da
bourgeois Picard, la pétulance et la légèreté de FieMiue* toules «as tmmuemj
tous ces types si divers ont été rendus par M. de Vigny »f«c use aaMteene
et une parfaite vérité. On retrouve, dans les plus petits détails de.«es llgaiea,
les traces d'une exécution sérieuse et patieate.
Nous croyons inutile de raeonter la lutte ^a\ s*étafa*^ «rtre «es divmfe»-
sonnages. L'arrestation du prince de Condé, la révoUedes néestnftNW, kfBpoàs
delà maréchale, son supplice, suffisent largement à rifttc«jfedeitoiileaisa par-
ties du drame. On sait quelle terreur éveille la scène 4u .duel , qmM éÊMiàm
accueille la douleur sombre et résignée de la œaiéebal^mieeotraat^arie
chemin du bûcher les cadavres de son mari et de son amant. Ce sont là des
effets qu'il est superflu de louer. C'est sur le mérite de la forme que bous
croyons surtout devoir appeler Pattention du public, trop hebilué peiit«étre
avyourd'bui à n'estimer que le mouvement et l'uctien. Le soin qui a présidé à
Ja OQneeption , à l'arrangement des personnages , se retrouve en effet dans le
style Grâce , vigueur, coquetterie, la forme de la Mmréchate d'ancre offine
toutes les qualités qui distinguent les plus durable» créati^nsdu poêle.
Il nous reste à parler de l'interprétation des acteurs. M**' Dorval avait une
tâche difficile : dans le earactèpede la maréchale d'Ancre, il n'y a pas seulement
la tendresse et la résignation d'une femme, il y a l'énergie et la dignité
qu'exige une haute position politique. M*"' Dorval, touchante comme toujouis
dans la partie passionnée de son rôle, a moins parfaitement rendu la partie
calme et sérieuse. Ligter, chargé du rôle de Borgia , n'a point eu de peine à
lendre la brusqu^ie sauvage du montagnard corse; mais il* n'a réussi qu'im-
parfaitement à faire ressortir le passion ardente et profonde qui subsiste sous
cette rude enveloppe. Beau valiet n'a tâé à l'aise que dans Jes parties du r^de
•Goncîni où la dissimulation fait place à la colère. Malgré ces imperfections,
rachetées par beaucoup de zèle et d'intelligens efforts, le public a pu étudier
avec intérêt Pœuvre qui était soumise une seconde fois à son jugement, et le
èeau drame de M. Alfred de Vigny a été écouté dans tous ses développemeos
avec une attention et une curiosité soutenues.
— La bibliothèque Charpentier s'enrichit de trois charmans volumes, qui
nfiEirent, réunies , toutes les œuvres de M. Alfred de Musset: V La Confession
dtun Enfca/U du Siècle , revue et corrigée avec le goût que l'auteur apporte
désormms à tout ee qu'il écrit; T les Comédies et Proverbes en prose; 8*" les
Poésies complètes. Ce dernier volume surtout, par ce quil reproduit de si
agréablement connu, et par ce qu'il ajoute d'inédit, est un vrai cadeau pour
le public. De tous les poètes qui se rattachent au mouvement littéraire de 1896 ,
M. Alfred de Musset fut le plus jeune , le plus liardi et le pkis fringant dès
Pabord; il entra dans le sanctuaire lyrique tout éperonné et par la fenêtre, je le
crois bien. Il chantait, comme Chérubin, quelque espiègle chanson, son
i4nd€Uous€WXsai Marquise; il avait fait enrager le guet avec sa lune comme
unpoùUsur un i. Le lyrisme de cette époque était un peu soleooel, volontiers
religieux , pompeux comme un Te Deum , ou sentimental. M. de Musset lui fit
d'emblée quelque déchirure : il osa avoir, de l'esprit, même av^ un brin de
seanéale. Beptiid Voltaire, xm a trop ov^M Pesprît en poésie; M. ée Musset
kii refit mie large part; avec cela , îl eut encore ce qu'ont si peu nos poètes
modernes, la passion. De la passion et de Pesprit, voilà donc son double lot
dans ses charmans contes , dans ses petits drames pétillans et colorés. II est sdr
de vivre par là entre ums ks poètes ses contemporains ou quelque peu ses aînés.
Sa NuU de Mai restera un des plus touchans et des plus sublimes cris d'un
jeune cœur qai déborde , an des plus beaux témoignages de la moderne
muse. Le Lac, MoUe, Ce qû'oneiuàuiêur la montagne, la NuU de Mai, voilà
oomaie de loin , j'imagine , la postérité , ce grand pasteur au regard sommaire,
«t «[ui ne^t que les cime&, énumérera les princes des poètes de ce temps.
Après ce qn'il aftrit, A. de Musset est resté modeste; il ne s'exagère point la
fprandeur de son œuvre, il s'en dissimule trop peut-être le côté délicieux et
captivant; peu soucieux de favenir, il dit pour toute préface au lecteur :
Ce livre est toute ma jeunesse;
Je Tai fait sans presque y songer.
Il y parait, je le confesse,
Et j'aurais pu le conrigor^
Mais quand l'homme change sans cesse.
Au passé pourquoi rien changer?
Va-t'en , pauvre oiseau passager,
Que Dieu te mène à ton adresse f
Qui que tu sois, qui me liras,
Lis-en le plus que tu pourras.
Et ne me condamne qu'en somme.
Mes premieis ven sont d nn eniant^
Les seconds d'un adolescent ,
Les derniers à peine d'un homme.
Ce naturei-là, qui est un diarme, ne doit pas aller pourtant jusqu'au décou-
ragement intérieur et à la négligence de si beaux dons. Au moment où les fruits
sont le plus parfaits et le plus savoureux , il ne faut pas ^e l'arbre se dégoûte
d'en produire. L'idéal suprême, à l'instant où on le déooafrs, fait tomber le
ciseau des mains de l'artiste, mais il le reprend bientôt, et poursuit plus lent
et plus sûr, ne perdant plus de Fœil la grande beautés M. de Mwset fera ainsi;
les trésors d'observation et de larmes qui se sont amassés dans cette ame
jeune encore en sortiront. Voici, en attendant, et comme signe de bien
gracieuse espérance , deux pièces inédites que nous empruntons au dernier
recueil , l'une plus tendre , l'autre plus légère , et toutes deux sensibles.
Pttle étoile du son*, messagère lointaine.
Dont le front sort brillant des voiles du couchant;
De ton palais d'aztir, au sein du firmament.
Que regardes-tu dans la plaine?
La tempête s'éloigne , et les vents sont calmés.
La forêt , qui frémit , pleure sur la bruyère;
Le phalène doré , dans sa course légère ,
' Traverse les prés embaumés.
Que cherches-tu sur la terre endormie?
180 BBYUB DBS DEUX MOtOHES.
Mais déjà vers les monts je te vois f abaisser,
Tu fiiis en souriant, mélancolique amie,
Et ton tremblant regard est près de s^effsoer.
Étoile qui descends sur la verte colline.
Triste larme d*argent du manteau de la nuit.
Toi que regarde au loin le pâtre qui chemine.
Tandis que pas à pas son long troupeau le suit;
Étoile, où f en vas-tu dans cette nuit immense?
Cherches-tu sur la rive un lit dans les roseaux?
Ou t'en vas-tu si belle, à Theure du silence.
Tomber comme une perle au sein profond des eaux?
Ah ! si tu dois mourir, bel astre, et si ta télé
Va dans la vaste mer plonger ses blonds cheveux ,
Avant de nous quitter, un seul instant arrête;
Étoile de Tamour, ne descends pas des cieux !
CHANSON.
Tai dit à mon cœur, à mon faible coeur :
N'est-ce point assez d^aimer sa maîtresse?
Et ne vois-tu pas que changer sans cesse,
Cest perdre en désirs le temps du bonheur?
Il m'a répondu : Ce n'est point assez ,
Ce n'est point assez d'aimer sa maîtresse ;
Et ne vois-tu pas que changer sans cesse
Nous rend doux et chers les plaisirs passés?
Tai dit à mon coeur, à mon faible coeur :
N'est-ce point assez de tant de tristesse?
Et ne vois-tu pas que changer sans cesse ,
Cest à chaque pas trouver la douleur?
Il m'a répondu : Ce n'est point assez.
Ce n'est point assez de tant de tristesse ;
Et ne vois-tu pas que changer sans cesse
Nous rend doux et chers les chagrins passés?
Dans Tarticle de M. Sainte-Beuve sur Loyion, Pohmius et De Loy, inséré
au dernier n», la phrase qui comuience le paragraphe, vers le milieu de
la page 1035 , doit être rétablie ainsi : « Il serait injuste d^environner
d'un trop grand appareil de critique Tœuvre posthume et véritablement
aimable d'un poète mort sans rien d'amer et qui a vécu si malheureux. »
1
V. DE MABS.
éÊÈi
CABRERA.
mia0^0^
De tous les hommes que la guerre civile espagnole a mis en lu-
mière, il n*en est pas qui ait donné lieu à des jugemens plus contra-
dictoires que Cabrera. Pour les uns, c*est un héros; pour les autres,
ce n'est qu*un misérable mairaiteur. Des deux côtés, il y a eu exa-
gération et esprit de parti : Cabrera n*est réellement ni un Napoléon
ni un Mandrin. Il a commencé, il est vrai, comme un voleur de grand
chemin ; mais il aurait 6ni comme un grand homme , si la cause de
don Carlos av^it triomphé. Son nom a eu beaucoup d*éclat, mais
sa véritable histoire est peu connue; les détails positifs ont toujours
manqué sur celle de ses actions qui ont fait le plus de bruit. On
sait que les événemens se présentent souvent en Espagne, faute
d'informations précises, sous une forme confuse, mystérieuse, et
comme des énigmes dont le temps peut donner le mot. Le carac-
tère de Cabrera est encore un de ces mystères; ce qui passe le plus
pour certain sur ce sujet est faux ou du moins fort exagéré. Main-
tenant que sa carrière politique est Gnie et que le jour de la vérité
est venu pour lui , nous avons cru qu'il ne serait pas sans intérêt de
tracer, sur des Venseignemens authentiques et inédits , une esquisse
fidèle de sa vie.
Don Ramon Cabrera est né à Tortose, en 1809 ; il a maintenant
trente-un ans. Ses parens étaient de pauvres marins. Son éducation
fat d'abord celle de tous les enfans de sa classe en Espagne. Il passa
ses premières années à jouer au bord de l'Èbre et dans les rues de
Tortose, avec la liberté illimitée d'un jçune sauvage. Quand il fut un
TOME XXIII. — 15 JUILLET 1840. 12
lettre et c^cbttchfir Tesprit ainsi que les. qrM;if^ï»^dQ,^>grt^
AÎBOQS seulement que nul ne songe à enlever à la ç^aa^re.^^l^yq,ce qu'elle
regarde, sur le fondement d'une pratique diÇ;yiogt-çfnq,^, qoqmne.un. de ses
droits , eonune sa prérogative la plus împortapta. Çfs^ u^e yoie où la chambre
des pairs ne voudrait pas, et avec raison , s'engager; c'e^^'affaibllr que d'user
ses farces à saisir des droits contestables. La chambre des paijrs yeut maintenir,
avec la vigueur et la dignité qui lui appartienoept, se^,j;Mrérpgatives recon-
nues , ses droits ipcontestés.
L'état des partis ne s'est pas modifié dans la quinzaine qi^i.vient de a'éconler.
Les députés rentrant dans leurs foyers, commence ma}nmoan^ ce travail local,
cette communication intime entre le député et ses élçc^eui^ dpnt il est tou-
jours difficile, même aux plus habiles, de prévoir tout^ 1^ cof^séquences avec
quelque exactitude. Les députés qui ont interrompu leurs longues habitudes
ministérielles, comme les députés de la vieille opposition qui prêtent am'our-
4'bui leur appui au ministère, auront à s'expliquer aveclei^rs commettans.
Ici te df^uté-cpnvaincra les électeurs de la sagesse de sa conduite; ailleurs les
électours?r^iont.peu;Mtre sur le député.
Au surplus , les députés qui ont soutenu le ministère pourront parler avec
quelque oi;gueil: de^ réi^tats de la session. Des lois importantes vont donner
nnenouvelleimpuL^aà la prospérité matérielle du pays. La navigation inté-
rieure perfectionnée, l'exploitation du sel ramenée partout au droit commun, les
chemins de fer en voie d'exécution soutenus, et de nouvelles entreprises auto-
risées, aidées, encouragées; la question des sucres terminée d'une manière
équitable; le grand établissement de la Banque de France mis àî même, par la
certitude de son avenir, de rendre au commerce des services de plus en plus
importans; enfin nos relations commerciales avec le ^ouve^u-Mo^de secon-
dées et étendues par plusieurs lignes de paquebots transatlantiques : ce sont là
des faits importans qui honorent cette session et témoignent de l'aetiv^ habi-
leté du cabinet qui a pu , dans le peu de temps que lui ont laissé les discus-
sions politiques et les difficultés de tout début, imprimer aux affaires une si
puissante impulsion.
Nous sommes convaincus que la chambre des pairs n'hésitera pas à donner
son suffrage aux projets que le ministère lui a présentés en dernier lieu.
En rejetant le remboursement de la rente, malgré le vote réitéré de l'autre
chambre et les efforts du ministère, comme en confirmant à une très grande
majorité le privilège de la Banque, malgré l'opposition presque unanime de
la presse, la chambre a suffisamment prouvé que rien ne peut la détourner de
ce qui lui paraît bon» utile, équitable. Pïous nous plaisons à rendre hommage
à son indépendante,, quelle que sol^ d'ailleii^ notre opinion sur la question
de la rente.
Le mêmesentiiBeHt d'indépendance lui fera adopter des lois que le pi\ys
attend avec unC' juste îa^patiençe. On aura bea\^ lui dire i^^M ^épa^ des
députés lui 6te topte liberté, qu,'on a voulu la J)iaflçr sôu^.^ joy^ die; ^çéçes-
Mi La ^îhambro sait qu'a i^'^ç^ rifiihiqijf ij^s;^,p^4fSWfi^^
mgnpB ~ CHfteaflQPE. ^ tTi
eo «meii^aiit le budget, muI Htoyea ^u'elie auBaît é% comraiAdiiek cbanèce
des dépotés à veppeadce eesséanees, ette ûôtnytre este deuigrank^^etti-
voîn de Tétat «ne de ees luttes qui ae se jastifienl ^«e far nae néoMsilé
Sans doute c'est là le gummwmjus, et la ebaBibre des pain oedevcait pas
liésiter à l'appliquer le jour où il lui serait démoiitré que c'est 4à le seul iBoyea
•êe rétaUir F^q^j^rf^ Û aenut alois par tiop iodi^ue de la cMp^ de borner
son ressentiment à dès comptaintes annuelles, oom^aimes que leur retour
périodique et toujours ineffîcace œ larderait pas à rendre ooœplètenieat ridi-
cules.
Heureusement il est plus d'un moyen que le ministère peut employer pour
rendre aux travaux des deux chambres leur cours simultané et régulier, et il
n'est pas douteux pour nous que le cdi>inet ne cherche .sérieusement, dès la
session prochaine, à résoudre la difficulté.
On peut faoilemeitf distribuer le travail entre les deux chambres d'une ma-
nière plus égale.'
Il y a lieu d'examiner si Ton ne pounaitpas dianger l'année financière de
manière que les chambres pussent au besoin ne délibéra définitivement sur
Je budget présenté dans le cours de la session qu'au commencement de la
session suivante.
Il y a aussi lieu d'examiner s'il est indispensable de persévérer dans l'usage
4e présenter les bfiMlgets de tous les ministères dans une seule et même loi.
Nous ne voulons rien affirmer. Ces expédiens exigeraient dans nos rouages
administratifs, et peut-être aussi dans les règlemens des chambres, des modi-
fications qu'il serait par trop présomptueux d'indiquer ici ; elles ne peuvent
être que le résultat de sérieuses méditations, d'études approfondies.
Ajoutons seulement que, sur la distribution du travail , il a été énoneé dans
les discussions de la chambre des pairs une opinion qui nous paraît excessive.
On a dit que l'article de la charte portant que toute loi d'impôt doit être
d'abord votée par la chambre des députés, ne s'appliquait qu'aux lois dont le
but direct est l'établissement d'un impôt; qu'ainsi on aurait pu présenter d'a-
bord à la chambre des pairs la loi sur les paquebots transatlantiques, ou toute
autre loi prescrivant une dépense. A l'aide de cette interprétation , on pour-
rait aller jusqu'à soutenir que la loi capitale du budget, la loi des dépenses,
peut être portée directement à la chambre des pairs.
L'interprétation nous parait forcée. L'état n'a pas chez nous deux moyens
de subvenir à ses dépenses. Qui dit dépense dit impôt, impôt qu'on établit,
qu'on augmente ou qu'on ne diminue pas. — D'un autre côté, il est également
vrai que ce serait donner à l'article de la charte un sens trop large que de
l'appliquer indistinctement h tout projet de loi pouvant impliquer une dépense.
La chambre des pairs a plus d'une fois voté la première des lois de ce genre,
et nul n'a révoqué en doute la légalité de son vote. Il y a là une juste ligne de
démarcation à tracer.
Mais sans entrer ici dans le fond de la question , sans vouloir scruter la
m BBvro iwipvn: IWfffs.
iittre et r^hescher Tesprlt ainsi que JfsqrÛ^if^^^Ç.^'iajc^
AisoQs seulement que nul ne songe h enlever à |a c^an^'^; ^<^vqjçe qu'elle
regarde, sur le fondement d'une pratique, de, Y^)gtHÇf|lq,f^^, ^qfMne.un de ses
dreâts , eonune sa prérogative la plus importapta. ,Ç*|^ u^ yoie qU la chambre
des pairs ne voudrait pas, et avec raison « s'engager; ç'e^t^'affs^blir qne d'user
ses forces à saisir des droits contestables. La chambre 4e3 po^ veut maintenir,
avec la vigueur et la dignité qui lui appartienoept, se^.prériigatives recon-
nues, ses droits incontestés.
L'état des partis ne s'est pas modifié dans la quinzaine q^i,v^entde s'écouler.
Les députés rentrant dans leurs foyers, commence mafoi^nanf ce travail local,
cette communication intime entre le député et ses élçcHe^/MCS, dont il est tou-
jours difficile, même aux plus habiles, de prévoir tout^ l^s (;Q||^uences avec
quelque exactitude. Les députés qui ont interrompu leurs longue^ habitudes
ministérielles, comme les députés de la vieille opposition qui prêtent am'our-
d'bui leur appui ^ ministère, auront à s'expliquer ayeclei^rs commettans.
Ici teidi^uté-cpav^ncra les électeurs de la sagesse de sa condi^te; ailleurs les
électîeursT4agicont jieidhétine sur le député.
Au surplus , les députés qui ont soutenu le ministère pourront parler avec
quelque oi;guei); dc^réi^tats de la session. Des lois importantes vont donner
unenouvelleùnpiMlsioaà la prospérité matérielle du pays. La navigation inté-
rieure perfectionnée, Vexploitation du sel ramenée partout au droit commun, les
chemins de fer en voie d'exécution soutenus , et de nouvelles entreprises auto-
risées, aidées, encouragées; la question des sucres terminée d'une manière
équitable; le grand établissement de la Banque de France mis ai même, par Îa
certitude de son avenir, de rendre au commerce des services de plus en plus
importans; enfin nos relations commerciales avec le Tïouveau-Mo^de scan-
dées et étendues par plusieurs lignes de paquebots transatlantiques : ce sont \à
des faits importans qui honorent cette session et témoignent de l'active hairi-
leté du cabinet qui a pu , dans le peu de temps que lui ont laissé les discue-
sions politiques et les difficultés de tout début, imprimer aux affaires une si
puissante impulsion.
Nous sommes convaincus que la chambre des pairs n'hésitera pas à donner
son suffrage aux projets que le ministère lui a présentés en dernier lieu.
En rejetant le remboursement de la rente, malgré le vote réitéré de l'autre
chambre et les efforts du ministère, comme en confirmant à une très grande
majorité le privilège de la Banque, malgré l'opposition presque unanime de
la presse, la chambre a suffisamment prouvé que rien ne peut la détourner de
ce qui lui paraît bon> utile, équitable. Pïous nous plaisons à rendre hommage
à son indépen4Bi¥)e,,^^|le qufijoît d'ailleurs notre opinion sur la question
de la rente.
Le même sentiment d'indépendance lui fera adpp^r d^ lois ,^e le pays
attend avec une^ juste jm^^atiençie^ pn aqra beau Im dire, qfif; }e ^ép^ft 4es
députés lui 6te toptt.libfrtéf^ qu,'o^ a voulu 1? |)iaf;çr spu^.îejoji^ die ja^çép^
:mt L«,^mnbro sait qu'M i^H^ ^«JW^i^tf «l^ser^^M^^K^ !^^ A.^®
de rejeter' td^UR' Hk iisikl SàUÉi doute elle ' taunf t \ rendre eoiupW d« Ma Mté
à l'oplnroh' publSqué et à sa' ptroiA« consdence; mais la marche T^Hîve d*
gonvem^ebt, 1ë Ctéiii'tlés'siirTiets publics oe seraient point paratyséspar le
rejet de ces lots : ce 'rËjet n'aurait pbiDt les conséquences que pourrait avoir le
rejet du budget oti d'Ane mesure quelconque indii^nsable aa salut de l'état.
II n'y a dond pas cehe contrainte, cette nécessité artificielle et impérieuM
donthcbambrè pourrait !ie blesser, cette nécessité, disons-le, qui la domine
pour le budget, qu'elle ne pourrait refuser sans compromettre la régularité
des services publiés.
En adoptant les antres lois, la cbambre, qui pourrait les rejeter, aura agi
avec liberté et indépendance; elle aura prouvé que les motifs de l'adoption
remportaient d^s'àiii esprit Bur les objections qu'opposent les adversaires
de «s projets. '
La cbambre, il esfvTaî, ne pourrait amender ces projets; tout amende-
nuent prodotràit, dans les circonstances actuelles, les mAiles ceiMéquenc«s
que le rejet, et retarderait d'une année toutes ces otiles entreprise^. Dkiin ces
limites, les plaintes sont fondées; mats tout a' été dlT Sbr'be' pdfdf IM des
débats sur la loi de la navigation intérlenre. ' '' ' ' '"'-'
Trop inâster sur les mêmes plaintes fnous be'dlsotis pas IBsWrimWtepro-
cbes, le ministère a prouvé qu'il n'en méritait pas), ce serftît 'lès affaït^r, oe
serait donner au langage de la chambre un ton lamentable M peu digne d'un
grand pouvoir dé rétat. La chambre a fait connaître ita pensée : il ne lui reste
plus d'autre moyen, le même inconvénient se renouvelant, que la résistance,
ïoréqu'élte aura devant elle un ministère qui aura préparé et distribué le travail
déila'E^ionr
' ICàmendèment , c'est-à-dire le rejet d'un de ces projets de loi , sur qui retooK
beràit-îl?sur les compagnies, sur les villes maritimes , sur lecomnMTce, sur
l'tndugtrië,snrle public, qui certes ne sont pas responsables de la marche
dès travaux an sein des deux chambres. Le rejet ébranleraîtril le cabinet? nul-
lement: le cabinet a trouvé à son avènement l'état de choses dont on se plaint;
il ne pouvait plus le changer. Le rejet ferait-il revenir à Paris un seul député?
encore moins; les députés ne seraient ramenés sur leurs sièges que par un-
amendement au budget. La cbambre ne veut pas sans doute en venir cette
année à ce moyen extrême; elle voudra encore moins témoigner de son mécon-
tentement par une résolution qui ne frapperait que ces int^ts nationaux , que
la chambre est jalouse de seconder et de piDtéger.
11 est sur la loi descherains de fer une autre observation qui S'applique éga-
lement aux débats de l'une et de fautre chancre :N«us Toiilotn parler de la
réuhloia dans une seule et même loi de pltsietits prc^etitoU^i-fiaH différens)
min de fer d'Orléans et celui de Stras-
iV^HttiètiH^'àAcN le Mme projet de
à M'iohVWijetUf; ow projet» se pré-
i ïfAM'aitlit'âlrfr'rTm -portant l'autR.
b systehie diétecoûrs était appliqué^à
in REVUS ima HtDX MORDIS,
tous ws projeti. Loin de Ifi : ta même loi endirasse six projeta et qàatre
sustentes difléraasv noua ne Toalons pas din oppoaés; il se peut en ef&t que-
ces systèmes dhen, coBtrairu mtntee, soient a«ec raison applicables il des
eatrepriKs différentea. Toujours est-il que la tioeérité des débats l^islatifi
reçoit une atteinte lorsqu'une aaseniUée est forcée de voter in gtobo des prcyctt-
dîfléren»,niilleiiienlcoiui<)(es, et pouvant parfaitementexisterrun sa Dfi l'autre.
Mais ce n'est pas là un eipWeat inventé par le ministère do 1" mars; c'est'
MDt d'attirer Tattention du gouverne-
ite aux archives du royaume une place
é pinsieurs candidats. Si nous sommes
a parah se Bier d'une manière partien-
ninistre, et M. Fauriel. M. de Gasparin
icl,uitbistiirieadoni les travaux se dis-
des recherches. Selon
e Taulre ne mériteisit
sordtHaire an soviee
rateur ausù Éclairé et
Bux du conseil d'étal,
mporiantes fonctiont
lOuvella d'Alg«. Ea
admettant qu'il y ait quelque exagération , peut-être ausn un peu d'animosité
dans les nouvelles qui circulent, toujours est-Il que notre campagne en Afiique
est longue, difficile et sans résultats dneiûis qui compensent les sacriBces en
hommes et en argent qu'elle exige. Il serait plus que superTIa de rechercher
ai^ourd'hui à qui l'on pourrait imputer la guerre que nous avons sur les
taras, les dffiicultés que nous rencontrons en Afrique. Ce n'est pas le mo-
ment de discuter, mais d'agir, d'agir avec résolution et d'une manière digna
de la France. Quelles qu'en soient les causes, c'est là désormais une guerre
kmortavec les populations indigènes, avec les Arabeaafricains. C'est le mabo-
nétisme, la baiiwrie et le génie nomade qui veulent expulser d'Afrique I»
reli^on, la ctvUisation, la puissance françaises. Dans le commencement, il
aurait été légitime et sensé de poser la question de savoir s'il convenait à Is
France, <i sa politique, à son inQuence d'entrer dans cetta voie, de jeter ban
de l'Ewope une partie notable de sesrevenus et desesforces, si les avantages
militaircs,inaritimes,commeretaux qu'elle pouvait en espérer, étaient de nature
àcompenser 8essacriGees,si le moment était arrivé d'implanter par la force
des armes, par la conquête la ci vilisatioD française sur to sol aride et malsaùk,
soua le ciel brûlant de l'Algérie.
Aujourd'hui , empressons-nous de le reconnaître , la question ne peut élre
posée dans ces termes. Le drapeau français a été solennellement planté sur la
aolafricain . La Franeea dit qu'il y resterait : Abd-el-lUder veut l'en arracher d«
4aat'lmrM»t^ciiatB:a'jimf^l PitaWrprMatin drainafiqne de PhtMoIiv. -TbtJt
<g awMflni'«ô>i yrifartoCM pag lei œntm du poète qui relèvent nntqae-
nentde rJnspÏMtWBél^^aque wiooiMeinpIalive, aooe croyous qoen dreioe
d'une pensée ti haute, d'une eiécutiaQ si sévère, doit prendre rang pamii
les plus importantes créations de M. Alfred de Vigny. Il nous suffira, pour
appuyer cette opinion, de rappeler rapidement quels matériaux fournissait
l'histoire et quel parti hauteur en a su tirer.
Assurément fe réeît des historiens, dans sa nudité austère, ne lui offrait que
AlnArfBsmtet ressonrces. il s'agissait de la chute d'un favori, d'un ambitieux
Tvlgaîn; il semblait qu'aucune émotion élevée ne pih jaillir du spectacle de
s par un acsaarinat. Pourtant M. de Vigny
un noble et grave easeignement. Dans ce
1b minorité de Louis XIII , il a vu l'expit-
lit amené le nouveau règneet fondé la puis-
année philosophique peut s'appuyer sur des
ccompagnent son drame, M. de Vigny dte
> pièces relatives au procès de la Galigai, et
igarder l'ambitieux Italien comme le com-
oitile l'exactitude historique rie cette aceo-
is contre Concini ; «Ti'doltfetwnnBttre que
le Eouveoir du crime de Ravaiilac, habitearast amené fat la poète, produit
un effet saisissant. Cette pensée de l'expiation une fois admise, il reste à vur
CMoment le poète l'a développée. C'est autour de la Ogute mélancolique et
hautaine de Léo oora Gai igaî qu'il a groupé ses' naoebreux pcnonnages. Sioa
la dégage de certains détails que l'auteur a cru nécessaires pour compléter
son tableau iiistoriiiue, l'action est fort ^inple. La chute de la maréchale est
le véritable et unique sujet du drame. L'expiation n'atteint pas seulement
Concini, elle frappe à câté du lâche ambitieux une femme d'un noble et ferme
(Usnèra; dè»^rB l'intérêt s'éveille, et le drame devient possible. L'action
s'engage et se dénoue en deux jours. Cette rapidité de l'action est le seul rsp-
pfflrt qu'offre la frièee avec les créations du théâtre classique. L'auteur n'a
aucunement cherché à réduire les proportions de l'immense tableau que lui
offrait l'histoire. Il a transporté dans son drame tout le mouvement , toute la
variété que réclame la scènemodeme. Peut-être a-l-il trop multiplié les détails,
peut-être la simplicitédu sujet disparatt-elle un peu sous l'abondance des carac-
tères et des incidens. H. de Vigny n'a fait en ceci , nous le savons, que suivre
rexemptedestragiqucsétrangen;maÎBcetexemplene saurait infirmer notre
objection, quiresteentièrementfondéean point de vue de la scène française.
M. de Vigny avait à envisager trois faces divines dans le personnage de
Leonora Galigai : l'Italienne dissimulée , l'amante et (a mère. U a su aocordff
avec discernement, à chacun des aspects de ce caractère, l'attention qu'il m^
litait. Il s'est attaché surtout à faire ressortir avec vigueur la fermeté mAle et
courageuse de l'épouse de Condni. Il a indiqué, avec une rare délicatesse, ce
qui. restait de la faiblesse et des superstitiontt de la 69nine'da>Bce cttactère
pre«^ viiiU A, câté de la maréehale, Bm^MCanani se ^acent eonune
fma «olairercette JmposanU iïgure, l'ua par »■ anow, l'uitze pu son
■mftiiUsn ^'<M4u Om» paaiODiié qt^aj^iartitia l« oœur tondre et ardent de
f llaliMnm-f/MLà L'aMbitiamt flonntiiLqu'elleoMHan* t'éoarf^e de ton intet-
IgMteebda^vutiMé. fie«-lrdi|MirBs>tnagwfcnii«Bttsgnwpepriiielp»ldtt
176 RBVIS HBSf rais 4IM»BS.
im«ee«taecamUieea Catalogne par letiMa A'OQe^fopuhttiaiUMplivdteteê-
siasme. Le peuple espagnol esl toojoam profondënMnivieoardiiqiie. Nul
doute que le voisinage de la cour ne contribue à rattkr teêrptiffie; à râmenertm
grand nombre d*faonunes égarés. Après beaucoup de ë6kije<^i«s,'(yÉi paraît
croire aujourd'hui que le voyage des deux retnés n'a eu réellement d^aùtre but
que le rétablissement de la santé de la reine Isabelle. (Juoi qu'il en soit, on se
ferait illusion si on croyait qu'une fois Cabrera vaincu et le parti carliste en-
tièrement dissous , les difficultés de l'Espagne s'évanouiront coffaplàt^inent.
Loin de là. Le peuple est monarchique et religieux^ vcôre n^ènesupentiiUeiix.
Il n'est pas moins vrai qu'une partie considérable de» claves mo^Feanes^danB
les grandes villes surtout, est imbue de nos idées, de nos prinsipes; et préci*
sèment parce que ces idées et ces principes sont trop avancés pout l'Espagne et
ne sont pas en harmonie avec l'état général du pays , la tnitiorîté qui' professe
cette politique d'emprunt, impatiente de réaliser ses idées, est bujpurs tent^
de devenir violente et factieuse. On n'est ni impatient ni violeot lorsqu'on sait
qu'on a le pays derrière soi, lorsqu'on ne doute pas d'un prochain succès.
Sous la re|st;^^r?\tioa, Casimir Périer disait aux trois cents de M. de Villèle :
« I^ous sommes. quin^ iei, -mais nous avons le pays derrière novs; » aussi
Casimir Périer et sesaD»ne ooospiraient pas; ils attendaient, et n'attendirent
pas long^tempSi ' '
Après la dispersion cbmpfète de Tlnsurrection carliste, le parti radical en
Espagne deviendra probablement plus exigeant et de plus en plus violent. Le
gouvernement aura besoin de fermeté, d'habileté, de mesure. Qu'il se ^arde
surtout de mépriser ses adversaires. Les minorités ont si souvent bouleversé.^
gouverné le monde ! • . , i
M. Cousin poursuit le cours de ses paisibles réformes dans le domaine de
l'enseignement. . -:
Une ordonnance royale vient de créer à la Faculté de Droit de Paris' tuMe
chaire dintroduction générale à l'étude du droit. C'était une lacune quMI ftà-
portait de combler. Ainsi que l'a dit le ministre dans son rapport au roi , ce
cours préliminaire aura pour objet d'orienter, en quelque sorte, les jeunes étu-
dians dans le labyrinthe de la jurisprudence.
Il a été aussi décidé qu'à l'avenûr, soit dans les examens , soit dans les con-
cours devant les facultés de droit , il n'y aura plus ni argumeatationfl ni leçons
latines. Nous félicitons M« le miniatce de PintlfifBtkm publique d'avoir mis fin
à un usage qui ïi'étaitcpa'vft moyen de dissimuler l'ignorance et de paralyser
le savoir.
Le drame ée ia Mwréchale'd^jémere^r^présmté il y a netif ans à FOdéev,
vient d'être repris parinConédie^Fram^ise. On a pu tema^ue^ dami oettls
ceuvre, dont la mis» enisoène révèle un zèle Iduablef toutes lès hautes et ttirm
qualités qui distinguent lé Saknt de M> Alfred de Vigny. B^ ^u^iM «sn*-
danee instmctivo semU» entraîner rauteurd^E^foop^inèiis- la ooDtempMdtl et
l'élégie, c'est avec une snpémrképâcttnviMautle^vdconniltref^Qlil a^ssa^
«or avfl>iiaitt-!no6iyrtf6i«^CT'ponr -les centrés du poète qui relèvent unique-
KieQt4e.riQ6pqi9ti9aél€#aque oiicoBteinpIalive, nous croyons queee érame
d'une pensée, si liante, t d'une exécution si sévère, doit prendre rang parmi
les plus ipnportantes créations de M. Alfred de Vigny. Il nous suffira , pour
appuyer cette opinion, de rappeler rapidement quels matériaux fournissait
l'histoire et quel parti Tauteur en a su tirer.
Assurément le récrtdes historiens, dans sa nudité austère, ne lui offrait que
dftnsufQsânf es ressources. 11 s'agissait de la chute d'un favori , d'un ambitieux
yirtgÀîrer il semblait qu'aucune émotion élevée ne pût jaillir du spectacle de
45m imriinieS'raesqttiiies, terminées par un assassinat. Pourtant M. de Vigny
a su întreduiffedans son drame un noble et grave enseignement. Dans ce
jneurtre de <;ai^nit>qui termine la minorité de Louis XIII, il a vu l'expia-
tion du crime de Ra,Yaillac, qui avait amené le nouveau règne et fondé la puis-
sance passagère du favori. Cette donnée philosophique peut s'appuyer sur des
preuves. Dans une des notes qui accompagnent son drame , M. de Vigny cite
quelques passages trouvés dans les pièces relatives au procès de la Galigaï, et
d'après lesquelà^irest permis de regarder l'ambitieux Italien comme le com-
plice de Ravailfac. Quoi qu'il en soit de l'exactitude 'historique de cette accu-
sation portée par les contemporains contre Goncini , on'doiti^iJOfinaftre que
le souvenir du crime de Ravaillac, habileaaeot amené par le poète, produit
un effet saisissant. Cette pensée de l'expiation une fois admise, il reste à voir
comment le poète l'a développée. C'est automr.de.la figuce mélancolique et
hautaine de Leonora Galigaï qu'il a groupé ses'nçaibreux personnages. Si on
la dégage de certains détails que Tauteur a cru nécessaires pour compléter
son tableau historique, Taction est fort simple. La chute de la maréchale est
le véritable et unique sujet du drame. L'expiation n'atteint pas seulement
Concini, elle frappe à côté du lâche ambitieux une femme d'un noble et ferme
dataisière? dès^ors l'intérêt s'éveille, et le drame devient possible. L'action
s'engage et se dénoue en deux jours. Cette rapidité de l'action est le seul rap-
[^rt qu'offre la pièce avec les créations du théâtre classique. L'auteur n'a
auicui^ement cherché à réduire les proportions de l'immense tableau que lui
offrait l'histoire* 11 a transporté dans son drame tout le mouvement , toute la
variété que réclame la scène moderne. Peut-être a-t-il troptnultiplié les détails,
peut-être la simplicité du sujet disparatt-elle un peu sous l'abondance des carac-
tères et des incidens. M. de Vigny n'a fait en ceci , nous le savons, que suivre
l'exemple des tragiques étrangers; mais cet exemple ne saurait infirmer notre
objection , qui reste entièrement fondée au point de vue de la scène française.
M. de Vigny avait à envisager trois faces diverses dans le personnage de
Leonora Galigaï : l'Italienne dissimulée, l'amante et la mère. Il a su aocorder
avec discernement, à chacun des aspects de ce caractère, l'attention qu'il mé-
ritait. Il s'est attaché surtout à faire ressortir avec vigueur la fermeté mâle et
courageuse de l'épouse de Concini. Il a indiqué , avec une rare délicatesse , ce
qui restait de la folblesse et des superstitions^ de via SBaHAe* éam ce caractère
presque fviviU A c6té de la maréchale, fiorgiA«t:€anomi se placent comme
fiQur ^daîrer cette 4iQpe9M)tei0gure, Tus par «m -«no», l'autre par son
.^foi^timK, jC'est 4u Gtwse passionné qu'appartieat te cœurtMidre et ardent de
f ItftHflOiie^'CfMt àlf aaibitieux^loreotinqu^eUé oéMaHè l'énergie de son intel«
d'isabella Uiwtii ia femme. Je :B«^iib;
10. rimpMsible et bavuiae amUliaii de
Urat Déageant, la.buiwgiM prabUé du
légèrelé de Fieii}ue , teutea «w imhdcm,
is par M. Ae Vigny anc uh bbn tmam
aoB les piui petits deuils de «es figncBS,
lea traces d'une exécutioD sérÎMige et patieHie.
Nous croyons inutile de raeotuer la lutteqoi ^étahMtatreccsdlfeafw-
Bonnages. L'arrestation du priofe de Coudé, ia r^oUedes néMnttae. kfBpaès
de ia marédiaie, son suppiiee, suHiseut largemenLà l'iatér^de-toNlei toi pv-
ties du drame. On tait quelle Urreor éveilie la M!àne4u.du«l,ipMileén«lNB
-accueille la douleur sombre et résignée de la niav^hil«rwiG*ntnBtaw-Je
chemin du bdclier les cadavres de son minri et de son amant. Ce sont là dce
effets qu'il est superDu de louer. C'est sur le mérite de la fortne que nous
croyons surtaut deroir appeler l'attention du public, trop habitué peot-toe
aujourd'bui à n'estimer que le mouvement et l'uctioD. Le soin qui a présidé à
la conception , à l'arranicement des personnaaes , se retrouve en effet dans le
style Grâce, vigueur, coquetterie, la forme de la Marëehah d'Ancre aBn
toutes les qualitésqui distinguent les plus durables créationsdu poète.
Il noua rMie à parler de l'inierprétation des adeure. M" Dorval avait uM
lâche diffidte: dans le caractère de lamaréchale d'Ancre, it n'y a pas leulenient
la tendresse et la résimation d'une femme, il y a l'énergie et la dignité
qu'exige une haute position politique. M"' Dorval, touchante comme toujoum
dans la partie pasaîonnée de son râle, a moins parfaitement rendu (a partie
calme et aérieuse. Ugier, chai^ du rAle de Borgia , n'a point eu de peiM à
nodre la brusquerie sauvage du montagnard comr, mais iln'a réussi qu'int-
parfaitement ii bire ressortir la passion ardente et profonde qui subsiste sous
cette rude enveloppe. Beauvallet n'a Hé h l'aise que dans les pnrties du r^ de
Omrani où la dissimulation fait place â la colère. Mali^ré ces imperfection a, '
rachetées ps- beaucoup de zèle et d'intelligens efforts, le public a pu étudia
avec intérêt l'œuvre qui était soumise une seconde fois à son jugement, et le
beau drame de H. Alfred de Vigny a été écouté dans tous ses développemeos
avec une attention et une curiosité soutenues.
— La bibliothèque Cbarpenlier s'enrichit de trois charmans volumes , qui
nffrent, réunies, toutes les œuvres de M. Alfred de Musset; \' La ConfessUnt
dtm Enfant du Siècle, revue et corrigée avec le godt que l'auteur apporte
désormais à tout ee qu'il écrit-, 2° les Comédies et Proverbes en prose; 8° les
Poésies complètes. Ce dernier votume surïout, par ce qu'il reproduit de si
agréablement connu, et par ce qu'il ajoute d'inédit, est un vrai cadeau pour
le public. De tous les poèiesqui se rattadicnt BU mouvement littéraire de 1896,
H. Alfred de Musset fut le plus jeune , le plus hardi et le plus fnngant dès
Cabord; il entra dans le sanctutiire lyrique tout éperonné et par ia fenêtre, je le
crois bien, il chantait, comme Chérubin, quelque espiègle ehansen, bm
.4nd<Uo>t*eoMS3Mar<)iiiae; il avait faitenr^r le guet avec sa lune comme
vtpotiUsurwH. LelyrismedeeetteépoqueélaituupeusoknBel, volentiers
raligi(us,pompein comme unTe/tetM», ou sentimental. U. de Musset lui fit
d'emblée quel^ déchirure: il ota avoir de l'eiprit, nême avec un bnnde
é^
CABRERA.
De tous les hommes que la guerre civile espagnole a mis en lu-
mière, il n*en est pas qui ait donné lieu à des jugemens plus contra-
dictoires que Cabrera. Pour les uns, c'est un héros; pour les autres,
ce n'est qtt'un misérable mairaiteur. Des deux côtés, il y a eu exa-
gération et esprit de parti : Cabrera n*est réellement ni un Napoléon
ni un Mandrin. Il a commencé, il est vrai, comme un voleur de grand
chemin ; mais il aurait Gni comme un grand homme , si la cause de
don Carlos avait trmoidié. Son nom a eu beaucoup d'éclat, mais
sa véritable histoire est peu connue; les détails positifs ont toujours
manqué sur celle de ses actions qui ont fait le plus de bruit. On
sait que les évènemens se présentent souvent en Espagne , foute
d'informations précises, sous une forme confuse, mystérieuse, et
comme des énigmes dont le temps peut donner le mot. Le carac-
tère de Cabrera est encore un de ces mystères; ce qui passe le plus
pour certain sur ce sujet est faux ou du moins fort exagéré. Main-
tenant que sa carrière politique est Gnie et que le jour de la vérité
est venu pour lui, nous avons cru qu'il ne serait pas sans intérêt de
tracer, sur des renseignemens authentiques et inédits , une esquisse
fidèle de sa vie.
Don Ramon Cabrera est né à Tortose, en 1809 ; il a maintenant
trente-un ans. Ses parens étaient de pauvres marins. Son éducation
fut d'abord celle de tous les enfans de sa classe en Espagne. 11 passa
ses premières années à jouer au bord de TÈbre et dans les rues de
Tortose, avec la liberté illimitée d'un jçune sauvage. Quand il fut un
TOUS XXIII. — 15 JUILLET 1840. 12
\.
180 BBVIS I«S I«IJX MCnrDBS.
Mais déjà vers les monts je te vois f abaisser.
Tu fiiis en souriant, mélancolique amie,
Et ton tremblant regard est près de s'effacer.
Étoile qui descends sur la verte colline.
Triste larme d*ai^ent du manteau de la nuit.
Toi que regarde au loin le pâtre qui cliemine.
Tandis que pas à pas son long troupeau le suit;
Étoile, où f en vas-tu dans cette nuit immense?
Cherches-tu sur la rive un lit dans les roseaux?
Ou t'en vas-tu si belle, à Theure du silence.
Tomber comme une perle au sein profond des eaux?
Ah ! si tu dois mourir, bel astre, et si ta tête
Va dans la vaste mer plonger ses blonds cheveux ,
Avant de nous quitter, un seul instant arrête;
Étoile de Famour, ne descends pas des cieux !
CHANSON.
J'ai dit à mon cœur, à mon faible cœur :
N'est-ce point assez d'aimer sa maîtresse?
Et ne vois-tu pas que changer sans cesse,
Cest perdre en désirs le temps du bonheur?
Il m'a répondu : Ce n'est point assez ,
Ce n'est point assez d'aimer sa maîtresse ;
Et ne vois-tu pas que changer sans cesse
Nous rend doux et chers les plaisirs passés?
Tai dit à mon coeur, à mon faible coeur :
N'est-ce point assez de tant de tristesse ?
Et ne vois-tu pas que changer sans cesse,
Cest à chaque pas trouver la douleur?
Il m'a répondu : Ce n'est point assez.
Ce n'est point assez de tant de tristesse ;
Et ne vois-tu pas que changer sans cesse
Nous rend doux et chers les chagrins passés?
Dans rarticle de M. Sainte-Beuve sur Loyion, PoUmius et De Loy, inséré
au dernier n», la phrase qui commence le paragraphe, vers le milieu de
la page 1035, doit être rétablie ainsi : « Il serait injuste d'environner
d'un trop grand appareil de critique Tœuvre posthume et véritablement
aimable d'un poète mort sans rien d'amer et qui a vécu si malheureux. »
V. DE MABS.
ii^
BVi»
CABRERA.
mia0^0^
De tous les hommes que la guerre civile espagnole a mis en lu-
mière, il n'en est pas qui ait donné lieu à des jugemens plus contra-
dictoires que Cabrera. Pour les uns, c'est un héros; pour les autres,
œ n'est qu'un misérable maiïaiteur. Des deux côtés, il y a eu exa*
gération et esprit de parti : Cabrera n*est réellement ni un Napoléon
ni un Mandrin. Il a commencé, il est vrai, comme un voleur de grand
chemin ; mais il aurait 6ni comme un grand homme , si la cause de
don Çarlos avait trtomidié. Son nom a eu beaucoup d'éclat, mais
sa véritable histoire est peu connue; les détails positifs ont toujours
manqué sur celle de ses actions qui ont fait le plus de bruit. On
sait que les événemens se présentent souvent en Espagne, faute
d'informations précises, sous une forme confuse, mystérieuse, et
comme des énigmes dont le temps peut donner le mot. Le carac-
tère de Cabrera est encore un de ces mystères; ce qui passe le plus
pour certain sur ce sujet est faux ou du moins fort exagéré. Main-
tenant que sa carrière politique est unie et que le jour de la vérité
est venu pour lui, nous avons cru qu'il ne serait pas sans intérêt de
tracer, sur des Venseignemens authentiques et inédits , une esquisse
fidèle de sa vie.
Don Ramon Cabrera est né à Tortose, en 1809 ; il a maintenant
trente-un ans. Ses parens étaient de pauvres marins. Son éducation
fut d'abord celle de tous les enfans de sa classe en Espagne. 11 passa
ses premières années à jouer au bord de l'Èbre et dans les rues de
Tortose, avec la liberté illimitée d'un jçune sauvage. Quand il fut un
TOME XXIII. — 15 JUILLET 1840. 12
d82 REVUE DBS DEUX MONDES.
peu plus grand, on le destina à I*état ecclésiastique, et on le plaça
comme clerc ou famulo chez un chanoine de la cathédrale, nommé
don Vicente Presivia. Il n'y a point d'université à Tortose; ceux qui
veulent étudier pour entrer dans les ordres se placent ainsi chez des
prêtres, qu'ils servent à peu près en domestiques, et qui leur ensei-
gnent en revanche le lalpa, la tj^éologi&el» la ptiUoBoi^ie d'Aristete.
Le caractère ind^endsK^t et« dissipé, du jeune Cirera ne s'ac-
commodait pas de cette vie studieuse et docile. Le bon chanoine
épuisa en vain tous ses sermons pour le décider à garder qudque re-
tenue; de tous les écoliers de Tortose, c'était bien le plus licencieux
comme le plus déguenillé. Son goût passionné pour les femmes le jetait
à tout moment dans toute sorte de mauvaises aventures; parlait-on
de quelque maison escaladée, de quelque alguasil battu, c'était sur
lui que retombait toujours la responsabilité du méfait. Il était pares-
seux, débauché, querelleur, effronté, enfin un franc /ron^ro (vaurien),
si bien que , quand vint pour lui le moment de solliciter le sous-
diaconat, Hévâque dc^ Victor Saez le lui refàsa.
Le voilàdoiicsur4epavé à vingt-quatre ans, sans^tat, sans argent,
a,voG une réputation détestable, ne sachant que devenir. Alors arriva
à Tortose la nouvelle de la. mort de Ferdinand VU. C'était un gniid
bonh6^^ pour. FécoKer désappointé^ qui s'embrassa d« profiter, d^.
l'occasion. Sept^buit jour» après, vers la^nii»oetofare 1883s uneooiH
spiratioQ.fat décounerte contre l'autorité 4e. la raoa. Isabelle 11;^ Ca^
bcera enétatt. Legénéral Berton^ gouverneur de la viHe^ (adonna
des poursuites^ le viçaire^général don MatéoSsoponsinfoniia oontn»
Jui. Il parvint à s'évader et se sauva^ dans les montagnes, retagof
habttuel.de tqua ceux qui ont affime è la justice dans les ¥ifies» Là* ii^
appcit que la GMteresse de Morella était tonabée au pouvoir d^doe
insurrection carliste, et il s'y readitaussitiôt-poiir' s'enràier^
Cette ville de Morella joue^ un grané râle dans la. vie de CabP^?a;
elle a été sucoessivement le berceau, le> siège et le tombeau de sai
fortune^ C'est la capitale d'un petitpajrs nommé le* Maestraeigo, parœ^
que «on territoire était autrefois une grande maîtrise d'uni ordre d^
chevalerie. Le.Maestrazgo est admirablement- fortifié par la nature^
et tout semble le désigner pour l'établissement d'une seigneurie féo<^
dale ou d'une république indép^idante^ Il fait partie de la hante
sierra qui sép«(jre leSr'royaureesKd^Aragon-etde Valattee; des-monta^
goes escarpées et pi^sque toujours couvartesrde neige y enfenueut'
de loQgs détiiés ^t des vidlées^ étroites^ C^est dana uoe. de ces vallées
qu'est b^ti Morella>i s^r mv rocbêTr qui.^f dét|i4ie.de laobaiM; lo
CABnERA. 183
"diAteâu occupe la pointe de ce rocher, qui s'élève 'de plus de trois
cents pieds au-dessus du sol. Deux pètcées donnent entrée dans la
vallée, Tune par Monroyo , vers TAragon , rftntrefpâr Vîlliibona , vers
le royautoe y e Valence, emq provinces confinent au 'Maestrazgo,
comme des rayons autonr d'un centre, FAragon, la Catalogne, le
TOyawtae' de Valence, h' G&^fîfle nouvelle' et' !a Manche.
L'hnportance de cdpoiht est' très cônmiédan^tépays; c'est sur lui
■que durent tiaturellemetit se porter les premiers efforts dé la révolte.
Le baron de Herbes, ancien' (^régîdor de Valence, et l'alcade de
Vîllaréal, don Joaquîn'Llorens, n'enrent pas'plus tôt appris la mort
ide FerdinatïdVII, que, se plaçant à la tête de quelques bataillons de
volontaires "^ royalistes, ils arborèrent l'étètidard de Charles V, et se
VMrigèrent sur te Maefetrazgo. Ces deux chefs, renommés par leur
noble naissance et leur position sociale, exerçaient une très grande
influence dans ces contrées ; leur prestige attira beaucoup de monde
dans les rangs dès rebelles. Le colonel don Victoria Sea, gouverneur
de Morella, soit par sympathie d'opinions, soit qu'il ne se crût pas
en ^tat de se défendre, leur ouvrit les portes def la plafce, et ils y éta-
Hîrent le quartier-général de résurrection en faveur du prétendant.
Ce ftit alors que Cabrera se présenta. On était dans les premiers
Jours de septembre 1883. 11 arriva dans celte ville, où il devait régner
tin jour, en mauvais cofetume d'écotîèr, des alpargatesaux "pieds, et
•un bâton à la main.' Comme il annonça quil savait écrire, on le fit
tAporal, et les armes manquaVit, on lui donna un fîisil de chasse. Les
fcandes caHIsteàftirent bientôt attaquées par le gértéral Berton , à la
Pedrera, en face de MorèBa. Le jeune recrue montra une véritable
ïffafoure- dans Cette première aiffaire, et reçut pour récompense le
çrade de sergetit. On avance vite au commencement des insurrec-
tions, et 1es'pre*nîers"tertus, en courant les plus grands dangers, ont
aussi les phis' belles chances.
Cependant le général Bertôn , à la' tête d^ine poignée de soldats ,
tontinualtà menacer'Morena.'Lesfengagemens^se succédaient dejoûr
en jour. lia fh^'on sertit dfe la place et alla au-devant des troupes dé
ta rHne; elfe ftrt ^ battue urte première fois par le général Berton,
hattue de nouveau et dispersée quelques jours après à Calanda, par
une brigflfde qucc^^mmandàît le génértirtiriares. ^rella ftit repris;
fe baron de^HéH)*s fW;'fusfllé;'PaWcitenJ^g!^vcrtfenr'de la place, don
Victoria 9c» , eut lemêmesôrt vlès atitt^ d^éfsf et sotdnts se- disper-
sèrent en diversiés bandes. Cabrera ,'ttttf 'étèît déjà s<!rtis^lîeiltenant , se
rtlt *« îa Ijéte »e ^<imé Ou "ilii^' Bomrtî^s-de l\>rtôèe , sa ville natale ,
12.
.ith REVUE Dtâf 'ttfim? MONDES.
et se jeta dans les mtiotâ^is^ du tabs^Ài^n i p6ûé y tënif la éann
pagne pour son propre compte. ' ...'!...« .iMiu*
On sait quel est le goûttles EspUgnélâ {ibuiiâ gueitetle pàHfstfnfs; !k
guérilla. Cabrera avait t6dtit>ëM[i^^»irdli&i^'t^Ui' rédâiii' dàh^tclè Retire
de guerre; il était iëude\f¥ebdàle<{ leAtV^ifÉ'èlfiant ètt^u s^rHi^^Û^^^
^avte et i)r6scirit j 41 A^av^tft i«éi¥ ât^é^Ariô; <è'ëttii« m^ "^ètWiéT&p^mh.
LeBas^Ara^iv éstVtl'iriKetttis; le^'payiâ' de^Pfisi^àgne oO' les bdndièrët<-
rantes se recrutent ifô ptu^rii^éihéitll; tes hàbitanfà de èes mntiighds
sont presque ioji^ ' cimilt&hm^iers; \e^ tudtonesy leslècMppC^lûéÉ'priè'
sides, vieniierit ^ loutlis 'piû^â diercher un reruge< ^li Mliëti d^et^x.
Une pareille popufaitiofi estf nettïrellement vouée au brigandage, et
quand elle rencontre un chef qui lui convient, elle se presse avec joie
autour de lui , pour se livrer avec plus d'ensemble à la rapine. C*est
ce qui a fait le premier succès de Cabrera.
Il importe de bien distinguer entre elles les trois grandes fractions
de rinsurrection carliste en Espagne. En Navarre et dans les pro-
vinces basques, la cause de don Carlos s'identifiait, comme on Ta dit
souvent, avec celle des libertés locales; en Catalogne, cette cause était
celle du fanatisme religieux , de l'esprit monacal ; en Aragon , le nom
de don Carlos servait de cri de ralliement à ceux qui cherchaient un
prétexte pour mener la vie hasardeuse du bandit. Ces trois tendances
se sont manifestées par les chefs qu'a eus la faction pour ses trois
armées : en Navarre, des hommes notables du pays; en Catalogne, des
j>rétres; en Aragon, un aventurier. Cette distiiiction explique bien des
choses , et ne doit pas être perdue de tikte par quiconque veut se faire
des idées justes sur la guerre civile espagnole.^ ' *
Ce qui a caractérisé de tout= temps Cabrera, ^c'eBt'rhorreur de
l'obéissance et l'ambition d'être le ihaitrd pàrtdqtoùf il est. Quelques
jours après son arrivée à MÔrella, il avail déjà» essayé de s'emparer
du commandement, en suscitant une insurrection militaire. La fer-
meté du baron de Herbes avait fait avorter l'entrepfièifr,' et si Cabrera
n'avait pas été fusillé, ainsi que son complice ValdèS, c'était à l'in-
dulgence de ce chef qu'il le devait. Quand il fut à la tète de sa guérilla,
aptèsia 'distorsion de la première armée carliste, il se donna, de son
autorité privée, le titré de colonel. Puis il courut le pays dans tous
lès sens ', pendant 'deùi années, pHlant, saccagent, menant joyouëe
vièj efttfl^peRnfif à lulqdieAnqïie voûtait le solvre<:;II parvlM ainsi à ise
foiltier une petite blindé^ tïiaîs ce n'était pas^éneot^ aksëir^ur lui , et
'i»îtîf^Wde»Wm-HÉluieà'«é^iïiéès'.'- ♦•'■ '-^'' ''^^ '»'^'^<>'l J"' ' ■'*
^
gnant^du BiSjAragon une bien plus grande influence que lui ; c*était
le fameux Carnicer. Cabrera était jaloux de Tautorité et de la réputa-
tion dei p^ .çaJt^çjUa ; il souffrait impatiemment de se voir dominé par
fffj.^lJi^ jg^VyTiÇ^nicer t^\ï{ du prétendant Tordre de se rendre dans
l^pr^j^içe^. t^f sq^qf ;, jl f^ ^n çiDfc|<* mm »U passage du pont de
^f^j^iiJt:fVt^8ris,ppruo «Wï^c^ de la reine ejt
{u^i}l/fnt{^Sub^^its lesp|u9 gruvea o^t çour^ à eeisujet contre Cabrera;
Jçvi qfl^.qf^ jiU^ qu'il ayait prjoifoqpé l'ordre idq rappel, pour se défaire
cl'A^aappérli^W qui le gênait; d'aujtres affiivQeiit <que Tordre était &usr,
et que Cabrera^ après avoir ainsi attiré ÇoriMœr Qupoat de Aranda, avait
fait prévenir les christinos du moment, de son passage. Il est encore
bien difficile de se prononcer sur ce que cette accusation peut avoir
de fondé; tout ce qu'on en peut dire, c'est qu'elle est très répandue
en Aragon, et qu'on en parlait jusque dans Tarmée de Cabrera, au
plus fort de sa fortune.
Quoi qu'il en soit, la mort de Carnicer donna a don Ramon le premier
rang parmi les chefs de bandes qui battaient le pays. Il alla bientôt
après, vers la fin de 1835, faire un voyage en Navarre, auprès de don
Carlos, et il en revint avec un brevet régulier de colonel. C'est alors
que son nom commença de prendre du retentissement. Il eut dans le
royaume de Valence quelques engagemens heureux avec les géné-
raux de la reine, et se fit ainsi une renommée de hardi guérillero. Un
millier d'hommes environ servait sous ses ordres. Sa puissance crois-
sante lui donnant de plus en plus les moyens de satisfaire ses goûts
d*écolier, il se livrait au plaisir avec emportement au milieu des
hasards de cette guerre. Partout où il était, et il a conservé cette ha-
bitude jusqu'au dernier moment, il y avait festin et bal. Il donnait à
ses officiers l'exemple de bien boire et de danser gaiement. Il avait
aussi trois ou quatre feoimes dans chacun de ses cantonnemens, et
ce qu'on raconte de ses débauches est vraiment incroyable.
Une des qualité^ les plus nécessaires d'un cabcc^lla « c'est le mépris
du sang humain. Cabrera n'avait pas plus cette qualité que beaucoup
d'autres, mais il l'avait autant que qui que ce soit. Le bandit espa-
gnol n'estime son chef qu'autant qu'il le voit ne faire aucun cas de la
vie d'autrui ; c'est dans le sang-froid à donner la mort qu'il place la
dignité du commandement. Aussi cette vie.sKyoluptueuse était-elle
mêlée d'affreux épines qui mettaient Cabrerp à une haute, pl^ce
dans TestiJii94le ses ^pldAts. Kul ne fmoaît pltt3, froidement le cigarilo
en donnant Tordre de fusiller des pi^^mMer^ n»}! Miies.i;egar^^t
passer d'un œil*pl^ôec»tfj4pR/WlpfKTei^pm^ï(t,qu1^^ 'a
tSB RBVDB DKS. DBIIX MONDES.
mort. Cette cruauté de Cabrera , qui «et deTenue depuis prev^Uale,
lier
.<t
ils
de
Di-
on,
des borreurs que son Gis commettait tous les jours. Interrogé plus
tard dans les cortès sur cet acte de barbarie sauvage. Mina a voulu
soutenir qu'il y avait eu conseil de guerre, procès régulier, juge-
ment, et que la conspiration avait été démontrée; mais il lui fut
impossible de le prouver, et la responsabilité- du fait retomJw tout
entière sur Nogueras et sur lui.
Quoique brouillé depuis loag-tenops avec sa mère, Cabrera avait
conservé pour elle cette attection reconnaistante que les mauvais
sujets ont toujours poar la seule personne qui leur ait montré de l'in-
dulgence dans leurs égaremeiis. Transporté de fureur à la nouvelle
du crime .qui venait d'être commis, il ordonna, dans un ordre du
jour terrible, que trente-quatre. Temmes d'ofGciers christinos, qui
étaient alors entre ses' mains, fussent immédiatement fusillées. Il
aononça en même temps que tous ceux qu'il prendrait à l'avenir les
armes di la main seraient fusillés, et qu'il vengerait s^ms rémission le
meurb'e de sa mère sur les.ramilles des chefs christinos. Cette épou-
vantable menace fut remplie à la lettre, surtout dans les preroifaï
terpps qui suivirent l'attentat de Nogueras, et l'ascendant de Ca-
brera s'accrut de tout le prestige que donne en Espagne une mission
de vengeance religieusement exécutée.
Pendant les six> premiers mois de 183G, il ne cessa pas de battre
la campagne dans le royaume de Valence, où il se rencontra plusieun
fois avec le général Palarea. Au. mois de juillet de la même année, il
fut élevé par don Carlos 4u grade de m»réohal-de-camp. Ses ennemis
ont prétendu que, pour s'assurer de l'avancement , il avait placé une
de ses anciennes maîtresses en qualité de servante chez le comte de
Villemur, alors ministre de la guerre -de don Carlos, et qu'il avait
soin de lui taire. passer de l'argent de temps-en temps par un mule-
tier pouc qu'elle corrompit à son profit les conseillers du prétendant.
Hais cette JristoirÊ pourrait bien n'être. >qu'une de- ces suppositioDs
ImMluellemeittinV
tntie ddnt on ne v<
La nn de 1836 fi
dition de Gomez a
bande, ainsi qu'un
fiomez passa près
passa ensuite entn
àCaceres, Gomei
1 pourexpllquerune for-
ritablés causes.
t, par la fameuse espé-
abrera s'y joignit avec sa'
nommé Serrador, lorsque
ifi sait pas bien ce qui se
certain qu'à son p^ssage
ierrodor qu'ils eussent k
«piEtter son armée dans les vingt-quatre heures, ce qu'ils Dtent en
eOet. On a dit que les déprédations commises par les hordes indisci-
plinées qui les accompagnaient , avaient motivé cette brusque rup-
ture de la part de Gomez. Peut-être est-il plus naturel de l'attribuer
à cette jalousie de commandement qui a toujours divisé les chefs car-
listes. A son retour, Cabrera fit emprisonner Serradùr, et devint défi-
nitivement le seul cabecilla de Valence et de Murcie.
II ne tarda pas à être nommé commandant-général de ces deux
provinces. Quand eut lieu, en mai 1837, la grande tentative de don
Carlos sur Madrid, l'armée expéditionnaire, ayant'à sa tête le pré-
tendant lui-même, sortit dé Navarre et traversa l'Aragon et la Cata-
logne dans une direction parallèle aux Pyrénées, pour aller faire sa jonc-
tion avecCabrera; Le jeune commandant-général , dont cette marche
attestait l'importance, attendit don Carlos avec ses troupes à FIJx,
sur la rive droite de l'Ëbre; l'armée royale passa le fleuve, et toutes
les forces de l'Espagne carliste furent réunies. Le bonheur habituel
dé Cabrera voulut que le seul rival qui pàt lui être encore opposé
dans l'est aandânt-général carliste
de rArag< ;ement dans l'atTaire qui
eut lieu, : le général Buerens et
l'armée ei 'S cette brillante affaire,
l'armée était devant Madrid.
Cabrera , qui nœrchait à l'avant-garde, montra une grande intrépi-
dité. Il s'avança jusqu'à une des portes de la ville, la porte d'Alocha,
et couronna de ses tirailleurs lés hauteurs qui li dominent. De sou
quartier-général , on put reconnaître avec une lunette l'infante Luisa
Carlotta, qui regardait l'armée royaliste du balcon du palais. Chacun sait
ce qui arriva dans cette circonstance décisive. Au moment où l'armée
s'attendait à recevoir l'ordre d'entrer dans Madrid, le 15 août, don
Carlos donna au contraire l'ôrdfe dé la retraite. Ce n'est pas ici le
lieu d'examiner ce qui amena cette résolution si singulière et si
inattendue. 11 doit' nous sufBre de dire qu'elle excita ati plus haut'
Depuis ce jour, il a toujours occupé la scène. L'année 1838 a été
funeste aux armes de don Carlos. Elle a été très favorable au contraire
à Cabrera, qui semblait s'élever à mesure que la cause carliste s'abais-
sait en Navarre. Ctiaque pas fait en avant par l'armée d'^parter»
était compensé par un succès de l'heureux partisan, et les regards
s'habituaient peu à peu à se porter sur lui.
Depuis long-temps , il convoitait la place de Morelta, pour en
faire sa place d'armes. On apprit tout fi coup , au mois de février 1838,
qu'il venait de s'en rendre maître. Voici des détails authentiques sur
ce coup de miain, dont les circonstances ont été complètement incon-
nues jusqu'ici. '
Un artilleur, nommé Pedro, avait déserté des troupes de la reine
Christine , et avait pris du service sous Cabrera. Un jour.cet homme,
qui avait fait partie de la garnison de Morella , se plaça sur le cTie'min
de don Ramon; et, portant la main à son berret: Générât, iiÙ,-\i„Je
m'engage à prendre Morella avec la moitié d'une compagnie,' si voir^
excellence veut la mettre à ma disposition. — Tu l'as', répondit ïp
général frappé de son air résolu ; qnanâ ce ne serait que pout;récom-
penser ta bonne rolonté. Peu d'instans après, Pedro partait pour
le, qui se composait de quarante hommes
ar un lieutenant. Il éiait environ sept
lit close quand i) arriva au pied du rocher
lercher dans les ténèbres le point par où
descendu lé rocher, pendant qu'il était
le, les vivres étaient rares; le lieutenant
it à murmurer, quand ils' virent Pedro
de hauteur au-dessus' i^e tèurs te^, et
} long du pic. En moins <te' trois quarÙ
«CAJIUEBA. 189
d'heure. j1 était ttrriy^^ ^ impart, q^u'îl escalada coinmo
l^res^. Leç sentineUçs^s es daiis leurs guérites, contre
la rigueur de là saison;, jfisqif'à ,Ia première guérite,
déchqjge sou ;niousqitçJt ■ it |dans la pqitrine du faction-
I rc de, sou ï détonatJi^ , le poste aç^ùrj,;
Pedro p iijl fait feu siir le premier.qv^
'qtcnd ra riaQf de^^tes ses forces : Vivç
1 lutres, croyant lq',(:b<|fÇ{Hl ^u^ppuvoir des carlistes,
! en jetant leurs armçs,^ l'alarme se répand d'étage eii
iteau , et ce cri retentit de toutes parts ; Les carlistes !
les carlistes !
Cependant Pedro ne perdait pas de temps; il fermait avec soin toutes
les issues de la terrasse dont il s'était si heureusement emparé. Après
s'être barricadé du mieux [qu'il avait pu, il aidait le lieutenant à
s'élever avec des cordes jusque sur le rempart, puis le sergent, puis
la plupart des hommes qui les accompagnaient ; les autres étaient
partis ù la hilte pour aller porter à Cabrera la nouvelle de la miracn-
leuse ascension de leur chef. La petite troupe passa la nuit sur la ter-
rasse , s'étonnaut de n'être pas attaquée , et attendant l'arrivée de
forces supérieures; elle ne savait pas jusqu'à quel point sa victoire
était complète. Le gouverneur de la place, gagné par la panique
qui avait saisi la garnison, avait fait ouvrir les portes de la ville A
deux heures du matin , et avait évacué Horella avec toutsou monde,
laissant le chAteau désert-
Xu'ppint dujour, les babitans de Morella, qui étaient presque tous
carlistes, et qui savaient le départ de la garnison , se répandirent dans
les rues, en criant: Viva Carlos guintot vira la religion! viva la
Virgen! vha Cabrera! Mais le prudent Pedro se gardait bien de
dcscendi;e de sa forteresse, et les habitans ne savaient à quoi attribuer
le silence eXtrnordinoire que gardaient les maîtres du château, quand
arriva aux portos de la ville un groupe de cavaliers au galop : c'était
Cabrera qui était accouru avec son état-major dès la première nou^
velle du succès. Tout fut bientôt eipUqué; les prisonniers de la cita-
delle furent délivrés et portés en triomphe, et le drapeau de Charle^ A'
flotta victorieusement sur Morella. Pedro devint capitaine et çhçva-
licrde ^àjnt-Fcrdtnand; mais dans le retentissement <^u'eut àii Loii)
la prmde la place, sn gloire disparut dans celle de son général. , ,
Il éçt yraî qiie ' si Cabrera avait pri$ par lui-même peu de part h cette
prise, il'eh eut davàntàW à l'orÉanisation qui'suivit. Des qu'il fui en
NiJiul. i;j(nj;n> >iii!i,ii iP.r. ■,; ,.Py - ;, ■'.-■'■':. ••ti '■■i. iii'lj! , ., ,
possession de ces murs si désires, il entreprit d y fonder le siegi^
£. De tous cdtés
tniit des choses
1 sens de suivre
s matières. Des
Imposés par lui à
une fouderie de
]ui lui avait été
nanière des clo-
>es fabriques de
Drella même, et
iQcatJons furent
ajoutées à celles qui existoîeut déjà dians tout le pays.
Les cbristiiios voyaient avec impatience ces travaux d'organisation,
et De songeaient qu'à reconquérir la position qu'ils avaient perdue
par une surprise. Leur tentative ne fut que l'occasioti d'un nouveau
succès pour Cabrera.
Ce fut vers la un du mois de juillet 1838 que le général Oraa, è
la tète de l'armée constitutionnelle du centre, se mit en marche sur
Morella. Ses forces étaient d'environ vingt mille hommes, divisés en
trois corps. Le premier, que commandait Aspiroz, aborda les mon-
tagnes du Maestrazgo au nord par Alcaoiz ; le second , sous les ordres
de Van Halen, se réunit à Téruel vers l'ouest; le troisième, que
conduisait le brave général Pardiôas , prit position au sud-est, à Cas-
tellon de la Plana.
Ces trois colonnes, qui occupaient les trois pointes d'un triangle
dont Morella était le centre, reçurent l'ordre de se porter en même
temps sur Morella et les forteresses voisines. Ce mouvement s'exécuta
avec précision , mais avec une extrême lenteur. Quand une des co-
lonnes était arrêtée dans sa marche par les trqvaui que Cabrera avait
fait construire en avant des villages qu'elle rencontrait, les deux
autres en étaient aussitôt instruites avec ordre de ralentir leur mou-
vement, tant on mettait de soin et de crainte à bien entourer dans
son fort cet eunemi si redouté. On perdît ainsi beaucoup de temps
à s'attendre les uns les autres , et les munitions rassemblées à grands
frais diminuèrent d'autant.
De son càté, lorsqu'on lui annonça l'approche d'Oaa, Cabrera avait
laissé dans la place ses meilleurs soldats pour la défendre, et en était
sorti avec un corps de trois mille hommes pour tenir la campagne. Il
occupa avec cette troupe les hauteurs qui entourent Morella , et quuid
les chrisUnos y péuétrèreot , il les harcela de toute sorte, en se jetant
CABRfeRÂ. * ' I9Î
a riraproviste sur leurs derrières et en tiraillant lé long des colonnes
en marche, à la manière des Arabes. Aucune règle de tactique ne
présidait à cette guerre de surprises; seulement, des signaux con-
venus étaient échangés entre les assiégés et leurs défenseurs du
dehors , par le moyen de fusées de diverses couleurs , et servaient à
donner quelque ensemble à leurs opérations.
Cabrera s'était d'ailleurs réservé un moyen plus simple encore de
communiquer avec l'hitérîeur de la place. Presque tous les soirs,
pendant la durée du siège, un jeune homme se détachait des avant-
postes des carlistes campés sur les hauteurs, et se glissait dans l'ombre
jusque sous les murs de la ville. On lui jetait du haut des murs une
cerde à nœuds, et il se hissait ainsi dans Morella. Ce jeune homme,
c'était Cabrera lui-même, si l'on en croit les récits des carlistes enthou-
siastes de cette audace de leur chef; il s'assurait ainsi de l'état de la
garnison à qui il apportait les nouvelles du dehors, et retournant par
le même chemin au milieu des ténèbres, il se retrouvait le lendemain
au milieu de sa petite armée pour donner quelque alerte à l'ennemi.
Arrivé devant la place f Oraa attendit encore huit jours son artillerie
qu'il avait laissée à Alcaniz. 11 passa ce temps à pousser des reconnais-
sances dans tous les sens, et à se retrancher dans ses positions. Enfin ,
le huitième jour, il ouvrit le feu , et trois jours après la brèche était
pn^kable; mais au lieu de donner Tassant immédiatement, les christi-
nos attendirent encore, et dans l'intervalle les assiégés s'avisèrent d*un
singulier moyen de défense, qui montre bien la nature de cette guerre.
La place de Morella était pleine d'une immense quantité de bois qui
provenait des charpentes de plus de cent maisons appartenant à des
constitutionnels et détruites par les carlistes. On entassa ce bois sur
la brèche et on y mit le feu. Des tourbillons de flammes s'élevèrent à
une hauteur prodigieuse et illuminèrent de leurs reflets la ville et la
citadelle. En quelques heures, la brèche devint un vaste brasier qui
projetait autour de lui une chaleur ardente et qui aurait dévoré qui-
conque se serait hasardé à le franchir.
Cependant les soldats de Cabrera, qui rôdaient sans cesse autour des
avant-postes , criaient ironiquement aux assiégeans : Voyons si vovs
ne monterez pas à l'assaut cette nuit, on a pris la peine de vous
éctairer! L'assaut eut lieu en effet, mais sans succès; plus de deux
cents hommes fiircnt mis hors de combat tant par les balles que par
le feu de la brèche, et les soldats brûlés criaient en fuyant devant cet
horrible incendie : Cabrera est un démon et Morella un enfer! —
Cabrera es un demonio y Morella un infierno.
1^^ BEVUE DEilâii^ Fondes.
sfefcina tikièttà fût Jtëhtë^qùi' édliolla lk)ftitfè le'îifërtilfeK ta disettç se
si^efs, on
mtfD^éà'lë^'^hëvàiik'La &ém6f»f^âti!oti iitfiéfia'fihdisèi^pttnè/qi^a
otttôdd un 'fitssAW feértérdU m!a» bette lettte^^^
i^ôès^éê. EtoWi, Ife^airi^înÀS, feKiilnràn grënd ionfibre de mbrts^
s^* les ttrtïrs de fa' jJfeée', |)atfni ïe^aël^ Tandén gouverneur de
Mbrella, qui S'haït lîalssg'ertlëvèrîè château si sottement , lèvêreni'
le sîége le 18 août; la brèrtié brttiàiVtoiq^^ " \'' ''..''.!..
Elle s'éteignit pout! laisséi- f entrer Cabrera. L'héiireux général
revînt en triomphateur datts sa Ville délivrée. JaniiâisVoi'd^Éspagne
n'avait été reçu avec de tels transports d'enthousiasme. Toutes les
cloches sonnaient à grandes volées. Des fanatiques se jetaient à ge-
noux sur son passage. Un journal qui s'imprimait à Morella, sous le
titre de Pcriodico de Aragon y Valencia y Murcia^ et dont le rédacteur^
qui était un vieux prêtre, allait prendre tous les soirs les ordres de
Cabrera, fit une relation pompeuse du siège, et termina son article
par ces mots : Nous tous, vaillans soldats de V armée et habitans de
ùétte héroïque et fidèle cité, nous pensons que le roi ne saurait mieux
ftiife qiic de àécérnery après une si grande victoire, à l^ immortel Ca-
breray le titre de comte de Morella.
Letftre aihsl demandé fut accordé avec le grade de lieutenantr-
général, par décret daté d'Onate, 2 septembre 1838. Doq Carlos
n*avaît rien à refuser au vainqueur de l'armée du centre, ftânliôn^
l'écolier Ramon, put signer de te nom ^omre :^Èl conàe dj^ ^orem
Don Carlos lui écrivit en oùtre^ pour te féliciter dé celte victoire,
une lettre autographe dontvoicî la tradiièïîôriT ' ' ' '* ^ '
(c Mon CHER Cabrera , ' • .i .1 i m »i
« Grande a été la satisfaction que j'ai eue pour là 'très' glorieuse
victoire qae tù viens de remporter et pour la cotnplètè déroute dés
ennemis de la vraie félicité de notre chère Espagne, de mes droits
légitimes et de Dieu môme; grande aussi a été ma joie d'avoir ce
houveau'îdôtif de récônipenser tes services non interrompus, ta fidé-
lité eonfiiiatité^' ton amour, ton zèle et ton désintéressement. Je dois
dé grandes ^gralîesè' Dieu, qui m'a donné un brave serviteur comme
toi et quH^TéVét;!! d'drte valeur, d'une constance et d'une fidélité et
gtoande^d^urië telle ap^catfoh à la fin principale dé notrfe èWfrëpriSe.
SoûtieHs-*t6î toujours constant et chaque fois'pfluy féhné d'dH^ nbk
solides principesfâMs te couteau {et cjuckillàfdè^ifApieé'éll Âe'^'M^
iffle jpjp.i^éajiiç. ,J'i)i pppciï 4Wtu fi^.été
ijje, j'çf) apiflifi, cp.sep"! Ufte-grandeiperto-.
!ifi t"^qp:^dfir d^^,i|iftpirep cwiwie pnrile.
rgc, d;f s, JQqlctuxni^tw g^éralissime, iB
couvre de sa mantp, te protège,. tfi|dfrige,,*e df-IJqnde, et nous donne
de nous ¥i^jr,))içiiVit tranquilles à,l)(a4rid, pp^^s .avoir vaincu tous
nos ennemis. Adieu ; je t'estime et je l!aiipe. ■ ■ « Carlos. »
Le brait de la levée du siège de Morella se répandit promptement
dans toute l'Espagne. C'était le plus grand succès et le plus inattendu
<|ne les carlistes eussent obtenu depuis long-temps; Cabrera devint
plus que jamais le héros de son parti. On a vu comment cette grande
renommi'e lui était venue, et ce qu'il avait fait pour la gagner. Les
lenteurs d'Oraa avaient la plus grande part dans ce qui était arrivé.
Quant i Cabrera, il n'avait eu d'autre mirite que d'attaquer l'ennemi
à tort et it travers, sans plan et sans ordre, comme un brave gueril-<
lero qu'il était.
Il ne songea même pas, après son succès, à pqprauivre. l'armée
d'Oraa. Cette fu'méc se retirait dans le plus grand di'sordre en se dé-
lùndan,^ ; elle ne GG rallia qu'« Alcaoiz. Si les carlistes, profitant de
leiire ay^ntàges, avaient .su|vi 1^^ cliristîpos l'épée dans tes reins, il en
serait ftôrti 'bien pcu,des déPtlés étroits qu'ils avaient à traverser; mais
ce n^cst pas ainsi qu'on fait Iq guerre en Espagne, et Cabrera avait
d'autres affaires.
te lendemain de sa rentrée dans Morelta, il rassembla toutes ses
forcer, loissa Ipijlç sans défense, et partit du cAté opposé à celui par où
fuyait t^ra^: w> seul bataillon fut mis à la poursuite des assiégeans.
Si l'armée constitutionnelle, avertie de ce départ, était revânue sur
ses pas, elle serait infailliblement entrée dans la ville sans coup fénr,
d'autant plus que la brèche était toujours ouverte; mBtftOraain'aurait
eugarded'en concevoir seulement la pensée., jgeg.aoldibbidis^rsés
i^e spngçaipnt qp'à dévaster le pays qu'ils trav«rsaifiDt, et qui; garda,
long-leriy)s,,^pf,è^lçur pif^sagc. l'aspect d'unpsftlttudeidéiftléeii Le
bft^jflQfl,qui lç3|S|jfVfljt lewr tua.pe qu'y ypufet,:;çttpw fit, demsiotnte
Çrif9j)pj[er^,q)if^ ^ijyffintlt^siUésppwrowrwc twawApr.oo'W^^
QiJ()n,t|(;;i^r^iq!J,^ll(i^t-L(?,(;'e3tçe,qfl'w «a-ndr.,.,,,, .1,,,,; - • ■! ■
1^., REVUE DE$. PKWrMONDES.
Quelque îqms ^pr^s l^.le^éedxxsv^, à^^ràm^^rà^ VolnHOi «cii
bajgoaieut dans la,. mer, le long dq, la^luQlkcOte.qji^.e&t^^.iqiK^lquei
distance dç la ville. Comme oDiJip.s^ jeûnais çieu à temps^uEspdffHs
la pl^s parfaite cppûance régaait4iw&'la yille4et dan^Jes. .environs»;
Le jouroal con^t|lsU)4oDQelde Valence contenait les plMfi.heaiu[ récitet
SUT la valeur (ù(is^rria) que i^s chriMioAS déployaient au siège à»
Mçrella, et un Teu d'3rtiQçe av^it été pfépacé par \e$ habitons pour^
célébrer la prise de ceUe place redoutée. On assurait déjà que Ca«
brera avait été tué, et on s'en réjouissait Lesi portes de la ville éUient ,
ouvertes; tout respirait la joie et la paix sous ce, ciel si doua^ et si pur^
qu'il sufGt de^voir la lumière et de respjrer l'air pour être beureui^.
Tout à coup des cris s'élèvent et s'approchent, et les baigneuses
effrayées voient d'affreux cavaliers soulever en courant « dit bout de
leurs lances, les mantilles qa'elle& avaient laissées sur le rivage* Los .
fc^cciosos/ iosfacciû9osI A ce cri terrible, tout fuit; les* portes de la
ville se referment. C'était en effet un. escadron de Cabrera qui précé-.
dpiit le reste de son armée. On dit que le chef de cette, troupe, don
Ran^n Morales» ancien garde-duK;orps, eut pitié des pauvres femmes
qui avaient été ainsi surprises. Pendant qu'elles se cachaient «de. leur
mi^nx derrière les. rochers, il ordonna à ses soldats de.se retirar et
leur assura galamment qu'elles n'avaient rien à craindre* — Ah! quel
donimsige, disaieptrcUes^ ep. sortant du bain et en regagnant la ville
an plus vite, qif*ua tel cavalier soit un factieux.: que lasiimaqm lai
caballero sea un facçioso /i
Cependant Cabrera mettait à feu et à sang cettç, magnifiquei huerta
de Valence, qui est si célèbre par sa richesse. Die tous les points de
l'horizon s'élevait la fumie des villages incendiés. Le bruit des cloches
et le son des tambours appelèrent bien les Yalenciens À la défendre,
mais nul ne se hasarda contre l'ennemi. Pendant deux jours eotiers,
les carlistes pillèrent à leur aise; puis ils repartirent pour Morella
aussi vite qu'ils étaient venus, poussant devant eux de longues files
de chevaux et de ipulçts qui portaient leur buUn, D'imn^nses quan-
tités de blé furent déposées à la citadelle; de grands troupeaux de
bœufs et de moutons furent parqués dans les mpntagnes voisines ;
quant à l'argent, il fut partagé entre les soldats et les chefs. On com-
prend maintenant qu'une pareille expédition avait dû être plus goûtée
des barateros qui compo3aient la plus grande partie de l'armée de
Cabrera, que la poursuite et la destruction d'un corps, d'armée*
La terreur que cette sanglante apparition a laissée jderrière elle ne
s'est pas encore aujourd'hui effacée à Valence» Une aventure q^i a eu
Ue«i tong-teflq^ «kppè^46 f aasagette €abrera; et qne tout le monde
raee»te en Espagne, en donnera une idée. Un négociant de Valence
attendait un <najirire eba^ 'de «ontrebande; du bord delà mer, H
voyait ce navire louvoyer à distance, mais sans oser aborder, parce
que les douaniers conwatent le rivage. Il imagina nlors de courir à
toutes jambes vers la ville, e» criant à tue-4ète : (kbrera 1 Cabrera I A
ce nom, bientôt répété de tous côtés par la population épouvantée^
les douanion» «e sauvent et courent à leur tour vers la ville; une
panique générale se répand; de totts les points dé la huerta, chacim
accourt avec ce qu'il peut emporter de plus précieux. Les portes de
Valenoe demeurèrent fermées pendmit trois jours à la suite de cette
alerte. Un énorme encombrement d'hommes, de femmes, de mulets,
se forma sous les murs;^ il en sortait des cris de désespoir et de prière,
mais les babitans refusaient d'ouvrir, craignant d'introduire avec le^
fugitifs le terrible dévastateur. A la faveur de ce désordre, le navire
débarqua ses marchandises, et les Valenciens en furent quittes cejtte
fois pour la peur.
Nous avons laissé Cabrera à Morella. Nous le retrouvons , à quel-
ques jours de là , près de Falset. Falset est une petite ville foirtiflée
au-delà de TÈbre, à vingt lieues environ au nord de Morella, comme
Valence en est à trente lieues vers le sud. La promptitude datis les
mouvemens est le premier mérite d'un chef de bande, en ce qu'elle
lui permet de se porter inopinément sur les points où il est le moins
attendu; Cabrera a eu long-temps ce mérite au phis haut degré, et
cela suffit pomr ex|lHquet' sa réputation ndh'taire auprès des Espagnols.
n mardiait donc sur Falset, dans l'espoir de ntettre à Sac cette
place et d'y fiiite encore thi butin, quand il dut au hasard tme nôu*
velle victoire qu'il ne cherchait certainement pas. Le général Pardi-
nas^ qui commandait la troisième division de l'armée du centre,'
n'avait pu voir sans indignation la retraite de Tannée devatit unt^^
bicoque défendue par quelques milliers de bandits; il nouhîssait dans
son ame le désir tioleni de prendre sa revanche, et qttond il apprit'
que le nouréau comte de Moretta était près de lui , il s'empressa de
marcher à sa rencontre. Cabrera avait trois mille hommes; Pardifias
en amena aix mille, né doutant pas qu'avec de pareilles forces il ne
culbutât l'ennemi.
Cabrera ne présentait jmmh la bataHte en pleine campagne, mais il
la refusait rm^enieitt. Bès qu'il apfM l^tfrrivée de Pardiftas , il alla au-
devant de lui. Les deux armées se rencontrèrent le 1" octobre 1838,
entre Flix et Sf délia. Pardifias déploya sa divisioti sur une seule ligne;
G^bjriein^.fifi|fi(;^oM«»^|H^»pwt(#l^ un
mpin» (te|ip^çe^;q^^,^Q|^t^flvWNIÎteé B'<<xpD$iitt.i èlre<iébMidéé«dniUii
et à gauche, et attaqué sur les deux flancs en mftmeteflit^^lmidfV'
front. Selon t4MUes'le${appdr|9iHV^. «MdiHfî^îon^eVliflsétiièfclétrùiièçtc^
fut.celle de.PardiAasq^j'lerutentièfCfliMt. .: l '^ 'i i; . .'t..
Le combat $'e9gagp«a[v<^cacb2irQemeiit Lea soldats^AnsliDOS^se '
battaient avec r^énergiq fg^ .^ikwejo' désir de ven^r'm»éèheo^'ies
carlistes avec cette contiaficaqui oait de Tbabitude de lamficloir^ Au
bout de deux heures de feu» les troupes de Cabrera dliMBtreédtfct
devant des forces supérieures; l'aile gauche coBviieDça à plier; et le
mouvement de retraite oe tarda pas a se propager sur toute la ligne.
Cabrera furieux s'élance en avant. « Lâches I s*écrie*t-il , vi>iis m'aban-
donnez ; eh bien ! je saurai mourir seul au milieu de rennemi. — - Non
pas seul , mon général, lui répond le colonel d*un escadron aragoBiôs
qui soutenait la retraite, mais avec vos Aragonais ! d A ces mots , le
colonel fait volte-face, et son escadron se précipite avec tant de rage
sur Taile gauche de l'ennemi , qu'il la disperse en un clin d*OBil.
Le brave PardiAas, voyant le désordre se mettre dans cette partie
de ses troupes, se porte aussitôt sur le lieu du danger, à la tète à^
son état~m«jor. Eu le voyant venir, le colonel aragonais court à lui et
lui porte a la gorge un coup de lance qui le renverse mort. En même
temps, rétatHDaajor, assailli par la cavalerie carUate, tourne hniê.
Cabrera, qui était parvenu à rallier les fuyards^ arrive «veo toulca^es
forces, mais sa présence n'était déjà plus néoeaiaiffek Ett>appittoant
la mort de leur malheureux général « les soldat» de Paidilib.8'»étafeat
assis par terre, levant leurs fusils la crosse en l'aîri, et eriaol<|tt'iIaëe >•
rendaient. On les Qt tous prisonniers; ib étaient o^M|/milhi( Je «reste. »^
avait été tué. De cette belle division, il ne se sauiftieq tf>ui! qn'tiao ,
quarantaine de cavaliers. < . .m • -
Ainsi s'est passée cette fameuse aflaire de HaeU«« la plus désa»^
treuse pour les christinos de toutes celles qoi ont «u lieu pendant
cette guerre. Le général Pardiûas, qui y périt, était on des meilleocs
officiers de rarmi6e constitutionnelle; issu d'une des plus nobles
familles de Calice, il avait embrassé par goût l'état militaire; nommé
député aux cortès de ,1837, il avait volontaireaient quitté les fcancs
de la chambre po^r les rudes travaux de l'armée. Il diait ègé de ftrente-
cinq aii$ quand il mounfiU Cette action a été raooufate aiikrement dans
h temp^ par l^sjouruaiiEi espagnels; mais ce 4MiKNas:VcneB8<de dire
est la \énLû^,^i|l,c qu'i^Ue nous a é\é attMMe paii.ded'*émbiiis oou^
I »
,1 •
coittmles#B>bnnfeBn •»'* <»'»*i^* '*»**» ^ •• 't'^ ••;'••• ' * • - -■ ' '"^
comble i la renommée de QriHWfé. f/éptf^tfaotë sfe rëf^dR jusque
daasflwraeiteej A'tMt ilioÉMil,'m fattetklail frie toit aMvér soti^
le» «uns'de ocÉte «Hei doottopoj[iniliiic)h pitt Icf^ànndes. Il ne palut
pat/ Afrèt fqoelqae» tentatives 4sôlées>dQr Qispe et dTaiitres petites
YîHaasansîHpoftnKes îl a^^ Nf^stma^tiillenietit le cbemin de ses
montagnes; isans ^fkmwittjr des sofles qu'aurait pu avoir sa victoire.
Nul doute que s^il s'étail présenté après un tel succès sur les derrières
de Tannée d'EsparterOt Û n'eât opéré une diversion puissante; mais
ce n'était pas sa manière. Son unique soin fut de se défaire en détail
des prisonMers qu'il avait fints. Les habitans de Sarragosse ayant mani-
fiesté leur crainte et leur colère, selon leur habitude, par l'exécution
de quelques carfistes enfermés dans le château , Cabrera ordonna par
représaffles qu'il s^ait fusillé dix christînos pour un carliste, et lei
devr partis s'arnmgèrent si bien , que, de représailles en représailles*.
les cinq miOe y passèreni presque tons.
Ce moment est l'époque la phis brillante de la vie de Cabrera. B^
son royaume de MoreHa, H occupait et tenait en respect un bon tier«^
de fB^agne? son année étirft devenue forte de quinze mille hommes
de troupe» à >peu prts régulières, dont huit cents chevaui. 11 avait
qoaranle^àcesf de caBM; plusietiri forteresses et trob braves lieute-
nans, F#fOMMI>LhÉigostt«4»etPolo. Tont ebéfssiut et tremblait autour
de Ira;; Hnte'veoonnaksait aucune autorité, pas même celle du roi.
Son^nométait imfofué'avce respect d'un bout de l'Espagne à Fautre,
paréflute la population carliste; enfin, il était comte, ce qui devait
l'étonner beaucoup lui-même. Cinq ans avaient suffi pour porter à ce
haut point der graurfèur le pauvre écolier de Tortose.
JiMq«e4à la fortune avait semblé conduire par la mafn le jeune
aventurier; mais le moment était venu oà elle devait refavèrser cet
échaCnidage de pouvoir et de renommée encore plus rapidement
qu'elle ne l'avait élevé. Quand en vit en préseneel'nii de f autre les
4leuxphiisfrand8 champions desdeux causes qid diviscdent FEspagne,
on s'attettM généralement à un choc redooûbler Ee duc de la Tic-
toife 'était' gouÉÉinidilit ^éfal des troupes de la'iieine; Hbn Carlos V
par un déopaé<rtfede!pw»gcs , le 9 jamier iSM. téUttifTè colraDan-
dément» daiVaPÉiée' de QMogne à celui de fanuèe d'Aragon, dé
TOMB XXIII. la
Wè REVUE DBSHmai MONDES.
de Mot^Uà. L'effeiAif -de^es .deni •eraiécs réiNHes- éteit é'etnâwm
d(M^bomiBes<90ft4)oiJwaH tloBC eeoaptec^ar itneTésittaiice iénMiie
de la part de Cabrera, et le parti carliste fondait de frtades eripé-^
raocQS sur, «on .^ehef lBi¥or». Tout À^onp une (Maie M«veUe i4fit
frapper œpftftî.OQmnie un eoùp de^HKlfo : Gâbfert tfétait^ikiQ nae
rowbre de lui^mètae , il; était nabde-t il était «ourant
On ne sait^s pTédsémeiifc à qodle époque renMiièe eelte'inaiadie
de Cabrera. On croît cependant -qae c'est dans les prenHefsyoarsde
novembre 1830 qa'il e» ressentit les prenriàres atteintesi. Le bnrit a
coura qu'il avait été empoisonné, d'antres ont dit qu'il avait eu le
typhus. Il a eu autour de lui jusqu'à quatorze médecins à4a'Ms,*ffié-
decins espagnols, il est vrai, et dont le «phis habile éMt un chonMeè
de Valenee, nommé SeviHa, sans qu'aueuftaît plu assigner le véritable
caractère de son mai. Ce mal, c'était l'époisement. Nous avons dit
qu'il avait gardé ^lans son élévation les joyeuses habitudes^ «a pre-
mière jeunesse; les excès auxquels il se livrait tous les jours, unis au
fatigues de la guerre et aux nombreuses blessures qu'il avait reçues
par tout le corps, avaient ruiné à la longue sa constitution, il rérâla
à une première crise, mais un plus grand danger l'attendaH à sa eon^
vaiescence. Habitaé à satisfaire tous ses caprices, il rqprit trop tôt
son genre de vie; le vin, les faonenes et les danses ardentes de l'Ëfr**
pagne qu'il aime avec passion, achevèrent d'user ses forces, et ame*
Hèreot de nombreuses rechutes.
Dans cet état , il commandait encore. Ceux qui l'eRtouraÉnit c»i
cbaient de leur mirax son abattement à la popuMion et à Tarinée.
Plusieurs fiois on fit sonner tes cloches dans tout 4e Maesirazgo , poulr
célébrer sa guérison imaginaire. Pour mieux donner le change, un^e
ses lieutenans prenait ses habits , montait son cheval, et passait au
galop dans les villages qui lui étaient soumis. Quand cette ruse ne fut
plus possible , il se montra lui-même de temps en temps dans une
litière, et tel était le culte qu'on hii portait, que ces apparitions
relevaient un peu le courage de^ tous. Mais le plus souvent ^ il vivait
retiré et invisible comme ^n despote d'Orient, et la démoralisatiou
gagnait en son absence ceux qui étaient habitués à compter sur hiî
comme sur un dieu.
Les formidables prépamtife d'Ëspartero n'^a continuaient pas moins,
et il devenait évident pour tous qu'il serait bien difficile à Cabrera,
même en lui supposant toute son énergie, de résister à des foroes si
considérables. Cabrera le voyait aussi bien qu'4in autre, Bwlgré-soa
v^v^àfipaix^ft ïmmêfjBê sWftnms»§^ dwii^*le$*iMi9.de janvier et
do Unfin, pooi: Aui ùÂm coaiiii|l90«M iiMJtÎM ^ riaytieivà venir àsm •
s<ipeiiiiid*ow(Baatè»t^ii^d*oa6a4ib)(^ Dtn Caiios lui ^ri vit plusieurs
l^Mies en. l'appelanl wn ehm ittimomei , dii.p#tift *noiii»^*«iiri^ qa*ii
lui do3iiBitdai)9>de9leinps plus lieunen-, et^ePfHwitiiQttàBe bien
garder de ioutit mm^tude; il créa -de pUie une- dée^tation. periioiir-
Uèae pour;lea troupes de Gatatogoe,. d'Anfp&v de. Velenee et de
Mureie; Iteiaee M là le aeul j^tp!» que le)Pféte<idaut put dernier à sa
deraiëre année; les piùssanaes di^Nerd a'étaiwi ddfimtiveinent retn
résadeh»^ et Ufttttmfiessi&le de rien oMeevr d'elles, malgré de.très
grande efiiarta.
finfitt.» dans les derniers jonm demaps, use grande dirersioa dans
le»ps»vifiGes da jiord fut réaelue pnur dégager Calonera* Il était trop
tard. Là paix awit jeté de trop fortes racines dans ces provinees pour
qu^'elie pûtéte ébranlée. Lesofâciers espagnols earUstes^ réfugiés en
Rrance à la suite de don Caries^ s'évadèrent en foule des dépôts qui
loBr. avaient été assignés; mais, arrivée sur la frontière, il» ne trouvè-
rent aucune sympathie dans ces populattons jadis sîasdentes peor la
gueive. Le gouvernement français fit arrêter les chefs désignés, entre
autces le général £lio, qu'il fit enfiermer dans la citadrtie de Lille; un
nouvel émissaire do Cabrera, le colonel Gaeta, fut arrêté aussi et
enfisrmé dans ki cîladeUe de firent. Une. tentative. d'insiirredion eut
lieu dans les provinces; les chefs, les armes et l'aogent manquèrent :
elle avorta «iséraUemeut.
G^jieodant le temps merddtaitv et la belle. saison était revenue. Au
mois d*aviil, £sportero s'est rais en mouvement, mai; l'attente géné-
rale a été déçue, et il n'a rencontié nulle part l'ennemiqu'il cherchait.
Il a assiégeât emporté successivement Castellote, Segura, Gantavieja;
Cabnera n'y était pas. Il a mis le siège devant Morella, cette ville
chérie du guérillero , cette capitale de sa comté féodale, cette forte-
resse où il avait aimé si Imig-temps à se croire ineiLpugnable; Cabrera
n!y était pas. Morella, démantelé par une artillerie terrible, s'est
rendu à discrétion le 31 mai ; tout le Maestrazgo a été occupé presque
sans coup férir par les troupes de la reine; Cabrera n'y était pas*.
Jamais déchéance plus complète n'avait succédé à de plus fastueux
antéoédeos; o» aurait dit une illusion qui s'eCTa^^ait au premier choe
deJa réalité.
L'armée -de Cabrera, emmenant sou^généval, a passé l'Èbre au
commeneement de* juin, et s'est repliée sur la Gatalot^e. Quand le
13.
j«t REVUE DBS MUm MONDES.
9ioéf^ ia*l)oiiieUT« attiitiito A la iî^
pewrfoparai^miaQOote iMiefdto^wrte^liaipp^ie batailleçiilvslestoM^
fmf&ibtêN^me^knfA iit>«ti.iaoii >«beMilrtaé»isouâ> hiî. ffiyVLéMtilk
qu'w 4N%« :^«6tteiffldioBvrWipéiit'lciifrèi«fd'(0*DMfi^^ 4l>é(étlflii
4eaiiâi^ Depuis loog^^jteoips^ CaiNreimi^ogfaHitiiGfJl iieipo«Mit)fliiÉ
imm il «'a pliif s)Diqgé> iè»-lom qu'ir 4e séfiifiQr» eni firanee^t illiii
passé pr^de aFoi8r^aiai«e»(à|lli^,;aàiji B^fml^fiemfMm^ftimm.
tel fiBîr^ le procèsr des assasaiof 4u «comte d'Espagoeç'pim^rqiiind
l*armée d'Espartevo Si'est^appiiaeKésede ce damier rempartida. la Ae^
tion en Espagne, il s'est remis en marche pour laAoïrtièi^» > .ii^!.> i
s II a commeAeé par wvoyer devant \m ses-dm» si»ai8i4.qu7ilipaiiitt
iiimer beaucoup. Ces dew jeunes feaunes^ dont Tune aidîMl^ana
el Tautre quinze, sont entrées en France à la fin de juin ^ aoaomi-
pagnées de la femme de Tintendant milttaire carliste Lahandew
oo les a trouvées nanties d'une somme de cinquante mille francs en
or. L'une est la femme de Polo, l'autre devait épouser un autre aide-
de-camp de Cabrera , nommé Arnau. Le gouvernement leur «assigné
pour résidepce la ville de Bourg, département de l'Ain, où elles
s'occupent, dit-on , à cultiver des fleurs,
Ua Qouvel adversaire est venu enfin consommer le désastre de C^
brera, ei^ y assistant: ce dernier vainqueur p'est rian looins que .la
reine Isabelle elle-même. Partie de sa capitale» pour ve^iirprencH^les
eaux à âarcelone , elle a traversé hardipdei^t i^s contrées (W ti^fiH
blaieiAt naguère deitanit te ceinte 4e. ^iiella, L'a^jcepda^ 4^¥ VKfWi^t
i*st si grand en Espagne, que la présence de oett^ iw>^ AV^>ff|iMe
*ît maladive a plus fait qii^'uue «r^viQipqurfla pacjftjîitlflPfMHjpars-
Les troupes factieuses qui ont.vojulua'oppQppriii^oM/pasQ^g^^^iP^
été écrasées; les cris d'enthousiasme etd'aqnoqnqf ii4*<>|^t>acq9^tiKfi
dans les vUtes, ont retenti dans les camp90PeaeiiiWiiii^)iett#es.pto
terribles ennemis ont disparu devant la poussière que fiOBleiwM h roue
rapide de sa voiture. Le 30 juin , eUe est entrée à Barœloxie nu mUea
des fêtes; quatre jours après, le k juiUet, Aergaétaitprjs par Espar*
terov et le ïCk, 4^ cinq heures du matin , Cabrera se réfugiait en France,
nvee 10^090 hooMUes.
U n'y ftvf it'sur la frontière q^e deux cents soldai français, quand
toute eeUer&mié^ s^lest présentée» Les thristiiKM ne la suivaient pas,
et on ne liraitipas:unt coup de fusils Uae dernière discussion s'est
(engagée sur le teTritoii«'fraiii(aiS'<;ptrè4^ui^>ii|M ^ti?er<et
c*euK> qui ne AeîV^iaiIaiefll ^4 LeS)(;eiadtrift^
au lÉpeu nAme de>ses^b'W^^i^«»nibbaa»4fète Boto^latr aiiiffertf^e
rcfkRéMl^'a' ditQài^tiièiiiejquel ^ wM^kn/hi /'H Mmit^^uiMnlrim^
odrdisil^èsepit aiMl daoïrlésiitaAiila^eff^tnai^qii'M^avélC'nêcttté UéVttil
Vjdéè'de .^riieK ifihtHeinèirtl ^s^trcmpflBiMBiaitttitiPs; ^pië^ «tbir
ftirité^une^aîmâev il tai ^répugnait ife /xtre» ^ < jrtM^ («H'^otir/^Ah ; 'Sow
dtiUée'esindiitrte dti'fVifrite par KNiloànériel dm» te fAès grand oMréfj
eti»^dialitiillkf:rtMgbti&i»,tlont la^pfèpaft**^éitii88aient d^ se rendre
éinsi ' ma» :«pmlMMire , > plein» de ' ^aptfet «ficor^ > pour les derniers
ord^esl déièwr thof ,- se sent taiMés^ésffrmer'sans'rééislanèe par nne
poignée d'iiodiines; "• ' • " ^'
Leiiiiottieiilioè' Cabtera s'est éloigné de fci' frontière, prisonnier
▼«loiitaire du gouvernement français, A présenté one scène tou-
c4ianle; ses soldats couraient en Toale aunlevant de lui pour le voir
encore un faioînent de plus, agitant loirs bonnets en Tair et criant
vive Cabrera/ et ces rudes visages, qui n'avaient jamais pâli dans les
plus horribles épisodes de cette guerre , étaient couverts de larmes.
Lui-même pleurait en se séparant pour jamais des compagnons de
sa puissance. Ainsi a flni la guerre civile espagnole. Avec Cabrera
sont entrés Forcadell, Llangostera, Polo, Palillos, Burjo, tous les
chefs aragonais. Les Catalans ont essayé de tenir quelque tetnpS' en-
core, et n^ont pas voulu abandonner la partie sans brûler Ht moins
leur dernière amorce^ mais, après quelques jours de lutté, ils Ont été
(ïittêé dtt'pn^rla fh)frtie^*à leur tour. A part quelques bai^des
éj^èr^,'l^ëit'éé l-Espagiie est matntetiawt libre de factieux, comme
lé^»pfdVtece#«tiîi«rtf.-''' '-^ »''•••••■"'•• '
^Ë'StilAfnëttléht^à été gVaHd dn F¥àMce qnand on a vu Cabrera. Petit
èr<tndig^,^ttv<^'\itie> barbe trè^piefu^ fournie, il a l'air d'un jeune
MiMMè'ddti^è^fÉiBlêf.'^Se^'cbevëtnc sont très noirs et son teint très
briib.^On^dititVinBftatltstt'nMtadie, son regard avait un éclat singulier;
ailjouttinMi;>eehi!dlit semble s'être affaibli. Il regarde rarement en face
son fMtetloeu^r,*èt' jette souvent les yeux autour de lui aVee une
sorte dlnifiufétdde. Sa physionomie est intelligente; sana être précis-
sémenli remarqufilblé^quànd il sourit, s<^ visage |^nd fiksë expres-
sion de Gnesse naïve qui n'est pas sans grâce «Il ^eatéiMitiement
simple dans se^ lùalnières, mèiue lin peuembar^sfeé;' Ilparattselif-
frànt; et n^a plus ^cetle extrême mobIHté qui 4e portait ttntrefois,
Atr4)n\ ktYmtigèt'Wai' cesse de pMcei' Son ^attitôdèv^gèremeut
coûri^;dmfbtoiiidii^erqaesàipoitriiieeM^ •' *> v . >., :
= Tel'éétfhbtiinéià qui leiliaiëpA^esévètMiilemèiCritàDe sa grande
plaè^â«nrlflitslbilfe*d6'6esf4drfiières^«aMiécfts^N coÉïfiéter
ce portrait par quelques détails sur son caractèreé
20£* REVUE DE^ ïlAmt MONDES.
Cabrera n^ajaimâa en lavomie opAiioii'pfolitHpie.'II a «mbmaéJai
cauaieda donCarios, parce que c'était celle qui poorait le mener à la
fortune; il aurait suiri tout autre parti qui lui aurait donné plus de
chances.de succès; il Ta bien prouvé en ne tenant aucun compte des
ordres qu'il recevait du prétendant. On dit qu-il lui est quelqu^ria
arrivé. d'écrire de sa ^nmin au bâa d'un ordre qu'il recevait de don
Carias : Recibid^ p^o non efecutado todo por el setvicir de vumtra
magestad (reçu^ mais non exécuté, le tout pour le service rde* votre
majesté ) , et de le renvoyer «inai à son auteur.
Il a toujours détesté les prêtres et les moines, ce qui est étrange
ppur un prétendu défenseur de la religion. Tout ignorant qu'il était,
il connaissait assez d'histoire pour savoir que les prêtres avaient tou-
JQurs voulu dominer en Espagne , et il était trop jaloux de son aufto^.
rite pour s'accommoder de ces prétentions. Peut-être aussi, se sou-
venait-il qu'il n'avait pas pu entrer dans les ordres, et conservait^^l
quelque rancune contre ceux qui portaient l'habit eodérâstique.
Quelques anecdotes feront connaître sa façon d'agir avec eux.
Un jour il s'aperçut qu'un prêtre qu'il employait dans la perception
des impôts, avait fait payer deux fois la même somme à un paysan;
il le fit fusiller. L'évêque de Mondonedo, président de la junte car-
liste d'Aragon , écrivit à don Carlos pour se plaindre de cette violation
inouie des privilèges du clergé. — Des prêtres, disaii-il, ne pouvaient
être exécutés que sur un ordre exprès du roi, et après avoir été con-
daauiés par les juges ecdésiastiques. — Don Carios écrivit luinnême
a son général, pour lui recommander plus d'égards envers les mi-
nistres de l'église. — L'évêque de Mondoftedo en a imposé à votre
majesté, répondit Cabrera; je n'ai pas fait fusiller un prêtre, mais
bien un mauvais larron. Autrefois les mauvais larrons étaient cru-
cifiés; aujourd'hui je les fais fusiller; Ion iiempos catnbian ias cosimm-*
bres^ les temps changent les mœurs.
Lorsque l'armée du centre marchait sur Morella, il fit engager
tous les habitans qui se crokaient inutiles à évacuer la place : Je don-
nerai des annes, dit-il, à tous cemx qui resteront. Tout le monde
resta, excepté les femmes, les enfans et environ cinquante moines
franciscains. Quelques jofurs après que le siège fut levé , les moines
revinrent et reprkent possession de leur couvent. Cabrera leur fit
donner l'ordre de se rassembler sur la place d'armes; il s'y rendit'
lui-même, et leur dit brusquement : Votâs devez vous rappeler que
vous vous êtes vous-mêmes jugés inutiles; ainsi repartez; il n'y a ici
que des bmves. Les moines savaient qu'il n'y avait rien à répliquer :
ils défilèrent sans mpt dire. Cabrera les suivit jusqu'à la poite de la
\ille, et leur cria pendant ,qu'jib ^ortajçojt ; Gard^-vousde revenir,
car vous ne sortiriez pofi Ai.aUcmfjdU , ,
L'évéque de Mondofiedo réçl^m^oi encore miprès de don Carlo&;
don Carlos écrivit de oo^vea^, et Cabrera ié|K>Ddit: -r II est possible»
bien que je ne le comprenne pas^ que les moines soient utiles au ser-
vice de votre mcûesté lorsqu'elle sera à Madrid; mai& je puis rassurer
qu'ici ils ne me servent à rien, si ce n'est à consommer des rations
que j'aime autant garder pour ce^x qui 3e battent journellement
pour la bonne cause. — Quelques jours après, il destitua l'évéque de
ses fonctions de président de la junte, et en nomma un autre.
Nous avons déjà parlé de la cruauté de Cabrera. Nous avons dit
qu'il fallait faire la part, pour le bien juger sous ce rapport, des pré-
juges et des mœurs de son pays., On a voulu faire de lui un être féroce
toujours altéré de sang humain ; c'est aller trop loin. Ceui qui le con-
naissent bien disent qu'il n'a jamais versé de sang sans motif. Il est
insensible, mais il n'est pas cruel pour le plaisir de l'être. Il y a un
mot qui a fait bien du mal à l'Espagne; c'est le terrible mot de reprc--
saiUes. Ce mot explique tous les meurtres de Cabrera. Les constitu-
tionnels traitaient les révoltés comme des brigands et les égorgeaient
sans pitié; à leur tour, les révoltés le leur rendaient. Les tétcs se
montent aisément en Espagne; chaque parti croit et raconte des hor-
reurs de son ennemi , et s'excite, par ces récits souvent imaginaires,
à en faire autant. On va loin ainsi de part et d'autre. Il est vrai pour-
tant de dire que Cabrera , surtout quand il était irrité, pouvait compter
parmi les plus sanguinaires.
Naturellement gai , il se mettait en colère avec une extrême faci-
lité , et il était alors tout-i^-fait hors de lui. Ses officiers l'excitaient
d'ailleurs dans ses emportemens, au lieu de le retenir. On raconte
que, quelques jours avant l'arrivée d'Oraa devant Morella, il avait
réuni dans un diner tout son état-major. Dès le commencement du
repas, la conversation tomba sur ce qu'on ferait des prisonniers après
les engagemens qui allaient avoir lien. Il fut convenu d'abord que les
chefs seraient fusillés sans pitié; puis, le diner s'avançant et les ima-
ginations .s'échauiïant par le vin, des chefs on passa aux officiers,
puis aux SQus-ofQciers ; à la fin du repas, il était décidé qu'on ne
ferait aucun quartier, même aux simples soldats. Cabrera prenait part
à ces orgies et s'enivrait comme les autres; il se croyait ensuite lié
par sa parole, et exécutait par fanfaronnade ce qu'il avait juré dans
un moment de transport.
Quant à ses talens militaires, on a vu aussi ce qu'il faut en penser.
^fA REVUE DES DBUX MONDES.
£d Espagne^ où la chouannerie est nationale, on conçoit qu'il ait
passé pour un hàbilë général; partout ailleurs, il serait considéré
comme n'ayant aucune connaisance de' la guerre. Il eut du bonheur
sans doute, beaucoup de bonheur; mais le hasard ne suffit pas pour
expliquer un succès comme le sien. Il faut encore qu*il ait eu les
qualités qm' font réussir dans son pays. Il a été, dans l'origine de son
élévation, d'une activité presque fabuleuse; H excellait surtout dans
l'art précieux pour un partisan de prendre vite les résolutions les plus
imprévues. Les malentendus, les surprises, les terreurs paniques,
ont joué un grand rôle dans l'échafaudage de sa fortune; mais il eu
est de même pour tout guérillero, et les plus célèbres faits d'armes
de Mina n'avaient pas d'autre caractère.
Ce qui a été réellement remarquable chez lui , c'est son instinct
organisateur. Quelque informe qu'ait été sa création du Maestrazgo,
elle atteste des facultés rares chez un écolier devenu général. Il n'est
pas, sous ce rapport, sans quelque ressemblance avec Abd-el-Kader.
La préférence obstinée qu'il a montrée dans les derniers temps pour
un séjour prolongé à Morella , tandis qu'il avait paru répugner pré-
cédemment à coucher deux nuits de suite dans le même lieu, fait
voir qu'il avait pris goût aux soins d'un établissement durable. H est
permis de croire qu'il aurait fondé quelque chose , s'il avait eu plus
de temps, s'il n'avait pas été arrêté par la maladie, et si l'on n'avait
pas déployé contre lui toutes les forces d'une nation organisée. Bien
des principautés se sont fondées au moyen-âge qui n'avaient pas jeté
d'aussi fortes bases en si peu d'années.
Sa manière de recruter était fort simple. Quand les enrôlemens
volontaires ne suffisaient pas , il envoyait un fort détachement dans
un village quelconque soumis au gouvernement de la reine, et fai-
sait afficher le banclo suivant : Los mozos de este puebh que no sepre-
senten en el iermino de las 24 horas, seran arcabuseados por detras
como traidores (les jeunes, gens de ce village qui ne se présenteront
pas dans les 24 heures seront fusillés par derrière comme traîtres).
Les soldats obtenus par ce moyen étaient appelés minones. Il agis-
sait avec non moins de cérémonie quand il avait besoin d'argent : il
tombait à l'improviste sur un boiu'g du pays ennemi et frappait im-
partialement d'une contribution égale carlistes et christinos. Un jour,
à Caspe, quelques personnes notables, connues par leur adhésion au
prétendant, vinrent réclamer auprès de lui contre cette égalité : « Jp
ne reconnais pour amis, répondit-il , que ceux qui me suivent le fusî^
sur l'épaule, et si je fais une différence entre ceux qui ne me suivent
pas, ce n'est pas en faveur de ceux qui se disent mes partisans , et
qui ne veulent pas se priver pour mpi. »
Il était généralement très aimé de la population de ses domaines.
Autant il était cruel et exacteur pour tout le pays qui ne reconnais
sait pas son autorité , autant il était protecteur et bienveillant ponr
celui qui lui était soumis. Souvent brusque et hautain avec ses offi-
ciers, il se montrait toujours affable, prévenant même, envers les pay-
sans. Il laissait carte blanche à ses troupes pour piller à leur gré hors de
ses frontières ; mais dans le sein de son petit royaume , nul n'était
admis à frapper la moindre contribution sans son ordre. Complète-
ment étranger à tout système régulier de police et d'administration ,
il était pourtant parvenu, par la terreur, à étabUr autour de lui une
administration assez honnête et une police assez sévère. Il livrait les
diverses directions m% hommes les plus habiles et les plus spéciaux
qu'il avait pu rencootrer, puis il les faisait surveiller avec soin , et à la
première prévarication , il les mettait à mort sans miséricorde.
Il n*y a jamais eu autant d'argent dans le Maestrazgo que pendant
sa domination. Tout ce qu'il en recueillait dans ses excursions ou
dans celles de ses lieutenans , au travers des provinces environnantes,
il le dépensait dans le pays. On a dit qu'il avait amassé des sommes
énormes pour son propre compte; s'il l'a fait réellement, ce ne peut
être que depuis bien peu de temps , car il était naturellement prodigue
et peu occupé de l'avenir.
Quand le premier effroi qui avait suivi le désastre de Pardifias
fut passé, la cause carliste recommença à décroître en Navarre. Les
troupes constitutionnelles cernaient de plus en plus le quartier royal ,
et l'armée qui entourait le prétendant ne comptait plus les jours que
par des défaites. Des divisions mortelles éclatèrent alors dans son sein ;
un fort parti se forma sourdement pour la paix ; le général en chef
Maroto se mit lui-même à la tête des désabusés. Cabrera entretenait,
ditH)n , une correspondance secrète avec Arias Tejeiro, ministre de
don Carios : il dut souvent être averti de ce qui se passait dans les
provinces. Il persista pourtant à ne tenter aucun effort pour dégager
le prétendant, et passa dans cette inaction Tannée 1839 tout entière.
Il était évident qu'il ne songeait désormais qu'à se fortifier à part,
pour jouir en paix de sa merveilleuse fortune et se maintenir indé-
pendant, quoi qu'il arrivât.
Mais ses intérêts étaient loin d'être aussi distincts de ceux de don
Carlos qu'il voulait bien le croire. Il s'en aperçut quand arriva à
Morella, à la fin du mois de septembre 1839, la nouvelle de la con-
vention de Bergara et de l'entrée de don Carlos en France. Plusieurs
1 Moes chinoises se font
I ^sses pauvres imitent,
I (loçtterie, est évideni-
1^ pesé »ur la fenune
toute civilisation. C'est
st une précaution sei»-
l'éj^rd de, ses sQum n
Tout ce qu'il prit ensuite , et leurs Jsmbei coupto
Fireol qu'il les nuRgeait à sa commodité.
Maïs, politiquement et socialement, la Chine peut invoquer de
beaux titres à la supériorité. Les Chinois ont résolu des problème^
bien difficiles. Ils ont réussi à faire vivre sous une même loi , pendant
nue suite indéfinie de siècles, des myriades de myriades d'hommes.
Chez nous, on a vu échouer, l'une après l'autre, toutes les tentatives
ayant pour but de fonder l'unité européenne [par nous qualifiée, avec
notre modestie accoutumée, d'empire universel], qui, toute vanité
nationale à part, serait plus favorable au bonheur des populations,
(lue le morcellement entre des gouvememens ennemis ou seulement
rivaux. Elles n'ont même jamais été hautement avouées depuis les
Romains, car Charlcmag
suprématie dans un con!
ont érigé un empire qui
temps historiques, qui d
secondant notre soif de c
portée; les conditions d
plies, que rien n'a pu 1<
quêtes qui , à plusieurs r
et ont entassé ruines sni
l'ont consolidé , raffermi , étendu.
C'est que l'organisation sociale et politique de la Chine est fondée
sur une notion plus exacte et plus complète de la nature humaine
que ne l'a été dans le passé, et que ne l'est dans les temps modernes
celle d'aucune des parties de notre Oecideut.
Dans un ouvrage récent et trop peu remarqué [l}t par l'unique
loMeftlpi (niUimu dM CUmMi, M niit nttaiés à ÉnltraiiHie' wid» He )r iMiHiiUo
deapiadt-i ■.' ■■-■! ■■ ■!■■■
rt!o(if qué'Vautent'aiV liS'^crrvain toulousain^
)f:X.' :br(tttiiéli', i)àr 1 uré 'sî^neûre a cdle
dë'lÀoiitdsçjuiëu, 'm rols''âènien's"j)riipor-'
ditot '^ ta liitétH^ li B 'iaiijille',.(ès intèrête
g'!^h^i^tix', 'et 'pbrt'dé gouvemcment. Cette
dd^ifitàttbVî iirisè ji< ', de'lo coinbinaison ei
dé laVépàHitwn des i pàs'dele r^'pétér, plus
profonde et plas vraie que la doubjlAtriqité.JiDMwn:bù)uetaristocra>
tique et démocratique, ou executive» lâgislative et judiciaire de l'îl-
lostre théoricienne la Brède. , t, .,
Cela posé, le gouvernement doit reproduire fidèlement l'image
de tous les grands élémens de la société. Tous les grands principes
sur lesquels la sot^iélé repose doivent avoir au sein du gouvernement
une institution qui en soit l'incarnution et ta figure; autrement le
titre de gouvernement représentatif serait une enseigne menteuse,
et tout gouvernement doit fitre représentatif (je ne dis pas parle-
mentaire], sous peine de périr. Les pouvoirs publics doivent-ils, peu-
vent-ils être autre chose que la personnification des forces sociales?
Or, chez nous , je parle en Européen , les publicistes modernes, dans,
leurs conceptions politiques, font abstraction pure et simple de la
Emilie , comme si le sentiment de famille n'était pas l'un des lienà
sociaux les plus forts, comme s'il n'était pas l'un des plus puissans
ressorts de la société. Faut-il s'étonner de ce que leurs œuvres sont
si périssable^, de ce que nous changions de constitution à peu près
coftimé viii fashîonable de cheval, et de ce que la vie moyenne des
dynasties! est rnain tenant en France du tiers ou du quart de la vie
moyerine'de l'homme, dans les classés où la misère et la souffrance
l'abrogent le plus',' nous qui, en quatorze siècles, n'avions eu que
trois dynasties? ' ,
Toute constitution politique qui ne tient pas compte de l'esprit
de famille, qui ne lui fait pas une place suffisante, est radicale-
ment incapable de rien constituer, exactement comme gi elle faisait
abstraction des intérêts individuels, ou comme si elle passait sous
silence les intérêts collectifs de l'état. Négligeant une force de pre-
mier ordre, celle qui produit la stabilité, par cela seul elle fnanque
de stabilité elle-même. Elle est bâtie sur te sable mouvant des révo-
lutions, ou suspendue en l'air dans l'atmosphère agitée des orages
populaires. MaltwunettBemeDt, daw notre OccidHit, 1» priocipe de
la famille se présente comme incompatible avec un autre principe
non moins sacré désonnais, cher k l'intérêt individâeVd'dîitirëst'le
TOHE ZXIII. 14
Quelques jours avant l'entrée de Cabrera eo France , le 25 juin «
une autre troupe et un autre général passaient aussi la frontière, du
côté de Bayonne. Cette fois, ce n'était plus le chef qui entraînait ses
soldats sur le territoire étranger; c'étaient les soldats qui avaient forcé
leur chef à y chercher un asile. Poursuivis l'épée dans les reins par
les généraux de la reine, accueillis à cou]^ de fusil par les habitons
des cÂi^'a^|s|. il^ av^n^ fait |cen| lieu^eîiil^^|ur|,[^iSs {|iin,
sans habits, sans diaussures, presque sans munitions, mais non sans
avoir souvent fait face à Tennemi , quoiqu'ils ne fussent en tout que
quinze cents. Ces honunes de fer, qui ont efTrayé la ville de Bayonne
de leur aspect farouche et sauvage , avaient brisé leurs armes à la
frontière plutôt que de les livrer à l'étranger. Ils avaient pour général
l'indomptable Balmaseda.
Balmaseda est l'homme vraiinent Gort de cette guerre. C'est lui qui
a le premier deviné Maroto, lui qui est seul resté debout dans la dé-
bâcle de l'armée de Navarre. Né en Castille d'une famille distinguée,
il était lieutenant-colonel à la mort de Ferdinand VII. Il prit aussitôt
les armes pour don Carlos , et ne les a quittées qu'au dernier mo-
ment. Doué d'une haute taille et d'une force herculéenne, il a tou-
jours fait la guerre en partisan , à la tête d'un corps de cavalerie qui
répandait partout la terreur. On a vu qu'il avait été rejoindre Cabrera
après la convention de Bergara; mais ils ne purent pas s'entendre,
et il le quitta bientôt. Il revînt le trouver vers le milieu de l'hiver,
pour l'inviter à l'aider à faire pendre Segarra, qui commandait
l'armée de Catalogue^ et qu'.qn .«^jupçoonnii dé^if de^ toi défection
i^i^'il a réalisée phis tard.. Cabrera nefVOiilUt(Pf)s«J'étfotito(f(|iM0ts^filaa
de ne trouver dans les généraux i carlistes, que! éesii^Miltip^r km /de^
dameursy *- c'est ainsi qufil leâfapp6llc(t^M^p|i'^eàsaya>(ki'S*^Uill b
part à Beteta; nais il n*y put réus^r^ret c'est d&MdquTilla'âtèTéqem-
ment contraint de partir pour se jeter en Ftance)àJBMptdie»fQrQée&.
Cabi^era a eu sur Balmaseda l'avantage de se dountside bonnp
hieure un oeotiie d'opérations où il revenait toujours^ mais:si>fBahiia^
aeda avait été moins Jm^iet^ omns nomade, et que le^ort Feût apr-
pelé", aur lieu de l'élève du clianoine don Vicente, à être le chef de
W^AQO^ùMOS^^'il estprabable qa'ilrarait. fait une ao^ fin. Aussi
1M»ile^tMi ïïWRiôééàm in^MOÊ^ de IfereUa ^ «/Il se ttroavera bien en
iFittni)e,;^iliamènHneiit; îl poiirniy faire de^Ifiijiuiiîfiii^à'aoii.aise;
iqu'ûA ilui t dei^ef uoe Igoitare, et il ica .chant<|r) fifir^lés ^^
fmèwWi^hMir' i^
profonde et plus vraie que la douUftbriiiité.jponBrGbiqiU). aristocra>
tique et démocratique, ou exéi^Htive» légistolwe et judiciaire de l'il-
lustre théoricien'd& la Brède.
Cela posé, le gouvernement doit reproduire fidèlement l'image
de tous les grands élémens de la société. Tous les grands principes
sur lesquels In société repose doivent avoir au sein du gouvernement
une institution qui en soit l'incarnulion et la figure; autrement le
titre de gouvernement représentatif serait une enseigne menteuse,
et tout gouvernement doit ôtre représentatif [je ne dis pas parle-
mentaire] , sous peine de périr. Les pouvoirs publics doivent-ils, peu-
vent-ils être autre chose que la personnification des forces sociales?
Or, chez nous, je parle en Eurapécn, les publicistes modernes, dans
leurs conceptions politiques, font abstraction pure et simple de la
Emilie , comme si le sentiment de famille n'était pas l'un des lienâ
e s'il n'était pas l'un des plus puissans
s'étonner de ce que leurs œuvres sont
is changions de constitution à peu près
eval, et de ce que la vie moyenne des
France du tiers ou du quart de la vie
les classes où la misère et la souffrance
, en quatorze siècles, n'avions eu que
le qui ne tient pas compte de l'esprit
>as une place suffisante, est radicale-
ment incapable de rien constituer, exactement comme si elle faisait
abstraction des intérêts individuels, ou comme si elle passait sou»
silence les intérêts collectifs de l'état. Négligeant une force de pre-
mier ordre, celle qui produit la stabilité, par cela seul elle fnanque
de stabilité elle-même. Elle est bâtie sur le sable tnouvant des révo-
lutions, ou suspendue en l'air dans l'atmosphère agitée des orages
populaires. UaUwunsHsement, dem ntAre Ocoident, 1» priocipe de
la famille se présente comme incompatible avec un autre principe
non moins sacré désormais, cher à l'intérêt individâe1''dï)iitHt "éstle
TOUS XXIII. 14
2t0 RBTfJE UES BCtTX*«MONmS.
et des arUs et par les empiétenèRS successifs de TEurope sur l'Asie ,
qu'une ei^péditioneoutre la Chine, dont l'idée eût été traître de folie
il y a un demi-siècle , a été organisée par le gouvernement anglais
comme une entreprise toute simple, tout élémentaire. Elle est en
route, et probablement à ToBuvre maintenant. Qu'en adTiendra-t**fl?
Il serait téméraire d'essayer de le prévoir avec quelque préctsîon. Mais
il n'y'Q>pa9 de téniérité'à iire que'det aett 'éhkï^tpMMs&i ^va-
hissant, aussi fort et aussi habile à conserver ce qu'il a pris que l'est
le peuple anglais, est un événement considérable, et l'on est en droit
de le regarder comme le prélude d'une ère nouvelle dans les relations
de la Chine avec l'Europe.
On a beaucoup discuté sur les mérites comparatifs des populations
chinoises et de celles de l'Europe. Naturellement, avec cette modestie
qui nous distingue ,- nous ii^us sommes adjugé l'avantage. Je ne pré-
tends pas que ce soit à tort. Le procès, cependant, n'est pas jugé
sans appel. Les Chinois sont de beaucoup en retard sur nous dans
le domaine des sciences et des beaux-arts, etuon moins dans celui
des arts utiles. Ils avaient devancé l'Europe pour toutes les inventions
les plus précieuses, telles que l'imprimerie, la poudre à canon, la
boussole, et, dans un ordre moins relevé, le sondage; mais ils n'en
ont tiré parti qu'à moitié, parce qu'ils paraissent dépourvus de cet
esprit infatigable de perfectionnement qui caractérise l'Europe, et il
a fallu que leurs découvertes fussent transplantées chez nous pour
porter tous leurs fruits. Leur industrie est particulii rement arriérée
en ce qu'ils n'ont pas su'se créer imssi làm qife nous, dans ^ le- monde
matériel , des organes supplémenlalres de ceux dont^ h» nature fffomhé
le corps hmnain. Leurs machines et leurs bètes* desMime 9dnt peu
nombreuses et peu perfectionnées; Chez eux , les mufles de rfïonnne
doivent subvenir à tout labeur, firéquenfiment même au transport à
^grandes distances des objets les' plus' tourds. * Ils ^«nanf^nentide eél^
faeolté domtnàlrice qui nous a perfvris -de ployer *à udtre'ttsage*^
defairetravailter pour nous, lAirlarphisgrande é(*e!le, leséléttiénsrèt
les animaux,* etkle remodeler, pour ainsi dire, le globe terrestre, afin
que nos voies de commfonication pussent s*y développer plusè l'âise.- Il
y a pefut-étre ptasdemactiines etautaAtde grandes routes eti chausiÉe
et de ûêfomx 4e na^fgaMon' dms cette' ^e^ te* petite fie qui'se ^filaHfie
ûefGmnd€'^Bf^t6igÊie;%\Qe ^bns (outTeMi^ èhinbîs. Il s'y fàfcrtqtte
èl s'y conswwne^^s'defer.
Sous^ie point de -vue religieii^, on ne^petot iguère signaler,* cWttme
«nepfedve^lde^^iMéHoirftéitfe 4a Oitae, lefétieHfMne^idolA^'dës"S«(;-
r ■
Meur» de^ So^ cA IVurop» c«tboliq«e e» ol6« le pendant par le»
s«per8litioos«tl^pittllqi6S4te8 busses clame^dMieunées crofantes,
ptc tour dénotion ami reKqws, etpw 46UPfoî*aini miracles joumaHer»
dtt'Saints. A ré|»qd> dus. rappoitsrde llMNiuiie aveela DifinHé, le»-
éhiaes édaiftes sont e»€hîlie à peir près ai mAiiie pomt que dans
BOtreOfiôdeoi: eHas preSeasesl' un détsme-d'Une oharité eitréme--
WÊBÊi 6t— daa; je dkaJi «•îvef8eUe> si, par une omsaion que noua
n'avons pas le droit de leur reprocher, tout énorme qu'elle est, puis-
que, relativement à eux, nous avons le même péché sur la con-
science , les lettrés chinois n'avaient oublié de compter les popula-
tions nombreuses et puissantes de notre civilisation occidentale (1).
Du point de vue moral , en ce qui concerne les rapports de Thomme
avec rhonmie, le& Chinois sont, dans la forme au moins, plus avancés
fue nous^ car il»8Ml phis btenveillans. Les rixes etiea emportemena
aonl peu commune parmi eux. Hs ont cherché et trouvé dans le céré-
monial un exceUent procédé pour refouler les instinct» grossiers, vio-
lons 4>n hautain». En général, le Chinois « s'il sait moin» maîtriser ta
Batnre-physique, sait mieux se maîtriser hii-mème. Domination pour
domination, l'une assurément vaut Tantre. Moralement, cependant,
laChine présente une imperfection énorme. La polygamie y subsiste,
ou pluUVt le concubinage y est admi» et beaucoup pratiqué par les
riebe»^ qui , à côté de leur Sara , ont très souvent une Agar. La femme
B-'ye^pastout-à^aitla compagne de l'homme; elle est plutôt l'ins^
tament de se» plaisirs. Phis généralement, chose bizarre, dans les
ahroo» ouKif ée» que chee lO'Vulgahre, eHe porte sur son corps l'em-
pMitte, lamarguê de la servitiide. EHe est estropiée (2). Cet usage
(1) Voici uu raipprochemaiU renan^uable qvifi je troa?e duasiuua nou^de U reli^
CioD de PambassaUe de lord Macartne^ en Chine, par sir Georgs SUuotoA;
« Lear retigioû (des Chinois) , celle que leur gouvernemeni conserve encore,
«Ét.la reHf^n queute «grand Newton appelle la plos ancienne de la terre, et qu'il
pial dt*«B« Baaièit >i nébkê et si to«obÉiit«: — « Croire fennemeiK q«e Dieu a
« créé le monde par soa pouvoir et le gouverna par aa. providiaoe; oraladia pioua^*
K aNBOt. chérir, adtrpr cet être suprèaie} respecter ceux dont-oa lient U'Vie et les
€ personnes avancées en âge; avoir une arfection fraternelle iK)ur tous les homm^»
« et même de la sensibilité, de la pitié |iour la partie brute de la création. »
( Tradmetion âêMsJ. CoMtéra, 1901, tome I , p. Si. )
(i) On peut faire remarquer^ ceame un»>cigéoi>ataooe atténaaoteea fkveaf de»
CWa«i»,qii&câUe mode eftti^lne, cowtfxe eonaéqufKnçft i^nvm^ià^u > ppuf4a iemme,
de tout travail pénible, forme d'affranchissement que la f^nime est encore à attendre
eiHBiiff«|»«t d<ma t«iiaro<ci4aiit» p^rtiaaltowBont eAdehor^dn terrilaire occupé
par la race anglaise.
U est digfK d*alieotieii que les Tartnea conquérana de la CMttft« qai^etiadepté
m RBYQi; DES fiJfVJ. MOHDVB,
palladium , et auquel le droit de d(é est Irrévocablement ftoqais, celui
4e l'égalité, çoBSécration de l'uDîté nationale sans distinctiioiide races
et d'origine, de vaioqi^urs et de vaioçHs, de conquénios et de con-
quis ou de vassaus. Le principe d'égalité s'étant heureusemeat bi^
jour depuis UD demi-siècle daos le moade politique, ip^lgcé l'o^
position des héritiers de la cont^i^&te et des légataires de la l'étH'
dalité, nous n'avoos su lui faire sa part qu'en roffpaot Af plus ea
plus celle du principe de famille, dont ceux-ci se ri^daW'cU et
qu'en BOUS appliquant à déraciner le sentiment de fanûHs de. la vie
ptJilique et miîme de la vie privée. \ous avons ainsi «datir^temeot
rûuasi à mettre à néant les prétentions des féodaux ; mais, c9otre notre
intention, nous avoo6 désorganisé la société. Sur ce point, d'ailleun,
les défenseurs de la famille n'ont aucun reproche à adresset aux anrâ
de l'égalité ( je parle de l'égalité véritable, et non du nivellement , que
trop de gens encore, et même des esprits distingués, des libéraux, con-
fondent avec elle, quoique ce soit l'iuL'galité la plus tyrannique et la
plus monstrueuse]. Les uns et les autres ae trouvent fatalement d'ac-
cord sur ce point , que les deux principes se repotusent et s'excluent. -
C'est une opinion reçue, qui semble ^idélébile dans nos cervelles:
c'est devenu un article de foi qu'on ne conteste plus. Ctai est pour
l'égalité ou pour la consécration politique du sentiment de la funiUe,
on n'est pas p}ur les deux à la fois ; et , comme la so^été ne saurait i
l'avenir se passer de l'égalité non plus que de la famille., il résulte
de ces prétentions exclusives une bascule interminable, une suite de
combats sans issue. Nous tournons dans un cercle vicieux , allant de
Cbarybde en Scylia et de Scylla en Charybde, chassés d'a/^a^tùç en
absolutisme et d'absolutisme en anarchie, de révolution en révolu-
tion . On dirait que cette idée de rincnmpatU>ilité absolue de l'e^trit de
famille et de l'égalité a été jetée par un génie malfaisant au milieu
de • Occidentaux , comme une semence d'étemelle discorde, aQn qu'ils
s'entredétruisent ; et on serait tenté de croire qu'elle atteindra ce
but internai , si i'on ne songeait que cette croyance est une nouvelle
venue sur la terre, qu'elle ne date que d'un demi-sièc|e, et que, ac-r
créditi'e seulement à la faveur dçs passions d'une lutte terrible, elle
doit, si ces passions s'apaisent, se réformer par degrés,^ et disparaître
Lt d'autres préjugés considérés dans
suprêmes ou comme d'incurables
u concilier les deujt principes ^ non
jiteuse, mais ijar une conciliation
ffetm(iti^4¥'iJt"tjNÉ'" ^ ëê
motif qué'VantCiir'aiViït Vmj/AW rfc prolmcé' un "^cm^^
Mi't. bnftWer, pi ig J'oserai oire'si^neure ij'celle
dë'ïfolitesi^uiëu^ a' société' trois éïèrbëns' j)riif)of-
dt^dt':' té inXéi^t ' Inté'f^^'^^e 'iainille^ lés intérêts
^'i^ti^iti ji^ , 'ét'pkirt -iinplaii âe gouvernement. Cette
cti'^îftt^ètt(lti liHse destination, de là cohibinaisan et
dé la r'êiiâirUtion A ]è né crains pas'deïe répéter, plus
profonde et plus vraie que la doub)i9,triitîté.^MUirclù(|ue. aristocra-
tique et démocratique, ou executive, lûgialetire et judioiaire de l'il-
lustre théoricien de la BrMe.
Cela posé, le gouvernement doit reproduire fidèlement l'image
de tous les f^nds élémens de la société. Tous les grands principes
sur Ies<iucls la so<^iélé repose doivent avoir au sein du gouvernement
une institàtion qui en soit l'incarnution et la figure; autrement le
titre de gouvernement représentatif serait une enseigne menteuse,
et tout gouvernement doit être représentatif [je ne dis pas parle-
mentaire), sous peine de périr. Les pouvoirs publics doivent-ils, peu-
vent-ils être autre chose que la personnification des forces sociales?
iropéen , les publicistes modernes, dans,
, font abstraction pure et simple de la
nt de famille n'était pas l'un des lîenà
e s'il n'était pas l'un des pins puissans
s'étonner de ce que leurs œuvres sont
s changions de constitution à peu près
naï, et de ce que la vie moyenne des
France du tiers ou du quart de la vie
lés classes ou la misère et la souffrance
, en quatorze siècles, n'avions eu que
le qui ne tient pas compte de l'esprit
las une place suffisante, est radicale-
ment incapable de rien constituer, eiactement comme ai elle faisait
abstraction des intérêts individuels, ou comme si elle passait snus
silence les intérêts collectifs de l'état. Négligeant une force de pre-,
mier ordre, celle qui produit la stabilité, par cela seul elle fp^nque
de stabilité elle-même. Elle est bôlie sur le sable tnouvant des révp-
Jutfons, où suspendue en l'air dans l'atmosphère agitée des orages
popoJakes- MaUwtusBscmeat.daBS wAiq Occident, le i^iàpe de
la (âmille se présente comme incompatible avec un autre prindpe
aoo moins sacré désormais, cher à l'intérêt individuel 'dijoï il' est; le
TOMB xxiti. 14
31Ï BEVQ¥ DBS mVX VOHS^
palladium, et aiu{uel le droit de cité est in'évod^lemeDt «oquig, celui
dfi l'égalité, «oosécration de l'unité natiouale saqsdistiDCtifHids races
et d'origine, de vaîoqwurs et de vawvs, <Je couquéTans et de câu-
quis ou de vaseaux. Le principe d'égalité s'élant lieureuseaieDt (ail,
jour depuis ud demi-siècle dans le moude politique, iQ^lgié r<^
position des héritiers de la con^ii,£te et des légataires de la féo-
dalité, nous n'avons su lui faire sa part qu'eu rogaaot de plus eu
plus celle du principe de famille, dont ceujL-ci se récla^ieitt, et
qu'en BOUS appliquant à déraciner le sentiment de famille d& la vie
pi!j)lique et mi'me de la vie privée. Nous avons ainsi admirablcmeat
réussi à mettre à néant les prétentions des féodaux ; mais, c«ntre oobe
intentitm, dous avons désorganisé la société. Sur ce puiot, d'ailleurs,
les défenseurs de la famille n'ont aucun reproche k adresseï aux amis
de l'égalité (je parle de l'égalité véritable, etooaduaivellemeDt.que
trop de gens encore, et méioc des esprits distingués, des libéraux, con-
fondent avec elle , quoique ce soit l'inégalité la plus tynuuùque et la
plus monstrueuse ). Les uns et les autres se trouvent fatalement d'ac-
cord sur ce point, que les deux principes se repoussent et s'excluent. -
C'est une opinion reçue, qui semble vidélébile dans nos cervelles.:
c'est devenu un article de foi qu'on ne contsate plus. Ou est pour
l'égalité ou pour la consécration politique du sentiment de la famille,
on n'est pas p^ur les deux à la fois; et, comme laaoeiété ne saurait à
l'avenir se passer de l'égalité non plus que d«t la famille., il résulte
de ces prétentions exclusives une bascule interminable, une suite de
combats sans issue. Nous tournons dans un cercle vicieux, allant de
Charybde en Scylla et de Scylla en Charybde, chassés d'a^cbif ea
absolutisme et d'absolutisme en anarchie, de révolution en révolut-
tion. On dirait que cette idée de l'incompatibilité absolue àfi l'ee^t de
famille et de l'égalité a été jetée par un génie malfaisant au milieu
de < Occidentaux , comme une semence d'étemelle discorde, afin qu'ils
s'eutredétruisent ; et on serait tenté de croire qu'elle atteiodra ce
but internai, si i'on ne songeait que cette croyance est un« nouvelle
i date que d'un demi-siècle, et que, ac-^
Lir dçs passions d'une lutte terrible, elle
it, m réformer par degrés., et disparaître
is tant d'autres préjugés considérés dans
icéea suprêmes ou comme d'wcunibles
ont su concilier les deux principes , non
et boiteuse, rotiis par une conciliation
1*EITK0PB BT lA CHINE. 2T5
parfaite; et , faft curlèul , qtii montre à quel pofnt leur nature et leur
ttst<rfre (Mlftrent fie la nôtre , cette éoncîliatîon a eu lieu naturelle-
ment, sans combats, sams efforts.
Le prhidpe d*égdlîté est installé ctiez eux sans réserve. Leur con-
stitution ne reconnaît d'autre titre que le mérite personnel , et efle
met tout en cBuvre pour que le mérite surgisse et prenne son rang
dans rëtat. Toirt y e^ au plus digne, tout, à l'exception de la cou-
ronne; encore n'est-ce pas la loi de primogéniture qui règle l'ordre
de succession : fempereur choisit parmi ses fils celui quî doit le rem-
placer. C'est l'organisation démocratique la plus réelle qu'il y ait sur
la teite. Avec un peu de bonne Volonté, on pourrait dire qu'elle est la
seule dont la valeur ait été parfaitement constatée et sanctionnée par
^expérience; car les andeunes démocraties occidentales n'ont été, à
vrai dire, que des oligardiîes ou des aristocraties. Les opinions qui se
propagent aujoard'bui chez nous sous le nom de démocratiques sont
des idées non d'égalité, mais de nivellement odieux et de promiscuité
brutale, non populaires, mais populacîères. Et la démocratie améri-
caine, à qui l'on peut à bon droit adresser ces reproches de promis-
cuité et de populacerie, n'est encore qu'à l'état d'essai ; ce serait un
jugement précipité que de lui décerner dès à présent les honneurs
dus à un système étaWi, solidement assis, ayant pignon sur rue.
Elle a clos à peîne son premier demi-siècle, et déjà elle a cessé d'offrir,
dans le jeu de ses mécanismes, cette régularité simple et majestueuse
qui la renclaft Tenvie des nations de l'Europe et l'effroi des tètes
couronnées.
Wè mCAie la fattuHe est Iç pivot de leur société. L'unité sociale
^1 chez nous, aujourd'hui, est l'individu, est chez eux la famille,
ils Vivent de ta Vie de famille, groupés par nombreux ménages, frfres
avec (rtres, parers et eitfans réunis, ce qui renforce et resserre les
liens du sang, élargit Texlstence et lui donne du charme, et présente
tous les avantages économiques qu'amène avec elle Fassociation . En
Chine , le sentiment de- famille est le régulateur supn^me des actes
pttbKcs ou privés de rtiac^n , la base des peines et des récompenses, tl
joue le plus grand rMe dans la politique comme dans la vie intime ,
par rassimilatlon coroplète et parfaite de l'état à une famille. Cette
assimilation n'est pas une fiction admise seulement dans les livres, et
n'ayant d'existence que sur le papier ; c'est la religion politique du
TMiys, religion quî n'a pas de dissidens; ce n'est pas une vaine for-
mule, une convention sans conséquence, è'est un fait positif; car qu'y
*a-t-ïl de plus positif et de plus réel qu'un sentiment gravé dans toiÂ
Sl^ RBVpB Q^ DÇIJX «(«(DBS.
Ifîs cœurs et dirigeant à chatiDe instant la pen^e, et les actes de tous
les hommes? Le sentiment de famillca la plus substantielle incarna-
tion dans le gouvernement de la Chinç, du moment où depuis quel-
qi^es milliers de siècles la Chine cnticre est convaincue que l'état est
une famille, et que, dans les idées comme dans le dictionnaire des
Chinois, il n'f a pas dedilTérence entre le prince et le père. Les Chi-
nois ont même résolu avec bonheur un problème qui nous semble
insoluble, celui d'associer harmonieusement les distinctions hérédi-
taires avec l'esprit d'égalité, en substituant l'hérédité ascendante à
l'hérédité descendante, en anoblissant les ancêtres à cause des ser-
vices du fils, au lieu d'accorder des privilèges au fils h cause des faits
et gestes du père.
Cela est fort surprenant, mais cela est. Avec ce dédain que nous
affichons pour tout ce qui ne nous ressemble pas, nous pouvons
traiter cela d'étrange et de bizarre, et en rire comme d'un préjugé
grossier; mais, avant de taxer te système chinois d'étrangeté et de
bizarrerie, demandons-nous si nos systèmes politiques ne méritent pas
des qualiScations plus sévères. Nos théories érigent en principe la
méfiance contre le gouvernement; elles légitiment contre lui tes plus
injurieux soupçons, les accusations les plus déshonorantes; elles dé-
peignent comme citoyen modèle celui qui passe sa vie à l'entraver,
à le délier, à l'iosulter. Celles des Chinois sont diamétralement en
sens inverse. Tout préjugé révolutionnaire à part, n'est-ce pas plus
conforme aux règles du bon sens, du bon ordre et de 1^ sfiiue j^s-,
tice distributive? La main sur le cœur, lequel est le plus honorable,
le plus beau, le plus digne d'hommes intelligens, libres et coura-
geux, de respecter et de chérir à régal d'iirt -pèté te prWce, en
qui se personnifie l'unité nationale, oii de lui prodiguer, avec la
certitude de l'impunité, des outrages que le SpE^iate ,1e. plus sm^
gant n'eût pas adressés à l'ilote qu'il tenait sous ^es pieds, de le
poursuivre daas ses plus chères alTections, dans ses fils que tous les
rois lui envieut , et dont seraient jaloux l'orgueil de tous les pères, la
' ' ' les mères? Sommes-nous en droit de nous préva-
a nos conceptions politiques, nous chez qui l'ordre
..gouvernement, l'indépendance nationale, sont
îr événement? Avant de rire de ces peuples éloi-
p^ul^, et examinons de SBng-frojd si noua devoos
|a compassion , nous dont tous, les ^e^^av<>rteDt
^, q^lques ffnnée^ d'çsçérieqçQ, ^nous.qyi ne
^(tusdon^ Qul;ne sau^t^irè. ayçc,^|lJ!fft)^'cpn-
t*fi0ROPB Èi LA CHINE. 21?
fiance ce que sera la patrie, ce qull sera lai-méme dans nn délai de
dix ans , de dix mois peut-être?
Autrefois nous avions à pleines mains des illusions à la chinoise;
mais nous nous en sommes guéris, nous sommes devenus des esprits
forts. Malheureusement, nous pouvons le dire, car c'est entre nous,
il n*y a pas de Chinois qui écoute à la porte, nous n*en sommes
devenus jusqu'à présent ni meilleurs ni plus heureux. Puis, sommes-
nous bien sûrs de nous être dépouillés de toute illusion et de tout mys-
ticisme? L*amour de nos rois, qui se confondait jadis avec l'amour de
la patrie, c'était un préjugé, soit; et il ne nous en reste plus un atdme.
Mais, si nous ne nous inclinons plus avec un respect filial (j'allais dire
chinois) devant le trône de nos princes, en retour nous nous sommes
mis à adorer profondément des abstractions métaphysiques. Y eut-il
jamais au monde mystère qui fût plus mystifiant que le dogme par-
lementaire de la pondération des pouvoirs, lequel donne pour sym-
bole à la perfection des gouvernemens ce quadrige sculpté sur la
façade du Louvre, que deux vigoureux attelages tirent de toutes
leurs forces en deux sens opposés sans le faire bouger? En fait de
mystère, pour des gens de progrès, nous pouvions plus heureusement
choisir.
Des esprits éminens, et en dernier lieu Benjamin Constant, ont
pensé et dit que , politiquement et socialement , l'Europe marchait
vers le système de la Chine I Était-ce de leur part du pessimisme ou
de IV)ptimisitie, un regret ou un espoir?
- j t '■
" • , , 1
If . TrUlf LA TJSTfOAfiÇQ OB ft*OCClDENT A SB BAPPEOCHBB DB
i.*EXTmÈiiB oEiEirr.
Dans les temps d'instabilité extrême où nous vivons, les hommes
qui tiennent lés rênes de l'état chez la plupart des nations euro-
péennes et particulièrement en France, ne prennent aucun souci de
ce qui se passe dans cet Orient reculé : ils ne s*inquiètent pas de la
convenance qu^il peut y avoir à préparer des relations avec lui, et Ton
serait mal venu, probablement, à signaler ce sujet à leur attention.
Cela ne prouve point que le sujet doive être relégué parmi ceux dont
se bercent les visionnaires, et qu'il soit indigne d'un homme positif
de s'en préoccuper. Cela |>ourrait bien attester seulement ce qui mal-
héttreusement ta*est plus à démontrer, que les Intérêts dé IV^nir
i^odtphi^âé'plâcé (brisia pensée des gouvernahs. Ministres diri-
geiiis eik' ÎÉlimtrés'^i^ les hommes politiques sont absorbas '
-ils RKVIS DBS OBUK WM«S.
par les «^(Seissités^leiir eristeooe éphéHoère. ComBoent aaraieiit4s
le loisir et la faculté de plonger dans r^veair? L'homiBe songera
Favenir de «ou pays quaod il $'eD croit un à loi-mèiBe. Les gouver-
«ans, fKnff s^in^ifiéter de ce qui inpoite aux vaoes futures , obC lie-
«dîn de voir un futur q^elconcpie devant eux. L'avenir maintenant,
<fest la séance de demain ou de ce soir. Il ftnit avoir «un coup d'an!
^ d'aigle pour étendre son regard jusqu'à la session prochaine. Les mi-
' oistres de notre teni|>s savent qu*au€un -orateur încomroode ne les
interpellera sur le céleste empire , qu'aucun journal de mauvfliae
bumeur ne les sommera 4e s'esîplic^er sur je Japon. Dè&4om ots
nations lointaines doivent èlre pour eux comme si eHes n'existaieat
pas. Nés de petites causes, ceimés .de petites i^aMtés et de pelMes
intrigues, destinés à mourir d*un incident gros ou microscopique,
à Timproviste, entre deux portes, pour noe servir d'un mot postlHHie
d'un des plus spirituels de ces défunts, ils ne sauraient se Kvrer à 4e
grandes pensées, quelque talent quils aient, et certes nous avons eu
aux affaires des tiommes qui en étaient richement pourvus ; car en
im pays où Vim a vu presque toujours depuis ^ ans au ministère,
séparément ou deux à deux, des hom«nes de la trempe de MM. Moié,
Guizot et Thiers, on ne saurait prétendre que le royaume de la
politique est aux pauvres d*esprit. Obligés, pour veiller à leurcon-
iservation , d'woir rcedl fixé sur un étroit rayon autour d'eux , ils k
peuvent en conscience traquer leur4unette sur ce qui se passe «ai
loin ; primo vivere. Ainsi de l'indifférence plus ou moins dédaigneofle
que rencontrerait sur le terrain de la politique, si on Ty jetait, la
pensée de isebtioDs nouvelles entre l'Europe et rorienl le plus reculé»
il ne faut point conclure que te question soit inopportune ou oiseuse.
Il n'y a de conclusion à tirer que contre la politique actuelle, on
plutôt contre 4a faij^se direction depms long-^tenaps îftipriroée aux
intelligcfnces. Quelles que soient à cet égard les disposftions des
homnesfditiques, il n'en est pas moins vrai que l'état^isseoieiit 4&
iappolis réguKers, étroits et animés entre l'Europe et rextr^edté
orientale du vieux continent serait un événement d'une portée incat-
•diriable, immense; il n'en demeure pas moins certain qu'en ce moment
ies An^is rompent la glace et Mitent l'époque o4 ces deux
<6a«s foyers de -eivifaatton , de kaauère et de richesses, situés
^teux boute de l'ancien monde , se renverront mulgeilement leums
rag^oM» redauMoffont d'éctet et de fécondité l'un par l'aulPe, t>Mi
fMT t'aOtce. ^i •aajoQrd'tei te poitfqve f«t § de te question et là
laisse eu coin de telionie, il eoBvient^'eMe^sQît relevée fur d'
l'mAon fef LA cmiiB. 919
miuwo* PcDStert^Ue eicîter Ift solUoitade detpenrfelffs afldsie FlivflHK
mté^ qui m diffëreat Ad rhotame d'état Agne de %e mm q^^w 0e
qvie^ tovr œ^ni^avaBcaiit'wr làsienAe, an Heu d^ te liltrre, itolai
ouvreal le cheasia i
IieiBar€|fioa& cependsiit qqe h poKtktue inaderne, kl même oà elle
eit déscvrdoBoée , vacilla^, à caitrte tM, reM an Matant bofti^
mage, sans préci&éBieiit oa bira avoir conafJeBeef, à oit Ortetit
lointain. €*est un legs des àgea pteâés ipt) bm gvé inud gfés'tm^
pose à elle, une irrésistible tradition, un courant qu'elle n'est pas la
maîtresse de ne pas suivre, parce que c'est le courant des siècles.
Le grand débat des cabinets, de ceux qm darem Gemnim de ceax
qui se succèdent à la façon des étoiles filantes, de ceu qit) déro«toiit
.graduellement des plans tracés de loAgae main et qui onl des id6m
fixes comme de ceux qvi manquent d'idée et de plan; ce cpil, fim-
que toute autre cause, bien ph»^ que la eratvite é$ la par0pigafide«
maintient l'Europe à l'étal d'observation armée, e'esl la qMstiW êd
Levant. Or, ce qui donne tant de prix aUx dépodines de Klstouftianie,
«'est qu'il avait planté ses tentes e«tfe l'Ëiirope et l'Orieal recelé. €e
qui faisait et fût plus que jamais le pm du •osptM)re et de f Egypte,
ce qui détermina Alexandre à marquer de son seemi, de aoH. ftom^
ri&Uime de Suez , Constantin à transporter dans Bjsiiwe les pénatea
de 4*empire ronAaih , quand la ville de Homulua ne le«t offrit ph» nu
sûr asile, les caUfes à établir à Bagdad la capitale de leurs domaîBes^
lea Turcs à redouUer d'efforts jusqu'à ce que le creusant ttt artoré
SUIT Sainte-Sophie^ce qui ÎAspira au génie de Leiboitz leli mélnflàtr
à Louis XIV sur la conquête de l'Egypte; 00 qui attira lie général
Bonapaiie sur la terre des Pharaons; la cause pe<ir laq«eBe« de mb
jours, Alexandrie et Constaotiiiople allument b eonvottise, disons
mieu;^ , l'ambitton avouée et bautemeot afouri^ de l'An^erre et d»
laAussie) ce qu^expliquepeuvquo* les Busses sacrîSeaA tant d'hèmme»
et d'argent dans des expéditions, stériles e» apparedee, eentfe' Kbit*
ou contre des tribus de pauvres Tcberkesses; poiirquoi rAngleterte
promène sans reUicbe ses habiles agenSf sestintrépidesroilcicrrai sesf
citadelles flottantes, ses intrigue» et son or, du golla Andrique an
golfe Persique« du Nil à t'Ëuphrate, d'Ade» à Bender^^MaMi) ce qni^
au fond, motive (j9 ne d^pas légitin^) y^p^aftieil HMiaeede elut-
<mïe de ces pvissances au^ projet» de l'autre , et de la Frafice attX-
Tceax de toutes deux,, cen'est patrie ùi^ eucbaoté «ù se^dléflej^Co*^
st^oti^ople< ce n'est poin4 la MHHédel«vaUéedaNil„etiteolyirfli»
deceU^ de l'Euphrat»; ce sont ^«fi^ve «aotaftr \m plogeë% aiMe» iM
^ BBVCP^DPS DEUX MONDES,
iM)(f4es,)qiii burdentlatner ItMkge on «pii longent le golfe Persiqne,
OUil^ill^ques nillionsidep^MiiatioQS laisérables qai ont yéca où
ifnl yégèteût dans tes diveraes dépendances du cndevant empire otto*
mon : c'est que le Bosphore et les rives de la mer Noire et de la €as^
pieane, -^ l'isthme de SueE« la mer Ronge et Aden^ «^ rEùphrats>
Bagdad « le golfe Persique et Bender-*Bushir, -^ sont le& trois grands
chemins entre rSurope et la* vieille Asie; c'est que le Levant •est \t
vesUbide de l'Asie Iwataitie, de rinde et de *
La Chine, puisqu'il faut rappeler par son nom. ^ ,
Deux forces puissantes poussent les peuples de l'Europe à atteindre
ceui de l'extrême Orient* L'une, mystérieuse, instinctive, irréslstibte^
semble être due à l'action de la Providence elle-même qui nous mène
par la main a notre insu; l'autre résulte du tempérament actif, ambi-
tieux, remuant, insatiable, qui a été transmis aux nations européennes
p^r les peuples anciens dont elles sont les héritières.
Depuis l'origine des siècles , depuis que Prométhée , dérobant
jaux dieux le feu sacré , eut embrasé l'ame de nos premiers pères,
jusqji'aiors engourdis et passifs , la civilisation à laquelle nous ap-
partenops s'est mise en mouvement d'Orient en Occident, d'un pas
uqesuré et par stations successives, depuis le plateau qui domine
l'Iados. et le Gange. Se régénérant & chaque station par rinftisiiki
d'ua sang nouveau, elle s'eàt avancée par un majestueux pèlerinage,
coupant tour à tour les déserts, les fleuves, les môntagnfes,' les'dl^rofts
etles bras delà Méditerranée, qui était pour «elle alors une hiei^ gigan-
tesque, mare ingens^ jusqu'à ce qu'elle se ti'OUtftt eti) It^nèstït* le
littoral de l'Atlantique, du fond de la Péninsule espagnole ju^à'lfa
pointe des Iles britanniques et de la presqu'île scaiidhiaye.' Alors,
après une pause nonvelle où elle a excité ses forces en exërçmA; ses
enfanfrlesnns cMtre les autres, elle a traversé l'Océan, dont lé nom
jadis ^étatt lAi sujet d^efTroi; elle a envahi le Notaveau*Monde , Ta
iranphi^'lin bond audacieux, et bientôt, du sommet de la Cordillère,
du CjBf Hom ad mont Saint-Ëlie, elle a pu , comme d'un observatoire
.de deute mille cioq cents lieues de long, contempler te (kmter espace
4UÎk séparait dm versant oriental de l'anden continent;
., Une autre 4^îUsatioD> mardiant^i rebours de la nMre; acheminé
d*OccideDt; eA* Orient,* en partant du méme< foyer; «C^estc^le <ie
ÏOn^itstièmi^i de l'Orient véritaUevdu agrandi Orient, ({ui avant
^H stf fty4Drieiit unique, ear FEvrope absorbe bts^assiiililetesl régions
et les peuples qui jusqu'ici ont formé ce que nous appelions l'Orient
L'EUROPE ET LA CHINE. SU
par exœllence, parce I)ifil''ét6it*te pllis prbche, le seul proche, et
qa*H Dous révélait son eiistence* es* iuCfant 'hatdiineiit contre Mtrtl
Mai» cette «seconde biv«U8aiio»«iimii»re*ittaDte^ iDOiiis> a«Jeeleii8é
^ue ia iiAtre, s!est arrêtée en Chilien lOts apràa avoii^ envoyé une gahfe
«««laoée M> JapoO) eUe s'«st ixée i -demeure sur la terre ferme, ctB^
gDant<d'*8flronter la terrible niÉr; C'est à pekie ti, «taltéd par le iny^
tfcîante reU^diK, quelques-uns de ses fila ont pu* ^'aventurer isat
la wrfeca redoutée. de rOcéan, ctoune dàn» t'eipéditioii qui, detti
siècles avant notre ère, pârcoumit'la liier de T^eat ccpout cberdier un
remède qui procure l'immortalité de Vame. i>
En même temps que, par un mouvement général et providentiel
aeiBiUable aux révoluliofis phnétaires, et <loii! elle ne se rendait pas
oompte^ notre civilisation, ainsi entraînée de Test à l'ouest, s'avan<-
^çait , en fisisant le tour du globe, vers sa sœur de l'Orient, eDe la
recberchait par une autre voie, sous l'influence d'un autre mobfle
essentiellement humain. Cédant à la soif des richesses et des con-
quêtes, aux instincts du sensualisme et de l'ambition, elle se retoon-
nait en arrière, dans sa marche régulière vers l'ouest, tantM pour
combattre, tantôt pour traBquer. De là les Argonautes, non moins
avides qu'ils ne furent vaillans; de là les luttes de Troie et les^oam«-
pagnes d'Alexandre; de là les croisades, de là les comptoirs des Lon»'
bards, des Génois, des Vénitiens; de là les héroïques entreprises des
Albuquerque et des Vasço de Gama; de là les tentatives un momédt
beuj^uses des Français sous Louis XIV; de là enfin la compagnie
4es Indas: et rempjroides Anglais en Asie.
, ,Pe. V^)t t^mps les peupks.de l'Europe ont été persuadés que
l'Qirient^il^t plus reisulé irendsrnifit des richesses inouies. Toujoiks
fboii^q a âupp<^ <Iiie les régions lointaines recelaient des mer-
miles etdea.tcésors, Suivant les premiers poètes et les philosophes
.4e r^Ie ionienne. Thaïes et Anaximène, la terre était un disque
que rOcéan entourait comme une ceinture, et I'ob plaçait vers ses
bords rÉIydée, les iles des Bien-Heureux, les Hyperboréens et le
peuple juste des Éthiopiens. La fertilité du sol, la douceur dta
climat, la force physique des hommes, l'innocenoe des moBUils, -tous
les biens appartenaient aux extrémités do disque térneslite. PUis
4ard , lorsque la oosmographie cbiétieBiie, effisçant tldfie '40 la rèlo»-
^dilé^e la tarre^^ eUt de nouveau converti notre ptanèteeil' 'une Sur-
face plane, mn en forttie dei disque comme au tetapè de Tbalès, <nais
en'para}lélogDaitiilieg,w enseigna qu'a»Hlelà de'rOoMii;/deÀ'«tioftt^
^é^ du>coiittlkMtintérieiir*i^uti représente Vxi»m^ 4fi i|lil^#nml0 éd
RMM DtS DfilTX MOftMS.
Jioae^ Bit pteete ««e «atre lerre renfermMt te (^raéis, «t t}tte les
^ocmnei ont bahiiéô jaiqH'è l'époqvie du déluge (1)« n Héredole, Méie
iatorprfttB deli icîetice el des prëjuf^és de Ben temps , pose en prin-
cipe ifjm les«flferénulés duoionde ont obtenu dans le partaige des biens
4e la terre les pliis belles productions. Cette opinion , comme le (kit
^BtmvéfmBr U. de Hnmbèldt, n'exprimait pas uniquement Tidée mé»
iaacidUpic. «t naÉvreHe à Thoimne que le bonheur est loin de nous ;
eHe se AHriatt mbsI «or l'élolgnement des Keui d'oik les Hellëoes
recerafeot réteotniBi €t rétaîo , For et les aromates. Là , selon les
premiers historiens, et selon Ptolémée, la Chersoônèse à'or dcveU p-
^tit ses «ivoges aMongés; là était l'Ophir de Salomon. La cro^ ance que
l'^tiéme Orient est on dorado se retrouve ohez les nations sémitiques.
Les géografAies aiïabes Édnel et Bakoui indiquent, aux limites orien-
tales du tnende connu, Ttle aux sables d'argent, Ballet, et les ties
M^ifères OuaoOaacet Saïla, dont les ehiens et les singes portent,
4to^t-ils, des ooHiers d'or.
411. ^ LB D^IB Ji^ATTBlNDBB L*EXTRàVlTé BB L*OBIBIfT A ÉTÉ LA CAUSE 0B LA
DÉCOUYEBTE AE l'AMÉBIQCE. — CHBISTOPHE COLOMB.
La passion des Occideûtaux pour la richesse ou pour la domination
politique et religieuse, qui les précipitait vers les terres d'Orient,
sanctîotmant ainsi un mystérieux décret de la Providence, a produit
les plus grands êvènemens sur l'espace que notre civilisation occupe;
car où en serions-nous sans Texpodition d'Alexandre et sans les cr(û-
sades par exemple?
Cfest pareillement au désir d'atteindre l'Orient qu'est dû un fait
qui a changé la face du monde, la découverte de l'Amérique par
Christophe Colomb. L'historiographe du grand navigateur, M. Irvîng,
et plus encore Thomme à qui l'on doit pour ainsi dire une seconde
découverte du nouveau continent, M. de Humboldt (2) , puisant l'un et
(1) Chriitianorum àpinio de Mundo (on topographie chrétienne), ouvrage attrf-
IHié à vn nftarcbatid d^Àlexandrie , Cosmas, qui se fit moine sons Temperetir Jus-
tlif6n.
(9) Vo^tSE VMtMtre de la €4of/raphie du noMVMu eêntUMfU. C'est dans ce IHrre
que nous avons puisé la plupart des faits consignés ici au sujet de Colomb. Nous
lui avous même fait quelques emprunts tout littéraires. Ce n'est pss notre faute si
H. de Humbdldt écrit le français aussi purement et avec autant d'aisance que si*
«*étalt sa langue naturelle; ne pouvant dire autrement aussi bien, nous lui avons»
«n désespoir de cause, dérobé quelquefois ses propres expressiouF.
Taptre dam les archives aspagnoto», on se servanNes iioabreu4looQ*
mens publiés par deux savans historiens espagnols, JÊiL Nafairela et
Mpftos, ont dénaontré que le bat de ramiral était d'atteindre, en cher-
chant le levant par le couchant {el levamieporel petiienté) les régîoM
de^l'Asie, fertiles en épiceriesyrtcbeftoft diaiMnseten.métatapié-
cieQx.
An xv^ siècle, les intelligences* étaient travaillées dn besoin de se*
ra|iprocher de l'A^* Les progrès du luie et de la civilisatien dans le
midi de TËurope y faisaient avidement rechercher les producUona de-
rinde; mais ces appétits de la àétSy conune dit Xavier de Maisti^
n^étaient , si vivace&qu'ils^fussent , qu'au second rang panai les causes
<|ni poussaient les esprits vers le monde oriental. Dès. le xiii* siède,
les^qiéditHMM et les conquêtes des Mongols sous Gengis-Khan et sea^
fils, près desquelles celles d'Aleiandre, le maître des coaquérans
ocddenlaux, sont des échaufTourées, avaient attiré sur l'Orient ei-
tréme Tattention des chefs des peuples européens. Ges mêmes Mon-
gola qui atteignaient la mer Jaune, à l'est de la Chine, étaient venus
à Touest régner sur la mer Noire et sur la Baltique, et faire boire
leurs chevaux au centre de l'Allemagne, jusque dans les fleuves de
la Silésie. Le nom du grand Khan rendait soucieux les monarques de
l'Europe, et leur supérieu^ le souverain pontife. On lui avait adressé
des ambassades, et il avait daigné en envoyer à son tour. Les savana
grecs qui s'étaient enfuis de Constantinople après la destruction de
l'empire bysantin , avaient semé en Europe des notions sur l'Asie, et
avaient appris à la considérer comme une terre moins excentrique^
plus prochaine. La religion conspirait avec la politique et le com-
merce pour nouer des rapports entre FOrient et l'Occident. Des^
voyages provoqués ou encouragés par la ferveur catholique avaient
étendu l'horizon géographique et inspiré le désir de l'agrandir en-
core. Les têtes avaient été échauffées par les récits de simples moines
pleins de résolution, tels que Rubruquis^ Plan Carpin, Simon de
Saint-Quentin, Ascelin et Bartholomée de Florence, qui avaient
déployé le courage et la persévérance justement admirés par l'Eu-
rope moderne dans Burnes, leur successeur, et la sagacité qu'un
autre de leurs continuateurs, l'infortuné Jacquemont, alliait avec
une philosophie si charmante et un esprit si fin. Les rapports de
voyageurs laïcs, tels que Mandeville et surtout Marco Polo, redou-
blaient, au lieu de les satisfaire, la curiosité qui s'attachait au grand
Orient et le besoin qu'on éprouvait de s'en rapprocher. Le prosély-
tisme ^ excité par les triomphes des Espagnob sur les Maures, ré-
^ RE vos DÉS BBUX MOlfBBS.
clamait un nouvel aliment. Un ébraniemeiit intellectuel, prélude de
la réforme, tenait les cerveau! en émoi. Novateurs Inspirés, les grands
hommes de Fltalie répandaient autour d'eux des flots d'une lumière
éblouissante qui était accueillie avec trahsport. La science be déga-
geait de Tenveloppe de la scolastlque et des erfenrs du moyen-lige;
elle restituait à Vesprit humain tes trésors de l'antiquité. Indiquant
dès issues inconnues^ jusqu'alors, elle les montrait sous cette fohne
vague qui fascine les imagii^atiôns ardentes et qui les féconde, et elle
fournissait des moyens de réalisation que le passé n'avait pas pos-
sédés.
En réhabilitant l'opinion de la rotondité de la terre, parfaitement
admise et démontrée par les pythagoriciens et par Aristote, par l'école
des philosophes d'Alexandrie, par Strabon , et avérée chez les Ro-
mains, elle faisait naître la pensée d'entreprises inQnies en nombre et
grandioses de proportion. Chez les anciens, cette croyance était restée
stérile à cause de l'imperfection extrême de la navigation. Au xv* siècle,
l'art nautique, grossier encore, avait cependant fait assez de progrès
pour qu'il fût enfin possible à des hommes doués d'un corps de fer et
d'une ame de bronze d'explorer et de sillonner notre planète arron-
die. L'usage plus fréquent et mieux entendu de la boussole, que
l'Europe avait reçue des Arabes, qui la tenaient de la Chine par
l'Inde, impliquait toute une révolution maritime. Se joignant à
la boussole , l'invention de l'astrolabe et du quart de cercle , et le
calcul des hauteurs du soleil, au moyen de tables telles que celles de
Regiomontanus, achevaient de dépouiller l'Océan du titre que lui
donnaient les géographes, de mer ténébreuse y et en promettaient
l'empire à l'homme.
Buvant à la coupe qu'on leur présentait, les peuples s'initiaient à
des désirs sans limites et à des espérances sans fin. La vue des hommes
s'allongeait, les poitrines se dilataient; on eût dit que tous les sens
redoublaient de vivacité et d'énergie. L'intellect s'épanouissait, les
appétits grandissaient , une vie nouvelle entrait par tous les pores ,
avec ses chances tant mauvaises que bonnes, avec son surcroit de
sensations douces et pénibles, ses nouveaux besoins, ses tumultueuses
exigences, son nouveau faix de responsabilité et de soucis, et débor-
dait comme un torrent. Les chefs des peuples devaient se dire ces
paroles inquiètes des disciples au Christ : Comment , avec trois pains
et deux poissons, rassasierons-nous cette multitude?
C'était une situation pareille à celle qui se déroule sous nos yeux..
Ainsi tout faisait à' l'Europe chrétienne une loi de trouver quelque
X*E€AOPB BU LA CHINE. 225
source nouvelle de satisfactions laatérielles, in|;ellectuellesçt morales,
4e grandes sensations religieuses et politiques; tout en elle était
mûr pour Touverturede la cainpagne ^ù eUe devait gagner la dpmi*
nation du monde : car c'est «seuleuiient depuis le xv" siècle que nos
nations se sont assuré la suprématie. Jusque-là Tislamisme leur tenait
tète eu EurQpe, et leur nom était ignoré dans l'Asie lointaine (1).
L*Europe donc se sentait attirée vers l'Asie reculée; les rois espé-
raient y trouver des trésors, des tributaires et des alliés ; les hommes
religieux comptaient y recueillir une abondante moisson d'arnes ; les
commerçans enGn pensaient y amasser des fortunes qui fissent pâlir
l'opulence 4es Gênoi^ et des Vénitiens.
Pendant la jeunesse de Colomb, le Portugal était à la tête de ce projet
de croisade asiatique, dans la personne du prince Henri. Malgré l'au-
torité d'Hipparqueetde Ptplémée,quireprésentaientrAfriquecomme
un continent étendu indéfiniment vers le pôle austral , et rejoignant
TAsie au-delà du Gange en cernant la mer des Indes , transformée ainsi
par eux en une autre Méditerranée, ce prince, hçmme lettré et érudit.
(1) « L'influcDcc, dit M. de Humboldt, que ces peuples ( de TEurope oecidentale >
exercent sur tous les points du globe où leur présence se fait sentir sirouitaaémeQt»
la prépondérance universelle qui en est la suite, ne datent que de la découverte de
TAmérique et du voyage de Gama. Les évènemens qui appartiennent à un petit
groupe de six années ( Colomb s'est embarqué à Palos, le 3 août li93, et a vu la
terre le 11 octobre de la même année; Vasco de Gama est parti le 8 juillet 1497, a
doublé le cap de Bonne-Espérance le ÎO novembre, et est arrivé à Calecut le 20 mai
1198) ont détertïiiné pour ainsi dire le partage du pouvoir sur la terre. Dès-lors le
' pouvoir de Tintelllgence, géograpbiquement limité, restreint dans des bornes
» étroites, a pu prendre un libre essor; il a trouvé un moyen rapide d*étendre, d'en-
iretQuir, de perpétuer son action. Les migrations des peuples, les expéditions guer-
rières dans Tintérieur d'un continent, les communications par caravanes sur des
routes invariablemeiit suivies depuis des siècles, n'avaient produit que des effets
partiels et généralement moins durables. Les expéditions les plus lointaines avaient
été dévastatrices, et Timpalsion avait été donnée par ceux qui n'avaient rien à ajouter
aux trésors de Tintelligence déjà accumulés. Au contraire , les évènemens de la fin
du XYQ siècle, qui ne sont séparés que par un intervalle de six ans, ont été longue-
ment préparés dans le moyen-âge, qui, à son tour, avait été fécondé par les idées
des siîHslcs antérieurs, excité par les dogmes et les rêveries de la géographie systé-
matique des Hellèn^. C'est seulement depuis Tépoque que nous venons de signaler
que l'unité homérique de TOcéan s'est fait sentir dans son heureuse influence sur la
civilisation du genre humain. L'élément mobile qui baigne toutes les côtes en est
devenu le lien moral et politique, et les peuples de l'Occident, dont Tintelligence
active a créé ce lien , et qui ont compris son importance, se sont élevés k une uni-
versalité d^actîon qni détermine la prépondéranee du pouvoir sur le globe. » (Hti-
tmUigdê la Géogfiaphie du nouveau continent , (om. IV, pag. 21.)
^6. REVUE DES DEUX MOfiOlBS.
frappé de la tr^dUioD d'une expédition carthaginoise autour de la
péninsule africaine, soutenait que la mer des Indes n'était pas close^
qu'un navire pouvait tourner autour de l'AGrlque depuis Gibraltar
jusqu'à la mer Rouge, et par conséquent qi^'il était possible à des^
i9arins de se rendre de Lisbonne au pays des cpici^ quelque tei:reui;
qii'inspirât alors le cap Non , situé à moins de cent cinquante lieu^ du
détroit ^e Gibraltar, et qjiie les plus habiles navigateurs considéraîept
comme l'extrémité du monde. Cette pensée du prince Henri, pour-
suivie p3r lui avec dévouement et intelligence, donna lieu après sa
mort au voyage de Vasco de Gama, à la.ducouverte du cap.d^ Bonnç-
Espérance, et au déploiement d'héroïsme dont le Portugal a conservé, ,
conune un souvenir, Macao et Cfoa. Colomb , qui vécut loug-temps
en Portugal, savoura ce projet, puis, novateur audacieux , lui donna
ipie autre forme. Malgré son profond respect pour l'aujborité reli-
^euse^ il était convaincu de la i:otondité de la terre. U eu concluait
naturellement qu'on pouvait se rendre d*£urope au fond de l'Asie,
en cheminant de l'est à l'ouest, aussi bien qju'en allant de l'ouest
à Test comme on l'avait fait jusqu'alors. Entre ces deux routes oppo-
sées conduisant ati même but, de bienheureuses erreurs dont nous
allons dire un mot , et qui étaient sanctionnées par la science la
plus avancée de l'époque, le déterminaient à donner le choix à celle
qui se dirige de l'est à l'ouest. C'était au surplus une idée exprimée
autrefois, comn^ une possibilité seulement et non comme un con-
seil, par l'antique Eratosthène, et recueillie par Strabon. Il est même
curieux que, dans cet exposé spéculatif, Eratosthène eût expressé-
ment désigné pour point de départ la péninsule ibérique.
Du cap Saint-Vincent, qui termine cette péninsule au sudK)uest et
lui sert de tète de pont sur l'Océan, ju^u'aui^ côtes de la Chine, la
distance, dans la direction de l'est à l'ouest, que préférait Colomb,
est de 230^ de longitude (le tour de la terre étant de 360°), c'est-à-
dire des deux tiers de la circonférence, tar un remarquable hasard, le
plus ancien des observateurs , Eratosthène , estimant juste à 10*" près^
avait évalué l'intervalle à 2&'0*'. Cette opinion avait été reproduite
par le célèbre géographe d'Amasée, Strabon, dont Colomb con-
naissait quelques fragmens par intermédiaire, et qu'il appelait Extra-
bon. Mais plus tard, un autre géographe dont Colomb avait pareille-
ment lu des extraits dans le traité du cardinal Pierre d'Ailly, Marin de
Tyr, par d'assez mauvaises raisons , et dans l'ignorance des travaux
des navigateurs phéniciens, diminua l'espace à franchir au travers de
l'Atlantique; il le réduisit, des îles Canaries à la Chine, à 135°. Il se
t^ttt^OPB n LA CHINE. 22T
tTDinpaft 4e SG*", et plaçaR ainsi la Chine aux fies Sandwidi. iHolë-
niée, venant après Marin deTyr» rectifia son calcul , mais îl se méprît
encore de kV. H mettait le littoral des Sères , ou Chinois , dans les
parages dés Carollnes orientales. Colomb, par aventure, ou philAt par
une de ces inspirations que Dieu envoie à ses élus, se persuada que,
de toutes ces évalaatfons, cefle de Marin de Tyr, la plus inexacte
précisément, était la p!ns vraie. A force de conjectures, îl rétrécit
encore Hntervalle maritime des deux extrémités du continent, et
supputa que des Mes du Cap-Vert an Cathay, comme on appelait
alors la Chine septentrionale, 11 ne devait y avoir que 120^, ou le tiers
du tour de h terre. Ce n'e«t pas tout : dans l'opinion accréditée alors
parmi les hommes les mieux informés , par suite des récits de Marco
Polo , bien avant le Cathay, du côté de l'Europe , sur le chemin de
l'Espagne h là Chine par la direction de Test à l'ouest, se trouvait, au
milieu d\m archipel innombrable, une tle grande et florissante où
l'or et les pierreries abondaient, celle de Zipango ou Cipango (c*est
l*fle Japonaise de Tïîphon). la présence de cette Ile ramenait la tra-
versée, dans la pensée de Colomb, à des proportions presque ordi-
naire^, car il résulte du journal de son premier voyage qu'il avait
compté la rencontrer à sept cent cinquante lieues des Canaries.
Deux autres erreurs inspiraient à Colomb une grande confiance
dans la réussite d'une expédition maritime dirigée droit à Touest.
Sur la foi ou plutôt sur une mauvaise interprétation d'un livre apo-
cryphe, appelé Jadis dans l'élise grecque VApocalypse d^Esdras,
il admettait que les continens et les Iles occupaient sur la suriSace
de la terre un bien plus grand espace que celui qui leur appar-
tient. 11 était persuadé que six parties de la surface du globe étaient
à sec , et que seirtement la septième était couverte d'eau. De cette
incorrecte n(rtion de géographie physique, 11 concluait que, dans
quelque dhpection qu'on s'aventurât, l'on devait trouver des terres
après lin assez court voyage. La méprise était forte , car le rapport
réel de la superficie des terres à celle des eaux est de 1 à 2 7/10, au
Keu de 6 à 1, c'est-à-4ire seize fois moindre. Enfin l'amiral suppo-
sait notre planète moindre qu'elle n'est. Sur Tautorité de. Vauteur
arabe Alfragan, tl pensait dès Torigine et îl a répété plusieurs fois,
dans ses rapports à Ferdinand et à Isabelle , que le monde était peu
étendu {ei mondo es poco). Confondant les auteurs anciens entre eux,
il a dit, dans une lettre écrite d'Haïti à Isabelle î « Aristote nous ap-
prend que le monde est petit et que facilement on peut aller de
l'Espagne dans Tlnde. Ceci se trouve confirmé par Avenruîz (Avcr-
roésj.et p^ Je f;ar|^ina]„^e(lrv .iip,.^ifCD .[iPieire d'Aitly), qai w
foDde sur l'autorité (^e SéaèfiVC^,tC(Vt:,Qit disant qu'Aristote pouvait
savoir beaiicpup de ^Cf;e^,jp(ff,4|£^ftp^(,^ S^nèque par Céw
M^ron.», Il y a efTecUï^i^ent .d^n^, les ^ejj[^«iu IVaturçlUs ie Su-
Dèqu& ces mot^, fort pets er^ '{ifiik^qnce,,]qp'pif. poun-ait allqi;ieri ,p«j»
de jours, a,vec un veijt. favqrable,,.4^^rEspagne,dans J.Ifide, Q'«st
tout simplement que^néque, ^y^c ce. 4qdaia pour leSj<;tiaGcs «te
ce monde qui caractériel. l'éicqlQ ^toïque. apfè» avoir coqtem[4é
l'immensité des ort>e;^ pVmtÀtqves, j|ige fort eii^ par.comparaisoB
le domicile de rhi^maoité. Pierrç d'Ajlly et Colomb avaient ju-ia au
siirieus, comme unç supputation mathématiquo , cette figure doik
rhétorique stoïcic a oc.
Colomb avait été encouragé à considérer comme facUe la traYCTsôe
d'Espagne eu Chine, en se dirigeant de l'est à l'ouest, par 1» coiv
respondance qu'il entretenait avec un des hommes les plus éclairés
de l'Europe, l'astronome Paul Toscauelli, de Florence. Toscanelli,
dans son cabinet, poursuivait les mêmes rêves d'Orient long-tompï
avant que Colomb mit à la voile , et il serait difGcile de décider
qui , du Génois' ou du Florentin , eut le premier l'idée d'un voyage
par mer dans la direction de l'est à l'ouest. Plusieurs années avant
d'avoir des rapports avec Colomb, il écrivait au chanoine portugais
Fernando MartineE , qui l'avait consulté, au nom du roi de Portugal,
sur la meilleure route de l'Inde, qu'il (allait passer par l'ouest,
que c'était le plus court chemin [brevitsima camitM) pour, turiver
i ces régions si fertiles et si abondantes en épicericsi et ien {ferres
précieuses. Il entra eu relation avec Colwab à caaujet'déa 1VT>V,
c'e^-à-dire dii-huit ans avant le départ de l'amiral, Ef^iluteoviojiaot
copie de sa lettre k Martinez, et de.ia carte qutil; avait '(kvbsûâ fiour
le roi de Portugal , il lui dit : « Votr^ voyage aéra mokis: loog iqu^
ne le pense. » Toscanelli, plein des récits de Marooipeloyictlait A
Colomb les merveilles qui s'offriraient à lui en Asie et lui traçait un
lailfi. les parages
3 H. Navarrete.
l'incerlitodoaur
Je son jouihal,
iginal'lui a sui^
smmijnaiBseiit
itîbrAlaat^daDa
L*mmûPÉ ET LA CtfUIB. ^
son ame cbrélienne , il-nes'^agh'sait pM seulemeiit d'one exploratioo
géographiqoe ou .d'une tentative méreautne; il s^était fait ud pro^
gramme de \9t plus teagnKqûé grandeur, dont les amis de rhuma^i
nité et de la chrétietité devaient s*applaudir. Il allait a trouver le
igrand Khan, le rot des mis .(l'empereur chinois qui descendait de
Gengis-Khan], dont lés peuples étaient plongés dans Pidolètrie e^
dont les prédécesseurs avaient envoyé maintes fois à Rome pour de-
mander des docteurs de oolre sainte foi qui pussent les instruire des
vérités de rËvanj;île» i> H avait des lettres de leurs majestés catho-
liques pour le gtBnd Khan. Il était chargé d*étudier le pays et les
babitans,' d^examiner la nature et le caractère de tous , ainsi que les
moyens à prendre pour leur conversion. Enfin Flnde, où tout était
d*or et de diamans, devait fournir des ressources au trésor castiDan ,
épuisé par la guerre, afin de délivrer Jérusalem et d'affranchir le
tombeau du Ch-ist de la domination des infidèles.
Dans la conviction profonde qu'il chemine vers l'Asie, une fois
embarqué il compare ce qu'il observe aux renseignemens que lui a
donnés son savant ami Toscanelli. Dans une conférence avec sop lieu-
tenant, Martin Alonzo Pinzon, commandant d'un de ses trois na-
vires, /a Piniay qui le pressait d'obliquer vers le sud, Colomb perr
aiste à aller droit à l'ouest par le motif qu'il convient « d'aller d'abord
à la terre ferme d'Asie pour revenir ensuite vers les Hes, parmi le»^
quelles se trouve Cipango. i» A la distance de sept cent cinquante
Ueuea des Canaries, il s'étonne cependant de ne pas avoir rencontré
ee Cipaogo tant célébré « car ses calculs hypothétiques, auxquels il
croyait d'une^-foi pfofiMde, hii avaient dit qu'il le trouverait à cette
dîstipnoe.*Su)[)posaM>d«rs qu'il se sera trompé dans l'estimation quo-
tid^oo des latitudes, tl feH à Pitùxm la concession de dévier un peu
«ers le nîdi^et de lonmer le cap du navire à l'ouest sud-ouest. C'était
le 7 octobre: DansVa soirée du 11, l'expédition aperçut Ttle de Gua-
L'idée qu'il allait aux Indes par l'ouest n'a pas quitté Colomb quand
la découverte a été accomplie. Les hommes qu'il rencontre , H les
appelle des Indiens, et ce nom est resté aux indigènes du nouveau
continent, tant dans l'Amérique anglaise que dans l'Amérique espa-;
^gnole. Quand il s'approdie de ftle Isabelle (aujourd'hui Ëxumeta),
il croit remarqncf dans ¥m cette odeur d'épices qu'on disait s'exhaler
des fies xle la mer desindes. L'eqirit plein des termes die Ifairco Polo
que Im a transmis TMcanelU, il cherche les villes et Ie]s provinces ixjL
voyageur vénitien^MAiprèi «voir touché successivement à GuaDahahi, â
TOHX XXIII. 15
^aUb RBVTTC iHÈÎ DEUX HONDBS.
% CtmcopÀon , à lîle ï'enwndimi dt i IsabeHe, tenairt pour cerlaîrt
qtill ^tait dans ï 'rt-Aipel Infhri tju'on croyait exister en avant de la
•CWtte, il «nteod parter d'wie grande te : H ne doute pas que ce ne
«oH le Cfpango de Marco Pote, et 11 fhit vofle pour s'y rendre, afin
a 'de se tfMger eASuHIe, dit-il datis son journal , Ters la terre ferme
^et la vHle de Ctrisay (Quinsaï ou ttangtçheoufou , que Marco Polo
avait beaucoup yantêe], et donner les lettres de vos altesses au grand
Khan, lui demander réponse et la rapporter tout de suite. » Le
dpango , vers leqnd îl faisait Voile , c'était Ttle de Cuba , appelée
Oolba par les naturels. « A minuit, dit-il , je levai l'ancre pour cher-
cher nie de Cuba , où il y a de l'or, des épices et de grands navires
propres à en être chargés. » En chemin , ayant stationné à un mouît-
lage qu'il nomma le Puerto de San-Salvador (port de Nipe selon
M. Navarrete), il sTmagine entendre de la bouche des indigènes que
les vaisseaux du grand Khan venaient y commercer.
Quand îl part pour son second voyage ( en 1493 ) , f Espagne entière
partage sa croyance. Des hidalgos de haut rang, de nobles cavaliers
d'Andalousie, des offlders de la maison royale, briguent l'honneur d'un
poste dans l'expédition . Ils se représentaient des Hes étendues, produi-
sant en qtrantité indéfinie des épicès et des parfums , aux montagnes
pleines de filons d'or, aux côtes semées de perles. Là ils devaient, après
des prouesses dignes du siège de Grenade, planter l'étendard de la
croix sur les murs d'opulentes cités qui deviendraient leurs fiefs. De
là ils n'auraient plus qu'une traversée de quelques jours pour atteindre
les provinces chinoises de Mangi et de Cathay, convertir ou soumettre
le grand Khan, faire abondante provision de gloire et de richesses.
Colonrt), d'un enthousiasme moins intéressé et plus religieux , mais
non moms exalté , songeait à la délivrance du saint sépulcre. îl pro-
mettait au roi et à la reine « d'entretenir, pour cette sainte entreprise
(du produit de ses découvertes), pendant sept ans, cinquante mille
fantassins et cinq mille cavaliers, et le même nombre pendant cinq
autres années. » S'il s'occupe de l'or qu'on devait ramasser par bois-
seaux dans ces terres de promission, si dans une lettre à Isabelle il
dit que l'or est une chose excellente (ei oro es excelentissimo), c'est
un peu parce qu'avec cet or tm tire, (Bt-H , les âmes du purgatoire;
c'est surtout parce que l'accomplissement de son projet politico-reli-
gieux d'affranchir la Terre-Sainte dépend des trésors qu'il rapportera.
Dans cette seconde expédition , l'aspect des lieux et des hommes
ne détrompe ni l'amiral ni ses compagnons. Cette fois, ayant touché
la côte allongée de Cuba en un point où elle se dirige à peu près du
nord 9U sud, il est persuadé qm'îl a oûa te^pied awle contiaeiit asia-
tiq[ue, dan.§ la Chersonèse dVr^ parçe^que, daas.ses iidées de^éo^aphiev
le littoral de cette Chersonèse a 1^ p^èBieducectio^; ef le i^>u^n 149%
il fait prêter sera^eot à chacun des homme» de resca4riUa qp*il& ont
découvert la ter^ ferme d'Asie (1)^ Bien plus^, danst sm îmfertar-
bable confiauce, il regrette ( c*esi swr fils don Fernand<> et son a^ni
intime Berna|dex, curé de los Palacios,. qui nous rapprennent), de
ne pas avoir assjBz de vivres pour retounuer en £s|]A8iK^^ pw rOriett,
c*e8t-à-^ire en ac^vant le tour du gtoli^, tant i,l tient pour certain
qu'il est au ccaur de la mer des Ind^ <» U aurait, diiit Bervaktoz^
doublé la Cherson/eiM^ Aurea^ traversé le golfe di& Gange et cb^rdié
une nouvelle route, soit autour de TA^frifue, spjt ^u» alliât piçM^ terre
à loppé (laffa) et à Jérusalem. ».
Cette croyance n'a jamais été ébranlée ei\ lui* Avec une naïve cré-*
duUté, Colomb retrouve coff^mment d^ns le Nouveajcr-Monde tout
ce que sa mémoire lui rappeUe de l* Asie onentate» Sem^ble à quet-
ques voyageurs modernes dont les prétendues observMions ne soiiat
dues qu'à la réminiscence des lectures par lesqjoelles ils se sonit pré-
parés ea quittant le. sol natal, il recueille avec avidité les noms qui
ressemblent à ceux qu'il a puisés daujs les lettres de ToacaneUi, ou
dans le récit de Mandeville. Ainsi le nom de la province cbinaise de
Mango (Mangi) le frappe plusieurs fois; il croit tantôt qu'il y a pris
terre, tantôt qu'il est au moment d'y aborder. Une fois, pendant un
mouillage, un matelot, revenant de la chasse, rapporte qu'il arencontré
dea hommes vêtus de. blanc, semblables à des religieux de la Merci.
Ces longues figures, au nombre^de trente, étaient, disait-il, armées de
lances. Selon toute apparence^ c'étaient, comme l'a pensé M. Irving,
une bande de grues et de hérons des tropiques, hauts sur jambes
comme le flamant. Aujourd'hui ces oiseaux sont appelés soldados
par les colons espagnols, parce que, vus contre le ciel, ils ressemblent
k des hommes postés en sentinelle^La poétique imagination de l'amiral
(!) Dans cette pièce, la direction de la côte est citée quatorze fois comme une
preuve décisive. — Voici quelques détails que donne M. de HumboMt sur cet acte
de Tamiral : « Fernand Ferez de Luna , e$crihano publico de la ville d'Isabella
(d'HAtti), reçut Tordre de Tamiral, le IS juin 1491, de se transporter à bord des
tn>iâ caravelles, pour demander à chaque homme de Péquipage, devant témoins,
sll leur restait le moindre doute que cette terre ( Cuba) ne fût la terre ferme au
commencement des Indes et à la fin , d'où Von pouvait venir d^ Espagne par terre,
Vescribano déclarait de plus que, si quelque incertitude restait à Téquipage, on
s'engageait à dissiper les doute\ et à faire voir qu*il était certain qû» c'était la
terre ferme, p
i5.
332 RKriJË DBS MnX tfÙNDES.
prit le récit da matelot pouir «ne preuvle' qu*on était dans le voisinage
du Prétre^ean, pontifiHroS dont Plan'Carpin avait entretenu les Occi-
dentaux, et sur lequel on avait répandu en Europe beaucotiiy de contés.
Rempli de souvenirs bibliques et de fVa^ens de Ptolémée que le
cardinal d'Ailly lui avant appris, il fhit intervertir sans cesse dans ^
lettres llle d'Ophir (qu'il qualiBe de mont'Sopora), et fAuf-ea tfu
GhersQuèse d'Or, tantÂt les confondant et tantôt les distinguant Time
de l'autre. Dans son quatrième et dernier voyage, il affirme qiiè là tehie
de Veragua (au N.-O. de l'isthme de Panama) est cette Aured des
Indes. Toujours l'Asie. M. Navarrete a trouvé dans les archives du duc
deVeragua, descendant et héritier de Colomb, la copie de la main de
don Fernando, fils de l'amiral , d'une lettre de son père & Alexandre Vl,
écrite quatre ans avant sa mort; il y est dit : « Je découvris et pris pos-
session de quatorze cents lies (1) et de trois cent trente lieues de la
terre ferme d'Asie. » Plus tard, lorsque rebuté par le roi Ferdinand,
prince sans cœur, ce grand homme réduit à la misère, et nourrissant
encore, malgré son âge avancé, le projet de travaux dignes de ses hauts
faits antérieurs, se plaint de ce que les terres par lui découvertes « sont
incèordables pour celui qui 1^3 avait refusées à la France, à FAngle-
terre et au Portugal, » il les nomme les Indes. A la fin de la dernière
expédition, le 7 juin 1503, écrivant de la Jamaïque, il répétait la
même idée que dans son second voyage il avait fait certifier par le ser-
ment de ses compagnons : que llle de Cuba était une terre ferme du
commencement des Indes, et que de là on pouvait retourner en Es-
pagne par terre. Un an après, vingt-deux mois avant sa mort, il parlait
comme un honune qui revient de la Chine. « J'arrivai lé 13 mai ddtis
la province de Mago (pour Mango ou Mangi, nom donné parîRfarcb-
Polo à la Chine méridionale ) , qui est limitrophe de céHe de Cdtayo
(pour Cathay ou Kathaï, Chine septentrionale ). De Cigaare, dans la
terre de Veragua, il n'y a que dix journées de chemin à la rivière du
Gange. » Il est donc mort, comme l'a dit M. de Uumboldt, dans la
persuasion qu'il avait noué le lien entre l'Europe et le vaste empire
de la vieille Asie.
(1) Dans la hoja tueîta, qui existe de la main de Tamiral, et qui a été écrite à
la fia de l'année 1500, lorsqnMl rentra à Cadix chargé de fers, ce^r l,iOO tics sont
portées à 1,700. « C'est , dit M. de Humboldt, une vague évaluation de V Archipel du
roi et de la reine, au sud de Cuba , évaluation qu'on pourrait croire tenir à un sou-
venir des 1,368 lies que Ptolémée place près de Taprobane, et que, dans la première
expédition , le U novembre 149â, Tamiral crut déji voir vis-à-vis de la côte septen-
trkAate du Cuba, en /In deï or^te. »
Loin de moi la pensée sacrilège^ d^ f abaisser Colomb en insistant
sur les détails qui montrant que .fispbuit avait* été d'aller en Asie, et
qu'il resta persuadé ^jusqu'à. Ia>fia. de <^, jours qu'en effet H avait
Atteint le revers oriental de l'aqcien.€#i»lHieat Dieu me garde de fhire
de l'analyse historique à la façon de ces esprits jaloux, flétris par
M. W. Irying, qui, sous^ le- prétexte de savantes recherdies, vont
furetant l'histoire pour ronger ses monumens et marquer d'une souil-
lure pareple à la trace que laissent après eux des insectes impurs, les
plus beaux trophées du génie de l'homme.
En se plaçant sur le terrain de la science moderne et de l'art nau-
tique tel qu'il .est aujourd'hui, on pourrait dire que le voyage de Co-
lomb n'avait rien de miraculeux ; que c'était une exploration sem-
blable à celles qui, de nos jours, ont été entreprises par HM. Parry,
Ross, Franklin et Beechey, et même moins p^illeuse; qu'il essayait
un passage aux Indes par l'ouest tout comme ces braves officiers ont
tenté des passages par le nord-ouest. Mais l'astronomie et la naviga-
tion du temps de Colomb ne ressemblaient pas à celles de nos jours;
elles n'ont atteint leur perfection actuelle que par suite de la décou-
verte du glorieux Génois. Avant Colomb, la rotondité de la terre avait
été écrite dans des livres, enseignée par des philosophes, nais c'était
une vérité toute de théorie, qui n'était pas passée dans la pratique.
Princes et peuples, savans et ignorans, braves et poltrons, gens cloués
sur la terre ferme et navigateurs, le genre humain tout entier sans
excepUon était de fait comme s'il b'y croyait pas, car nul encore
n'avait agi coqune s'il y croyait. Colomb le premier fit ce solennel
, acte de foi Lui, chrétien fi^rvent, il préféra sur ce point l'autorité de
Ptoléméq 4 celle de Chrysostéme, les conseils de Toscanelli aux répri-
mandes d'im synode d'évoqués et aux admonestations des docteurs
de Salamanque». Cplomb a pratiquement découvert la rotondité de la
planète.
Son départ ne fut pas un coup de tête, ce fut toute une création,
préparée par de longues études, mûrie par la méditation.
Colomb ne fut pas seulement un homme au génie créateur et
inventif; il fut plus grand encore à exécuter son œuvre qu'à la con^
cevoir ou à la préparer. Il se montra alors aussi prudent qu'il avait
été hardi dans ses projets. Quoique à un Age où les autres hommes
songent au repos ( il avait près de cinquante ans lors de son premier
voyage), à bord on le voyait toujours sur pied, toujours alerte. Il
prenait sa part des «fatigues plus qu'un simple matelot. Il passait les
nuits sur le pont , attentif aux signes du ciel et des flots , veillant pour
21k BBfm M» DJBOK MONM^^
tow sttp ee natire qdî porCnt nne plMiiiB|K)ftdiifefr foitMe ({tiefeelte
deCéM*. Et e'^M*aib«frqii'ih^ le premier l»teiTe,el gagna, Mli^ te
vice-io^oté-et'Uifimrah^, lapentioii de trente cbiiioMeft(l) pmoai6e'
paries Miveraim. à cMu^ ^ Ki^reéVrakt
H* se croyait gEudé par la maîii é& Itt Providenoe; Hkriff ce! afétfait
pdîft^âd celle for aven^, soeur dHm fataliÉfne hébété qui s'-eA reAet
à Dieu po^ toute chose el croîè hors de ppopo» de prévok^. H avait'
songé à toirt, M^ sayait pa^er à tout, et il monira dans Kafifirife de-
réclipse à quel point il était léeoiiéén>es]^édiieiia el^ôokBmeiil il savait
lesmemeTh
Colomb était aooni <f uAe* théologie seolaatiqne , et cependanl^
très apte ai^ mfHaiemenl de^ affaires. Il' était instruit autant qu'on*
pouj^trétre alere, qaoiqne, en géon^étrie, il aasociAt volontiers la
vérité et Fenreur^ QH^ le regardait en Espagne conme a gran teoricgf
y mirabilmente piatie&. >> M» de HiHntM>ldt, à qui personne ne eouf-
testera- le droit de prononcer des. arrêts pour tout ce qui est dn do^
matne des sciences naturelles , admire « la pénétration et la finesse
extrêmes avec lesquelles il safisissait les phénomènes du monde exté-
rieur. » (cCoioaab, ajpute-t-il, est aussi remarquable comme observa-
teur de la Baturov que comme intrépide navigateur. » Suivant cette
autorité illustre, la* découverte impoitante de la déclinaison magn^
tique et celle plus difficile encore de» variations que suIhI cette décK-
naison quand on passe d*un lieu» à ttn< autre , lui appartiennent (^
à ji'c'i^ pas doutery ek ili en tara dès déductions hardies d'uHe 0Pande
portée et d'une exactitude parSaMo; H connaissail avant Pigafefitfr 1^
moyen^ de trouver la longitude pal^ les diffiSTenees d'ascension droite
des astres (3).
(1) Ou 3» piastres d'or, équivalant à IIY piastres { 6f i francs ) de lios jours.
(S) Colomb fut au moins le premier Bwrùpéên qui s'aperçut de cette décUnaîson;
la constata et l'étudia; car, comme renseignement sur la Chine à Tappui de ce qne
nous avons dit, il n*est peut-être pas inopportun de rappeler ici que, quatre siècles
au moins avant Colomb, les Chinois avaient découvert de leur côté la déclinaisou
de raiguille aimantée, c'est-à-dire sa déviation de la direction du pôle terrestre.
Les belles recherches qae M. Klaproth a faites à la demande de M. de HUmboidt
ont parfaitement établi ce point de Thisitofre des sciences. Les termes de rauteuf
chinois, cité par M. Kiaprolb, iadiqueitmâm^la OonBatasanoedes varktiona de
cette déclinaison.
(3) Voici un extrait de V Histoire de la Géographie du nouveau continent , qui
donnera une idée des titres scientifiques de Colomb :
« Arrivé sous un nouveau ciel et dans un monde nouveau, ainsi quMI récrit à la
nourrice de Tinfont don Juan, la configuration des terres, Taspect de la végétation*,
lea mœur& éeè animaav , la distiibiitioD de la chaleur, selon rinfluenee de la louai-
4k» earpi «étertat et 4iii8 les pbéaanèws de i» fiaUn tecreitare.
Pteki à It Mt d'eittiMBîaMBB et de réscrre (TJiiitérfen Oviedo
fait remarquer qu'il était cnuêa ) , d'ardeur et de petîeneeji oaloie
4aDa le Mcoèi, couiagem et traofuille dans Tadveivité, il |w>rta
atfeettw égale nobleiae Jea fers dont rtefMne lebadUia chargea aes
■Mîns eugnalea,. et lee imipies de ^rafid^anûml im la iwiiipe dea
vîee-ceis. Il est beau à eonlenifrier, lelâiootobre lifli, lonqu*tl dea-
cend dana sa chakMipe, retétu d*uQ riche eoitume écarlata» et que,
lenaat réteedard reyal, ayant è aes eôtés lea deux frères PkinMi , il
va baîaer la terre de Gnanabani et recevoir «ir ce deiMaine le serment
d'ohéiaBaiiee de ses corapagnona. Maia je Tadaûre pku encore lore*-
qii*en ikSk^ à aon arrivée dn Portugd eu Espagne, allant pauvre-
aœnt à pied et tenant par b main tm jeune garçon, il s'arrête à la
tude, les coarans pélagiques, les Taiialions do magnétisme terrestre , rien n'écbap-
iwit à sa sttgaciié. Recberdiaiit avec ardeur les épiceries de llede et la rbutMii>e,
reodae célèbre par les raédeeitis arabes, par Robruquis et les voyageurs italiens, il
examme minutieusement les fruits et le feuillage des plantes. Dans les conirères, il
distingue les vrais pins« semblables à ceux d'BsfMigiie, et les ftins à frait HKNiocarpe :
€*âsi reecmnaltfe avant L*Héritier le genre Podooarpusk
« Ck>lomb ne se borne pas à recueillir des fiiits iselés; U les combine, il obercbe
leur rapport mutuel , il s'élève 4|nelquefois avec bardiesse à bi découverte des lois
générales qui régissent le monde pbysiq«e. Cette tendance à généraliser les ftiits
d'observation est d'autant plus digne d'attention , qu'avant la ftn du \^ siècle, je
dirais presque avant le père AoosCa, nous n'en voyons pas d'antre essai. Dans ses
raisonnemens de géograpbie pbysique , dont je vais oiTrir ici un fragment très
remarquable, le grand navigateur, contre sa coutume, ne se laisse pas guider fiar
^ies rémloificences de la philosophie aeolastique; il lie par des théories qui lui sont
propres ce qu'il vient d'observer. La simultanéité des pbéBomènes lui parait prou-
ver qu'ils ont une même cause. Pour éviter le soupçon de substituer des idées de
la pbysique medeime aux aperçus de Colomb , je vais traduire bien littéralement uu
passage 4e la lettre d« mois d'octobre U98 , datée d'Haïti : « « Chaque fois que je
« naviguai d'Espagne aux Indes, je trouvai , dès que j'étais arrivé à cent lieues à
« Touest des Mes Âçores, un cbangemeoi extraordinaire dans le ciel (dans les mou-
« vemens «éiestes) et dans les étoiles, dans la temi^rature de l'air et dans les eaux
a<le la mer. Ces changemens, je les ai observés avec in soin particulier; je remai«-
« quai que les boussoles, qui jusque-là variaient au Bord-<est, se dirigeaient «n quart
« de vent (probablement le quart des huit vents de la boussole ou il» J/i) au nord-
« miest, et traversant cette bande comme une cftCe (le penchant d'une chaîne de
« montaffies, oomo quim frojpoiie «fio euéêta ), je trouvai la mer tellement cou-
« verte d'vne'berbe qui leasemblaità de petites brandies de pin chargées de fruits
« de pteUchier, que nous pensions, è cause de l'épaisseur <le l'algue, que uous étions
« sur un bas-fond, et que les navires allaient toudier par manque d'eau. Cepen-
236 BBVUB DBS DEUX MONDES.
porte dn couvent de Saiîta-Marià dle^Râ&ida , Wec le cakne et la tran-
quillité de rhomm'e ^lïpéHeOf à is« ft)rttitle, '({iri ne doute jamais de
^'hautè miséioti , et qtilT detiiajldë M |>oHier tift peu de f^h èft d'eau
pour son enthnt, lui qui àj^rtaitttà tttonlâe au sdtitéiliin'dë Gâitiflê,
et qtil venait exprèssétnetit |)ottr Votfiih r i . ; . / . ;
So'n attitude était enipreinte dé -la «Majesté è léqudlè le poâb dit
qu'on reconnaît lé^liabitaM de fOlympe. Sa phy^nobdè dffiratt
cette sérénité qui signale leurs cfaeTs àut sim^es mortiels. Itè piour
le conmiandement^ Il avait dans Fé^pnC les ressoun^s ((ùt le ren^
dent léger à qui Texèrce, dans le cœur cette crainte de* IMeil et cet
amour des hommes qu! le font chérir de ceux sur qui tle^'erercé;
n y a de lui un mot qu'oublièrent trop souvent Useotiqnisfàdùres,
que l'héroïque isabeUe eut constamment présent, dont les ieyës de
las Indias ont porté profondément l'empreinte, malgré ce qu'ont pu
dire les détracteurs de l'Espagne : il recommandait qu'on ménageftt
les indigènes, parce que, disait-il, ce c'est la richesse de l'Iode. »
tt daat> avaBt d'atteindre la bande {raya) qoe je Tiens d'indiquer, nous ne renoofi-
«c trâimespa» une tige d'herbe. A cette même limite (cent lieues à l'ouest des Açores),
« la mer devint unie et calme, puisqu'aucun vent de quelque force ne l'agite. —
« Quand je vins (dans mon troisième voyage) d'Espagne à Ftle de Madère, et de lia
« au% Canaries, et des Canaries aux Iles du Cap- Vert, je me dirigeai vers' le sud
ir jusqu'à ta Kgneéquinoiiale ( le fils de Colomb ditt|a*ûii n'avança que jusqu'au 5» de
« latitude boréale), lie trouvant sous le parallèle qui passe pyr la Siwftk-Leoa (sans
f doute Siarrorleofie), j'eus à souffrir une si horrible ohaleur^que le vaisseau parais-
o sait brûlant; mais ayant franchi vers l'pucst la bande que j'ai indiquée, on changea
« de climat; l'air devint tempéré, et cette fraîcheur augmenta à lùdsû'ré que 'nûu4
fc allions en avant. j> .' ' ' '' * «*• •• '*' <:
« Ce long passage, dans lequel j'ai eonseivèle oaraotère) do siyltiftiaiidttt simple^
amis diffus, de Colomb, renferme le gen^e 4è)gr^c^<vfest8ur l^iS^naphienta^
-slque. En y ajoutant ce qui est indiqué dans d'autres éorHs du np^n^ç navlga^pf ,
«es vues embrassent : !<> l'influence qu'exerce la longitude sur là déclinaison de
4'aiguille; S» l'inflexion qu'éprouvent les lignes isothentaes en pourskiit^nt' fe tracé
-des courbesdepuls les côtes occidentales d'Europe jusqu'au* côtefi^oHeb^esd^Amé-
lique^ 3* la position du grand banc de Sargasse dams le bassinde l'océan aHaiitiqiie,
et les rapports qu'offre cette position avec le climat de la portion de l'atmosphèK
qui repose sur l'Océan ; 4» la di^ction du courant général des mers tropicales; 5» la
configuration des ties et les causes géologiques qui paraissent avoir influé sur cette
configuraftion dans h mèr des Antilles.
• ••••• *.•*..♦..♦
« Mais Famitâl «'eut' pas^eoletneut le nëritâ de •treuverld ligM »an$ vmHatifim
dans l'AHantique» iV^t d^ops 4)us^ la rem^rqne ingé^^ei^e que la déclinais<^
magnétique pouvait, servir ^ obtenîf (eptre de certaines limites) la longitude du
yaisses^i , etc. » ( Hittoîre de la Géographie du nouveau continent, tome it|, pai^
#im,'(ielapaV»fàli'|iâgé'i«,) " ' '^ " " * '^'^^i '^r^tUi^nn.. i . ../
• )
L'£1IR0PBr.BT LA CHINE. 23T
C'était iui|;raiid e^t, uoebeUe 910^ uo cœur généreux et boi^.
Cplomb est upe.dQ c^ 6giu^ ff^res4f n^ L'Mbstojre, à Vaspçct radieux
et «oldo, qu'on aiine. auta|ltfq^'Qn les ^mire, qui consolent et rassu-
rent autant qu'elles inspirent) )f| respect et qu'elles frappent par la
ff^n^tmr, 4e leurs prq[>ortioni; une de celles qui sontr le plus parti-
a^renv^ dignes du culte des peuples modernes. Partagés entre leur
•ntiiMiAliie^ontra le passé et la terreur d'autres cataclysmes, préoccupés
de l'Atl^qte d'immenses évèoemeis dont les signes sont daus l'air^
agités d'ivfatHJbles instincts qui leur annoncent un novu$ ordoy mais
bvBsM d^ perturbations et repoussant la violenoe, qu'on leur avait
recoBunwdée et^u'ils avaient acceptée comme le plus sûr moyen de
liàter la venue de cet ordre nouveau qu'ils désirent, dégoûtés d'une
philosophie qui enseigne la haine et sème la défiance et la guerre, les
peuples maintenant ont besoin de reposer leurs regards sur des types
à la fois puissans et bons, réparateurs et rénovateurs.
Comme l'a très bien senti l'historien de Colomb, M. W. Irving,
c'^st diminuer l'expression d'un éloge que de l'exagérer. Disons*le
donc sans détour, Colomb reflétait en lui les bizarreries du moyen-Age
avec tout ce que cette époque avait de plus beau et de plus pur. Son
imagination était parfois déréglée, mais c'est à cette imagination qu'il
dirt it force. L'imagination donne la foi, et Colomb en eut besoin
tels son œuvre colossale. C'est elle qui fait éelore les grandes pensées
et les grandes actions. Ad service d\ine ame vulgaire ou d'Un coeur
pusillanimç, l'imagination est un don funeste à celui qui t'a reçue,
plus fatal encore a ceux qui l'entourent. Unie à une intelligence
élevée 'etciairvoyante, à un cœur magnanime, elle enfante les plus
nobles passions , et il n'y a que des hommes passionnés qui fassent
du sublime; 1^ faculté de souffler autour d'eux l'enthousiasme et la
conviction a été réservée pour eux seuls. L'iroaginaUon est l'attribut
le plus distinctif de cette race privilégiée que le peuple prédestiné
appelait prophètes, que le peuple-roi qualifiait de vo/ei, c'est-à-dire
de poètes par excellence. Elle perçoit dans les objets de la création,
dans les phénomènes du monde physique iet dans les évènemens de
l'histoire, dans l'esprit et dans la matière, des rapports trop déliés
pour être perçus par un autre sens. Elle devine l'homme et la nature;
^* montre des themtns au bout dfssquels sont de brillantes décou-
vertes dont ene-mème n'a qu'à demi le secret, parce qn'eUe les a
seulement çntrevues à la lueur d*un fugitif éclair que Dieu a lancé
dans l'atmosphère pour elle seule. L'imaghiatipa, a, dit up habile
2W RKimi m Bfen Mmra.
eritii^Bt. [1),, èc# 1» ooimm» cbHiftHobMre el dettMuiacMcr ^
ffààff la caiwtfiie hMasiHe éam le» iéstrl» t)e FtataHigenee; » nous
ajoQterOB» : €* dM» let^ (léfikéft eKaffé» et' tnrtneoar de hi eitiftwittiit».
Gt9t ei^ v«i!ft «une Hiéditeol 4e rîmaftnjittai etni i|n «'es» onl 411e
potàr nomer d'éfMrt^ k4fieiie»« Be tow 199 trésors detit diipwwrt»
Fdo^denre, e*ea^ kipivs^pirécîcM feaIrMte et le fkw édKlMl à wvnjf^
sés\ vmié mmi ^*eM le fk» iMfd è pdrten eriw ^sr (Mt MhMfter
iç Iriûs înlMmUtnimltefr fuMAitaiMs à qwi Dieu arririt faM I» gr^k^i»
(te le coâfiert â^HaeeisMi d^étre sur teiiis #MrâM, » k«r «ïfpril iTg^
dorl, ai léim généf««s0i syin^thiea »'anteliisMfit CeA c«lul cftti
attire let toaitolcs ptn^acéiés <te yenviey cpû taïf faM distiBer se» fiéi^
seM^ljBs plu» gttbtiia. C/M ceM 9«r pc^ mrtaB» hi fooie ^ flatt to
piof à e«Éia(jer. N«l Mlpr »'a prnchnt pOÊâr le gwre kutanin, par
l'iiAlemiéëieû^ im h^anMKs» é'éHte i|iil Vo^ e« eb portage, aola^
de gloire et de heoJwwir» et peur ««sHflièmm aatltnl ée aenfimAe^
et4'aB9)isies; oar eell^ fl^wne <pii ite eut aw frenl et dont le Tolgaiie
neïp««t lenr pardeiPBer réeht, ne la Imv emtei pet^: eHveil VtedM
<KvHi fBa Méfleiir (pt lest dévête ^
$» OokMfiib fiM pertî paup déeeimir n» m«ieM eautinefit dottt
aiciifi tediee ne i^éleit reiilateaee wi^ peuples chez fesiiiiefe il avait
passé SB ialN)«ieiffe vie (9|i i} n'eàt été <yyiNH» liettreux avetftvriev.
QDlAwb po«mi^aît-, anec une persévéMnoe q^'eit «e^ sawaît tnyp'
adnmir, une eoBUeme qfm émènilt ,, une vigoepr i|ii», dam Faetiqvill^
raiHnpt^faft desaef pa«iû Weduivirdiew , ime pwaée qpii lur ai^iataiaf
(1) IMf, Magnin V 9^vufitde$ Beua^ abondes du 1*^ jiiin iSiO^pag. 727^
(8) Il est incontestable atijourd*bui que d*auires Européens avaient vu et tou^b^
'Amérique avant Colomb. Dès le x<^ siècle, des aventuriers Scandinaves avaient
lété poussés par les vents, papTamouf 4\p péfH, pùf Tesprit de <!0Aqu6ie, dBdft'
le Qe^ënlaiid, qui< appaUtent au iiow>eaoi ooiUoentf^ et quo fil d^ IbittlMkli
ap^el^ la Soan4iAa^» iuBitUbe de i'jlfwéi^u^ \a diaiance ^ GsMalaeé ai|
nord; de TÉcosse n'est que d^ 2<t& Uew^. mgrifii^s. de Xb^ au. degré; par ua veut Craifk
de nord-Quest, ce serait un voyage de quatre jou^. Les expéditions des mission-
naires se joignant à celles des guerriers, plusieurs étabUsseuiens furent Tondes
daa» le Greônlmid ; VIslaiMl&sepf ait de stetlen ittterm?d4aii<e pour s^y ren«k«« te lÉ,
eurttM^, rislandaiji Btoro OaiiplfiMNi^,, ^gà aUaii éms. le Ceôsoiâiiii i^ioiâdra.aaai
pèi^ Dut c1^s»é , 1^' m ^<4 ^M4wit 4» naviMs^^ sim W'Ce#in(N»4,9né#filii'>Be
retour obez sqi^ père, Biai^n, e}Lécmi,i^ av.ec qjuelçiue^s a>o|fiuig9i[)o& upe ei.péd^9il
lointaine, daps laquelle ils touchèrent, Tan tOOl ou 1005, successivement dajit
diverses paniet de F^lmériique da'Novd, qu'il» appelèrent ll^llytend, Markland
et^ Vialand. Ce deraiar pi^fi fm alesi nennoe à» danse de l-aboadiiffoe- dtesrafK
sait justement comme devaot exercer rioJSaeDce la plus bieDCaisante
et la plus étendue sur les destinées du genre humain , celle de la
jonction , de l'association , de . la {usion » sous une même loi et uae
même Toi, des deux massifs de la famille humaiuev qui , alors c^unme
^ a«is.j«jUT^, ai^geaîefH,tDniS6 to«rimiti)e.d<m,Mfludei|x«Éié«iiMs de
l'ancien continent, séparéaipqr 4ti imBume^ttptce^fnirdes déseels,
y^^fis P^Wl^ bapA^ces^ettdQiiit r^Mi oûQMpeidefitaaiaiiouMlUitti un
^i^oiurewoic^e queColcimbiui ad#Mé.'GeHe jpeaaée était siiwBte,
. ni dUficiie ^ Jiéolisw, Ifue, Vois fiiMei» «I d«mi «pflàsi«i, dUej^eate
ettopre à «accomplir^ et qu'elle 4i'««tt même pas iML-^vk sontie du
4(piwie ^e A^ iHulî^i^cie |hi veiMwt toonteiiiriative. ta mpposant ^ee
4apws.€|lle4e iéalîsefileioejmQt^^Ms fféaecvie, jiMcpii&4à €Ue«uttra
.encone ^ la gloire •de f lus d'iupe ptéiadie de «rnods iimiBies* Elle.eet
de 'notre temps, et^era,, bien après qie ncw tous, ^ni vîmss *«fin-
tenant, serons ouUiés, la plu$ gigwtesq«e t^ui pwii^se Mre ^caress^e
Har 4es rêves d'un homme d'état <HNMiie p«r 4'(mibttmi >d'«n omqoi*-
«anC, par Tame 4e l'IiooMne religieiis ce^oMne par Ja^penséedu pfailo<-
«ophe, par l'esprit 4u savant QOim»ie par les caiouto de rindflstiîel ,
.4»ar le&espéopces dm novateur Je pkis awlaoîewx coiame |Mr la aolli-
^ildide prudente 0t c^onse^vatrioe des amjs de Ywke «aiiwsel.
JLa mew^ 4a plus eseçte de l'mspoilkawe des évéaeraeoB humains
iaat celle que dowwt i(d «ornière et 4a valeur des kMEMNes ilMt ils
igffplbijassQnt l'eikist^e^^. ^e «e point 4e viie, l'assacîattoo de ta dvi*
Vfi^tim occidentale j^m ÏOt^^ fp^trâfiie^emt 4e plttSfrBoid ^afticfiii
se lût jamais passé sur ia terre.
loi^gtieir un Jour ^ans les cUCfére^tM sag9s,.on eu a qoqcIo ^at iesceaaïées vJâii^es
alors par les Normands étaiâot siliiées entre les .parallèles de il» et 50o, ce qui cor-
ïespood k la côte qu! s^é.tèad de New-Tork à "Terre-Neuve, côte su,r laquelle vivent
^lis de sèptespèces ée vi^ne. tl'fKirjft n#ine qae tes valltans hommes du NoM
^av««#ie«t tieoifioap plus lola an nâdi. iÇaekiiies posâtes ^ ^iic4qnes tMa^es peut-
jMrol^reiiceQBsanilcs par eux, au moins ilaas le Vtnlaad. ^ a fttsouvé réeeauneat
4es io8cripti(»s ru niques <|iii eopstaHeot leur passafe ^et -leur $^)oitr svr divers
points du continent américain. Mais vers le mMieu du liu* siècle, tout {souvenir du
Tioland disparaît de lliistoire; plus tard , les établissemens du Groênlanil eus*
mêmes Airsot -iMnés «t 'abcHidoinné». Qnolque tldiotnb eiVt «àarvig^é au nord , dalis
Ml paiiages île féel»)^, Tien me poi«e è croiBe qall y ait rccaéllli des données
99opr^ à 4e;golder ou !à reaoovtra^ar dans aoo eotrepHse. U j a 6e« de iieaser que,
S^ade aux efforts des savans do Danemark , notre éppqne est inflniment mieux Hi-
^^^ftaée BUT cette découverte anticipée du Nouveau-Monde qu*on ne Tétait do temps
^CokNnb, non-seulement dans la péninsule ibérique, où l'on n*en savait pas un
^^v «laiB «Me^attS <a 'pi^liAle iteaodfnaVe ti «es èé()èttdances, xfh tt paraît
^^^ dës-lo» elle était oukWée.
SM RBVtB DBd vÈn AONDÉS.
IT. — COaH EICT LA MâXB PETf^ÉB ^B PHÊSI^OIB AVJOIIBD^KUI AVEC DB PUISSAffS
MOYENS d'exécution.
La pensée qui animait Colomb revient aujourd'hui s'ofTrir de nou-
veau à l*£urope : je devrais dire s'imposer.
Si Ton compare l'Europe moderne à celle d'il y a trois cent cin-
quante ans, on reconnaîtra sans peiné que l'état de crise est aujour-
d'hui plus caractérisé encore; que nous sommes , plus que les con-
temporains de Colomb, en pleine eau de rénovation; que le travail
moral, intellectuel et matériel auquel la société est en proie, est plus
4
violent, plus actif, plus général qu'alors. L'espace sur lequel ce tra-
vail s^opère est plus vaste, car l'Europe entière y participe, et
l'Amérique en est tourmentée d'un pAle à l'autre. Au sein de chaque
pays isolément, la quantité de mouvement, pour me servir de l'ex-
pression consacrée par la mécanique rationnelle, est beaucoup plus
considérable; il n'y a pas une molécule sociale qui n'y ajoute
son moment y parce que l'évolution est éminemment démocratique,
et elle ne l'était pas il y a trois siècles. Chez chaque individu, l'agi-»
tation, les passions, les espérances, les appétits, sont ce qu'ils
étaient alors chez quelques-uns seulement. Si , pour offrir aux peu-
ples une occupation digne d'eux et proportionnée à leur élan, à leur
énergie, il fallut alors leur livrer un nouveau monde où, à vrai dire,
il n^y avait rien à vaincre qu'une nature inanimée, rien à transformer
que le monde physique, sera-ce trop, sera-ce assez pour rÉurope.,
moderne qu'une arène où son activité pourra s'exercer suf dçs pppju-,
tations plus nombreuses que les siennes propres? Ûii nouveau, con- ,
tinent presque désert suffit (1) à absorber la vie déb()rdaqte,de.i)ps .
pères, n faut plus aux peuples modernes; si le but taut çoul^aité p^
eux, l'extrême Orient venait à nous écheoir, nous y trouverions non-
seulement de nouvelles terres (car de quels archipels l'ancien conti-
nent n'c^-il pas entouré du côté de l'est?) mais une nouvelle huma-
nité, c'est-^-dire tout ce qu'il y a de plus délicat à manier et de plus
difficile à pétrir, quand on répudie les traditions brutales avec lesr-
qijielles en effet l'Europe a définitivement rompu ; tout ce qu'il y a
a de plus'gldrieux à perfectionne!^, tout ce ^ui paie avec le plus
d'usure les soins" qu'on y donne. , . ,
, , ,. . ^ ' ,r *. > ■ * 1 "î '■•'1*' i-;ii4* ;• "'.1 '♦n h ' .
(1) Il senii péui-èiré plus exact de dire quMl n*y safQt pas complè^ineikt. puisqiie .
cetlfrdâcb#y(«^ii6M^dteftsèi*fesg^n^enEûit^ ' ^^ ''' '^^' '^'^ ^^ '
l'lfKfiO^M,SJ LÀ CHINB.. 3^1
En vérité , od ne voit pas quel aa,tre objet répondrait coraplèle-
roent à l'attente de grands évènemens qui tient les tètes en ébulli-
tion, à l'étendue des forces qui sont là, frémissant de rimpaUence
d'être mises en œuvre.
Cela peut être traité d'utopie et de rêve. Rêve, soit. Tout songe
est uii mensonge, mais tout rôve n'est pas songe, et celui-ci n'est pas
bAti en l'air, dans les nuages; il repose sur les traditions du genre
humain, sur ses tendances révélées par l'histoire, sur ses besoins
présens.
L'Europe ne manquera pas de donneurs d'avis parfaitement inten-
tionnés, pleins de philanthropie et de lumières, qui seront empressés
i lui représenter qu'elle a mieux à faire de son temps, de sa peine
ainsi que de son sang, car on n'abaissera pas sans un choc sanglant
les barrières qui nous séparent des peuples de l'Orient extrême. Ils
lui peindront les douceurs d'une vie paisible, honnête et rangée, le
calme du mouvement social et les jouissances du bonheur domestique,
chez une nation régulièrement ordonnée qui renonce à courir les
aventures et à poursuivre au loin des projets ambitieux , pour se
vouer au soin de se perfectionner et de se polir, «Chacun chez soi,
diront-ils; concentrons nos efforts sur nous-mêmes; n'avons-oous pas
carrière sufllsante entre nos frontières? quelle ample moisson de
bien-être, d'opulence, de gloire peu flamboyante peut-être, mais
solide et durable, s'offre sur notre sol, è nos piedsl II n'y a qu'à sç
baisser pour la cueillir : hors de là tout est fumée et déception. » Us
conseilleront aux gouvernemens de se vouer exclusivement à favoriser
, à multiplier les travanx publics, à insti-
:s écoles; à encourager l'industrie sous sa
mufacturière et commerciale, à organisa
de la sécurité aux travailleurs et de leur
remontreront qu'à ce prix l'exaltation des
,, l'ordre de plus en plus ébranlé irait se
publique de plus en plus compromise se
M on verrait se dissiper les nuages qui
ropéen.
n y a sur ce thème de bons et utiles enseignemens à adresser à
a parfiiit«iDent
t i'espèce bien
. Lorsque Cy-
, Ril^fWita Pyrr
94â vxirVE 0BS Dfeok norotts.
(KM lei'epos^otitfl se proposait de fotiflrati terme de 9es conquftes,
le hri trouva, feu suis convaincu, t[ue son conseffler s*exprimaît eh
fcomme tfû plus grand sens; thaisîl le laissa dire et fit comme devant.
L'Europe est moins inaccessible aux sages avis. £Ue réalisera donc
chez eilfe plusieurs des améliorations «[ui lui seront recommandées ,
lors(i|tte te convenance et l'efficacité Itri en auront été prouvées; mais
feBe ne saurait consentir à s'endore dans i^on tetrîtoire. Nous ne
sommes pas gens à bàlir a\itour de nous des muraîHes de Ta Chine; lofti
de là, nous ne voulons pas permettre que les autres en bâtissent, et
nous prétendons démolir celles qu'îb auraient érigées. Se mCler des
«tfféires d'autruî, intervenir chez le prochain, régenter le monde par fe
parole et par la force, tantôt par des actes individuels , tantôt par des
démonstrations des gouvememens, ici par des négociations diploma-
tiques, ailleurs à coups de canon, c'est pout la nature européenne un
{)esoiQ impérieux auquel elle n'est pas libre de ne pas céder, car les
peuples comme les individus luttent en vain contre lett tempérament.
Peut-être serions-no^s plus heureux si nous étions autres : cela peut se
soutenir par de bonnes raisons. L'homme qui sait le mieux se conte-
nir est aussi celui qui sait le mieux se contenter. Celui dont les pen-
sées et les désirs ne connaissent pas de limites a aussi des passions sans
frein; il est Rvvémix mêmes labeurs, aux mêmes soucis que le havi-
f atèur qui doit gouverner Un frêle navire sur une mer où les courans
«e croisent impétueux, où les vents se heurtent avec violence. Mais
telles senties nations européennes, tels furent les peuples anciens
^oiit noms dérfvons et dont nous continuons la tâche sur la terre,
teb nous devons être long-temps; car, sans méconnattire la bonté
«UfMrême de !a Providence, on peut petiser que c*est soù aîgufllon qui
«OBS pousse en avant, et qu'il ne cessera de nous mener hatelans d'es-
«alede en escalade, de précipice en précipice, de clîmats en dhnats»
ée continent en continent, que lorsque nous serons au bout de l'œuvrfe
^fui nous a été assignée, ceHe de dérouler et de sceller tout autotïr
die la pMnète, à travers les plus formidables obsl;adès, les anneaut
^'un cerde dliarmonie et de fratemîté universelle , et de souder à
jamais l'un à l'autre les deux extrêmes , l'alpha et l'oméga , lX)rieiQft
et Wcckterrt.
On «e ééddera pôs I^Eurtypéeii à se dore Aans le foyer dotnes=-
'^ûfàe, m même dan* te foyer de te patrie. îl \iA faut une vie pu-
-Mique agitant qu'uh^ vte pilvre; i1 doft se sentir làcteur, père noble,
jètt^e prewler, tit comiparsè, tians tm drame, et îl faut qttè dans ce
étMÉe soient «n Jeu 4es destinées de h patkle, du genre humain. ïJt
<Iii'est-ce donet fiînon Ii^ pjçfjyiYe ^ij^ r^urope est la 4éppait9ffe 4ies
destina de r^umanité ?
Je ne veux ceijtea pouit décrier ce que ina (oible y(4x a vapté au^ai^
qu'il lui était possible. Je ue veux pcÀut médire de& cbémûw de fer,
des canaux et autres travaux. publics, des améliorations matérielles et
positives en géuéral : ce que i'ai adoré« je ne le brûle pas, je Taclojre
encore* Chez nous, le gouvernement de 1830 a fait de ces perfectioor
nemens beaucoup plus que ceux qui l'avaient précédé. Il n'en a point
fait assez cependant. Il ne leur a pas i];nprimé ce cachet de généralité
et de grandeur que le Français aflectionne. Il n'a pas su les coordonner,
les conduire avec unité et ensemble. £n somme, à cet égard, soa
entreprise dirigée à bâtons rompus par des ministères constamment
menacés de mort , sous les auspices de chambrea trop disposées à
confondre l'épargne avec Téconomie, à traveiçs mille soucis, mille
exigences des partis, a été incomplète et quelquefois mesquine.
Cependant elle n'a été sans fruit ni pour le pays ni pour le prince.
Elle a augmenté la prospérité nationale, elle a valu au gouverner
ment les suffrages et l'adhésion sincère des classes (!ommerçantea
et industrielles. Continuée sur des proportions plus larges et avec
plus de perfection, unie à un vaste plan d'organisation du travail
et des travailleurs de tous les ordres, elle procurera au pouvoir un
peu de cette stabilité qu*il cherche avec anxi^^té et qu'il ne trouve
psis. La politique des intérêts matériels assurera aux classes pauvres
le bien-être qu'elles désirent, qu'elles méritent, qu'elles se savent
fondées à revendiquer en échange de leurs sueurs qu'elles pro-
diguent Elle seule fermera la bouche aux adversaires du régimye mor
narchique, qui promettent aux masses populaires des satisfactions^
devenues chères à tous, et qui, à l'appui du systèi^e républicain,
tïacent le brillant tableau de l'aisance dont jouissent l'ouvrier et le
paysan dans les états de VUnian américaine;. Chez nous, fui avQi^
u,ne dynastie nouvelle, assise sur un trdi^ dressé par le bras popur-
. laire, elle est plus qu'ailleurs une nécesailé et un devoir.
Ceci est donc bien entendu, tout européen doH vouloir les amÀ*'
l(prations positives. C'est de la politique teUe qu'il est indiapensaUe
dfen faire, de celle à laquelle doivent prêter leur c^ncouia dévoué
tous ceux quj aiment l'humanité , ton» cçux <|ui veulent que le seur-
tiiuent de fraternité gravé lentement d/an^ le& coaurs pajç le christûi*?
nismç , et mainten^Qt ea ^rain de s'introdu^e partout dans les lois
8(>us Iç titre d'égalité, devienne ujoi gj^(e de honheux priivé et 4e prc^sr
périté pj^lMiiU^, et v^JK IfijffQsmmUsfHi 4^ ^i<ie^verse<Qewiiffv«W9ir
290 BSV«» ms^ BBOt MMMRK
parla que la Pravidènee lestait' poiirkiB^peQBser'tS'iM^^
brafiser ensemble toutes^ lesrflpacëeRs» de 'PtnwiMMéf préptnmt aîfitiv
par lesiiittio»<lellioimiie{ l%nilé*lianiMmiefue4e lihcîwNiatîèffk CT^afr
pffirlà que leufs cbefe tefi mèmot. Sravêatc'esH aMfit iMi^ pou»
asiirer leur sopréuMitie au' deiM)rs^ peur aMâtadm^ e|i dépaisw lèuit^
rivaux, ou pour frapper un coup déeiriP sun l^ètranggfi qu'ils réàln^
sent des amélkmtkmti dân» toursaîâ. nè^viveBt^tantdtliM fteeielé^
rienre, que quelquefois e^estsimplemeiit le désir de gappeMès iqiplaafr
dissemens du dehors tpii règle leur» aetesde p^Hf^ue inténeiine el.
d^administratiôn intime, car nou»90flEmies^bieQ'de4»'rataie aovohe^
qu'^exmidi^ qui, au plus fortde ses vietoiress s'éariait : Que ne^fut»»
onpas, 6 Athéfnien», pourmériler vo»*éloi||;es4^ Nèm< Ffauçaîl, «ona
n*arons^ réalisé nos ptûs^ beaui perfectiômMiBens adminisDratMi qio»-
lorsque BOttstKms^mme» sentis ^tttmdéapar'l^Ml^ilio^ la^gaerre^
C'est à un sentiment guerrier que bous^ devons nette oentralisation',
par exemple; Ces jours-^i, les chambres ent voté deuX' lois- irapor*
tantes , Tune en Aveur des chemins de fifer, Pèatre pour Ih eréation
dfe paquebots è Tapeur transoMantiques; Quel^a été-rargumentie phia
décisif, cehit qui* a fait tomber dans l^mia les Uoulèsr bhmcbes^'Deiis
un cas, le développement qu'ont acquit le» oBemkiS'de ftrclies< te§
peuples^ voisins et la crainte, d'être montrés au doigtoomme^use na^
tien arriérée^, dans l'autre, la volofrté de fiflôre coneimenoe è^PAngk»^
terre sur tes. plage» dli Nouveau^Honde, el> enea^éis- guafiB-mati^
time, de lui moBti:er qu'elle se dit en vam la maitres(aede»imnh
L'industrie est uft combat contre la^nattère^brute, GMibat^toujern»-
honorable peur l^spècebumainei audacieux et toposMit^BdqueMat
P^r eHe, l'homme triomphe du monde physique^ asservît la nature
et la ploie à son* usage comme un docile esclave, instrument desett*
bien^e. Mais ce ne serait peint assm pour satifiMjpe'lè besoin' Ù^
lutter qui est dans le cœur des Eurq)éens, pour aasDiifik'' tour soîftfe»
domination. tt>leur fiiut un- adversaire^ UBrobstocle, uO'Sttjel d^eotf^
vite qui-seppésente son» la fonnehumainet 8*41 étailvtat de» nations*
européennes que« désormais* l'industrie» pàt oapler tovi' leur bie*^
être, et si en conséquence eHes se bornaient ai soin dt^choE soi^,
c'^esitiue la primauté passeraft à d*autre», et qu^eltes-mèmesi dépen-
sant le mandat qur leur avait été confié, dbnneraient teur déraissiofi;'
c'est (fu'^les avaient dégénéré. La* oiviliaatio» à laquelle non» ap-^
partenon»esttemieà s^épandreelàa{^r>aatourd>eHe. âe»ooryplléea^
ne sauraient s'arrêter pour se* consacrera parer teur demmre^et pour
faire leur Ut. Le mot d'ordre, mardie! aar^i> a'étédttpmrem;
Km$ AmMns daiw r Algérie tme preuve péremptoirede h néces-
irité Aêslmd ée fournir de raUmeut, tant tnen que Hial, au besoÎD
â*«oNM ^stértonre qui mm» tomrmeffte de même que les aetms
mikttiB de l^Ëwope. Ou ne peut raisonmliiement s^eipliqunr qae
par 4à tretre persévèrMceà retenir Alger au prix de tant d'argent et
ée 4a!Ét de mng. Ce «efrait ta plus înaigtte des féties que d'avoir eoti-
mmeé à fAlf^èrie de patieilles somnies et un sang si précieux, s*it ne
«^agissait qœ de uot» «yiproptiier et de mettre en culture la lisière,
de valeur wsetidoïKMae, «u dire de bom juger, qui est comprise
entre le pied de TAllas et la mer. Netis avons dans notre €orse trep
^uUiée, dans iee Laudes, dam h Sologne , dans la presqu'île de 4
6anQ»rgiie,«t sur d'sftitres points de l'antique sol français, de vastes
teqiaces qui , à dii fois moins de frais , eussent nendu des produits
fftos l^eaut qm tout te que parsM; devoir de long-4emp6 rapporter b
ci^levflnft Kégenee. Comnie «fbire d'intérftt maftérfel, du point de
vue duddit et avoir, nolare entreprise au nord de l'Afrique est insou-
tenable. Considérée comme ayant pour but d'accerder une certaine
satisfieidikm i un senlineÉt très vif dans te pays , celui de révéler
<»lérieiiieniefit«otree:âMonce dans ie monde, elle se conçoit, elle
^ raetive, elle se jugtifle.
Le besoin d'èctioii eïtérieore qui mme ctocun des peuples de
itVnt&pt s\esl témoigné pnr de vastes entreprises loîntaiues : tele
M l^érupÉtoh des croisades qui dtn^ deux sièdes, tel a été l'enva-
bissemei^deCkinérique; mà^ le ptas souvent M s'est déployé dans
éfm dédviveuieDs européens. AiqovrdYmi un heureux changement
s^opère; nue «éveWKeu énÂaemment fiaverable à la paix iatérieure
est en train de s'accomplir dans la politique européenne. La commu-
nauté d^ idées et des aentimens, tasolidarîté des intérêts, la facilité
«foissaifte destnetations d'an Hout de TËurope i l'autre, ont fait des
nations qurl^biteut megi^ndeismille. Peut>*6tre seron»nons encore
tëfflOias,c^fiuropeyde quelque choc ailreux; mais certainem^t^^i
k^uenre^ielotail, elle sereit de très courte durée. £tte pourrait être
sanglante, g»me dana ses conséquences ; mais dfe passerait mec rapi-
dité. LéSTtfppoils desig(Hn<0Piiemens lentre eux laiwent beau(^oup à
désirer Mieere; ils ne sont (pas en harmofiie avec les instincts des
popidetioiis i^beeucdup près, «laislts y serdnt tien tôt, paroe que la
:i«aiMondeegMvernaKaB«Tae»gouvevnés,t)ete vériliUefaoïi^yeranicté
popdiffire, fi*a ^mais été Mstfi ptfisaonte. Après le maintien de la
pffk, etiMdOE, iqoi pdorriStdMterdelaptépondârflBoe des intérêts
pWiBqtMdtosIa pétMqneteuiopieniie?'
16.
parla que Ift Ffoviaène&l6s««âait*p€W^lèft^pê«wer«ii'aiWl^6t^^
brafiser ensemble feoutes^lesrfradieRSfdb'KhuiDMMéf préparawtatniiv
par les'nifiiB»<le llionmie; l%nîlé'lianiMmiefue4e lihcilHlteatièfU CT^s^
par^ là que leufs cbefo tefi mètieot. So«v«at c*esH «Mfit iMi^ pow
asiirer leur sopréuMitm aa> deiM)rs^ pwr> aMâiodm >e|t dépais» tom»?
ritatix, ou pour fmpper un ocmp déeMr^sur l^ètranggfi qu'ite réalw
sent des^ioBéUoratkma dàn» leursaîâ. Di^vi^eBl^tint d^bM-vIe eielé^
nenre, que qnelquefoh o^estsimplemeiit le âéair de gappeMes i^iptat^fc
dteaemens du delumtpii règle leur» aete».de peIRilpie itiAéâeùm eli
d^adhrinistratiôn intime, car nous soames^ biendelv-intaie aMohe^
qn^Alexandi^ qui ^ au plus fort' de sea vietoîre»^ s'éorMt : Qtte iie>f«t»»
on pas, ô^ Athéfniena, pour mériter vo»^élagea4^ Nèm« Ffm}()iitv «ona
n*arons^ réalisé nos ptûs^ beaux perfeetiènranaiens adminiilrattti qioe-
lorsi^e Bous^notts'somme» sentis ^«idéa par 'l^ti^^lkm la^goetre^
C'est' à un sentiment guerrier que nous devons nette oentralisationv
par exemple. Ces jours^^i , les ebambres ont voté deux* kris- inqMNH
tantes, 1-une en Aveur des cbemîns de ttr, rentre pour Mi eréation*
de paquebots à Tapeur tmnsefttantiques^. Queba êté-rargument le phia
déeisif, cehri qui' a fait* tomber dans Ihmie les boutesr bhiRobes^Daiis
un cas, le développement' qu*ont acquit le» cUemkis de ib^ cbes' lèa
peuples^ voisins et la eramte. d'être montfés au doigt^oomme^mie na»
tion arriérée; dans l'autre, la voloirté de fidire eoneuffenoe è^PAngk»^
terre sur le& plage» dii Nouveau-Monde, el> en^oasdegMffB-inank
time, de lui moBti:er qu'elle se dit en vain la'maitrefleede^merav
L'industrie est uftcomtrât contre kmnattère brute, GMibat^toujattr»-
honorable peur r-espècebumatnei audaeieuxettoposMit^Bdqveiaiiii
MreHe, Thomme triomphe du monde physiqnev asservît la natufe
et la ploieà sonusage^comme'un docile esobive-, insIraaieBl de sett*
bien^e. Mais ce ne serait point asset pour sfirtfaMiPO' le beaoki' dh^
lutter qui «st dans le cœur des Européens, pour aasoufilf^ tour soif tfe>
domination, tt^leur fitut un- adversaire^ uiirobstecle^ ua^s^jel &m^
vite qui se^ppésente sous la fonnebumainet S'^^Uril vtai^dês^^natiaBa*
européennes que' désormais* Tindustiie» pàt mp^p tovl' leur btetr*
être, et si en conséquence eUes se borniûënl'ai soin dë^cbee soi^,
c^est que là primauté passerait à d'autres*, ei qu^elles^mèmesi dépen-
sant le mandatqufleur avait été confié, dbnaeraient» teur démiasiefi;'
c^t qu'îles avaient' dégénéré. La* oiviliMio» à^aqMlle nous^ «p^
partenons esf tenuoè s^épandre el k agir^otour d>eHe. âes^oorypbéea»
ne sauraient s'arrêter pour ^e» eonsaorerà parer teurdemeare'et pour
faire leur Ut. Le mot d'ordre, mardie! mafebe^f a'étédttpmir<
Km$ dmMns daiw TAIgértetiiie preuve pérempteirede h néces-
rité AÉékse de founrir de Talinieiit, tant bien que mal, au besoÎD
â*«oNm ^stérienre ipri tiotift tommieifte de oiène que les antras
mikttiB de PËwope. Ou ne peut nrisonnaUemeiit «^spliquar qae
par U netre persèyérftuceà retenir Alger au prix de tairt d'argent ^et
de 4a!Ét de wag. Ce serait la plus inaigtte des faUes que d'avoir coti-
mevé à ¥klgMt de pareilles sommes et un sang si précieux, s'il ne
«"agirait qœ de nous approptiier ^ de mettre «n culture la lisière,
de valeur wsea doiKMae , «u dire de tens juges, qui est comprise
entre le pied de r Atlas et la mer. Nous avons dans notre €orse trup
"OuUiée, dans les Landes, dans la Sologne^ dans la presqu'île de ià
Camargue, «t sor d'flttftres points de Tmittque sol français, de vastes
•espaces qui, à dii fois «Mins de ttrais, eussent nendu des produits
fftos l^eaut que tout ce que parait devoir de loag-4eRip6 rapporter b
ci-devmft Hégesee. Comme ofAnre d'intérêt matériel, du point de
vue du doit et avoir, notre entreprise au nord de rAfrîque est rnsou-
tenable. Considérée comme ayant pour but d'accorder une certaine
satisfoctiôn A un seulimcAt très vif dans le pays , celui de révéler
«wlérîeiiiement notre exiatonce dans le monde, elle se conçoit, elle
ne motive, cflle se justifie.
Le besoin d'action extérieore qui anime ohacun des peuples de
tVm&pt «\esl liénoigné par de vastes entreprises lointaines : tele
M l'^pHoti des croisades qui dtn^ deux sièdes, tel a été l'enva-
bissemei^de d'Amérique; mais le plus souvent îA s'est déployé dans
dm déeMremeDs européens. Anjo«Érd%ui un heureux efaangement
s^opère; une févoWlion éminemment favorable à la paix intérieure
est en train (te s'accomplir dans la politique européenne. La commu-
nauté d^ idées et des senlimens, ta solidarité des intérêts, la facilité
«foissante des relations d'an bout de l'Europe i l'antre, ont fait des
nations qu^lHiabitont «negraadeismille. Feut^ètre serons^ious encore
lëfflOins, enfinropcyde quelque choc aiXrenx; mais certainement, «i
te^ttOrre^olitait^, eHe serait de très courte dnrée. £tte pourrait être
sanglaute, gvtfve dans ses conséquences ; mais dfe passerait avec rapi-
dité. Lésvnppoils desigonvepuemens lentreeux laissent beaucîoup à
désirer «ncere; ils ne «ont pas en harmonie avec les instincts des
popidatiens i.beeucdup près, nais ils y serdnt bientAt , piroe que la
•féa<MondesgMVémflnaBtrileftgouvevnés,t)ete véritaUersouveraradté
popdlarlre-, ^n'a jèimais-été MmH ptttsBonte. Après le malntim de (a
paiK,enM3», ^ipcaniiiitdMtdrdetaptépendérwûedes intérêts
fWifiqtiSdtos4a pétHlqii0«ttnipiehnef '
16.
2i8 BEVUE DES DEUX MONDES.
Ainsi ^ sauf la chance de quelques collisions qui pourraient être
cruelles, maïs qui au moins, par le bref interyalle de temps qu'elles
occuperaient, ressembleraient à de simples accidens, on peut regar-
der la cause de la paix européenne comme définitivement gagnée.
Et comme il faut être juste envers tout le monde, même envers les
rois, disons hautement ici que ce triomphe de la paix au sein de
l'Europe est dû à la sagesse du roi Louis-Philippe. C*est à lui qu'appar-
tient Finîtiative de cette belle et salutaire pensée qui devrait former la
devise de la dynastie d'Orléans, et qui lui portera bonheur. Si d'autres
princes, à commencer par le vieux monarque qui vient Jôtre ravi à
la vénération de la Prusse, et des hommes d'état tels que M. de Met-^
ternich , lord Wellington et lord Grey, peuvent revendiquer une part
dans l'honneur du succès, c'est encore au roi des Français qu'en
revient le principal mérite; car lorsque la tempête allait éclater, lors-
que le Nord et le Midi déchaînés semblaient au moment de se préci-
piter l'un contre l'autre, il a eu à contenir et il a contenu le plus fou-
gueux des autans.
C'est précisément pour consolider cette paix européenne qu'il faudra
qu'on permette aux peuples européens de se répandre au dehors.
L'Europe, je le redis encore, a le tempérament belliqueux, lut-
teur, jouteur; elle aime à brandir son épée, et malgré la prophétie
d'Isaïe, malgré l'adoucissement des mœurs, elle n'est pas au momept
^e convertir les fers des lances en socs de charrue. Mais les glaives
que dirigeaient autrefois l'amour du pilltige, l'esprit d'oppression , des
haines féroces ou de hideuses jalousies, se mettront et se mettent d^à
'au service des principes civilisateurs. Au nom du ciel, que la civili-
sation accepte !
On s'y est pourtant refusé jusqu'à présent. L'esprit guerrier, à qui
on demandait des concessions sans retour, n'a donc pas cédé sans une
vive résistance le terrain qu'il a perdu depuis l830. L'hostilité a été
bannie du monde des faits, en ce sens que l'on n'^ pas promené les
bataillons à travers champs, ou que du moins on ne les a pas poussés
les uns contre les autres; mais elle est restée dans les sentimens. On
ne s'est pas égorgé, mais on ne s'est pas moins cordialement détesté.
Les congrès et les conférences ont pris la place des batailles , con-
quête Immense du génie de la paix européenne ! Mais, pendant qu'on
imposait silence au canon, que de fois les dagues ont été tirées sous
la table! On a jtu*é la paix en se prodiguant les uns aux autres les
dértionstràtions d'une antipathie tracasàiére^ brutale même entre
adversaires, d'une méfiance insultante « d'une envie sans dignité
L*£UROPE ET LA CHINE. 2&9
entre amis et alliés. Les crocs-en-jambes diplomatiques ont joué avec
une activité égale à celle de la meilleure artillerie. On a vu se dérouler
les incertitudes, les anxiétés, les inconséquences, les contradictions,
■à '
les embarras, les bévues, parlons franchement, les manques de foi et
les lâchetés qui sont inséparables des transitions mal ménagées ou
non ménagées et des positions fausses. ,
X)u moment où Ton reconnaissait qu'on ne devait plus guerroyer
en Europe, il convenait de rechercher les bases d'un accord durable
entre les puissances. Puisque la guerre européenne était proscrite, il
était tout simple de détruire en Europe les causes de guerre en don-
nant satisfaction à tous les grands intérêts européens, par l'organisa-
tion d'une association des puissances qui permit à chacune de se
développer suivant ses tendances naturelles. Au nom de la paix, de
l'harmonie et du progrès , on s'est cramponné à une politique har-
gneuse, envieuse, immobile, qui ne profite à personne et qui nuit à
tous, qui torture tous les peuples en les refoulant sur eux-mêmes.
Ainsi que l'a dit un illustre orateur dans l'un de ses plus admirables
discours, à l'occasion de la question du Levant, «on s'est attaché à
une politique d'exclusion et on a chicané là où il fallait une politique
de magnanimité et de compensation (1). » On a nié la guerre, mais
on n'a pas constitué la paix. On a voulu la bonne harmonie de l'Eu-
rope, on en a repoussé les moyens, quoiqu'ils fussent parfaitement
honorables, éminemment. propices aux tendances évidentes de l'hu-
manité, au resserrement des liens de la grande famille humaine.
Nous-mênies, Français, qui avons l'habitude de nous distinguer jfar
les généreux penchans de notre politique extérieure, nous qui étions
les plus intéressés à la p^aix et qui la voulions le plus fermement , tout
comme les autres nous avons fait et nous faisons de l'exclusion et de
la jalousiiç. Noms hous sommes mis en travers des tendances les plus
naturelles de notre prochain. Celle des Russes est de prédominer à
Constantinople^ Celle des Anjglais à Suez et en Syrie. Nous nous oppo-
sons aux Anglais en Syrie et à Suez, aux Russes à Constantinople.
Par là nous travaillons, sans nous en apercevoir, à ce qu'au lieu
d'une prédominance dont les uns et les autres se seraient contentés,
ils aient une domination , au lieu d'une tutelle et d'un protectorat, la
maîtrise.
Mais, je le r^pètç, ces fau^s manœuvres sont de celles qui accom-
pagnent néc^sairement les transitions brusques. L'Europe ne pouvait
^1) Discours de M. de Lamarline da 11 janvier 1840.
1MM RBI^W DBS tMB9K* WMlUlBS.
|tf9e>€A'Uli«HR^'t(él teftitmi ^atifgweDttte IroÉttilete^iermiia
I^ é«rof>éei«i6, de l'Mfttilite À l'ii^^
•fdtfe. L'îftèérétifieB «Me^da de ^KinCes les imisntÉceB est ^^eHesite
iMdeÉi è 4a taîeoii , et ettes s*y i^endrent. Ce doit en être fM 4e fe
poKlitpie des %mtph |MBsésv inspMe par le nkiséraUe f nstinct ^
porte les hommes à abaisser levs ^aemUabtes A tout fffn, tDémi'M
Wsmit-le saovâee de levélévation propre. Les honone^éMioeffS'qiH
gdttvernfeBt l'Europe wateot eetve lem^ poignets -les rudes vJbniK
fions d'm ressort ^i fausersrit des 4>oidevcfrseroeiis ^ l'on eorA^
Wftit it le presset sor fcri-4ii6me. ils ^yent le puti l|n^DD en poiH^
rait tirersi on lui permettait de «e étendre aa dehors sons rin(hieiKl&
d'iièepenséeci^ifeatrioe.Mr^raînle des pertorbattons;, on plutôt p«ta*
imof^ de klir paÉrie^t de rfamnanité, fc s>aeoeréeront à evrrir «Mé
earrière à ces généraitkms dont l'ordear fermente. Hs voudront ^fde
uù^t 'EniiDpe, ce petit coin dn flobe oà est concentrée tme imfSie
extraordinaire dfe lumières et d'énergie, êA les bonnnes s'entassent,
06 lesîAiagmatîons^^éehauffient, où les ambitions hidividneltes et col-
lectives, les peuples et les rois, les intérêts et les idées se fMMttt
et se heurteni, versé à Textérieiir sa force vitale en excès, ^'ils ont
tant de peine è retenir. Us le von<6tmt bientôt, on doit te croh^. S*Bs
se le voulaient pas, elle déborderait malgré eux. Tont ftiit une loi de
cette nouvelle ère d'eipanlîon ; tout est prêt povr eHe: le matériel tie
la tampagne est déjà réuni. Et quel pourrait en être, je ne dis pis
l'unique but, niais le but prineipaU le but le ptas glorieux, le plus
£gne d'ex€!iler l'ambition ries grandes âmes et des âmes remuantes,
le plus attrayant pour l'humeur envahissante et dominatrice de f EIk
vope« sinon l'extrémité orientale du continent d*Asie? Va vioteét
JnstiBct ne pots^t-il pas étik r£mépe vers œs parages? Qu*est^aoe
donc ^u'y votot fiaire en œ rfioment les Anglais?
Le «fftod pal ({ne fit la dviUsation t)ocidéntale rêrs le terme de SOb
pèlerinage autour du globe, en portant ^es avant^poi^tes de l'aiiti^
eAté de F Atlantique dskis le nouveau continent, aNfait été précédé,
eÉnMie«on l'a vu , de perfectîonnemeHS^nalés dans l'art de h naMk
gatton. De «lème, de nos jours, eHe a acKpiis des moyens pnissatis
de viabiUlé^ réellemjent autorisent à répéter, en le prenant cette
fois au sérieux et à la lettre, le mot de Colomb à Isabelle : El nttmdo
es:poea. Void vetthr la Tapeinr,oqui, de nos jdinv,,pai^ devoir «ai^
6v tes destinées du ffanie humaiin une teflmnoe eompaàible à MRe
qu'eut, il y a trois ou quatre siècles, la découverte de l'imprimerie.
Des véhicules inconnus de nos pàres^ lunespérés 'de nOuS'Wéâié^ au
coiÊÊÊieumÊsmtà^&ù sNtte, «ttiiiittMnt nniiteGfsvfe ftiyice sur tag
coMfinans-oefmne'Sif H'iae». G^esth vapMrfiirtossafiikii^^ Afeels»
ctonin^ée ftr ê<^ Iw bateaux è^mf^up, \èffb9^é& FAsie^oessé d^êb«>
ua^lMne tointatiie. PHris el LmAm ■esesl dtfà plmqs^è dëu isoisr
de Gantoft. Dan» qmkiMS^ amiées, tonq«6 la navi^MôirfiiiMitline h
vapeur, enoore ao^erccmi, sa sera déveh»ppée., et cpoe des oeotre»
€eipmameBi amrêféeRS a«Mit élé cmistttiié» sra» ie»^ ampiees da
paaka* et 4b saltan q«î eiialeiit de a^6l]rapéani96i^ eu aoita ceux de
rAttgMerre et de b BvsMe-OB de tiereea pniMaeeee, àSiayme, et
AlaaUBdrie^ èr CoB6taiilÉK>ple, qattlte ne sera- pas^ la piroihÉil& de»
deax cilîlfaaiioii» orientale et oeeîdeiitalel'
Aioai^ tors BiéMie^e CBosepe resterait à sa^ftaMi oaauBieinaiie
s*éoarteraflpa5dttbas9Hvde la MéditeiTaiiée, le grand Orient oesserail^
d^MieinaocemMe pour elle , eieNe serait en inesnre ée vefsiberaTee
lui de gré ou de foroe. MMs cette Europe est aBjeurdrinî partent. Eft
mARie tempe qa*eUe a anoîDdrî les distanoes par la« rapidité* qu'èHe
met è les fimiehir, eHe a suppriné sur la oarte lèstfoii'qaartade Pi»-
tervaHe q«î la séparait de TempRe chinois. HIe s^esItmtaHée littéral
lement sur sa frontière. La plus grande partie de TAsie est aujourd'hui
la propriété de l'Europe. L'Angleterre compte dans l'Inde acUjieUe-
raent quatre-vingt-trois millions de sujets et cinquante milKona de
Tassauj^ et de tributaires. Peojd^^ que les Anglais çen^eot W céleste
esiyéaa du côté du oûdi, \m Rimaa le pseaaeiit du cMé da iiûsd. La
BflBsie Qoeupe toet le rêver» septenèrionai (fe l'aneieir crattneiit,
jusqu'au Kemchatka , jusqu'à la mer de Bering. We pigne dm ter-
nâa t^nt qu'elljs peut de ce côté comme dju nôtre. EHe capte ou aasu-
jétit 4;lia4ue joiu de nouvel^ steppes et d'autces trifuis. Sei^ pdsaea-
siMe tadtnaphea éa la Chine veal juac^'à âQP> el aoièaie jvaqtt'à kSf
de lalitode. Par eonséqtteflt, c'est «n pays tovt-à-fiiM habitaMe, qvol^
qtt*il e'af^Ue la Sibérie , et H est facile de s'y préparer des ressources,
d*^ xéunir des approvisionoemens et une arm^.
9îen plus, raoBjée y ^déjà, et €*e^ une arasée quir wt p«fc tradî^
ticis^çQfspavt ou coilqiiîeft lecélestQ enpîif . Cette légien qnis^'e»»
gaaioe par les soins des caars est celle qui (tepuia l'oiigtee di» tempa
a été la demeure des peuples nomades et belliqueux , sortes d^. Ceq^
taures , qui ont joué uq i:ôle 4e premier or<Jre d;^3 Vbistoir^ ej^
anBaw8aant4'eapa(C!e ea^ espi^, tm%6\ à l'Oprieni, tanbàt i VOccideot^
conipie dea fléau.de Oie«, gnjjjéa pap l'aay ^rterwaaatwftdea iMilia»^
DaHtés et ém en^kea (1^.
(1) L*aD des plus grands mystères des annales du genre ftamalii*, e*estfiie osa
iSi RBTCB DBS DBfJX MOraiBS.
La Russie acoomplit dans cette contrée une œuvre dont les Eonn-
péens^ occupés de ses agrandissemens en Europe, n*ont pas soigneu-
sement mesuré la portée. Elle fait passer les tribus tartares de la vie
nomade à la vie stationnaire. Mais tout en les initiant à la civilisation ,
elle développe en eux les instincts belliqueux plutôt qu'elle ne les
amortit. Elle les enrégimente, elle les discipline^ elle les accoutume
à manier avec dextérité les machines de guerre qu'a parfectionnées
la science occidentale. Ainsi , parmi cette race d'hommes dont le nom
est invasion , tout conune celui du démon dépossédé par le Sauveur
était légion^ elle se crée un instrument qui pourrait devenir dange»
reux pour l'Europe, mais déjà redoutable pour l'empire chinois.
Par mer, la Chine est observée aussi, menacée, harcelée par les
contrebandiers qui sont les avant-coureurs des conquérans ou au
moins du commerce régulier. Les navires anglais partis de l'Inde
assaillent son long littoral. Déjà les intrépides marins des États-Unis
se joignent à eux; que sera-ce lorsque les pionniers de l'Union anaéri-
caine auront pullulé sur le versant occidental des Montagnes-Rocheuses
dans le district de l'Orégon , ou lorsque les redoutables carabines de
populations san^ lien d*attache avec le sol , sans religion ou vouées à un culte gros-
sier et rudiraentaire, sans littérature et sans science, sans qionumens d'art, sans
industrie, faibles de nombre, aient pu peser d*un aussi grand poids dans la balance
de ses destinées. Dans cette masse pour ainsi dire fluide, les ébranlemens se com-
muniquaient de proche en procbe , tout comme une vague va sans se tasser d^uae
eurémité à Tautre de Thorizon. \\ suffisait qii*un de ces flots tumuluieux de ikh
mades fût poussé par un autre flot pour que, les tribus se refoulant les unes les
autres, une efTroyable invasion vint porter la dévastation et le carnage à des
distances infinies chez les peuples civilisés. Les tempêtes survenues dans ces arides
espaces de l'Asie moyenne, se propageant ain^ au loin, ont causé lès gi^dés tévo-
lutSons qui ont eu pour théâtre, à rooeident sotte Bur»pe, à rorient la Chiuei el:les
pays qui TavoisinenL Cestde là que sont sortis, comme des ouragans Curijcui, les
Celtes et les Pélasges, les Germains et les Scythes, les Alains, les Avares et les Huns,
tous les barbares enfin, les Slaves et les Turcs. De là sont pareillement venus les
Mongols de Gengis-Khan , conquérans de la Chine ; avant les Mongols, les Hioung-
Nou, qui comme em s^étaient portés à rOrient, et même, au dire de quelques éori-
Vadnsi, auraieni pénétré dans TAmérique du Nord, chassant devauteux des essaims
de peaux-rquges; après les Mongols, les Mandchous, qui de même se sont emparée
de Tempire chinois, où ils régnent aujourd'hui.
Un des plus curieux livres d*histoire qui aient été publiés depuis quelques
années, est certainement celui de M. A. J^rdot sur les Révolutioni des peuples de
VAsie fnoyenne. L'auteur a clairement montré quelle avait été Tinflueuce des migra-
tiens de ces peuples sur Tétat social et politique de TEurope , et même de rorient.
n a jeté ainsi beaucoup de lumières sur les causes première^^ des grandes fra^sfor-
maUotts que TEurope a subies.
LAi>CHnii. 253
la vallée du Missiasipi auroetpOBBSé jusqa'en Californie (1) la con-
quête- vaillamment commencée la» Teus? Que-seiay^e lorsque les
Bonriireas archipels de la Polyoéiie, qui »'édtelonneiit dea Pfadjp-
pines «ax Iles Sandwîdi, et àe celle»c)à k NouveHe^ollaade, fécon-
dés par le bHteau à vapeur maritime qui semble avoir été créé: pour
tenr usage, auront été un peu plus compèètement colonisés par les
entreprenans essaims que la race anglaise expédie partout du fond
4e la erande-Bretagne ou des rivages de l'Aménlque du Nord?
On se préoccupe beaucoup de rimmioence. d'une «olliw)n au coeur
de l'Asie, entre l'Angleterre et la Russie. L'esprit de lutte qui anime
les Européens poarra occasionner en efTet un choc entre ces deux
pnissances; mais je ne puis croire qu'elles s'acharnent l'une après
l'autre et se déchirent long-temps. Je dirais qu'elles doivent s'en-
leadre en Asie par la raison qui fait que les larrons s'entendent, si l'on
pouvait qualifier de larcin les empiétemens qui servent la cause de
la civilisation. Il y a place au soleil de l'Asie pour toutes les deux; il
y a une suf^sante proie pour les rassasier, pour les gorger l'une et
l'antre. N'estr-il pas probable, au contraire, qu'après s'Hn observées,
mesurées un instant peut-être, au lieu de s'entredétruire, elles se
réconcilieront en faisant payer à l'empereur du Milieu (i) les frais du
traité de paix?
On sait quelle sensation a excitée chez les cabinets de l'Europe
occidentale la mission de M. de Brunow, tendant à raccommoder Lon-
dres avec Pétersbourg, en coupant en deux, comme la tunique d'un
mort , le ci-devant empire ottoman , et en allouant aux deux nations
rivales Alexandrie et Constantlnople, qui en effet leur siéraient bien.
Il y a beaucoup de motifs pour que cette transaction soit déplaisante
à d'antres nations de l'Europe, et notamment à la France et à l'Au-
triche; de ce jour-là en effet, si tes autres puissances n'obtenaient pas
chacune un lot semblable, quelque hatnle que soit lecabinet de Vienne,
quelque vatllaiis soldats que soient les Français , il n'y aurait plus en
Europe que deux puissances; la France serait l'humble suivante et
servante de la Graude-Bretagoe ; l'Autriche serait la vassale des Uos-
•covites. Mais le pacte doit être tout-à-fait du goât des deux hautes
parties contractantes, quoiqu'on assure que l'Angleterre n'en veuille
tie des villages peupUs par des éniiBraus
ouri on c«1ai d'ArkaDsas. Des caravanes
rovlnces sepIeatrJonales du Ucxiijue et
is de l'eDipire chinois.'
ip9ti etiteftdneirtMtr. Biâiiides cmditiditt-fiMil iBfjâiaiB peur qaMl^tie
46iiip9»4iffiéfA>nm à a^oution run ideees ^jMf», à la -barbe 4es
tibi%^ aBÉ6iiiiei€dlii>€i VagFBQdhfteiiC d'un p6uce, 4éw le-eas oii,«e
«enfenlMitfdlM'Ia/politktiie néfii^ejoti eschisive, tk se pvoebaie-
mieùtrpaè la ;tN>lÉtii{iie 4e oempeffMtîott «t d'éipaoMèR^ et se^la
feraéesi |ias préimiDir à 'tour profit ^o^mme à o^ des^tomc féato
de la terne ferme ret de -la mer. PremièrëRieet, il feut que l'Autriehe
et IftFrafice*^ tieMent bieh serrées Time eoBtre ratttre,iKniob9tant
t'JtaUe, ^i feitf>hisi]tte les séparer, ear eUe les divise et doit eon-
tîDuer  les diviser tant qu'aies s^en tteodroiit à la pobtique d'exehi-
sion; secondement, ^e la>Fraooe soit biea unie, bien ordemiée>et
bien ealme ehei elle; troisièmement, que la tiaute prudence deTirti-
triche s'aeeommede d'une attitude guerrière et de la possibilité d'4Uie
conflagration eorepéenne; quatrièmement, que Tislanusme soit de
force À jouer le rdie d'intermédiaire obligé entre l'Asie et TEurope,
en dépit de la.présence des Anglais dans l'Inde, des Russes tovt ati-
tom* de la mer Noire, des uns et des autres sur le plateau central de
l'Asie et autour de la Perse, et qu'il ne meure pas de sa beUe mùti^
en tant qu'empire, entre les bras de eeu& qui prétendent l'opposer à
deux colosses senaèlables à la Russie et à l'Angleterre. Le programme
de ces conditions, toutes pourtant sine qua non, n'est pas aisé à rem-
plir. Il y u donc de fortes chances pour que la proposition Brunow,
après avoir été repoussée une fois, deux fois, dix fob, soit reproduite
One omième et acceptée, puis réalisée, et pour que nous assûtions
ainsi à Me seemde représentation d'une Pologne mise en pièees, au
profit de la ^Russie et de l'Angleterre.
Or, ce qui peut se- foire en Europe aux dépens de la Turqme^peut
s^efTeotuer aussi bien en Asie aux dépens de la Chine. Le céleste
empire, malgré son innombrable population, parait médio^edfient
capable de tenir tète à la tactique européenne, et il n'a pas près de lui
des tiersen mesure de l'aider, comme en Europe l'Autricheet la France
pourraient servir depuissansaiailiaires au sultan et à Méhémet-Ali.
Les Tartares connaissent le chemin de Pékin: ils peuvent y revenir
avec le drapeau russe, tout comme ils y sont allés avec l'étendard
mongol ou mandchou ; il n'y aurait de changé que le nom de la horde
et son degré de culture, ainsi que la perfection de ses moyens mili-
taires. Les flottes anglaises prendraient Canton entre un lever et un
coucher du soleil. Considérée comme objet d'une conquête ou d'une
tutelle intéressée, la moitié de la Chine vaut infiniment mieux que
tous les domaines des Osmanlis ensemble. Conçoit-on l'incomparable
L'KIIOTB BT la CffiNB. MS
dientelle que foimeraient pour les manafactiues de Manchester, de
Leeds, de ShefBeld et de Bhrmingham , 360 millions d'hommes indu»-
trienx , amateurs du bien-être et même du luxe? Je laisse au lecteur
le soin de décider si ce n'est pas une de ces tentations auxquelles ne
peuvent résister long-temps les Anglais, eux qui en sont maintenant
à chercher des débouchés pour leurs fabriques jusqu'aux sources du
Niger.
La préyision du rapprochement étroit des deux civilisations ou de
leur fusion en une seule inspire cependant un souci profond. On ne
voit pas le rôle qu'y pourra directement jouer notre patrie. Dans ce
drame <||ii «*|cf ofipItmplHS Wi laoinfi laid , plq$ ou moins. tM, mais
qui né^ peut beaacottp êtr^ ^^mitié^ car le pp^togw est eomn^ncé
déjà; dans cette épopée qui effacera par ses proportions tout ce
qui s'est opéré sur la terre, et qui sera plus extraordinaire encore
par l'échelle de ses bienfaisans résultats, il y aura une place sur le
premier plan pour une puî$$aiice «otitinfentale ; mais sera - ce pour
nous? Il fut un temps où Ton pouvait croire que la Méditerranée
allait devenir un lac français. L'homme qui lui avait donné ce nom ,
après avoir, de ses mains ou de celles de ses lieutenans, planté le
drapeau tricolore à Malte, a Corfou, à Alexandrie, conçut l'audacieuse
pensée d'attaquer l'empire ottoman au cœur; et, il a eu raison de le
dire, si on ne lui avait barré le chemin à Saint-Jean-d'Acre, il ne se
fût arrêté qu'à Stamboul ; l'empire franc fondé par les croisés sur les
rives du Bosphore eût été ressuscité. Maîtresse d'Alexandrie, de
CMsÉanlinople el du goKé Persique, la France, du fond de l'Occident,
auFttit tenu les trois clés de FOrient le plus reculé. £He eût été non-
seutement la reine de la Méditerranée, mus ceUe du monde. Ces
clés ont toutes échappé à nos mains. Noire étoile a pàK , et une autre
s'est levée. Le prince putesant dont l'un des bras est au fond de fai
Baltique , l'autre aux portes de Conslanttnople , à qui appartiennent
la mer Noire et la mer Caspienne , et dont l'étendard flotte d'une
eltrémité à l'autre de l'Asie septentrionale, celui-là semble être le seul
homme continental qui ait à dire un mot décisif dans cette suprême
question du grand Orient. Astre brillant de la France, pourquoi es-tu
tombé du ciel , et comment pourral»-tu y remonter?
MiCHSL CHEVAilER.
I I ; r I , . - ■ • ,
LA PEINTURE
ET LA SCULPTURE
EN ITALIE.
De curieux calculs ont établi que, depuis les premiers t^emps de la
renaissance , Tltalie avait dépensé à bfllir et & décorer ses églises
une somme égale à celle que produirait la vente de sa superficie
tout entière. Il n*est donc pas surprenant que, pendant près de
trois siècles, ce pays ait été le sol classique des beaux-arts. Les
germes qu'une latitude heureuse y avait déposés s*y trouvaient fé-
condés par la superstition des peuples et Fintelligent despotisme de
souverains viagers qui ne voulaient pas mourir tout entiers; la piété
des uns, la politique des autres, la vanité du plus grand nombre,
contribuèrent à la fois au rapide développement de Tart, qui leur
dut bientôt une splendeur sans égale.
Les deux tiers des richesses d'un pays se trouvent d'ordinaire
entre les mains des vieillards. £n Italie, à Rome surtout, ces riches
vieillards formaient l'aristocratie de la nation. Beaucoup étaient dans
les ordres; la plupart croyaient sincèrement. Habitans d'un pays où
l'homme est naturellement passionné, et vivant à une époque de
LA PEINTiJRE CT TA'SCULPttTIŒ ÏN ïtALIE.' 25T
relflchement singalier, tous avaient beaucoup péché dans leur jeu-
nesse, et avaient, sinon des crimes, du moins des fautes à se faire
pardonner. Ils bâtissaient donc des chapelles et des églises qu'ils
ornaient magnifiquement. Ces fondations remplaçaient chez les chré-
tiens les sacrifices eipiatoires du paganisme. Les gens riches de la
bourgeoisie imitèrent l'exemple des patriciens et des dignitaires de-
l'église. Au lieu d'immoler cent bc^ufs îioira'su^ l'autel des dieux in-
fernaux, ils commandaient de belles statues ou de précieux tableaux
qu'ils plaçaient dans l'église nouvellement b&tie. Les motifs et le but
étaient semblables, le résultat fut différent. Le crime et ses expia-
tions profilèreat surtout à l'art , et de ces sacrifices d'un nouveau
.genre 11 resta autre chose que la cendre des bûchers et les ossemens.
des victimes.
Les profanes et les incrédules, car il y en eut de tout temps, se-
condaient d'une autre manière ce mouvement de fécondation. Cher
eux, la vanité remplaçait la foi. Un banquier qui avait fait fortune
élevait un palais qu'il décorait avec une magnificence royale. C*est
à cette époque qu'Agostino Chigi fait construire le joli casin de la-
Farnésine et choisit Raphaël pour le décorer. Ainsi le vaniteux ca-
price d'un banquier nous a légué les charmantes fresques de Psyché
et de la Galathée,
De nos jours, il y a peut-être autant de bons croyans en Italie que
du temps de Raphaël ; mais la plupart de ceux qui croient sont pau-
vres, et les riches n'ont pas trop de leur superflu pour empêcher les
autres de mourir de faim. L'époque est aussi plus raisonnable. On
Ta dit depuis long-temps, Luther a tué les arts en tuant les abus. On
ne fait plus que de rares folies : les classes supérieures de la société
sTobserVent, sont rangées, et au lieu des crimes et des gros péchés
d*àutrefols, elles n*ont que des peccadilles à expier. Il n'y a plus en
effet que les pauvres diables qui empoisonnent ou qui tuent; le
crime a perdu sa grandeur, a dérogé et s'est fait peuple.
D'un autre côté, si la vanité a toujours son empire, elle est impuis-
sante à créer les mêmes prodiges. Il y a bien encore dans Rome
quelque riche Agostino Chigi qui bâtit des palais et dépense fort
libéralement son immense fortune; mais le faste, plutôt qu'un goût
délicat, préside à la décoration de ces édifices. Est-ce la faute du
fondateur? Ne serait-ce pas plutôt une triste nécessité de l'époque?
Où trouver un Raphaël pour les orner de ses chefs-d'œuvre?
La peinture, en effet, eist à peu près morte en Italie; Camuccinî
à Rome, Benvenuli à Florence, Appiani, Bossi et Sabatelli à Milan,
258 BZTUB BBS PKJX liOM)BS^
soat les derniers pei&lres de ce pays qui aieat obteim bdc terkàim
vogoe. L'Europe a entendu proBoncer leur bob»; tes ttalma les f»^
gardent comme de grands artistes. BenTenoM et Gamuedni oui Ml
école , et comme ils étaient à peu près sesh , Ha oot Caeilefliient
tBOuvé moyen de s*enrichk; mais leur réptlatton et leurbrtBBene
prouvent qu'une sente chose : la déendesce de Tart et le maamiia
goût du public. Applani et Bossi, te copiste du Cénacie de LéBBflrA
de Vinci , ne se sont pas non plas élevas an^^dtessBi du nédieere;
SabatelU , mort il y a qoelques aoBées, est le seul ées trois Mitanaia
chez qui on ait remarqné des échirs de génie.
Quant aux peintres que l'on appelle en Italie de second ordre, noBS
ne savons vraiment à quel rang les classer; tb oecfqpeet ces eflpaeea
ternes qui s'étendent du médiocre au pire. A Milan , le noori^re de ces
peintres est considérable, et la plnpart eB soBt encore à copier D^id
et Girodet. MM. Hayea , Carlo Arrienti , Luigi Bisi et Feraoim aes<iBt
cependant séparés du gros de la troupe , et depuis qvelques années
imitent la nouvelle école française. MM. Hayei et Carl0 Arrienti pd-
gBcnt riiistoire et le genre, MM. Bisi et Fermini le faysage et
l'architecture. MM. Bayes et Arrienti, que keucs eembreex adorfre*
teurs ptaoeBl en télé d'une nwvelle école lofldbaide et ptodameifei
les restaurateurs de 1^ peinture milanaise, ne sont qie de pâles i«M^
tatcurs de la manière de MM. Scheffer , Detarocbe et antres. Ha pei-
gnent comme eux des sujete dramatiques eaq^untés à l'histeîre du
meyen-àge , mais ils sont loin d'avoir le même talent d'eiécutîofi.
Les deux Fotcari de M. Hayez et VAzzo et la Parùina de M. Carlo,
Arrienti ont en cette [année les honneurs du musée Bréra; ces
tableaux , exposés au Louvre, se seraient perdus dans la foBle et n'eu*
raient valu à leurs auteurs ni mi éloge ni une critique. MM. Hesse^
Sdiefier et Devéria sont de beaucoup supérieurs à ces peintres de
meyen-àge à Milan ; ils ont en outre le mérite d'être venus les pre*
miers. Ce que nous vêtions de xlire des peintres d'histoire et de genre
peut s'appliquer aux paysagistes et aux peintres d'architecture; si les
premiers ont oublié Léonard de Vinci , Luini et Corrège, ces der-
niers se souviennent peu du Mantègna et de Canaletto, et certaine-
ment , au lieu de se traîner à la remorque de l'école française mo-
derne et d'en suivre les capricîrases évolutions, ib eussent mieux
fait d'imiter ces chefs de la vieille et magnifique école lombarde.
Bologne a ses peintres comme Milee. M. Pietro FaruceUi est le
plus renommé de ces artistes^ C'est un homme d'une merveilleuse '
facilité qui peint dans la maoîère de Tiépelo; disons-le , c'est plutôt
LA PEINTSM-Cr L4 âOJUnmE^W ITALIE. 819
no grand, dicocateiir qu'un véritable.peiotre d'histoire. sBologoe a de
plus uagrand. nombre d'ouvriers de Uleot, car nous ne pouvons pas
donner le nom d'artistes à. ces. peintres que M. Guizardi, l'étonnant
pasticheur, a enr Aies sous sa bannière. L'art« pour eux , n'estjMis même
•une honnête industrie; c'est un métier de ianssaira, ou lephis habile
est celui qui trompe Je mieux. Non contens de. pasticher les vieux
maîtres^ ils copient littéralement leurs compositions ignorées sur des
toiles ^n lambeaux ou des panneaux vermoulus; puis, quand ils ont
soigneusement sali leur ouvrage, ilsprofltent de l'ignorance des con-
naisseurs de passage, russes ou anglais, pour vendre ces copies comme
de précieux originaux. Beaacoup de cea étrangers sont dupes, mais
beaucoup-aossi ne sont trompés que parce qu'ils veuleqt bien l'être.
M'est-Kîe pas une véritable benne fortune que de pouvoir enrichir sa
galerie de Saint*Pélersbourg ou de Londres de tableaux du Gorrège,
de Raphaël ou du Garofalo , qu'on a eus pour rien?
A Florence, du moins, le cuRe de l'art est plus pur, et il n'y a de
procès à faire qu'à la médiocrité des artistes. Benvenuti , le lourd et
triste déoorateur de la coupole de Médicis à. fian-Lorenxo , a été
enseveli dans son triomphe; il se repose sur ses lauriers et fait bien.
Bezxuoli a d'abord timidement imité Gérard; nuintenant il cherche
la manière précise, ornée, mais un peu vulgaire, de M. Belaroche,
auquel il semble avoir dérobé ses derniers tableaux, mais surtout 4a
Mort de Strozzi. HM. fienvenuti et Bezxuoli sont tous deux à la mode
depuis nn^nartde siècle; leurs admirateurs et leurs élèves sont nom-
breux, osais l'espoir 4e la peinture n'est pas là, et «i Florence est
peuUêtre la seule ville de l'Italie où cet art semble appelé à de nou-
velles destinées, ce sera moins à ces artistes qu^à cette jeune école
de dessinateurs qui remontent sévèren^ent aux grands et étemels
principes de l'art , et qui s'inspirent à la fois de Masaccio, de Fra
Angeiico et de la nature^qu'elle devra sa résurrection. L'amour de la
nouveauté les ramène au sii^ple et au vrai , et déjà , parmi ces jeunes
gens, on cooppte de. grands dessinateurs, en tète desquels nous pla-
cerons H. Carlo deUa Porta. Qu!ils 4eviennent aussi habiles coloristes
qu'ils sont bons dessinateurs , et l'école florentine n'aura pas dédiu.
Ces jeunes artistes, un peu mtolérans.comme la plupart des nova-
teurs qui débutent, poussent sans doute le rigorisme trop loin. Il en
est paraû eux^ regardent un voyagea Aome conune la plus péril-
leusedes épreuves, cette ville passant à Florence .pour la corruptrice
du goût, a Nous nous y perdrions,j» disent^ils naïvement. Si le Bemin
et son école, qui, dans le courant du dernier siècle, ont gâté la plu-
180 RI¥VB BIS VEWi ÊÊOsnS.
part des moiramens 6e Rome, motivaient seiih ces craintes , nous
les regarderions comme fondées ; mais il est tels de ces messieurs
qni font remonter la décadence à Raphaël et à Micbel-Ange, et qui
redoutent jusqu'à l'influence des ouvrages de ces sublimes corrup-
teurs du goût, de ces chefs de l'école matérialiste, comme ils disent.
Libre à eux de spfa-itualiser l'art; souhaitons néanmoins qu'ils le tien-
nent toujours à la pprtée des sens, car nous croyons fermement que
la peinture, tout «n plaisant à l'esprit, doit, avant tout, satisfaire les
yeux; souhaitons aussi que des artistes d'un vrai talent renon-
cent à ce fatal système d'exclusion qui rendrait inféconds de beaux
germes que le souffle vivifiant de la liberté peut saul développer :
qu'ils songent bien qu'ils tiennent entre leurs mains l'avenir de la
peinture en Italie, et qu'ils se hfttent de se départir d'un rigorisme
mesquin qui, au lieu des restaurateurs de l'art, ne ferait d'eux que
les cruscante de la peinture.
Les novateurs florentins se sont donc éloignés de Rome avec le
même empressement que d'autres mettent à s'en rapprocher; b
dégradation qui afflige l'art de la peinture dans cette ville, où jadis
il était si florissant, pourrait seule leur servir d'excuse. Cette dégra-^
dation est inimaginable, et l'on ne peut s'eû former une juste idée
qu'en parcourant les salles nouvelles du Vatican, en voyant à quels
hommes il a été donné de continuer l'œuvre de Raphaël. Les salles
de la bibliothèque sont le monument le plus curieux de ce genre.
Ces salles sont décorées d'arabesques, et de peintures à fresque
représentant les principaux évènemens qf i ont signalé la vie si agitée
du pape Pie VU. Le sujet, comme on voit, ne manquait ni d'intérêt
ni de grandeur; l'artiste chargé de ce travail n*a trouvé là qu'une
occasion de couvrir les murailles d'une suite de ridicules compo-
sitions bonnes tout au plus à servir d'enseignes au spectacle de Cas-
sandrino. Ordonnance, dessin, coloris, tout est à l'avenant, et les
allures de ces petits personnages d'un pied ou deux de haut soât
tellement comiques, qu'il est impossible de ne pas éclater de rire
devant les scènes les plus sérieuses d'un drame où un pape joue le
premier rôle. Le très faible plafond de Raphaël Mengs, qui orne une
de ces salles, gagne tellement à ce voisinage, qu'on le prendrait pour
an chef-d'œuvre.
Les fréquisntes expositions de peintures modernes qui ont eu lieu
dans cette métropole des arts offrent un spectacle d'un autre genre,
mais non moins singulier. L'hiver dernier, par exemple, nous vîmes
à la porte du Peuple l'une de ces expositions payantes, au profit.
LA PBINTURB BT LA SCULPFUSB BN ITALIE. 9M
des indigens de la ?ille. Rosses, Saxons, Suédois, Anglais, Suisses,
Prussiens, Hongrois, Italiens, s'étaient empressés d'y envoyer leurs
ouvrages, et, disons-le en passant, parmi ces tableaux venus eii
quelque sorte des quatre coins de TEurope, il eût fallu chercher
long-temps pour trouver, je ne dirais pas un chef-d'œuvre, mais une
œuvre supportable. Quant aux Romains, on ne se figurerait jamais
par qui ils étaient représentés dans ce congrès de tous les peuples :
par deux ou trois.mauvais peintres de paysage et d'intérieur, et par
trois femmes qui font des copies sur porcelaine, d'après Raphaël et
le Corrège (1). MM. Camuccini et Agricola ne laisseront donc pas
d'héritiers.
M. Camuccini jouit toujours à Rome de la même célébrité que
M» ^nvenuti à Florence; c'est le Raphaël du siècle, disent ses conci-
toyens ; nous le nommerions , nous , le David de l'Italie. H. Camuc-
cini n'a été en effet que la doublure affaiblie du peintre de Brutus
et des Horacesy dont il a naturalisé l'école par-delà les Alpes. En
France, il se serait placé naturellement à la suite des Guérin , des
Lethiere, des Meynier et des Menjaud ; à Rome, par ce temps de
décadence et de pauvretés, il s'est trouvé au premier rang. H. Camuc-
cini n'est, à proprement parler, qu'un artiste habile qui travaille
raisonnablement ses ouvrages et vivement ses succès, et qui a eu
autant de savoir-faire dans ses salons que dans son atelier. M. Ca*-
muccini est l'analogue de notre Gérard; homme de goût avant tout,
si son talent a paru contestable, les grâces de son esprit et le charme
de ses manières l'ont fait ranger au nombre des plus aimables Ro-
mains. Un honune d'esprit , doué d'une certaine dose de talent , passe
passe aisément auprès du vulgaire pour un homme de génie; il n'est
(1) Voici la curieuse statistique de celte exposition : quinze on vingt Allemands,
Saxons, Suédois, Prussiens, Suisses ou Hongrois, parmi lesquels le portraitiste sué-
dois Sodermali , Taquarelliste Blayer et F Allemand Schubert , auteur du Bon Riche,
méritentseuls une mention particulière; troisAnglais; un Français inconnu, les artistes
français de quelque valeur qui habitent Rome 8*étanl abstenus; une vingtaine d*Itt-
liens des provinces, Piémontais, Padonans, Toscans, Bolonais, Génois et Napolitains,
imitant les peintres de genre Léopold Robert et Horace Vemet, les peintres de por-
trait Kinson ou Dubufe, les peintres de paysage Gaspard Poussin oti Claude Lorrain ,
le plus grand nombre dénués de toute valeur et n*imitant personne; enfin, les Ro-
mains Facetti et Castelli, qui en sont encore à pasticher Michallon; Porcelli, qui
voudrait imiter Granet , et M"** Clelia Valeri , Bianca Festa el EoricbelU Narducci ,
qui toutes trois font des copies sur porcelaine. Je demandai pourquoi les peintres
il^histoire romains n*avaienl rien envoyé k celte exposition. — « Par une raison bien
simple, me répondit-on; c*est qu*il n*y a pas de peintres d*histoire à Rome. LandI
^t Camuccini ont entetré It synagogue. »
TOMB XXIII. 17
doBGpBSMriNrwaiii qneîleS'noiQbreiu «nrisde'M. <2ainiio6ini l*aimt
.pfoclanéle.iirfmier dasipoiotMS'de Tépoque. A Mtie avi», MMe
lépoiaiîoQ est 'quelque pea^usurpée.
M. CannacdM,.pvatîeieo«xOToé, dessinateurpréois, et quieatewl
é merveille la»ptrtte-tnalérielle de 4*art, a débuté par faire d'exee^
leetea eepiea des fiaada maîtres <ie réoole romaine. On cite de M»
daM œ geore^ un vérilable tour de force. La fauieose DépoêHkm de
croix de If îcbel^nge de Caravage éif it au nombre des taUeaox que
laTÎetoire afaitais entre les maws des Français et allait être envoyée
à Paris. M. Camuccini en fit la copie en vingt«aept jours, et oeUe
copie, d'une fort belle eiécutîon, rappelait d*une manière frappante
l'énergique grandeur et l'expression passionnée de l'original. M. Ca-
muccini reproduisit avec un égal bonheur plusieurs des tableanx les
plus renommés de Kaphaël ; mais lorsqu'il puisa dans son propre fonds,
il^fut moins heureux, et ses grandes compositions, si vantées, sontde
très médiocres ouvrages. La Mari de César, la Mort de Virginie^ Cor-
mlie, mère des GraequsSj le Banquet des dieux au palais Torlonia, et
sept ou huit autres grandes po^ de-plusieurs centaines de pieds car-
rés, nous reportent, pour la manière et le choix des sujets, attxbeasx
temps de l'école de David. La Mon de César est le meilleur de ces
tableaux , que ^ Brulus condamnant sesfils^ de Lethiere, semble avoir
tous inspirés. L'exactitude historique esta peu près le seul mérite de
cette composition dont l'ordonnance est trop compassée. Aien déplus
froid en effet que ce groupe des conjurés à l'œuvre; rien -de moins
naturel que cette figure de César qui tombe en étendant les bras, fie
sont des acteurs qui répètent leur rôle derrière la rampe d'un théâtre,
et l'on s'attend à ce que tout à l'heure de pompeux alexandrins sor-
tiront de leur bouche. Le seul de ces personnages qui laisse un sou-
venir, c'est le faible Cicéron, ce type de l'irrésolution politique;
tandis qu'on frappe le dictateur, il reste assis dans sa chaise curule,
n'osant s'opposer ni du geste ni de la voix à un assassinat qu'il dé-
plore et dont il calcule déjà toutes les conséquences , mais surtont
les conséquences qui peuvent le toucher.
La Mort de Virginie , Comèlîe ^ mère desGraequeSy la Continente
de Scipion, le Banquet des Dieux ^ sont de ces œuvres d'une médio-
crité transcendante dans lesquelles on trouve peu à reprendre et
encore moins à louer. Ce sont des scènes des tragédies de Campistron
BU de La Harpe transportées sur la toile. L'ordonnance est eduTe-
nable, le dessin correct, l'exéetition Irréprochable; il n'y manquie
qu'une seule chose : la vie que le génie seul peut donner.
LA PEiimjM n ik mnMwm m itaub. M»
M. Agpicoto t Tuft dea 6lè»#ft de c» itou et faoUnfB» BiÉtoit, mm
dffiMit des kçDM dja goâl a« «ai^iwli de •enws, el ftiiftl Imt do
bnûU ftoiDe vers. 1^ fiji du derptot aiiaK 4 été le wôdmtamféào
M, GamofieittL liL Afprieele a e«iMMiQ4, #MMit sm nailne, pav
peindre des^porliraitoii |Miis H se miâ sasmvMl à la iiBtIe éi RephaH
e( d'^^adi^ del Sai)tp^ ^ se 81 le paiatw des iMdairafl^dM
C^TieEges^ de M» Agrieola, sooiL bMOflMp tnopî neudaines,; ee seat
d» t^rtestnes et ooqiaetlea beaiité» dw» teftjfteMeB it tf ert ya»^ pefttifcf e
d^i^ouiieptoœèeed*un ];)jie«failitf>aw«.M.A9 kapfcaël*
pekrtre des «adonnes de Fetigon tl^BaMai(Qλ, o# <pa V. CaafMie-
einaa» à Raphaël, peintre do ekAtinaot d'Héliadiirev d*AMik o«
de b bataiUe de ConataiiAiii eoakier MiMMe^ C'mI w iobe-SaîMeel
d^uroé qni ee répèle (|ii*iiii aaot d'«ft diacQMBft>
A MUan, à Veotoe, à Ftoreage et à Beeie, j^'ai ooeseMé beameeiif
d'homioea de gaâi aii sujet de celle piefbode éjc^tjMffù de^ l' arU Les
Milaiiais me répiRidaieat : Ceameat v^teft-vous yie, sms- lie gou-
vermmeat de proGoasuls avares B[iétiiedMpie»el fiatda« les ar^^Gis-*
sent aueui^ pregris? Les gens qui lésitteat sur tout, ^ font «eu»
de Vienne leurs épingles et leurs liafttoefl d'habita, «ImI guère de
ûmm 4 d^enser peur aieheter des^ taUeaux. — Lfb peinture, c'est
du superOtt, me dl^it ui> Vénitien , el c*est toirt m fhm ù nos
faaûHes nobles ont le néeesasioe. Ln grandie affaire pour elles, e'est
de ne pi^ owiffir de CaioB , d'enq»ècber teursr pninia de s^éemuler
dans les eaunux; les maçons el les boulangera euHMivient la meU-
leure partie de leurs revenus. — Reodes^^BMiua la lîherlé et les pa»-
sious fartes, et nous aurons eneore 4» gramb astiatoa> voue disent
les Bolonais. — Que nos grand» seignem^ et non baocfuiurs soient
moins avares, et nos aeadémiaens aioins intoléransr; qu'ils fassent
un plus noUe usage de leur amour-propre et de leur aeienoe; qœ
les una préfèrent les jouissances de Tespant et du goAl à la satisfao-
tîoD de pamUre; que les autres ouvrent la porte un peu plus grande
à rkntelligence, et vous verrez renaître une noufeHe génératiM de
peiirtres de génie, vous répètent les Florentins. Les Romains accu-
sent leur gouvernement égoïste et leur pauvreté; les Napolitains, le
matérialisme des gens riches et la trop grande vivacité ialeUeduelle
de leurs artistes, qui exakt la patience, vertu sans laquelle le génie
n0 peut prendre son entier déveton^emenl. A louÉes ces causes de
misère et de stérilité, il faut en qauter d'autres qui les dominent et
qqi ne sont pas moins réeHes, l'espèce de décadence naorale des
divers peuples italiens^ leur prostration chaque Jour croissant , et hi
17.
perle de leurKbeirté. -^ Si ndttâ ii^*voM (fta^ de' grands peintres,
disent tristement quelques ftmsietirs fatalistes, €*est que ce n'est
ptos la saiion. ^Ce tnottésutnè tont^et^en le prodonçbnt, tmiM
qu'ils comptent sar 'l*8(ve«ir, €it q«*lls est)èrefrt que la saison re?iendhî.
Les artistes qa'^R amodr-propre ridicule n^aveuglepas, et qèl,
pour avoir couvert quelques pieds carrés de toite, ne se croient phs
ëes Micliel-Ange ou éeê Rfapliaël , sont presque tous du mèitie avis; ils
avouent firancliement leur infériorité, ^ Ils l'attribuent tout naturel-
lement au manque d'emploi de leur talent. — On n*ahne plus la
peinture, disent-Hs; fiiut^H faire tant d'efforts pour contehter'des fn-
différens? — La désespérante supériorité de ceux ^ui les ont précédés
dans la carrière, la comparaison écrasante des chefs-d'œuvre consa-
crés qui remplissent leurs galeries, les jettent aussi dans une sorte de
découragement atonique qui tend encore à accroître cette paresse
naturelle aux peuples méridionaux. L'entraînement du climat, la trop
grande facilité de la vie, qui ne leur permet pas de connaître le prix
du temps, le manque absolu d'émulation , le défaut d'amour pour
leur art , qui pour eux n'est plus qu'un misérable gagne-pain , con-
damnent bientôt à la médiocrité ceux qu'un premier succès, un
accident heureux avait un moment fait sortir de ligne; ils songent
moins à se satisfaire qu'à plaire à la foule, dont ils étudient les ca-
prices et les grossiers instincts. Si chaque jour l'art de la peinture
dégénère et se corrompt, si l'indifférence des gens riches et puis-
sans , si le mépris des gens de goût ont pris la place des enconrage-
mens et des éloges d'autrefois, les artistes doivent s'en prendre
plutôt à eux-mêmes qu'au système de gouvernement et ati plUs ou
moins de libéralité et de goût de leurs patrons. Leur art , qu'ils n'ai*-
ment pas, les trahit; le public, qu'ils méprisent, les abandonne.
Ce qui vient à l'appui de ces considérations, c'est quefltatie, qui
n'a plus de peintres, a encore des architectes et des statuaires;
ceux-ci ont pris leur art au sérieux et l'ont aimé avec passion ; l'art a
répondu à leurs avances et leur a été fidèle. Ces architectes et ces
statuaires sont de beaucoup supérieurs aux peintres, et parmi les
statuaires il est des hommes d'un rare talent, nous dirions presque
des hommes de génie.
Si nous nous occupons d'abord des architectes, nous conviendrons
que les hommes qui ont bâti les théâtres de Gènes et de Naples, qui
ont achevé le dôme de Milan , restauré la cathédrale de Pise, et qui
à Rome relèvent de ses mines l'église de Saint-Paul-hor^es-Murs,
satisfont à certaines conditions de Tart. Ils ne manquent ni de fécon-
LA PBINTUiUH/EV |A« ^CULffTWffr W ITALIE. M(
dite, ni de scieace;, la.GOQDiv0Wi^approf(mdie des ii9S9oaroeB et de^
secrets du métier Jeur. ^a été tnioam96'tra4iUonQelleiiientvet cepen-
dant ce sont plutôt des ouvriers «saYAfis.<p]e. des génies supérieur^.
$*ils plaisant, c*es|t b>oîos A lasuUmité 4e leorsi cooceptiMS qu'à
d'jûdgéQieuses coiobioBisoQs.et i d'hfsurevx leurs d'adresse qu'il faut
attribuer leur succès* .
Prenons pour exemple la restauratioA ou plutôt la reconstructîoH
de Saint-Pai4-horsHies-Muffs : cîest TouTrage capital du moment.
On sait qjue cette vieîUe basUique,^ dont Constantin avait jeté les
f9ndemens et qu*Sonorius avait achevée, fut détruite par. un incen«-
die, le 25 juillet 1823, la veille de la mort du pape Pie VII. Cent
trente-deiox colonxies soutenaient, non pas la voAte, mais la char-
pente de cèdre qui portait le toit de Téglise. Quatre rangées de vingt
colonnes chacune divisaient la basilique en cinq nefs; les quarante
colonnes de la nef centrale étaient les plus précieuses. Vingt-quatre
de ces colonnes provenaient du mausolée d'Adrien , aujourd'hui châ-
teau Saint-Ange; chacune d'elles était formée d'un seul bloc de
marbre violet d'Afrique. Le malheur a voulu que la charpente en«-
flammée de la toiture, en s'abîmant , ait justement rempli cette aef
du milieu et une partie des nefs latérales. L'ardeur d'un pareil foyer
calcina et fit éclater ces belles colonnes. Celles qui décoraient les
nefs latérales soufrrirent également; la plupart, quoique fendues du
haut en bas, étaient restées debout comme par miracle; l'église
ne présentait plus qu'une masse de ruines, mais l'ensemble de ces
ruines était des plus imposans. On eût pu déblayer l'édifice des
cendres et des débrjs de charpente qui l'encombraient, laisser de-
bout ces colonnes à demi rendues à travers lesquelles on entre-
voyait des pans de murs démantelés et toute la tribune revêtue
de mosaïques gigantesques que l'incendie avait respectées. On aurait
eu ainsi une ruiue chrétienne de l'effet le plus sévère et le plus
grandiose, une digne rivale des ruines païennes de la vieille Rome;
on a mieux aimé tout abattre pour tout reconstruire, la tribune seule
est restée dans son état primitif. Cette réédification d'une église
tout-à-fait inutile et située dans une plaine empestée par le mau-
vais air n'est pas heureuse (1). Les vénérables mosaïques de la
tribune (elles dataient de A40] , légèrement altérées par la flamme,
ont été remises entièrement à neuf, et ont pris une fraîcheur et une
(I) Pendam rété, oo n'y laisse qu'un seul molaepour gardien; cet homme conv-
munie et se ponfc^sse cofone on condamiié à mort. Aaremeot il passe la saison.
sqrtA 40 nwm wwJBmeg^oiijinuoiiit'sarifrpaar dâtraiM r«iickfMi^
haffiW!mî« 4» k'édiSoâ ^ pour lok 6lif cttli phyaioDMMe aistàieel
eMtîrane qui te dfelbigttaît hw oeol tieole^'dMi c^kMMiM éi
loaière Miliqw «ont sem^oé^ft par aalant dt eolovBe» de^^MMiit de
l^mbardie. €iiiVM»te ou soimile di9 ceacolMOM M»t déjà ddfconat»
entre autres les colonnes maîtresses à cbapHeaax diarkiues de ta «ef
ce«ti»te. Ges^oirioanaaoixapent Jl esl f rat, la place desb^^
de l'ancicone hasîlwpie, «Mis eHes le lesfomplacsiil paa. L#fÉI, d^m
gmUe^âtreetpoUd^la vieille, lescbaptlea«xean(MM!breMaiie,d^iMi
trauaU a» peu see, u'auront ni r^léga^ce, ni la légèaelé, ni le M
des fBaebnes antiques ; noua doutotts iDèaae que teurs proportioos
soifQt parféiteroeDl semblables, et pearlaul ckacuBe de ees eotouues
ca4te des aoovMs éwmBes. Les voàtes e» pleki cinipe qu'elles sup>
peiïlesiit swt coastruites de grands Uoos de marbre blanc, comme
dans ranoîeiiédiikoe. Ces voAtea, CMiraol de chapiteaux en chapiteaux,
étatoot une twwitvatieft dans les premiers tenaps du christianisme od
c^le basilique fM construite, et sans doute une innovation rdi-
gie«sa. Vblto cenaptaçait la ligne droite de TentaUement des temples
gnx» ; c'était un premier acheminemenl vers Vogive. Lorsque rou
déèatitt deTunA le pape Léon XII le projet de reeoustruction de la ba-
silique, il fut question de remplacer ees arcs par un entabtement fwt
simple , qui eât été moins dispendieux ; mais les architectes tinrent
boD , et ils eurent raison.
PoiBX|UOt n^nsMls pa» nMmitFé une égale (èmeté lorsqu'on a ré-
solu de f eeouvrir« par des plafoncfe omés de rosaces et de dorure»,
les cinq neis de la hasiliquieV 8i Ton vamlait absohimefit masquer la
nudité des énormes poutres qui supportaient la toiture , et qiri doD«
naient à raueîen édifice quelque chose de si austère et de si reli-
gieinement sodpri>re , pourquoi u\ml-ils pas insisté pour que ces pla-
fouds fussent routés? Ces lambris tout plats , omés de rosace» et de
caissons dorés , diminueront singulièrement la grandeur de l'édifice
et \m donueront Taspeot coquet et mondain des églises des Jésuites
et de âamte-Marie^Majeure ; on peut déjà juger de cet effet parle
plafond de la tribune, qui est achevé. Cette fiiute est capitale , un
architecte de génie ne l'eAt pas commise; un architecte de génie
n*eàt pas, du reste, voulu copier un monument; il en eût construit
un autre d'après ses plans.
Il n'est pas moins vrai que cette église moitié ruine, moitié neuve,
est aiûouid'bui l'uii des mounmeiis les plus curieux de Tltatie.
Conuueeo travaille ieî de tradition, et que la partie technique de
LA PEiHwmm^sMk âçmfWÊm^oi italie. mt
Vêitty^fi&ws^nwyêmây^n un iMl.r8oat4w^aaAincsipi'4l,7« Imîs^ tiè-
de», OA.peat te figu^r qu'on Mdsle à la^ofiraelteade qoelqii/iiDe
ée ce»iiiagfiiQqtteségKsesde'RoDid, da^auiUPierie^ i^kuh-Cmlli,^u
•deâaûit-46an<'4e*i*Lair«n* Voioi^ ee €ô4é les afteUere des chavpaii-
Uetè et des memiiBwrs oà Von InifaâUe les éBomes piMiires de
sapin 401 doiveoi soutenir la toitore «t tes kois sculptés des plafonds;
sow ees 'baugards, les iinouteun et las marbriers «soot à Touvnige;
dans Ton, en scie les marbres et les granits échappés au feu, on
sépare les {parties calcinées et cariées des parties saines qui servi-
ront à lambrisser les autels ou i orner les murailles de pilastres
et de colonnettes; dans itn autre, on polit les marbres sciés ou les
colonnes nouvellement débarquées : ces colonnes -de granit d'un seul
morceau sont extraites des carrières de Baveno sur le lac Mqeur,
non loin des lies Borromées. Du lac, elles passent sur le Naviglio-
Grande, et du Naviglio-Grande dans l'Adriatique; elles font ensuite
le tour de l'Italie méridionale, et remontent le Tibre, sur les rives
duquel on les débarque à deux cents pas de l'église en construction.
Ces colonnes, revêtues de cordes pour éviter les avaries et transpor-
tées sur des rouleaux , renftpNssent des faangards où l'on s'occupe à
les polir. U faut près de trois mois pour polir une seule colonne, et
malheureusement, comme nous l'avons dit tout à l'heure, le ton de
ces granits est d'un gris*bleu un peu cru que le vernis du temps
pourra seul adoucir.
L'atelier des sculpteurs n'est pas le moins curieux ; on 7 termine
plusieurs colosses en marbre blanc de vingt-cinq à trente pieds de
haut, et qui n'ont guère que le mérite de la masse. Là nous avons
été témoins d'un spectacle tout-à^t'ait propre à l'Italie : des galériens
tfavaillaient le marbre sous la direction d'un maitre sculpteur, et le
travaillaient avec talent; mais néanmoins ce n'était là que de la sculp-
ture de décoration. Le gouvernement romain ne peut entreprendre
de si grands travaux qu'en embrigadant un grand nombre de ces
forçats avec les autres ouvriers, qui les accueillent sans répugnance.
Grâce à ce concours, le prix de la main*d'oMivre devient presque nul.
Lors de ma visite à Saint-PauNhors-des^Murs, il y a quelques mois,
trois cents ouvriers environ y étaient employés, et cependant cette
restauration , commencée il y a quinze ans, marche fort lentement;
avant d*ètre achevée, cette église aura vu passer bien des papes.
Quelqu'imparfaits que soient ces travaux , ils ne sont possibles
qu'en Italie, et peut-être à Rome seulement, parce qu'à Rome seu-
lement ils peuvent être en quelque sorte exécutés gratuitement. Ces
et^Mies, en <efrèt,^soiit données par iin souverain (1) , ces marbres
par «n antre. Gens quine peuVetit 'faire don de inatériamx s! prè-
oieux^ootrîlHieQtparAesienvoiS'd^évgént; de sorte que cetédiQce,
qui;, achevé, repréëenterai petit L^fttre une valeur de près de trente
mitticms, iiTen aura > pas eOfitécAfi^ M ^otiitemement romain, et ces
etoq iittHions,<N aàra mis^ciniq^nte ans à les dépenser: Ajoutons en-
ewequron ne ti^ome^qo^à R^me des forçats qui sachent travailler le
marbre, et des sculpteurs etdesarobitebtesqui veufHenthfeh employer
ces forçats, «! vitre en quelque sorte fraternellement avec eux. Re-
marquons enfin que par-delà les Alpes seulement on est encore assez
artiste pour faire une splendide folie de ce genre , et pt'éférer les
plaisirs du goût au raisonnable et à Futile.
En Italie, on est architecte par tradition , et c'est aussi diaprés cer-
taines règles traditionnelles qu'on y taille le marbre. Comparés aux
chapiteaux des colonnes antiques, les chapiteaux des modernes co-
lonnes de Saint-Paul'hors-des-Murs paraissent secs ; les arêtes en
sont aigres et dures, et l'ensemble des omemens manque de moelleux
et de largeur. Comparés aux ouvrages de nos marbriers, ces chapi-
teaux seraient des chefs-d'œuvre, et l'exécution en paraîtrait savante
et irréprochable. Plus heureux que les peintres qui paraissent avoir
oublié jusqu'aux procédés matériels de l'art , et dont la touche est
aussi pauvre et le coloris aussi terne que l'imagination est stérile et
la conception misérable , les statuaires et les sculpteurs italiens ont
du nK)ins gardé la main; ils modèlent le marbre comme d'autres la
cire et l'argile.
Cette habileté pratique, cette adresse à taîtler lé marbre à trompé
beaucoup d'ouvriers de talent qui , du moment qu'ils saVaiéïît copier
une statue, se croyaient statuaires. Ceè copistes, fussent-ils excellens,
eussent-ils même égalé l'original , tf ont droit qu'à une place tout-
à»fait secondaire. — Tout homme qui en suit un autre né peut passer
devant, disait Michel-Ange à Baccio Bandinelli, ce présomptueux
copiste du Laocoon , qui se posait comme son rival.
Mîchel^Ange, esprit supérieur et caustique, s'amusa plus d'une
fols des prétentions de ces habiles tailleurs de marbre. Un jour,
(1) l\ n'est pas jua|[|u>|iébémetrAU, pacha d^Égnta, ^i ii*aii vopihi eoDtrikncr
pour sa part à la réédificalion de la basilique chrétienne; le^ d^ri^ièi>es i)ovvel)ei0 de
Rome noiis apprennent que le pacha vient de faire présent au pape de quatre belles
calotttôsite'tttirbre ttlaae é^plten, destinées k Tun destiàtéfs de'Sàttit-Paul-hors-
LA PEINTIJl)A,^(VLAi9QlIiraDU.Bl| FTAUE. 869
taïuUs qu'il tra?aiUaît aatombaaq dv.pape Inlas H; il enteiidît «es
oavrters qui se inoqpaient ,d-ttn de lf»i]p 'O^mpaeDoiis. Cekd-Hsi.^n
achevant d'éqoarrii: unbloQ 4e.iviarlKie. Abto«t satisfait de la fadiilé
avec laquelle il eo faisait volei; les* éclats 4 ipréteMlait qu'avec un peu
de patiepce il serait tout .aqss^ gcajuA soulpteur qu'^tni autre < que île
seigneur Buon^rotti p.eutHHre.* QmhiiiQSHms de ses camarades
riaient de ses prétentions^ d'autr/ss s'^n Jndigoaîeot « regardaot ses
paroles comme autant de blaspbèipes* .
« Cet honome a raison» dit Micbel-AJDgfi . d'un air fart grave, en
s'approchât de l'ouvrier : je reconnais à; sa maniera de tailler le
marbre » qu'il peut être aussi habile statuaire que moi ; il a besoin
seulement de quelques conseils , et je vais les lui donner. »
En effet, tout en remontant sur ses écbafauds et en se remettant
à l'ouvrage, il crie à l'ouvrier d'enlever tel nHNrceau du bloc de marbre
quHI a entre les mains, de pousser de ce cAté le ciseau à telle profon*
deur, d'arrondir et de creuser telle partie, de laisser teUe autre sail^
lante. L'ouvrier fut conseillé ainsi tout le jour, et le soir, il arriva
que notre manœuvre avait achevé une très belle ébauche.
a Eh bien! vous voyez que cet homme avait raison, dit liiobel«-
Ange à ses ouvriers émerveillés : quelques indications ont sufB pour
développer son talent naturel; maintenant, il peut Caire son oh^
min. x> L'ouvrier se jeta aux pieds du mattre , en s'écriant : a Quelles
obligations ne vous ai-je pas! me voilà donc sculpteur I s» Le lende^
main , il essaja de travailler seul , et il fut bien surpris de voir qu'il
était resté tailleur de pierre comme auparavant.
En Italie , de nos , jwrs, b^ueoup de ces tailleurs de marbre qui
se çroiçnt, de grands sculpt^ur^i, n'pnt pas même reçu les conseils
d'ui^jbomqfç^o g^ie;.ceux qui sortent de ligne et qui, à tort ou à
raison , paraissent plus sûrs de leur fait, ont étudié sous Tborwaldsen
ou Canova« qui^ l'un et l'autre, ont fait école, mais qui« en général,
n'ont laissé que de médiocres élèves. L'école de Ganova cherche le
gracieux, celle de Tborwaldsen l'énergie. Pompeo Mardiesi à Milan «
Bartolini à Florence et Tenerani à Rome, sont les héritiers les filns
directs du talent de ces deux premiers sculpteurs de l'épo^me^ Rnelli^
l'auteur d'un fort joli groupe de V Amour et de Psyché f et d*une statue
de Y Archange Gabriel^ le Florentin Ricci et Baruzzi, de Bologne, le
gracieux seulpteurde Salmacis, ne viennent Qu'après eux.
Pofnpëo Marches!, le contemporain et rimitateur de Canova, vit
aujourd'hui ^i|f son passé* Accablé d'honneurs, de commissioiis et
de travaux de toute espèce, il en prend fort à son aise, ne Irataitle
vrsfesi BMiecicolH (to< Vâcane^ et Ferrarlr, <l^¥eBhe, si^nfeJes'pte»
<)is4tti($«ié8<de qQftjet|O0§*Mttliyleiii«; ed a«fi4>eiit qm chiH|tte année-
penfiMH» les* salt^ dft' iB«64e« iviéM. ^«eQii<eK, Vmaânr éF'Atkitk:
b/.êméy àt O^Hé^ à0 QfpimêBi old'^Hie'IcH^litUe statae-d'iFtTe, prolM^
de dmroMi aa atajtoalfv fe«l; MOMirqiiaMe , ei, tovt'jetiiie qu'il esft,
secmoRto ptml-AlitQ' Mf^ériMiMaii' vlem PMipeo. Eti loi et eo-soii
émule Ferrari repose l'espoir de lASOttlptafeen Itelie« c*est du mojii»
cei^UfBF répilteo^ tws^oeasLqpi ^^foeap&ùiédtt de Veniae à Mlafi.
BartoKfii 06t d^ celle vieiito^ née de «oulpteufs itaNeos damt t»
ciaeiii ffeeoiid a enèé des- années de statues. H se distingue ef> cela
des sculpteurs de l'école inneeliiie , teejoiuns si sobre et si sévère,
Jeaii d» Bologne* esieeflé. Sra atelier est on véritable musée; les
prejels. d& nKHwmenfr, tes* baa^retiefs^, les groupes eC^ les< sletoes à
l'état d^ébauciteft, te»bes-i«Keft« les greupes^et les statues achevés 7
sonleii grand' Qcwlffe^ et ieabiifiitesfi'y comptent parcentoities. Toute»
le» oélébritéft^ eoropéetuies dè^ Tépoqee semblent s'y être donna
rendez-vous; f AHeiftagiie, l'AngleteiTie, la Russie et la France y oot^
d'Hhtttfes Mprésenlans. Lors de le^t isite qm nous lui ffmes, Bertelini
teimieaiten mapbre leabeatoado maréchaMIaîson , de la princesse
Metbfidev, fiHe du foi Jérôme, ée W^^ lïMers , do duc de Sutheriand
et de piiisieora- aeftres peraouiiages de raristocralie anglaise, el il
acbeiiai^ lee ébanebes de biM et de Hf*^ d^ Agent s déjà frappantes, de*
ressemblance*
Bartolini excelle à repeéseoter^de» aftoctiom morales; il {aitsai»-^
toott vivre ses peieoMages par la* pensée. Il s'altaohe aox> moindres
par4ieiriaf ités ipil peonent loi faire eonneitre à fond le caritolère de
rbottffiequi vi-peserde^aotUii, el il' ne se met à> l'ouvrage que lo^a^
qu*U » Mtievé celte preQUài3e< étude morale qtiHI, te^féb comme^
indispensable. Jto>l^ai w entrer à ce sqel dans dies détails siagoHem^
en. apparence fort minntienx, et dont lui seni pettvail comprendre
TiHiPpoilaBce^ b'éiiéonti^des^bnste» de BerloiM est large, facile et
padAitemeot «raiei M saitihiiie la^cbair, ce qee Fampalenî, son rivet
dalteiienGe dMn^la aooiptute 4es bosteo, peratt absolument ignorer*
n yacentpabnes^le il^refiee entre iMttoNni el ienveonCi , et c'est
en«omparant leora^prodiiolioos-cpie Ton ¥oiisur«le-4*Jiamp de cmn--
bien la sculptnve Pe^iporte en Ralie>6ur tepemtuMi Lejeuno^éoolè*
pourrez seule. renelilBe les-cboei» sur le^ pied<d?éga)ilé^ qwnd eHq>e«t
prednit et se.aeoe A»t aoeeptee.
<|oeh|QeiHanee4leiaiD«ibi«uaearfl|Qtaee d»IW>)W*»M dgseoip»
LA PBiNTCHBar ui mxunotm « italib. SU
pOputant»!. LHme d'elles l^ispémuM m tHm$y t été tûpKfè ittMe
Ms tft) marbre et eniyrdnze, et, fioyttMilitte pnr le mmte, km la fén-
emfre dam liauta rfiuMpe. l'iS^N^y^rmii^ m HlMi ite BttitolM «H
igui^ )[iar me jetine Mie à|!eMro)i, leaMMim jointes et les yeux
levés ato ciel. Ii4èe, oenme oniwlt, ti^He*^<|vieiAe féMonlhnifm;
iMis f '«rtîate « rendu air ec «i ^ringvNèr tonlie«ir, tlans ohacotie êés
phriiea de eette Jolie Mtiie, le passage de renfafice à FadolescHeece.
LàfNiae A'aiileiM a maraud c^ariMe deMM paMMé slm^llcHé,4ït
fesLpfesiifon du vrsage est toet-*è4Mit afbgiMiqvie; cm dftfflt une slaMe
de GMievi, lÉaia les fennes e«i sont moAis rendu eie«i titème tetti|)s
Moins ^Mes.
On peut v^ è Parte, dffUs ta dMrlMnieltolleeiMA 4è M. PorMISl,
une autre statue de BartoHni ,^ «erafi la MiMlMre et la pMs gri^-
eleose de ses prodnetiom, ^i les jambes «étaient ^tos correctes : e'est
la atatne d'un jenfie vendangeur. Kartelini a Mm «emi tes défauts
de cette stalne, car fl en «K^ève nue copie dans la<)beUe fl*s*eât ef-
forcé de les corriger, n le donnefaîs tout au niMde pour tfriètMëAk
Mt ph» parfaite <|ue celle de Parts^ noM dit4l. -^ BtpoiN^tioi? «^
iftaurYafre mèlye à M. Poitalè», dMt je ne ^uts pas content. v> Qur a
flu eaMer ee ÉvécoMentemenl ie l'antete? BartoKwi nous Ta laissé
ignorer.
4a omette 4e la Ji^viatt , idestlnée ift Mrvfr de pendaift I cette aflo-
nMe statue de 4i ptine^^ PkmHne^ ^ faite par xtH tMips chavrd, »
comme le disait in^nuenient faimabte priVieesse qaatifd on s'ëtcto-
■«tt'de «à complète nudité, estiiwecBfifre è peu près manqenfte. Ce4te
^statue ^l couchée sur l^n des cdiés, comme celle 4e Canota ; mais
Pdnsembte en ^i$t médiocre et prétefntienx : te iMras levé til d^étc%-
tlMe« le vénlfe est pauwe, ftàsqiae tdt d'une vérité par frop viilgafre ;
c*est'uné fanune qu*nne touche a maSgrie et déformée, et qnf âHnble
«voir faiit te pari de tèmirle plus lu^g^teftips pcESribte le bras leré, le
reAe #a corps étant couché.
Lés bb^fàphes du Barroehe WéUs rt^eontent ^ué ce peintm ne
UMNiqUiA jautttfe de demander lau <noièie qui posflfft devant loi s'HI
se trouvait bien è son aise, l'aisnnce ttri paraisisant f nséparèMe 'de la
giuce. le doute ftxrt que ftafrlxAlni aft; jamafs fMl pareille qoestf^o au
modèle de la 'Junm ^^quî n'aurait pnuanqué de lui répondre : « Cette
hanche sur laquelle tout le corps pose me fait un mal horrible, et y
s^ Tant qiie je tienne une minuté de plus mon bras levé et tendu de
oette façon , Je vais m*évaiiouir. »
' BartoUni'termhiait, en même temps que la /trnon, un grand^Mifi-
2fT^ K ' iCfiVlTE tes DÈijl MONDES. '
beau dont le1^tB-ren«f tiôos A paHi Compliqué et peiï Frappant. Ce-
pendant la tête'd£f reiiftinl Sbtifflrbnt, aux lèvi^s duquel une femme
présentait une» CMpe, bat^ dU^ule la cbup^ de la santé, est à elle
seule un- petit cbeid^<0Uvre. âarfdlini excelle datis ces détails ex-
pressifs. Son exéotttien est puissante,'sa pensée énergique, et cepen-
dant nous ne voyons pas qu7l ait rien produit d*un style bien relevé.
La statue colossale de Napoléon pourrait faire exception parmi les
œuvres de Fartiste* mais ce n*est là qu'un projet : Bartolini attendait
la décision des autorités de fa ville d'Âjaccio pour savoir s*n le met-
trait à exécution. Si cette décision est favorable, qu'il n^oubtie pas
d'étudier d'une manière plus sévère les draperies et de dégrossir les
extrémités inférieures de cette statue, beaucoup ttop carrée par la
base, pour nous servir de Tune des expressions favorites du héros.
Le style de Bartolini est à la fois gracieux et sévère, mais peut-être
un peu lourd. L'artiste a trop souvent oublié cette belle loi des deux
forces que les grands sculpteurs grecs ont si heureusement appliquée
à lensemble du corps humain et à chacune de ses parties : la loi de
la force active, en vertu de laquelle ces parties agissent et se meu-
vent, et la loi de solidité, qu'aujourd'hui nous appellerions de gra-
vité, en vertu de laquelle ces parties posent et sont soutenues. La
première de ces lois conduit à l'élégance et à la légèreté, la seconde
à la force et à la grandeur. Bartolini , quoique cherchant la grâce, ne
semble guère préoccupé que de la loi de solidité ; il l'exagère trop
souvent et arrive à la lourdeur, comme dans son Napoléon^ dans sa
Junon et même dans son Jeune vendangeur, dont les jambes parais-
sent trop fortes, et dont l'attitude n'a pas cette légèreté pétulante et *
joyeuse qui accompagne le comrmencement de Tivresse. ïlUsieurs de'
ses bustes nous ont aussi paru taillés trop en force; éélul de lëi prin-
cesse Mathilde, fille du roi JérAme, par exettiptè. L'ampleur et la
liberté du travail nuisent à la parfaite correction des formés un peu
vulgarisées , et qui ne rappellent que d'une manière fort éloignée la
gracieuse élégance du modèle. V Espérance en Dieu est peut-être la
seule statue de Bartolini qui nous paraisse irréprochable; néanmoins
ce n'est pas encore là du grand style (!].
On a dit que lesr artistes se peignaient dans leurs ouvrages ; appli-
quée à Bartolini , cette remarque ne manquerait pas de justesse.
(1) La lédupMoD du tombeau 4e M. N. de Demidoii; que Baff|«Iint a ewf qyée cette
année à rexposition du Louvre, est un ouvrage d*uji& çj^u^il préçî?M9e, lUMs qui.
ne donne qù*une idée fort imparfaite du talent et de la mai^ière du statuaire fl<;H
LA PEurruiup;, ET,^iV ?Çff^yJV^ ^, itaue. 973
Bartolini est un gros pet,it (iqmiQp d'ijina. Dabve forte el trapue;
ses cheveux rudes comiuenceot I) grisopnec.QMldQit afoir dépassé
la cinquantaine. Sa physiooomiç, comme tout l'ensemble de sa per-
sonne, a plus d'expcessipn que de distinction, Son ϔl est vif et
plein de feu« ses gestes sont brusques et énergiques, et sa tenue
nous a paru singulièrement négligée. A voir dans son atelier ce petit
homme en blouse bleue, le marteau et le ciseau i la main , s'escri-
mant contre un bloc de marbre dont il détache de larges éclats, et
cela tout en causant avec une certaine bonjbomie brusque et parfois
mordante, se plaignant de Tavarice de l'un, de Tinsolence de Tautre,
de la sottise du plus grand nombre, vous diriez un ouvrier spirituel,
et vraiment le sculpteur florentin n'est souvent pas autre chose. Deux
ou trois fois cependant il a été un statuaire de génie.
Tenerani, Télève le plus distingué de Thorwaldsen, a égalé son
maître s'il ne l'a pas surpassé. Le style de ses faciles et gracieuses
productions se rapproche plutôt de la manière de Canova que de
celle du sculpteur suédois. C'est un artiste sans furie; mais s'il n'a pas
la fougue de Bartolini , il en a l'abondance et la merveilleuse adresse.
Tenerani n'a pas non plus les rudes dehors du Florentin. C'est un
homme d'une cinquantaine d'années, d'une taille élevée, de ma-
nières douces, timides même, et à la tenue virgilienne. Il y a du reste,
dans ses compositions , quelque chose du feu contenu et de la sage
abondance qui distinguent les ouvrages de ce prince des poètes ro-
mains. Ses conceptions sont ingénieuses et variées, ses personnages
noblement et naturellement dessinés; leurs altitudes se distinguent
par la vérité et raninuiUon;,les draperies qui les recouvrent sont
d'un grpnd s^le et bien jetées. L'été dernier, lorsque nous visitAmes
ses ateliers de la place Barberini , Tenerani achevait un charmant
bas-relief d'Eudqre et de Cymodocée, commandé par M. de Château*
briand lors de sa prospérité, et dont l'illustre écrivain se proposait,
je crois , de faire hommage à M"' Récamier. Le sculpteur a choisi le
moment où les deux victimes amenées dans l'arène vont être livrées
aux lions. Leur pose est pleine d'abandon, de résignation sainte et
d'exaltation sans emphase. Tout en s'élevant à là haute et virginale
pureté de son sujet, l'artiste a su donner humainement et avec un
rare bonheur, par l'angélique suavité des formes, par l'étreinte
ardente et dernière de ces victimes puriOées , par l'entrelacement
quelque peo profeoe de lears beaux corps à demi nos, une sorte de
soblime amnt-goftt des voluptés célestes auxquelles ces amans mar-
tyrs sont réservés. Dans Tun des angles du bas-relief, an bourreau
Mfv^ la ^nie 4e ^ «a^e ûkf^ taquelte mgis^ètit des Hons prëiSi "à
«VlMi^Mr 1«B victimes, fje toï*^ Se ce boaireaaeAt frit 'honifèir
à Cottevà.
Pûigi(tieiT0Qi$*9endM 4e frrenrender encore une fois le noifi ^^
pof tieS'stétfHrfi'ljHÉoAernes, Mes nous peraiettrons ie tHre ici <|tle
mfi tnfkience m fMt teflacoup trop sentir chez tons les seiitptetifs
lteKeris*de Vépeqne «etnette, même chez cenic qni se pMicefit au pvé--
mier ran^. BaitteHtVi etTenéraifi ma Um dem un taleiftpr^tdîgteM ,
tous deux parais^^M av^ f^ tennaîssance avec la naftore; tncRs ee
n'est {vas toujours ébet^e, €*e^ pitttôt en visMe dans l'ateHet*^
Ganocfa , i^iilts seinbtonll'^avetfr peticof^trée.
On nous a montré, dans l'une des salles do musée de «etAfitore'de
la villa Médicis, tAi admtraÉfle torse, pfovenai<^i do Trente^ daParfbé-
non et atlribué è niîdvas , que M. Ingres n fait mouler. La chafr'de ce
torse est palpitante; tes musclés, modelés par grands lÉféplats, partfiè-
sent mobHes et «e relient auk attaches avec une grandetn* "et tme
aouplesse infinies. Près de ee fragAfient, nons avons vu la sftàrlue à detihi
drapée d%ne femme •cJottcihée, montée comnie ce toirse sur le marVi^
«ntevé tfû même fronton. <}oene fnorbidèsse sirrguKère dans <!es
chairs souples et ^ofndoyanftesl quelle admirable vériCé dans<^ ^sein
^i «e TÉssied ! quelle précision et en même teMps t|tmHe Itfi^èir
4ans ces pHs de 'la tobè si 'aehe^ 0t qui cependant tieidèvaient elfe
^s que d'une ^IMnce^de cinquante piodsl Gesont cesfrédeoimcH--
«eaut et lés marbres gnecs , «tafues et baH^refiefs , 4e 1è villa Albaiii
«que l^école seiMpturale moderne devrait surtout êtodier. M. Bart^ini
et Tenérani aortentde ligne, il est 'vrai, mais Ils ne paraissent phs
cependant s'être assez pénétrés de t»s chefe^'œuvre, 'd^une^ bien
aiitre excellence que 'les produeHons de la stétuatré moderne. l.%s
succès récens et la gidire «ncoï'e présente de Canova ont trop dSn-
fluence sur leur manière de sentir et d^xprime*r, *rop d'empire sur
leur volonté. Cèst un j6ug qu'ils auront peut-être peine à secotiélr,
car, pour l^n et ratitrcilest déjè t^ peu lard.
Ces réflexions ^nt surfout appttcQbles aux grands ^ouvrages ie
Teneranl. Le SOitif ihan coloasal qti'il achève *pour une égKse de
Naples (I ) u*est-îl pas d'un istyte trop cèhne? Et quoique l'ertseuftle
de la stutée ne manque pas^e tidblèsse, cette majesté n'est-^llè pès
(1) L^gKse deSafsC-François-derFatile, cette misérable imitation dcBaint-l^ierre
'aettome, que le feu roi a fait construire sur la place du palais. €*est là, dft*on, qiie
MiK i)iadée»4es'mellH»i<i^ 8tMués«É^lltaWe8'mddérite^^ ettet'écbaiitnkiih ^oMe
LA PKIWiUm VmiM flMiMPtniir BU' ITALIE. 949
utif0B'bMrfeoi»e elfiaf 4pep ddlMHHiBilw? Le» Ihêleafit^ est^pHlMiraiw
gk|ue : c'est une statue seoUe^ t^-cotWHlfinttKftrtiitBta^pe»!* lH^élfr
eboofe trop préoeoupé de lli^ graoe; ^ fbrr^ (te oaresser» soO'nNitfère
el'cVen atMIfe- tes angles^ ila eiiteiii»à'fi9«<BuvM>quel(|ttl^olM>S0 dd'
oeMe rude«e quioenvieiil «a di^ulMiftitem dt» tHigenwa Bu re^
Yanehi^^ sa graode Bes^mle de Qrùi» es^ qb moreeeu' de- premier
oi^reet lepluséiiei^quepeut^ti^fqiii soitaoïU de son aleHer» 0^
diraii'ungrpiipe4e Jeande Belognei aaiê-étudié, séitère et toochank
Gelteheprevnqoa l'éeole deGanoya^ 6le»géAéKel l'éœle moderne^
nWfilirepoar Ies«ngles4 pari d'un prteeipe miseBoaUe; maîs> poossée^
à'Veitréme, elte conduit aux formes londes, gi^pcieuseiiiwt affeo-
téis» ei à la iBelh»se>
Canova a été un statuaire du premier ordre, arrivant surtout à to
suite de la déleatable éeole duBensin. Sa< Fiéntiâ d« palais Pltti», seo
P0fsé0y afiB'LiiMMiivetseeXytfil«#'Seot4'adiiuraMes4Borceaut. L'fidé#
dli'L^lias est ingéiiiewe : le noaUieiireex' envoyé de Séjamn» s'atv*
taebe au nmrbre de l-autel , mais il-est dans les bras^d'Sercuto^ etoeat
bras offrant u» si pi:odigi«UK développement' de ^4^eur> et Vinfei»^
toné qu'ils étueignent est d'une beauté si fMfle, qu'on le voit déjà
tourbilionner sur l'abîme. Thésée wiinqueurd^ oentaum^ le*ehe^
d(eiBvrerd& statuaire vébitien (4)» Ce cbef^d'œuvr» n'^est cependant
pae complet, ba-flgure^dli Thésée nMnque de puissance et d'énei^i
ona>peîne à comprendre que ce combattant vu)geiretriemph»d-aii
srletriblet aditeroaire. Bu pevancbe, le* centaure esl superbe. II*e8tè
dMii.r0overséwsen veutro touobO'la lierre, sa tMetomèe enafrièroi
ses pîed&. agitent eonvulsivementi, et le poison da la douleur court
dMi'eiMiow des muaeies^et'dans^haciindes-oeffe-de sa croupe- Nf^
niiwnteii Ceatle^ntaune miociitd^AQdié^Qhénier :
Vioavlept qiiafinip^aii vain t^écmh ^:Don>)>c^
^ soO( gied 1|9^ 1^ ^ qpî 4oit( é(f)o«aa toi)[^
On assure que Canova , voulant exprimeit tomtes les nuances et lea
dégradations de l'agonie et prendre sur le fait ce passage de la vie à
la mort, fit expirer lentement sous ses yeui^ un beau cheval. La per-
fection de çeUe qfiagnifiqfiç et sipi;uli^re ^tfitfi^ i;epdl c^tt/a anecdote
uuebleii'trlsC^Méedtt reste. La sortoe dè*Miai AugnstMi.leaaiit en maiii sot tivilé
leole exception.
376 B£VIK SIES W^ MÇiqi^BÇi
yraisemblable. Ce centaure ^stbiei|i3apé|rf)çpr,wx lions si yaotéis da
tombeau de Clément xm (JRquqdlçq.),. . i ,,
Ganovardans cea copvo3iMons ,^ div^rse^^ brille surtout CQn(inpe
poète, comme homme de d^eati^ ^t ^piûssaatis imagiQ^tion; mais»
coosidéré sous un autre point de vue e;t coiame réformateurvCanoya»
malgré son immense talent/n*a peut-^tre pas mérité toute Vimpqrr
tance qu'on a vouli;^ iui donper» H a pu , il est vrai « accomplir dans la
sculpture cette révolution que Raphaël Mengs, beaucoup trop décrié
aiûourd'bui, avait tentée. dans la peinture. 11 a refait L'antique, mais
sans grandeur et beaucoup trop joli ; aussi, nous Ta vouerons ^ nous
avons peine à distinguer ses Vénus, ses Nymphes, ses Génies et st^
Grâces mignonnes, des froides et coquettes divinités du Parnasse de
Hengs.
Bartolini et Tenerani sont de l'école de Canova , en ce sens qu'ils
ont suivi tous deux l'exemple de ce maître , qu'ils se sont rapprochés
de Fantique , et qu'ils ont fait l'un et l'autre une étude particulière
des formes nues. On peut dire que ces deux premiers statuaires de
ritalie moderne ont déshabillé les statues que l'Algarde, le Rossi et
le Bernin avaient couvertes de draperies écrasantes, de lourds vête-
mens d'airain contourné ou de marbre volant. Ils ont aussi simplifié
Taltitude et rejeté ces poses forcées que désavoue la nature, et que
le génie seul de Michel- Ange a pu faire absoudre. Ils ont, de plust
renoncé généralement à faire du bas-relief un tableau avec clair**
obscur, perspective fuyante, saillie exagérée et agrandisseipentcalr:
culé de certaines parties destinées à accroître ce qu'cin appelle
l'effet. En un mot, ils sont sagement rentrés dans les,l|n^ite$4e; to
sculpture, qui a pour objet de reproduire les belles) foripes4e la pâture
en les simplifiant pour les idéaliser, et non pas. d'Imiter ae^l^ment
l'aspect des objets, ce qui est surtout du domaine dç la.pelnture ($);
le peintre, en effet, ne peut représenter que l'apparence de la
forme, tandis que le sculpteur reproduit la forme elle-même. Enfin «
Bartolini et Tenerani sont tous deux revenus à la simplicité des
moyens, ce grand art des statuaires antiques.
(1) Ua sculpteur qui veut rendre la couleur et Terfel commet le même contre-sens
que ce peintre ( Giorgione ) qui voulait rendre la forme ^us tous les aspects possi-
bles à Taide d*un seul personnage.
Il peignit un homme nu, vu de dos; une nappe d*eau .limpide s*^ndait devant
lui et réfléchissait le devant de la flgure; une cuirasse, f)*aç|er (>oli g?^ faisait VQi,r le
côté gauche, et un niiroir le côté droit. ;.. - „ . . ■ ■ -
« Très belle imagination, s^écrie Vasari, e| qui prouve qUe la ^inturç a plus de
''/ j)t// .^f/«)i
WASTBK RAUSGir. lÊl9
éedts' IkHBines va* runier et réduire eti' eendre» xsm. fMe de* dbiM
ioille âmes. Ud vaisseau anglais , ayant fait une riche eai^tui^ \ té^
§ngae le poit voiles d^loyéesy et ces voiles sont de soie poorpmv le^
cordages-de fil d'argent, les menus agrès^ de fil d'or. Un fMre ûVitIa
de Raleigh, Humphrey Gilbert, avait depuis long-temps të9é ITune
cte^plus belle» entreprises que l'on pût alors concevoir, la eolbnfsa-
tium de la) Virginie; qui ne portait pas alors ce' nom. Idée à Itf* fbis
fraude, praticable et féconde, qui' nous a donné la pomme de tlnre
«^ te tabac; elle appartieni; à* ce fl^re utérin, conune l'avouent et
ML Tytler et la Revue d'Edimbourg^^ si ardens touteibis à'fhire passer
iur la tète de Walter Raleigh Thonneur des entreprise» contem^
poramesi Ce qui est certain , c'est que , faute de ressources, le pre-^
Hlieij plan de sir Humphrey avait échoué', qu'il vouUit mettre àprofit
tab feveur nouvelle et inattendue de son fiiére Walfer, et que ce deiu
■ièr, non content de lui prêter secours, s'empara du crédit et de Ih
fenommée dus à HUmphrey Gilbert. Ajoutons quMI resta paisible
à la cour pendant que son frère, armé d'une patiente de la reine,
concédée à sir Walter, courait lés mers, essayait de transplanter dans
les savanes, de l'Amérique une colonie rebelle , et luttait à la ft>iB
OMibne les sauvages indigènes et contre son propre équipage. Ce brave
bomme mourut à la peine. Son frère Walter vendit sa patente à une
compagnie de négoeians, qui laissa languir pendant lé resté dû règne
dlËlisabeUi la colonisation virginienne.
Ea Revue d'Edimbourg prouve que Raleigh essaya de secourir et
dfe sauver les débris de ces malheureux colons, jetés cruellement
pCHT leurs concitoyens au milieu des anthropophages, et qui finirent
par êttre massacrés. Mais ce n'était point assez de leur prêter secours:
Aalèigh , colonisateur, devait un autre genre de sacrifice à la gloire
qu'il affectait. L'abandon violent du projet, auquel tenait la vie
des colons, prouvait une légèreté féroce et égoïste, dont la Revue
d^ Edimbourg essaie en vain de fhire un héroïsme éclatant. Quoi !
Walter Raleigh commence par dérober à son frère, victiifne de
^expédition , l'honneur de ce projet ; il ne court aucun risque luî-
rnÉtne; il excite Gilbert à l'accomplissement d'un exploit diflicile,
dent lui, homme de cour, va recueillir les flruitsMés plus lucratifs;
il passe dans le monde et dans l'avenir pour le créateur de l'en-
treprise; il se contente d'obtenir de là reine sa maîtresse « une petite
ancre d'or » pour son frère Gilbert; il lai donne cette petite ancre
d'or, que le pauvre Gilbert suspend à son cou, et lorsque Gilbert
est mort , dévoré par la tempête , lorsqu'on lui apprend que deux
chercher à finir, apprends à ébaucher. — La répliqué du grand artiste
à Vasari, qui se vantait, en lui montrant un de ses tableaux, d'y
avoir mis peu de temps, s'appliquerait avec un égal à propos, aux
prétentions de quelques-uns de ces ouvriers faciles, ^ Cela se voitl
pourrions-nous dire comme lui ; eif effet, cela se voit beaucoup trop.
En France, la décadence de la statuaire s'annonce, comme chez
les Romains et les Grecs, par l'invasion du grotesque; Tapparition
d'une armée de statuettes, où l'iiicorrection le dispute au ridicule et
au mauvais goût, a perverti l'art en le popularisant. En Italie, cette
décadence est amenée par l'abus de la facilité gracieuse et par lé
léché habile. On adopte certaines formes de beauté conventionnelle,
et pour simplifier les lentes études du modelé, on met de côté la na-
ture, et Ton donne à toutes les formes quelque chose de souple et
d'arrondi qui séduit le vulgaire, mais qui s'éloigne autant de Pidéaf
que de la vérité. Enfin on néglige absolument les détails, qui sont
laissés et non cherchés, et qui , selon q^ue Tartiste veut être gracient
ou énergique, semblent faits au moule ou à Temporte-pièce.
, Apelles disait qju'il avait un grand avantage sur Protogène, celiii
de savoir le moment où il fallait quitter son ouvrage. Les statuaires
italiens, qui travaillent le marbre avec une si merveilleuse facilité, né
notus paraissent , eux , préoccupés que d'une seule idée : c'est de
quitter leur ouvrage non pas quand il le faudrait, mais te plus vite
qu'ils peuvent
FkAmIaIC liEftCEV^
r -i'!
factice «le, se i|ffOQti^,s<w,prpj^Mri$mBPff^-.n'ioii'M(S«Ws^i^^ di»,
P^ip.*t --,1 I,. • '■' .f J » J^W M*' '♦Mm h , •i.<«''' •. 1 '!. '1 . '' M :■(' /
lorsque la reine lui con6^j|ip .po9ti¥,4in#^pt <^q^ j'^p^ aq^i
glfW^iUaijSçjutçoftit les 4irpi^sdtt,Bneuj(.d^(CK»to wW)i>e dePortugtl.
IJl était brave. et donna daps^çf^tte^ ocçasjipa plps^.fi'wie preuve de sont
cofT^g!?. Son le^rit, son adr^s^ et^i^ i^loqu^i^CQ taillèrent à la fois
9ji^ .p^rleip^ti dont il $e fit uomDoqr ineiDlKei,0t .dans le preuiier des-
lixre^,qu',il pul|li^. ,Pour la preuiji^e £o^s^ ia prpse .anglaise rejetait
l^a.ep^^y€;s4ç ^ci^ti^que pédantismç ^et de citatioa bavarde dont
Voyaient ,<;bargée les écoles et le moy/enrAge» C'était un récit grave «
aninié, tragique dans sa nudité noâle, du cpnihat soutenu par Failli-
rai GrenviUe, ou plutôt Greenville , monté sur son unique navire,
contre cinquante- cinq vaisseaux espagnols. Deux cents hommes
avaient lutté contre dix mille , un seul vaisseau contre cinquante-
cinq. Enfermé dans un cercle de voiles ennemies, l'amiral du vais-
seau, désemparé , couvert de sang et de blessures , entouré de morts,
n'ayaut plus de Qiunitions, ordonne au maître cauoimier.de faîr^
sauter le navire, a pour ne laisser à l'Espagnol, dit RalQigb,.pa9
m^ipe an débris de gloire, et pas un fragment de triompha, ^ Lfi rq^tet
de l'équipage s'oppose à cette résolution; et Greenville, .mutilé , esjt:
pprt^ à bpicd du vaisseau amiral espagnol ; il y meurt trois jours après.i
On ae,tro|ifv^.dans Ip récit que Raleigh a consacré à cet eiidoib
^cunie, Iface d'affectation, d'ex«gération et de fausse poésie, fi'unr
]^pti(J'ftVtr,<î„ç!eft unq.»in»pl|efté n^erveilleusc, une émotion virile,
up.fi^^P^^ P[ii)gpjOqVi^ 4e l'^pitbètçi et^ de la métaphore, une puissance
dç, s^{^,nuf;,^^||jpp^ ^dney compare au retentissement du clairon^
i^ k jjii^p t^qn^ r ^ifC Édpu Coke, voulant foire de l'éloquence,
ciltajjt Ovi^e^piut^rque, 1q Talmud et Boccace, dans une seule phrase^
iprppos d'iin proqès dont il soutenait l'accusation. Quand on étudie
l'histoire Uttérairq , il fqiut